Résumé
La cardiotoxicité de l’halofantrine qui avait suscité de nombreux débats lors de la précé- dente décennie concerne les autres antipaludiques majeurs (quinine, méfloquine) mais aussi les nouvelles molécules mises récemment sur le marché vis-à-vis desquelles nous manquons de recul. Une meilleure connaissance du mode d’action de ces agents sur la cellule myocardique et plus particulièrement sur la repolarisation ventriculaire nous permet de mieux comprendre leur cardiotoxicité potentielle. Les méthodes d’étude de la dispersion du QT et de la dynamique du QT sont sur ce point des avancées majeures pour mieux identifier les sujets ayant un risque de développer une arythmie ventriculaire d’origine médicamenteuse. A l’échelon cellulaire plusieurs antipaludiques majeurs bloqueraient les canaux potassiques dont le fonctionnement est, pour certains, régulé par les gènes LQT1 et HERG déjà incriminés dans le syndrome du QT long congénital. A la lueur des mécanismes impliqués dans la cardiotoxicicité des antipaludiques nous proposons de nouvelles recommandations d’utilisation de ces médicaments dans le traitement du paludisme.
Summary
The cardiotoxicity of halofantrine was a major concern during the past decade. Other old antimalarials (quinine, mefloquine, etc.) and more recent drugs may carry a similar risk. Studies of ventricular repolarization and myocardial cells can throw light on these adverse effects. Studies of QT dispersion measured on the surface electrocardiogram and of QT dynamicity and variability (QT/RR slope) during long-term Holter recording help to identify patients at risk of drug-induced ventricular arrhythmia. Such electrocardiographic investigations have shown that quinine, mefloquine and artemisinin derivatives do not alter ventricular repolarization. In contrast, halofantrine significantly increases QT dispersion and the QT regression slope. At the cellular level, most major antimalarial drugs inhibit potassium channels, which are regulated by the LQT1 and HERG genes responsible for the congenital long-QT syndrome. We propose new recommendations for the use of these drugs in the treatment and prevention of malaria.
Lors de la précédente décennie, la communauté scientifique a été surprise par de nombreuses publications l’alertant sur les effets cardiotoxiques des antipaludiques de synthèse. Ces molécules largement distribuées sur les marchés tropicaux et utilisées souvent sans discernement par le voyageur étaient susceptibles pour certaines d’entre elles d’induire des troubles rythmiques graves et des morts subites [1, 3].
L’halofantrine avait été la première incriminée, mais la quinine et la méfloquine respectivement prescrite dans le traitement curatif et prophylactique du paludisme chloroquino-résistant étaient à un degré moindre également concernées. Le potentiel pro-arythmique de ces médications n’était pas sans conséquences pour plusieurs raisons. La première, est que les fabricants et le monde médical ont longtemps ignoré ce risque qui n’était pas signalé dans les fiches de transparence. La seconde, est qu’il n’existait aucune recommandation ou précaution d’emploi chez le sujet âgé ou chez le patient porteur d’une affection cardiovasculaire. La dernière, tient à la délivrance sans discernement de ces molécules dans le traitement présomptif de première ligne de l’accès fébrile du voyageur. Toutes ces raisons nous ont conduit à rappeler les effets cardio-vasculaires des antipaludiques, leur mode d’action sur la cellule myocardique, plus précisément sur la repolarisation ventriculaire et de proposer de meilleures règles d’utilisation de ces médicaments dans la prise en charge thérapeutique du paludisme.
LES EFFETS CARDIO — VASCULAIRES DES ANTIPALUDIQUES
Les amino-4-quinoléines
La chloroquine exerce son action schizonticide par une alcalinisation de la vacuole nutritive acide des plasmodies. Aux doses thérapeutiques orales préconisées dans le traitement du paludisme, elle entraîne parfois un aplatissement de l’onde T et ou un allongement de l’intervalle QT corrigé (QTc) de l’électrocardiogramme. Celui-ci est susceptible de se majorer après plusieurs jours de traitement. Toutefois ces anomalies de la repolarisation qui sont dose-dépendantes n’ont pas de conséquences cliniques. Elles régressent habituellement rapidement à l’arrêt du traitement [4]. Plus rarement, la chloroquine a pu être la cause de cardiomyopathies hypertrophiques ou
restrictives compliquées d’insuffisance cardiaque [5]. Celles-ci sont survenues le plus souvent chez des patients porteurs de rhumatismes inflammatoires, d’affections dermatologiques ou de connectivites. Elles ont été exceptionnellement rapportées lors des chimioprophylaxies antipalustres prolongées. L’évolution de ces cardiomyopathies a été, dans quelques observations, émaillée de troubles du rythme ventriculaire et ou de blocs conductifs intraventriculaires nécessitant une stimulation cardiaque définitive. Au cours des intoxications aiguës à la chloroquine, des complications cardio-vasculaires graves sont habituelles. Les doses toxiques définies chez l’adulte sont de 2 grammes et les doses létales de 2,5 grammes. Dans cette situation, l’allongement de l’intervalle QTc est constant. Il s’accompagne rapidement d’arythmies ventriculaires (torsades de pointes et tachycardie ventriculaires) et de troubles conductifs graves précessifs d’un choc cardiogénique engageant le pronostic vital.
L’amodiaquine , retirée du commerce selon les recommandations européennes et américaines pour sa toxicité médullaire et hépatique, est encore largement délivrée dans les régions d’endémie palustre d’Afrique subsaharienne. Sa parenté chimique avec la chloroquine la prédispose aux mêmes complications.
Les aryl aminoalcools
Cette classe thérapeutique regroupe la quinine, l’halofantrine et la méfloquine. Elles ont toutes ont en commun un noyau aromatique, un radical azoté (N) et une chaîne alcool (CHOH).
La quinine qui est l’antipaludique de référence dans le traitement des formes graves du paludisme à
P.falciparum (P.f) entraîne une modification du métabolisme de l’hématie parasitée et une rupture des membranes parasitaires. Sa toxicité est dose-dépendante et commence à apparaître avec des taux sériques supérieurs à 15mg/l. Comme tous les alcaloïdes du quinquina, la quinine est un agent inotrope négatif et un vasodilatateur périphérique doué d’un action alpha bloquante. Son action sur la cellule myocardique est bien démontrée. Aux doses thérapeutiques préconisées dans le paludisme grave, elle entraîne dans plus de 60 % des cas un allongement de plus de 5 % de l’intervalle QTc [6]. Cette action sur la repolarisation ventriculaire peut être initiatrice de troubles du rythme ventriculaires graves surtout lors des intoxications à la quinine ou après administration en bolus intraveineux sans dilution préalable du produit. De telles complications surviennent surtout lorsqu’il existe un allongement préalable de l’intervalle QT de l’électrocardiogramme. C’est le cas en particulier, chez les patients ayant un syndrome du QT long congénital (syndrome de Romano-Ward) ou suivant au préalable un traitement susceptible d’allonger l’intervalle QT. La quinine a ainsi induit des torsades de pointes chez des patients suivant un traitement par l’astémizole * [7]. Les anomalies * Astémizole (Hismanal)
de la repolarisation induites par la quinine favorisent les troubles conductifs et les réentrées intra-cellulaires, point de départ d’arythmies ventriculaires graves. Il convient toutefois de rappeler que ces complications ont toujours été la conséquence d’intoxications volontaires ou d’erreurs de prescription. A contrario , la quinine comme la quinidine a des propriétés antiarythmiques lorsqu’elle est prescrite à faibles doses (< 1 gramme). Elle élève le seuil de fibrillation ventriculaire chez le chat et diminue l’effet pro-arythmique des digitaliques sur le modèle animal.
L’halofantrine. Ce phénanthréne-méthanol largement prescrit lors de la précédente décennie, avait l’avantage d’être efficace sur les souches chloroquino-résistantes et de présenter par rapport à la méfloquine une remarquable tolérance. Son emploi dans le traitement des accès palustres a été remis en cause dès 1993 à la suite des publications de Nosten et al. soulevant la toxicité cardiaque potentielle de cette molécule [1]. Depuis, plusieurs observations de torsades de pointes et de morts subites par fibrillation ventriculaire ont été rapportées [2, 3]. Celles- ci survenaient quelques heures après la délivrance du médicament chez des patients traités pour un accès simple. On retrouvait chez quelques patients un syndrome du QT long congénital. En revanche, chez d’autres, il n’existait aucun passé cardiologique documenté ni d’allongement préexistant de l’espace QTc. Un travail avait montré que l’halofantrine pouvait aussi induire des potentiels tardifs ventriculaires (PTV) détectés grâce à la technique d’amplification-moyennage de l’électrocardiogramme.
Ceux-ci étaient observés quelques jours après la première cure thérapeutique et leur apparition était significativement corrélée aux taux sériques de l’halofantrine et de son dérive N-desbutylé [8]. L’apparition des PTV est dans le post infarctus et chez les patients suivant un traitement antiarythmique le témoin de blocs cellulaires unidirectionnels. Leur présence constitue un marqueur prédictif d’arythmies ventriculaires graves.
La méfloquine est une 4-quinoléine-méthanol, de structure chimique proche de celle de la quinine. Elle occasionne de fréquents troubles digestifs et neurosensoriels lors des traitements curatifs et préventifs. En revanche, la survenue d’effets délétères cardiovasculaires est plus rare. Une bradycardie sinusale et un allongement modéré de l’intervalle QT peuvent être parfois observés sans conséquence clinique documentée [9,10]. Lors du traitement de l’accès palustre simple, l’administration de méfloquine majorerait le risque d’hypotension orthostatique mais n’aurait aucun effet sur les intervalles PR, QRS et QTc. Elle a pu dans de rares observations induire des arythmies auriculaires à type de flutter [11].
Les autres classes d’antipaludiques
Les antifolates , classe dans laquelle on retrouve la pyriméthamine, les cyclines et le proguanil n’induisent aucune complication cardiaque aux posologies préconisées.
Dans ce groupe, l’association combinée de la chloroquine et du proguanil actuellement recommandée en chimioprophylaxie du paludisme n’a jamais induit d’effets
délétères cardiaques. Les seuls effets indésirables rapportés sont des troubles digestifs et des aphtes buccaux dans moins de 20 % des cas.
En revanche, on ne dispose que de peu de données sur la toxicité potentielle de l’artémisinine et de ses dérivés (artémether, artésunate). Les études animales ont montré une neurotoxicité chez le rat, mais aucun effet délétère cardiaque n’a été pour le moment rapporté chez l’homme. Une bradycardie sinusale et un allongement de l’intervalle QT ont été parfois observés. Ces anomalies sont modérées et transitoires et il est difficile de les rattacher formellement à un effet drogue en l’absence de connaissance de l’ionogramme de ces patients. Il en est de même lors du paludisme grave ou aucune anomalie significative de l’ECG n’a été constatée [12].
Une meilleure connaissance du plasmodium et de son comportement au sein de la cellule parasitée ont permis d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques et de découvrir l’activité antiplasmodiale de molécules utilisées dans d’autres affections.
C’est le cas des nouvelles associations qui ont été mises sur le marché au cours des dernières années. Elles ont l’avantage d’avoir des cibles cellulaires différentes et une synergie d’action. L’association atovaquone-proguanil (malarone®) et artemetherlumefantrine (coartem®) sont les plus récentes. La première n’a jusqu’ici entraîné aucune toxicité cardiaque malgré la notion d’effets adverses immuno-allergique (prurit, choc anaphylactique). La seconde est une association orale de deux principes actifs, l’artémether et le lumefantrine dont la structure chimique est proche de l’halofantrine. Les différents essais cliniques réalisés avec cette combinaison n’ont jamais mis en évidence d’effets délétères cardiaques graves. Un allongement modéré de l’intervalle QTc a été observé dans quelques observations isolées. Celui-ci est survenu chaque fois soit sous un protocole comportant de fortes doses, soit dans un contexte de déshydratation ou d’hypokaliémie préalable [13].
MÉCANISMES IMPLIQUÉS DANS LA CARDIOTOXICITÉ DES ANTIPALUDIQUES
La chloroquine aux doses thérapeutiques a l’avantage de diminuer la durée des potentiels d’action cellulaire et d’augmenter la période réfractaire effective. A ce titre, elle possède les mêmes caractéristiques que les antiarythmiques de la classe Ib de Vaughan-Williams à laquelle appartient la lidocaïne (xylocaïne®). En revanche, à des posologies toxiques, elle bloque l’entrée du calcium dans la cellule et allonge la durée du potentiel d’action et de la période réfractaire. Ces propriétés expliquent la diminution de la contractilité myocardique et l’allongement de l’intervalle QT constamment observés lors des intoxications aiguës. De tels effets cellulaires sont similaires à ceux observés avec les antiarythmiques de la classe Ic de VaughanWilliams dont font partie le flécaïnide, la cibenzoline et le propafénone. Toutes ces molécules sont connues pour leur potentiel proarythmique particulièrement marqué lorsque la contractilité du myocarde est réduite.
Le mode d’action sur la cellule myocardique des différents aryl-aminoalcools dont font partie la quinine, l’halofantrine et la méfloquine est plus complexe. On a longtemps pensé du fait de leur parenté structurale (noyau aromatique, radical azoté, groupement alcool) qu’ils avaient un mode d’action de type « quinidine like ». En fait, grâce aux nouvelles méthodes d’approche de la repolarisation ventriculaire (mesure de la dispersion de l’intervalle QT, étude de sa dynamique nycthémérale) cette théorie n’est plus retenue.
Il est reconnu que la dispersion de la repolarisation ventriculaire est le principal responsable des arythmies ventriculaires malignes. Elle traduit une inhomogénéité de la repolarisation ventriculaire et est facilement obtenue par la différence entre la valeur maximale et minimale de l’intervalle QT, mesurée sur les différentes dérivations d’un électrocardiogramme de surface. Cette méthode d’étude qui permet d’évaluer le potentiel pro-arythmique d’un médicament a été appliquée aux antipaludéens. Elle a montré que les valeurs de la dispersion de l’intervalle QT corrigé (D-QTc) étaient après un traitement par méfloquine ou artemether toujours en deçà de 80 ms, seuil, considéré par la plupart des auteurs comme pathologique [14, 15].
En revanche, lors d’un traitement par la quinine une augmentation modérée de la D-QTc était observée. Chez les patients traités par l’halofantrine, celle-ci était très augmentée avec dans plus de 30 % des cas des valeurs de la dispersion comparables à celles observées dans le syndrome du QT long congénital (> 135 msec) [16]. De telles données montrent que l’halofantrine comporte un potentiel pro-arythmique élevé. Les modifications importantes de la dispersion induites par cet antipaludique pourraient expliquer chez des sujets prédisposés les observations de torsades de pointes et ou de mort subites rapportées dans la littérature.
L’étude de la dynamique nycthémérale de l’intervalle QT est une autre méthode d’approche de la repolarisation ventriculaire qui a été aussi proposée pour évaluer l’effet pro-arythmique des molécules antiarythmiques. Grâce aux récents logiciels d’analyse Holter il est possible de corréler pour chaque battement la variation de l’intervalle QT en fonction de l’espace RR correspondant. On obtient ainsi une pente QT/RR qui est l’expression de la variabilité et de la dynamique de l’intervalle QT au cours du nycthémère [17, 18]. Un travail de notre groupe avait montré que cette pente n’était pas modifiée après un traitement par méfloquine ou artemether [16]. En revanche, lors d’un traitement par quinine, les valeurs de la pente QT/RR étaient diminuées et comparables à celles obtenues dans la littérature avec la quinidine et l’hydroxyquinidine [19]. A contrario, l’halofantrine induit une augmentation importante de la pente QT/RR par rapport aux autres antipaludiques avec des valeurs comparables à celles rapportées avec les agents de la classe III de Vaughan-Williams à laquelle appartiennent le D-sotalol et le dofétilide antiarythmique proposé début 2001 outre atlantique [20].
L’étude de la dispersion et de la dynamique du QT montrent que la méfloquine et l’artemether ne sont pas des molécules pro-arythmogènes [16]. Ces deux méthodes confirment l’appartenance de la quinine à la classe Ia de Vaughan-Williams et son effet « quinidine like » sur la repolarisation ventriculaire. Elles apportent aussi la
preuve que l’halofantrine n’est pas une molécule « quinidine-like », mais plutôt un agent de la classe III. L’halofantrine comme la méfloquine agiraient sur la cellule myocardique en bloquant les canaux potassiques rapides (I ) dont le fonctionnekr ment est régulé par plusieurs loci et gènes (LQT1 et HERG) déjà incriminés dans la genèse du syndrome du QT long congénital [21, 22]. Wesche et al. avait auparavant confirmé ces données en montrant sur le modèle animal que l’halofantrine et son dérivé desbutylé bloquaient sélectivement les canaux potassiques Ikr [23]. Ce blocage des canaux Ikr a été également constaté avec le luméfantrine antipaludique utilisé en combinaison avec l’artemether dans le traitement de l’accès simple [24]. La quinine agirait pour sa part en bloquant d’autres canaux potassiques mitochondriaux responsables du transfert de l’ATP [25]. Le gène régulant ces canaux déjà incriminé dans la génèse de l’ischémie myocardique pourrait intervenir dans l’allongement de l’intervalle QT et des troubles du rythme ventriculaire observés avec de fortes doses de quinine.
RECOMMANDATIONS POUR L’UTILISATION DES ANTIPALUDIQUES
A la lueur de ces données pathogéniques, de la cardiotoxicité de certains antipaludiques de synthèse et de la chimiorésistance actuelle de P.f , les choix thérapeutiques doivent prendre en compte les paramètres suivants : antécédents pathologiques, passé cardio-vasculaire éventuel, espèce plasmodiale responsable, présence d’un signe de gravité du paludisme, prise d’un médicament allongeant l’intervalle QT, existence d’un déséquilibre hydro-ionique ou d’une circonstance susceptible de les faire apparaître. Toutes ces raisons nous amènent à ne pas prescrire les amino alcools de durée de vie longue comme l’halofantrine et la méfloquine dans les circonstances suivantes :
— découverte dans l’anamnèse d’une syncope inexpliquée ou d’un cas de mort subite dans la famille.
— présence d’une cardiopathie connue même si celle-ci est bien stabilisée par le traitement.
— notion d’une anomalie cardio-vasculaire à l’anamnèse, même si celle ci a été considérée comme bénigne (souffle étiqueté innocent, hypertension artérielle labile, extrasystolie sur cœur apparemment sain…). Des observations non publiées de mort subite chez des sujets jeunes porteurs d’un souffle considéré dans le passé comme étant anorganique nous incitent à être excessivement prudents dans le choix de la molécule antipaludique [26].
— prise par le patient d’un traitement diurétique, antiarythmique, antihypertenseur ou de toute médication pouvant allonger l’intervalle QT ou déjà incriminée dans la genèse des torsades de pointes (tableau).
— notion d’un traitement antipaludique préalable par l’halofantrine ou la méfloquine. Dans cette éventualité le risque de choc anaphylactique ou d’hémolyse grave est possible. Ces accidents de nature immuno-allergique ont été déjà
TABLEAU. — Liste non limitative de médicaments pouvant allonger l’intervalle QT de l’électrocardiogramme Dénomination commune Dénomination commerciale Thioridazine Melleril® Bépridil Cordium®, unicordium® Amiodarone Cordarone® Sotalol Sotalex® Antiarythmiques de classe Ia Disopyramide®,Rythmodan® Spiramycine Rovamycine® Probucol Lurselle® Ciclétanine Tenstaten® Association d’antibiotiques Erythromycine+Cotrimoxazole+Acide clavulanique Fenoxadine Telfax® Ibutilide Corvert® documentés avec la quinidine. Ils sont possibles bien que rares avec l’halofantrine dont la structure biochimique est très proche de la quinidine.
Dans toutes ces situations, la réalisation d’un électrocardiogramme est inutile, l’halofantrine et la méfloquine ne seront pas prescrites et on aura recours soit à la quinine par voie orale soit aux nouvelles molécules actuellement disponibles (dérivés de l’artémisinine, association atovaquone-proguanil, artémether-luméfantrine).
Plusieurs situations peuvent être envisagées :
Dans l’accès palustre simple à P.vivax, P.ovale ou P.malariae , la chloroquine (posologie : 25 mg/kg sur trois jours) garde sa place. Toutefois, dans le contexte de la chloroquino-résistance actuelle de P.f et de possibles erreurs commises dans l‘identification des espèces plasmodiales, il est recommandé de recourir à un antipaludique actif sur une souche potentiellement résistante (quinine, méfloquine, association atovaquone/proguanil, artémether/lumefantrine ou dérivés du qinghaosu non commercialisés en France) surtout si la décision de traiter le patient à domicile a été prise.
Dans le paludisme non compliqué à P.f du sujet non immun les seuls antipaludiques actuellement recommandés sont ceux mentionnés ci-dessus. Faut-il en revanche, rejeter définitivement l’halofantrine de l’arsenal thérapeutique ? En effet, son potentiel pro-arythmique a induit en quelques années un coup d’arrêt à sa prescription.
Le sort qui a été réservé à cet antipaludéen peut paraître sévère, car bien d’autres médicaments de la pharmacopée auraient pu avoir la même destinée. En dépit de tous les effets délétères graves rapportés et des nombreuses précautions qui entourent sa prescription, l’halofantrine garde une efficacité remarquable sur les souches chloroquino-résistantes et les accidents qui ont été rapportés restent rares en regard des millions de patients traités avec cette molécule depuis sa commercialisation.
Dans le contexte d’une chimiorésistance qui concerne peu ou prou la quasi totalité des antipaludiques, l’halofantrine ne doit pas être oubliée. Elle pourrait être à nouveau un recours dans des indications bien choisies. C’est le cas en pédiatrie où elle a toujours été utilisée avec succès sans aucun effet délétère grave constaté. Il est indéniable que chez l’adulte, d’autres alternatives sont aujourd’hui possibles avec les associations combinées d’antipaludiques et les dérivés de l’artemisinine. Toutefois, le recul est insuffisant vis à vis de ces nouveaux antipaludiques et l’avenir pourrait nous réserver des déconvenues. C’est pour cette raison que l’halofantrine doit rester en mémoire et qu’elle pourrait dans un arsenal réduit à quelques molécules retrouver demain une place dans des indications bien choisies, en milieu hospitalier, et en respectant les règles de prescription qui ont été préconisées ci-dessus.
Dans le paludisme grave et ou compliqué à P.f , la quinine parentérale par voie intraveineuse reste l’antipaludéen de référence, celui de l’urgence et de la gravité.
L’utilisation d’une dose de charge (16,6 mg/kg de quinine base en 4 h), permet d’atteindre plus rapidement les concentrations plasmatiques efficaces. Ces posologies élevées ne comportent aucun risque cardiologique, même en cas de survenue d’un allongement modéré de l’intervalle QT possible lors des doses de charge. Il est en revanche recommandé d’effectuer une surveillance continue de l’électrocardiogramme d’autant que les troubles ioniques sont fréquents dans cette situation et à fortiori si le patient est porteur d’une cardiopathie sous-jacente. En présence d’une résistance à la quinine ou d’un rare trouble rythmique grave sous traitement (patient porteur d’une cardiomyopathie préexistante ou d’une arythmie ventriculaire connue et traitée), le recours aux dérivés de l’artémisinine (artemether en particulier) est préférable.
En chimioprophylaxie , les recommandations actuelles dans les pays du groupe 1 et 2 * de chimio-résistance, reposent sur l’association combinée de la chloroquine (100 mg) et du proguanil (200 mg) pour les séjours longs et de la méfloquine ou de l’association atovaquone/proguanil pour les séjours courts. La doxycycline garde une place de choix pour les prophylaxies de longue durée dans les zones de forte résistance plasmodiale. Lors de ces choix de chimioprophylaxie aucun effet délétère cardiaque n’a été pour le moment rapporté. Toutefois la prudence s’impose chez le sujet porteur d’une cardiopathie ou suivant un traitement susceptible d’altérer la repolarisation ventriculaire. Dans ces situations, la méfloquine devrait être contre indiquée.
* Pays du groupe 0 : zones sans paludisme, pas de chimioprophylaxie — Pays du groupe 1 : zones sans chloroquinorésistance — Pays du groupe 2 : zones de chloroquinorésistance, moins de 25 pour cent de souches plasmodiales circulantes — résistantes — Pays du groupe 3 : zones de prévalence élevée de chloroquinorésistance ou multirésistance (proguanil notamment) — plus de 25 pour cent de souches plasmodiales circulantes résistantes.
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DISCUSSION
M. Charles LAVERDANT
Faut-il aller plus loin dans la consultation médicale actuellement recommandée avant la délivrance d’une chimiothérapie antipaludique ? De nombreux médicaments considérés comme responsables de torsades de pointes ou de troubles du rythme ventriculaire ont été retirés de la pharmacopée. Pourquoi cette mesure n’a-t-elle pas été étendue aux antipaludiques comme l’halofantrine ?
La prescription d’un antipaludique doit être médicalement encadrée. Les nombreuses consultations de médecine du voyage répondent à cet objectif. Les médecins prescripteurs ont la connaissance de ces risques notamment pour ce qui concerne l’halofantrine qui est d’ailleurs maintenant rarement prescrit dans le traitement de l’accès simple (sauf chez l’enfant). Pour les autres antipaludiques (quinine, méfloquine) le risque de complications cardiaques est très faible et devrait être nul avec les recommandations de prescription que nous avons proposées. L’halofantrine est un antipaludique ayant des propriétés pro- arythmiques comme de nombreux médicaments de la pharmacopée dont la plupart n’ont pas été retirés du marché eu égard aux bénéfices rendus. Pour ce qui concerne l’halofantrine, il convient de rappeler que les accidents rapportés restent rares comparés aux millions de traitements délivrés depuis la commercialisation. Ce médica-
ment reste encore actif sur les souches chloroquino-résistantes et est utilisé en pédiatrie pour le traitement de l’accès simple sans effet délétère pour le moment rapporté M. Claude Pierre GIUDICELLI
Dans un précédent travail, vous aviez étudié les potentiels tardifs ventriculaires lors des traitements par l’halofantrine. Avez-vous pu étudier les PTV lors de l’emploi des autres anti-paludiques ?
Suite à la découverte de potentiels tardifs ventriculaires après un traitement par halofantrine, nous avions recherché cette anomalie, voici quelques années avec la technique de l’électrocardiogramme haute amplification chez quelques patients traités par méfloquine ou quinine. Nous n’en avions pas observé et ces données fragmentaires n’avaient pas été alors publiées.
M. Jacques EUZÉBY
On a parfois préconisé l’usage du vérapamil pour pallier la chloroquinorésistance. Quels sont les effets du vérapamil chez les sujets atteints de cardiopathie : arythmie, hypertension ?
Le vérapamil comme certains antidépresseurs ont pu au laboratoire renverser l’efflux de la chloroquine et faire naître des espoirs pour faire face à la chloroquino-résistance.
Toutefois, pour obtenir un tel effet chez l’homme, de fortes doses sont nécessaires avec le risque d’induire des hypotensions voire des collapsus. C’est pour cette raison que les anticalciques comme le vérapamil n’ont pas été utilisés dans le traitement du paludisme chloroquino-résiostant.
M. Pierre GODEAU
Avez-vous observé une interaction dans l’allongement de QT avec l’alimentation notamment le jus de pamplemousse dont on a pu démontrer qu’il allongeait fortement l’espace QT ? A côté de la toxicité aiguë des APS, on connaît aussi la toxicité chronique de la chloroquine utilisée dans les traitements au long cours en médecine interne, notamment du lupus, avec apparition de blocs auriculoventriculaires précédés par un hémibloc antérieur gauche, et plus rarement de cardiomyopathies à rapprocher de la toxicité musculaire périphérique.
Je n’avais pas la connaissance des effets du pamplemousse sur la repolarisation ventriculaire. C’est un élément de plus à ajouter à la longue liste de médicaments de la pharmacopée susceptibles d’allonger l’intervalle QT de l’électrocardiogramme. Pour ce qui concerne la toxicité de la chloroquine dans les traitements prolongés de certaines connectivites, des myopathies ont pu être décrites avec de fortes doses (plus de 400mg/j et des traitements de longue durée. Le myocarde peut être plus rarement concerné avec l’apparition de troubles conductifs parfois graves. De telles complications ne peuvent survenir lors du traitement d’un accès simple aux posologies habituellement recommandées (25 mg/kg, dose totale délivrée en trois jours).
M. André VACHERON
Des bradycardies ont été signalées avec l’artémisine. Qu’en est-il exactement ?
Effectivement dans les études initiales consacrées aux dérivés de l’artémisinine quelques cas de bradycardie ont été signalés. Dans ces études réalisées sur le terrain, les conditions de réalisation de l’électrocardiogramme n’ont pas toujours été optimales et les cas observés sont isolés. Pour notre part, lors des enregistrements Holter effectués sur 24h, aucune anomalie de la fréquence cardiaque n’a été constatée avec cette classe médicamenteuse.
M. Bernard SWYNGHEDAUW
On doit à l’école italienne d’avoir démontré que nombre de ces accidents étaient dûs au fait que les patients étaient déjà porteurs d’un allongement héréditaire de l’intervalle QT dûs à une mutation sur un canal ionique (mutation T8A-MiRP1 pour le canal KCNE2/HERG du courant I pour le bactrim, par exemple). Les italiens, et à leur suite tout le monde kr anglosaxon, ont d’ailleurs qualifié ces formes de ‘‘ formes frustes ’’ (en français dans les textes anglais), terme générique accepté par tous, et suggéré que les ‘‘ formes frustes ’’ n’étaient rares que parce qu’on ne les recherchait pas systématiquement, problème qui reste totalement ouvert. Avez-vous connaissance de telles ‘‘ formes frustes ’’ qui soient liées à l’usage de certains antipaludéens ? Jean-Etienne Touze fait état de cardiomyopathies induites par la chloroquine, ce qui est un tout autre problème, qui n’a rien à voir avec le précédent. Il cite à ce propos une étude échocardiographique (celle de Naqvi). Cette étude pose une réelle question physiopathologique ? Est-elle isolée, et a-t-elle été confirmée ?
Des mutations portant sur les gènes régulant les courants ioniques transmembranaires ont été incriminés dans le syndrome du QT long congénital (Gène Herg, LQT-1 en particulier) et dans le syndrome de Brugada (anomalies portant sur le gène LQT-3 régulant les courants sodiques). Ces mutations ont une prévalence significative dans la population (1/5 000 sujets). C’est le cas en particulier pour le gène Herg qui régule le courant potassique rapide (Ikr). Quelques antipaludiques de synthèse (halofantrine, méfloquine) agissent aussi sur les mêmes gènes et pourraient en théorie, chez des sujets prédisposés, induire des troubles rythmiques graves. Les morts subites décrites dans la littérature avec l’halofantrine pourraient être ainsi expliquées. Les cardiomyopathies induites par la chloroquine sont effectivement un tout autre problème et ne relèvent pas du même mécanisme.
M. Louis GUIZE
Parmi les anomalies cardiaques incitant à ne pas prescrire l’halofantrine et la méfloquine, on peut insister sur la maladie de Barlow avec valves mitrales myxoïdes, en raison de sa susceptibilité rythmique. Certaines formes génétiques sont associées à un aspect plus ou moins marqué de QT long. Dans les situations à risque, lorsque l’on est contraint d’utiliser l’halofantrine, la méfloquine ou la quinine, est-il indiqué d’adjoindre un épargneur de potassium (et de magnésium) tel un antialdostérone ou l’amiloride ? Des études ont-elles été menées en ce sens ?
Dans cette éventualité le risque rythmique est potentiellement plus élevé. Il vaut mieux dans un tel contexte éviter l’halofantrine et à un degré moindre la méfloquine. La quinine peut être utilisée surtout s’il s’agit d’une forme grave et que l’on n’a pas la possibilité d’utiliser un dérivé parentéral de l’artémisinine. Le contrôle strict de l’ionogramme est indispensable dans tous les cas avec le maintien d’une kaliémie optimale. L’adjonction de potassium et ou de magnésium dans le programme des perfusions est recommandé. En revanche, l’utilisation des molécules antialdostérone n’a jamais été étudié. Leur place dans l’accès simple pourrait être limité eu égard à leur délai d’action et leur difficulté d’emploi en zone d’endémie palustre (disponibilité, coût du traitement).
* Direction centrale du service de santé des armées. BP : 125, 00459 armées. ** Service de cardiologie, HIA A.Laveran, BP 50, 13998, Marseille armées. Tirés à part : Professeur Jean-Etienne TOUZE, même adresse. Article reçu le 21 novembre 2005 et accepté le 16 janvier 2006;
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 2, 439-452, séance du 21 février 2006