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Séance du 29 novembre 2005

L’influenza aviaire hautement pathogène ou peste aviaire et le risque pour l’homme

MOTS-CLÉS : grippe aviaire. maladie de la volaille. sous-type h5n1/pathogenicite.. virus a influenza aviaire
Highly pathogenic avian influenza in poultry (fowl plague) ; implications for human health
KEY-WORDS : h5n1 subtype/pthogenicity.. influenza avian. influenza a virus. poultry diseases

Jeanne Brugère-Picoux

Résumé

Depuis 1997 les infections dues au virus influenza aviaires hautement pathogènes (IAHP) ou pestes aviaires touchant les volailles ont présenté plus d’importance en médecine humaine du fait de l’émergence d’un risque de zoonose associé à des cas mortels. Ces infections humaines ont été sporadiques avec les virus IAHP H7N7 et H5N1 en Europe et en Asie respectivement. La persistance de l’infection due au virus H5N1 dans plusieurs pays asiatiques et leur apparition en Europe ont représenté une cause d’inquiétude sur le risque de mutation ou de réassortiment de ces virus influenza avec adaptation à l’espèce humaine, conduisant à une pandémie de grippe humaine. Les oiseaux aquatiques, principaux réservoirs de tous les virus influenza A, ne sont généralement pas sensibles à ces virus. Cependant, depuis 2002, on a pu noter un plus grand nombre d’espèces sensibles au virus IAHP H5N1 asiatique (canards, félidés, Homme). Actuellement, la transmission du virus IAHP H5N1 à des canards domestiques et sauvages de nouveau résistants à ce virus et à des oiseaux terrestres (pigeon, moineau, faucon pèlerin) augmente le risque de propagation géographique du virus. Les infections virales dues aux virus influenza A faiblement pathogènes sont localisées aux tractus respiratoire et digestif et le virus n’est pas retrouvé dans le sang, la viande ou les œufs, comme dans les infections dues aux virus IAHP où l’on observe une virémie. La présence du virus IAHP dans la viande, le sang et les organes internes des poulets et des canards infectés justifie, par mesure de précaution pour la santé publique, de bien cuire la viande et les œufs en Asie pour tuer le virus. Depuis 1955, la France n’a pas déclaré de foyer de peste aviaire.

Summary

Since 1997, high-pathogenicity avian influenza (HPAI) virus infection in poultry ‘‘ avian plague ’’ has emerged as a potential threat to human health, with some fatal cases of bird-to-human transmission. These sporadic infections are caused by H7N7 and H5N1 viruses in Europe and Asia, respectively. The persistence of H5N1 viruses in poultry in several Asian countries, and their appearance in Europe, has raised concerns that the virus might mutate or recombine to create a human pandemic influenza A virus. Wild waterfowl are the natural reservoir of all influenza A viruses, and rarely develop the disease. Since 2002, some H5N1 HPAI viruses have become lethal for waterfowl, cats and humans, indicating an expanding host range. Transmission of H5N1 HPAI viruses from domestic poultry back to resistant domestic and wild ducks and to terrestrial birds (sparrows, pigeons, falcons, etc.) has increased the risk of geographic spread in Asia. These viruses spread through fecal contamination of the environment (particularly groundwater). Low-pathogenicity avian influenza (LPAI) viruses cause localized respiratory and gastrointestinal tract infection and, unlike HPAI viruses, are not detected in blood, muscle or eggs. Detection of HPAI viruses in meat, blood and internal organs of chickens and ducks raises public health concerns and underlines the need to thoroughly cook poultry and eggs consumed in Asia. The last case of HPAI virus infection in France was notified in 1955.

Introduction

Pendant longtemps l’influenza aviaire hautement pathogène (ou peste aviaire) dénommé à tort « grippe aviaire » (une affection localisée au tractus respiratoire n’étant rencontrée qu’avec les virus influenza aviaires faiblement pathogènes) n’a concerné que les acteurs de la filière ‘‘ volailles ’’ (éleveurs et vétérinaires). En effet, cette maladie était considérée comme spécifique aux volailles et n’était pas classée parmi les zoonoses malgré quelques cas suspects de transmission dans la littérature.

Il a fallu l’apparition de la « grippe du poulet » due à un virus influenza H5N1à Hong Kong en 1997 touchant 18 personnes et dont 6 sont décédées pour que l’on évoque pour la première fois un risque avéré de contamination de la poule vers l’homme.

L’émergence de l’épizootie aviaire due au virus H5N1à la fin de l’année 2003 en Asie s’est accompagnée de contaminations humaines exceptionnelles. Ces atteintes humaines survenant juste après l’épisode dramatique du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) ayant tué près de 800 personnes en Asie et au Canada en 2003 ont alarmé l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui redoute depuis plusieurs années une nouvelle pandémie de grippe humaine. L’amalgame était alors facile de considérer que seul le virus influenza H5N1 serait responsable de cette future pandémie.

 

Les virus influenza aviaires

Les virus influenza de type A, les plus fréquemment rencontrés chez l’Homme et les animaux, proviennent du pool des gènes influenza aviaires, hébergés par les oiseaux sauvages (le plus souvent aquatiques) sans que ces derniers soient obligatoirement malades (une seule épizootie a été signalée chez des sternes en 1961 en Afrique du Sud). Classés en sous-types en fonction des caractères antigéniques des glycoprotéines de surface, la neuraminidase (9 sous-types N) et l’hémagglutinine (16 sous-types H), il existe une grande variabilité dans le pouvoir pathogène de ces virus. C’est ainsi que l’on a distingué en 1981, les souches de virus influenza A hautement pathogènes (IAHP) et les virus influenza A faiblement pathogènes (IAFP). Chez les volailles, seuls les sous-types H5 et H7 se sont révélés hautement pathogènes (et responsables d’une peste aviaire). La modification d’un virus IAFP en un virus IAHP est principalement liée à l’insertion d’acides aminés dans le gène de l’hémagglutinine lors d’une mutation. Une étude récente effectuée sur quatre ans dans le nord de l’Europe a montré les souches de virus IAFP hébergées par de nombreux canards colvert ( Anas platyrhynchos) étaient très proches des virus IAHP ayant sévi en Italie en 1999 et en 2003 en Hollande [1]. Ceci explique pourquoi l’Office international des épizooties (OIE) recommande maintenant de déclarer aussi les virus IAFP de type H7 et H5 pour éviter tout risque de mutation vers un virus IAHP.

Les épizooties de peste aviaire dans le monde

Les épizooties de peste aviaire rapportées dans le monde depuis l’identification de ces virus aviaires en 1955 ont été très sporadiques : entre 1955 et 2004, un total de 25 épizooties de peste aviaire a été enregistré principalement chez le poulet et la dinde alors qu’une seule a été déclarée chez des oiseaux sauvages [2]. La France n’a jamais été touchée. De 1959 à 1999, près de 23 millions d’oiseaux ont été concernés pour toutes ces épizooties ayant sévi sur 40 ans alors que, depuis 1999, on a pu observer des épizooties meurtrières et plus fréquentes où plus de 200 millions d’oiseaux ont été éliminés en cinq ans. En Europe, il y a eu des épizooties italiennes et hollandaise.

L’Italie a connu plusieurs épizooties : la première, en 1997, était due à un virus H5N2. La seconde, due à un virus H7N1 en 1999, fut plus meurtrière avec près de 14 millions d’oiseaux abattus. L’épizootie hollandaise de 2003, due à un virus H7N7, fut également très meurtrière avec 30 millions d’oiseaux morts ou abattus (soit le tiers de la population des volailles hollandaises), avec la contamination la même année de la Belgique (8 foyers) et de l’Allemagne (1 foyer).

L’épizootie de peste aviaire qui a enflammé le sud-est asiatique a vraisemblablement débuté en Chine puis a touché la Thaïlande. Ces deux pays, principaux exportateurs de volailles, ont contaminé les autres pays du Sud Est-asiatique en 2003 à la suite d’échanges commerciaux. Les oiseaux migrateurs ont souvent été incriminés pour expliquer la propagation du virus à partir de juillet 2005 vers la Mongolie, le

Kazakhstan, puis la Russie jusqu’à la Roumanie la Turquie, la Croatie et l’Ukraine.

Bien que le rôle des oiseaux migrateurs ne soit pas toujours prouvé 1, l’Union Européenne a recommandé par mesure de précaution le confinement des élevages « plein air » en octobre 2005. Un autre risque difficile à estimer mais non négligeable concerne l’importation frauduleuse des oiseaux de compagnie à partir de pays contaminés. La première alerte eut lieu à l’aéroport de Bruxelles en Belgique avec la détection du virus IAHP H5N1 asiatique chez deux aigles ( Spizaetus nipalis ) apparemment sains importés illégalement de Thaïlande en octobre 2004. Cependant l’autopsie de ces aigles permit d’observer une entérite chez les deux oiseaux associée chez l’un d’entre eux à une pneumonie [3]. Le second cas de contamination d’oiseaux de compagnie a concerné des canaris morts en quarantaine au RoyaumeUni (avec isolement du virus H5N1). Ces canaris provenaient à priori de Taiwan en octobre 2005 alors que ce pays n’a été atteint que par un virus IAHP H5N2. En fait cet exemple montre surtout la difficulté de connaître la traçabilité des oiseaux lors d’échanges commerciaux. Cet épisode britannique a d’ailleurs justifié un renforcement des mesures d’importation des oiseaux de compagnie en Europe.

L’épizootie asiatique provient en fait d’un virus isolé en Chine en 1996 chez l’oie [4] qui a été à l’origine des 6 décès humains à Hong Kong en 1997 et déjà de l’annonce d’un risque d’une pandémie grippale pour l’Homme [5]. Puis il a subi un réassortiment viral avec un virus de la caille et un virus de la sarcelle [6], devenant pathogène pour les oiseaux sauvages dont le canard en 2002 [7]. Le risque pour l’Homme n’a pas pour autant disparu à Hong Kong car deux autres cas mortels ont été signalés en février 2003 [8]. L’évolution permanente du virus IAHP de sous-type H5N1 et la pérennisation de l’infection dans les pays asiatiques a permis l’observation d’une réversion du pouvoir pathogène pour le canard (celui-ci peut héberger le virus IAHP H5N1 sans y être sensible alors que ce virus demeure hautement pathogène pour le poulet) [9]. Par ailleurs, ce virus est également retrouvé en Chine chez des oiseaux terrestres comme le pigeon ( Columba livia ), le moineau friquet ( Passer montanus ) et le faucon pèlerin (

Falco peregrinus ) [10] tout en restant pathogène pour le poulet et non pour le canard [11]. Le canard domestique devient le ‘‘ cheval de Troie ’’ favorisant le maintien de l’infection en Asie [12].

Transmission du virus IAHP H5N1

Alors que les virus IAHP de la peste aviaire ont été longtemps considérés comme spécifiques aux volailles, des cas de contamination humaine ont été rapportés, en particulier avec le virus H5N1 sévissant en Asie depuis 2003. D’autres espèces comme les félidés se sont révélés également sensibles dans les conditions naturelles pour les tigres et les léopards d’un zoo thaïlandais [13, 14] et dans des conditions expérimentales pour le chat [15].

1. En France, ce risque avait été considéré comme très faible par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa).

 

A la différence de l’Homme où la transmission des virus influenza s’effectue par la voie respiratoire, la maladie aviaire résulte essentiellement chez les oiseaux d’une contamination par ingestion de matières fécales contaminées. Les fèces sont des sources importantes de virus pouvant contenir jusqu’à 107 particules infectieuses par gramme [16]. Les eaux contaminées (étangs, lacs ou eaux de boisson) représentent le risque principal de contamination par les oiseaux sauvages.

Aspects cliniques de l’infection due aux virus influenza aviaires chez les volailles

Symptômes

Les symptômes apparaissent après un temps d’incubation variant de quelques heures à 14 jours selon la souche virale et l’espèce atteinte. Il seront très différents selon le pathotype du virus influenza (IAFP ou IAHP), l’espèce atteinte, l’âge, l’immunité acquise, le risque de surinfections et les facteurs d’environnement (la maladie diffuse plus facilement parmi les oiseaux sur parquet par comparaison avec les poules en cage de ponte).

Influenza aviaire faiblement pathogène

En règle générale, les infections dues à des virus IAFP sont asymptomatiques chez les oiseaux « réservoirs ». Chez les volailles domestiques, l’atteinte du tractus respiratoire se traduit par des signes fonctionnels parfois sévères (toux, râles, jetage, larmoiement). Il s’agit d’une évolution aiguë ne s’accompagnant pas d’un amaigrissement. Celui-ci sera observé lors d’une évolution chronique, due aux surinfections secondaires avec une sinusite et l’aggravation des troubles respiratoires pouvant provoquer un taux de mortalité de 40 à 70 %.

Influenza aviaire hautement pathogène

Chez les oiseaux domestiques, notamment les galliformes, le premier signe d’alerte permettant de suspecter l’infection due au virus influenza hautement pathogène sera le taux de mortalité fulminant et excessif, proche de 100 %, avec des morts subites sans symptômes préalables.

Lorsque la maladie est moins fulminante et que l’on peut observer des symptômes sur 3 à 7 jours, les oiseaux présentent des signes nerveux (ataxie, tremblements de la tête et du cou, décubitus, torticolis, opisthotonos et autres postures anormales), une apathie (caractérisée par une diminution de l’activité et des bruits vocaux causés par les oiseaux lorsque l’on visite l’élevage), une diminution très nette de la consommation, une baisse du taux de ponte devenant nul en 6 jours. Les symptômes respiratoires (râles, toux, jetage, sinusite) seront moins importants par comparaison avec l’influenza aviaire faiblement pathogène. Du fait du caractère pantrope du virus causant une virémie, on peut noter des signes cutanés (œdème, congestion voire hémorragies puis nécrose au niveau de la crête, des barbillons et des pattes).

 

Selon l’âge des animaux et le type de virus en cause, le taux de mortalité peut varier de 50 à 100 %, les jeunes étant les plus sensibles.

Lésions

La localisation et la sévérité des lésions sont extrêmement variables. Le tableau clinique dramatique comportant des lésions d’œdème, de septicémie et de nécrose touchant les différents tissus est relativement exceptionnel car correspondant au pic de l’épizootie due à un virus IAHP. Il est même possible de constater l’absence de lésions lors d’une mort brutale sans signes cliniques précurseurs.

Dans le cas d’un influenza faiblement pathogène, les lésions seront le plus souvent la conséquence d’une surinfection bactérienne par Pasteurella multocida ou Escherichia coli .

 

Diagnostic

Diagnostic clinique différentiel

Dans le cas d’un influenza aviaire faiblement pathogène, le diagnostic différentiel concerne surtout les maladies respiratoires.

S’il s’agit d’un virus influenza hautement pathogène, le diagnostic différentiel concerne en premier lieu la forme vélogène de la maladie de Newcastle qui lui ressemble d’où son nom de pseudopeste aviaire ou les autres affections responsables de mortalité importante et brutale dans les élevages. Les causes de mortalité touchant plus particulièrement un groupe d’oiseaux sauvages en même temps seront le botulisme et les intoxications (saturnisme, pesticides…).

Diagnostic de laboratoire

La grande variabilité des symptômes et les lésions non spécifiques rencontrées dans la peste aviaire démontrent surtout les difficultés du diagnostic clinique de cette affection et la nécessité de recourir au laboratoire de diagnostic pour confirmer une suspicion dans les plus brefs délais pour éviter de retarder la mise en œuvre des moyens permettant « d’étouffer dans l’œuf » la maladie.

 

Méthodes de lutte contre les virus influenza

En l’absence de traitement, les mesures de biosécurité sont essentielles pour éviter :

— la propagation d’un virus influenza hautement pathogène : la maladie est soumise à une déclaration obligatoire et les mesures sanitaires sont celles relati- ves aux maladies contagieuses (avec une zone de séquestration et des zones de protection et de surveillance respectivement de 3 km et de 10 km au minimum autour de la précédente) — ou l’apparition d’une mutation chez des oiseaux porteurs d’un virus faiblement pathogène de sous-type H5 ou H7.

Mesures de biosécurité

En France où nous ne connaissons pas la peste aviaire, il importe de l’éviter mais la survenue d’une telle maladie est imprévisible.

Actuellement nous sommes concernés par deux types de risque : celui du virus IAHP H5N1 asiatique et celui d’un autre virus IAFP H7 ou H5 qui nous serait apporté par des oiseaux sauvages, contaminant soit directement des élevages de poules, de dindes, de pintades… soit indirectement via les élevages d’oiseaux réceptifs à ces virus IAFP (canards , oies) et pouvant servir de réservoirs potentiels contaminer les autres espèces aviaires domestiques.

Risque lié au virus IAHP H5N1

Le risque lié au virus H5N1 semble s’être éloigné avec la fin des migrations vers le Moyen Orient et vers l’Afrique à l’arrivée de l’hiver 2005. Il reste l’hypothèse d’un retour des oiseaux migrateurs qui reviendront au printemps 2006 après avoir échangé leurs virus respectifs. Mais la sensibilité du virus à la chaleur nous permettent d’espérer que cela ne sera pas le cas. L’autre risque concerne une contamination progressive de ce virus vers l’Ouest à partir des derniers pays européens atteints n’ayant pas encore éradiqué la maladie sur le territoire.

Risque lié aux virus IAFP de sous-type H5 et H7

Il encore plus difficile de prédire si, dans un pays n’ayant pas connu de peste aviaire depuis 50 ans, celle-ci pourrait survenir par mutation d’un virus IAFP H5 ou H7.

On ne peut pas exclure ce risque puisque la peste aviaire a été observée récemment dans deux pays européens comme l’Italie et la Hollande.

Prophylaxie médicale

Pendant longtemps la vaccination contre l’influenza aviaire a été considérée comme un constat d’échec réservé aux pays en voie de développement incapables de maîtriser une peste aviaire par l’application stricte des mesures de prophylaxie sanitaire. Ainsi certains pays ont montré la nécessité d’avoir recours à la vaccination pour limiter la progression d’un virus IAHP (Mexique, Italie). Cependant, le recours à la vaccination était aussi connu dans les élevages atteints par des virus influenza faiblement pathogènes dans des pays développés pour éviter les complications liées aux surinfections.

 

En France, la position officielle est de ne pas vacciner les volailles domestiques contre l’influenza aviaire. Cependant, les problèmes rencontrés par la mise en évidence de virus IAFP de sous-type H5 et H7 qui doivent être soumis à déclaration du fait de leur pouvoir pathogène potentiel pourraient justifier une vaccination des animaux ‘‘ réservoirs ’’ réceptifs à tout virus influenza comme les oies et les canards domestiques.

Risque lié à l’épizootie asiatique due au virus IAHP H5N1 pour l’Homme

Risque d’apparition d’une pandémique de grippe humaine

Le virus H5N1 asiatique a été pour beaucoup de scientifiques le candidat de la future pandémie de grippe humaine du fait de la circulation permanente de ce virus en Asie d’où sont parties les deux dernières pandémies. Deux hypothèses sont possibles dans ce cas. En premier lieu pourrait s’agir d’une modification du virus aviaire à la suite de mutations lui permettant une adaptation à l’espèce humaine, comme cela s’est produit avec le virus H1N1 qui fut exceptionnellement virulent en 1918 [17, 18]. L’autre hypothèse est celle d’un réassortiment viral chez le porc (cas des deux dernières pandémies de 1957 et 1968). Ferguson et al [19] ont tenté d’évaluer le risque d’une pandémie due au virus H5N1 par réassortiment viral :

selon leurs calculs en mai 2004, il faudrait 45 ou 600 cas humains pour qu’il y ait 5 % ou 50 % de chance de réassortiment respectivement.

Risque alimentaire et virus influenza aviaire

Virus influenza aviaire faiblement pathogène

Du fait de l’absence de virémie avec les virus influenza aviaires faiblement pathogè- nes, toutes les recherches concernant ces virus dans les tissus et les produits aviaires se sont révélées négatives, démontrant l’absence de ces virus dans les produits alimentaires (viandes et œufs) [20, 21].

Virus influenza aviaire hautement pathogène

En Asie

Bien qu’il n’y ait pas eu de cas avéré de contamination alimentaire par un virus influenza aviaire, en particulier chez les asiatiques subissant depuis deux ans le virus H5N1 hautement pathogène, il est recommandé, par mesure de précaution, de cuire ‘‘ à cœur ’’ tous les aliments d’origine aviaire (œufs cuits durs, viande non rosée). En effet, du fait de la virémie observée dans la peste aviaire, le virus IAHP est présent dans la viande, le sang, les organes internes et les œufs [20, 21, 22].

En ce qui concerne les ovoproduits pasteurisés selon les normes industrielles (œuf entier homogénéisé, blanc d’œuf liquide, jaune d’œuf en solution saline à 10 %, blanc d’œuf lyophilisé), seule la pasteurisation basse utilisée pour le blanc d’œuf lyophilisé (54,4° C pendant 7 à 10 jours) n’offre pas une marge de sécurité suffisante pour les virus IAHP [20].

Dans les autres pays

Comme toute transaction commerciale est interdite pour les produits avicoles des pays ayant déclaré la peste aviaire (même les plumes sont interdites du fait d’un risque de souillure par les fientes) le seul risque que l’on peut craindre est celui de l’apparition d’une épizootie. Or, dans un pays comme la France, l’arrêté d’infection immédiatement pris dès la découverte du foyer interdit tout commerce des volailles et de leurs produits, garantissant ainsi au consommateur l’absence de virus influenza hautement pathogène dans la chaîne alimentaire. Il n’y a donc pas de risque de trouver un virus influenza hautement pathogène dans des produits d’origine aviaire peu cuits dans notre pays.

Conclusion

La propagation du virus IAHP H5N1 en Asie depuis quelques années démontre que nous ne sommes jamais à l’abri d’une réelle catastrophe en médecine vétérinaire. Si l’on compare les chiffres, les conséquences économiques sont évidentes dans le domaine aviaire. La présence du virus hautement pathogène sous une forme asymptomatique chez des espèces réservoirs, comme les oiseaux terrestres ou chez certains oiseaux sauvages, représente un danger de pérennité de l’infection : ceci justifie le renforcement des moyens à mettre en œuvre pour lutter enfin efficacement contre cette affection aviaire. Si la France n’a pas eu de peste aviaire depuis 50 ans, elle n’est pas à l’abri puisque des États voisins (Italie, Hollande) ont été atteints il y a quelques années. La mutation d’un virus IAFP vers un virus IAHP peut être considérée comme un accident qui, de ce fait, sera toujours imprévisible. Une surveillance stricte des troupeaux, des oiseaux migrateurs s’impose et il est impératif de prévoir les moyens permettant de juguler rapidement un éventuel foyer.

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* Membre de l’Académie nationale de médecine — Ecole nationale vétérinaire d’Alfort — 7 avenue du Général de Gaulle, 94704 Maisons-Alfort Cédex. France. Tirés à part : Professeur Jeanne BRUGERE-PICOUX à l’adresse ci-dessus. Article reçu et accepté le 28 novembre 2005.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 8, 1817-1826, séance du 29 novembre 2005