Communication scientifique
Séance du 7 mars 2006

Les zoonoses bactériennes émergentes : quelques aspects nouveaux

MOTS-CLÉS : bartonelloses. brucellose. ehrlichiose.. fièvre q. maladie de lyme. zoonoses
Bacterial zoonoses : emerging concepts
KEY-WORDS : bartonella infections. brucellosis. ehrlichiose.. lyme disease. q fever. zoonoses

Alain Philippon

Résumé

Les zoonoses bactériennes restent d’actualité d’autant que les facteurs d’émergence varient (modes de vie, changement climatique…). Une hiérarchisation des zoonoses non alimentaires vient d’être proposée en France, prenant même en compte, divers paramètres dont le bioterrorisme. La mise en place d’instruments d’évaluation (réseaux, centre nationaux de référence) permet de mieux préciser l’émergence ou la ré-émergence de certaines d’entre elles (brucellose, fièvre Q). L’évolution actuelle des approches diagnostiques moléculaires médiatisent des bactéries de culture difficile, voire impossible. Divers travaux récents à visée moléculaire dans d‘importants échantillons de tiques dont Ixodes ricinus, amènent à penser à l’émergence de maladies vectorielles : borréliose de Lyme, bartonelloses ou ehrlichioses en Europe dont la France.

Summary

Bacterial zoonoses are evolving with changes in society, climate and lifestyles. A hierarchy of non food-borne zoonoses was recently proposed in France, and includes characteristics such as severity criteria and bioterrorism potential. The creation of specific networks and reference centers has provided the means to monitor the emergence (or re-emergence) of zoonoses such as brucellosis and Q fever. Molecular tools have facilitated the detection of bacteria that are transmitted by arthropod vectors (ticks, fleas, etc.) and that cause diseases such as Lyme borreliosis, bartonellosis and ehrlichiosis.

INTRODUCTION

Les zoonoses, maladies qui peuvent se transmettre de l’animal à l’homme soit par contact direct ou indirect (ectoparasites) avec des animaux (réservoirs), soit par la consommation de denrées alimentaires d’origine animale restent d’actualité. Nombre de maladies en médecine humaine font référence à cette notion épidémiologique de contact préférentiel, associée ou non à celle de maladie professionnelle : maladie des dompteurs, des porchers, des animaliers, des lainiers, des tanneurs, des dockers, fièvre des abattoirs, voire maladie des femmes de chasseurs, ou celle des griffes du chat chez l’enfant.

De nos jours, les zoonoses les plus fréquentes chez l’homme sont celles provoquées par des agents pathogènes responsables de diarrhées ( Salmonella , Campylobacter ), ingérés (zoonoses alimentaires). En raison d’une symptomatologie discrète de diagnostic malaisé, celles-ci sont dénommées zoonoses latentes. L’exemple de nouvelles souches de Escherichia coli entérohémorragiques STEC (syndrome hémolytique et urémique/SHU) illustre cette éventuelle émergence en France comme en fin d’année 2005. L’émergence de Salmonella multirésistantes, par exemple productrices de céphalosporinases plasmidiques a été récemment rapportée en France lors d’une épidémie en 2003 après consommation de viande de cheval [1]. Cependant d’autres arguments plaident pour examiner aujourd’hui, d’autres zoonoses, non alimentaires.

HIÉRARCHISATION DES ZOONOSES NON ALIMENTAIRES

En 2000, l’Institut de Veille Sanitaire (INVs) a entrepris un processus de hiérarchisation des zoonoses non alimentaires afin de préciser les priorités et les moyens à mettre en œuvre pour améliorer leur connaissance, leur prévention et enfin leur contrôle [2]. Le tableau 1 précise les zoonoses bactériennes sélectionnées à cette occasion comme prioritaires, importantes et enfin non prioritaires. Certaines zoonoses considérées comme émergentes et encore peu connues mais dont l’impact en santé publique est mal évalué en France ne figure pas dans cette hiérarchisation. Il convient d’avoir à l’esprit que cette première inclusion comme maladie prioritaire ou majeure apparait obéir plus à une crainte du bioterrorisme qu’à une réelle incidence dans notre pays. Ainsi la création récente de Centres Nationaux de Référence (CNR) sur le charbon, la tularémie, la brucellose découle de cette logique.

Enfin figure dans ce classement, le typhus exanthématique. Si Rickettsia prowazekii en est l’agent, le réservoir reste toujours humain à notre connaissance, le vecteur étant le pou de corps (

Pediculus humanus corporis ) [3, 4].

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FACTEURS D’ÉMERGENCE

L’éclosion de zoonoses bactériennes ou non est la conséquence d’une intervention humaine rapprochant le réservoir animal de l’homme comme les modifications de l’écosystème (travaux de déforestation, création de zones suburbaines…) [5]. Il convient d’indiquer l’évolution des comportements humains qui pronent une défense du milieu naturel avec la protection d’espèces animales (daims, cerfs, sangliers…), ainsi qu’un contact plus étroit avec la nature, matérialisé par le développement du tourisme rural (gites, chemins forestiers…) ou encore la densification en terme de résidences secondaires. Le développement considérable de la gent canine et féline en milieu urbain est à rapporter, la France étant un pays zoophile comptant de l’ordre de 8,1 millions de chiens et 8,7 millions de chats. L’évolution des structures d’élevage représente un autre facteur. On a vu augmenter en Europe, le nombre d’exploitations de plein air avec les élevages de porc offrant la possibilité de recombinaison génétique avec un agent infectieux en raison du contact étroit avec la faune sauvage. Enfin, le réchauffement climatique influence le biotope des vecteurs, or certaines zoonoses sont vectorielles, car transmises par des insectes piqueurs dont les tiques.

Si la paupérisation rencontrée de plus en plus en milieu urbain peut aussi être un facteur [4], celui de l’apport des nouvelles approches moléculaires dont l’amplification génique (PCR) et le séquençage de gènes est essentiel en permettant de forger des outils de diagnostic pertinents et de susciter des travaux scientifiques ayant un impact considérable sur ‘‘ l’émergence ’’ actualisée de telle ou telle zoonose. Cependant, une meilleure connaissance d’une maladie ancienne ne signifie pas nécessairement émergence [6].

RÉ-ÉMERGENCE D’UNE ZOONOSE, LA BRUCELLOSE

La brucellose est une maladie animale (bovins, ovins, caprins) de répartition mondiale dont les efforts prophylactiques ont été variables selon les pays. Ainsi la brucellose des ruminants est absente de tous les pays d’Europe du Nord, d’Europe Centrale et Orientale, à l’exception de l’Irlande, mais elle est présente en Europe du Sud (Espagne, Italie, Portugal, Grèce, Malte, Chypre, Albanie, Croatie…). En France, aucun foyer n’a été détecté chez les ruminants domestiques et sauvages [7].

De plus, il apparait que les cas ‘‘ autochtones ’’ au contact de l’animal sont devenus exceptionnels.

Cependant, nous ne sommes pas à l’abri d’une ré-émergence, avec la découverte de nouveaux réservoirs animaux tel celui des mammifères marins (dauphin, phoque, marsouin…) dès 1994 en Europe, en particulier dans l’Atlantique Nord, et aux USA avec la découverte en Angleterre d’un premier cas professionnel humain et de deux cas (neurobrucelloses) aux Etas-Unis [7-9]. Plusieurs espèces de Brucella ont été

FIG. 1. — Brucellose porcine en France (1993-2005).

Chiffre , nombre de foyers avec isolement ; lettre F, foyer sans isolement ; lettre S, suspicion clinique et sérologique.

individualisées ( Brucella cetaceae , B. pinnipediae, B. maris ) [10]. En France, une souche a été isolée, dès 1996, d’un dauphin à La Rochelle et en 2005, d’un marsouin dans le Cotentin (données du CNR, B. Garin-Bastuji).

D’autre part, le courant écologique prônant, en particulier, la protection de certains mammifères sauvages a eu, pour conséquence, d’entraîner des sur-populations d’animaux tels sangliers ou lièvres, favorisant les contacts auprès d’autres espèces dont les truies élevées en plein air. Cette brucellose du sanglier à B. suis biovar 2, a été identifiée en Belgique dès 1993 [7]. En France entre 1993 et 2005, quarante-cinq élevages porcins infectés à B. suis biovar 2 ont été détectés, soit dans vingt-deux départements (Fig 1). Cette émergence de nouvelles espèces animales infectées (sanglier, porc) pose aux autorités sanitaires de nouvelles questions en matière de
lutte contre la maladie animale, mais aussi en termes de santé publique, car la transmission du sanglier à l’homme a déjà été rapportée chez un chasseur âgé et diabétique en 2004 (données du CNR, B. Garin-Bastuji).

ÉMERGENCE OU RÉ-ÉMERGENCE D’UNE ZOONOSE, LA FIÈVRE Q

Cette zoonose de distribution mondiale est considérée comme émergente ou ré-émergente selon les pays [11]. Elle provoque chez l’homme, un syndrome pseudogrippal souvent associé à une pneumonie atypique. Cependant en Europe, mais aussi en France, plusieurs épidémies humaines ont été récemment détectées (tableau 2) posant la question d’une meilleure surveillance d’autant que cette bactérie pourrait être un agent du bioterrorisme. Il s’agit d’une zoonose majeure [2] disposant d’un CNR (D. Raoult, Faculté de Médecine de Marseille).

Initialement incluse dans le genre Rickettsia , l’espèce responsable, Coxiella burnetii est, en effet, une bactérie intracellulaire obligatoire, possédant une paroi de type bactérie à Gram-négatif mais difficile à colorer par la technique de Gram. Son génome a été récemment déterminé et sa variabilité génétique est faible [11].

Comme les rickettsies, cette bactérie non cultivable sur des milieux inertes peut être cultivée dans des conditions que connaissent bien les virologues (œuf embryonné, lignées cellulaires). L’isolement sera donc aléatoire et long. Lors de sub-cultures, il est possible d’obtenir une variation de phase (I ou II) ayant son importance lors du diagnostic sérologique. Les bactéries en phase I (lisse) possèdent un LPS complet, comme lors d’isolement d’arthropodes, des animaux ou encore de l’homme, et ont douées d’un pouvoir infectieux important [11]. Celles en phase II (rugueuse) sont obtenues après plusieurs cultures successives (laboratoire) et présentent un LPS incomplet, une perte de certaines protéines de la membrane externe, et une importante délétion chromosomique, leur pouvoir infectieux étant faible. Le comportement physio-pathogénique a été mieux précisé au cours de ces dernières années mais sans conséquences majeures sur l’amélioration du diagnostic [11]. Cependant, au plan épidémiologique, les caractéristiques de certains variants apparaissant au cours de la multiplication sont mieux connues. Ainsi ceux de grande taille présentent un phénomène proche de celui de la sporulation. Les variants extracellulaires sont très résistants dans le milieu extérieur avec, par exemple, une survie de plus de quarante mois dans du lait écrémé conservé à température ambiante, de l’ordre de six cents jours dans des excréments de tiques…[11]. Ces caractéristiques ont un impact épidé- miologique important et expliquent comment l’homme se contamine, c’est-à-dire indirectement par inhalation de poussières infectées. La multiplicité des réservoirs, la contamination massive de l’environnement, la résistance du germe dans le milieu extérieur, la forte infectiosité du germe (une bactérie suffit à contaminer l’homme) et la dissémination de poussières contaminées par le vent expliquent que les circonstances de la contamination humaine soient multiples [11-16]. Les ovins, en particulier lors de la transhumance mais aussi les bovins et caprins constituent la principale

TABLEAU 2. — Epidémies de fièvre Q humaine en France : quelques caractéristiques [11].

Année

Source

Nb. cas

Principaux signes cliniques

Diagnostic 2002 ovine 88 Fièvre, céphalées, TRA*

IF**

2000 fumier (chèvre) 10 Fèvre, céphalées, myalgies IF 2000 fumier (ovin) 5 Fièvre, céphalées, TRA IF 1996 ovine 29 Fièvre, céphalées, TRA IF 1990-1995 ovine 289 Fièvre, céphalées, TRA IF * TRA, augmentation des transaminases ; IF, immunofluorescence source de contamination (tableau 2). Un contact avec des animaux infectés, suivi de cas de fièvre Q peut également résulter d’activités ludiques en plein air [14]. Les carnivores domestiques (chiens et surtout chats), voire des lapins d’agrément ou encore des pigeons peuvent contaminer l’homme [15]. Le rôle des carnivores avait été sous-estimé, pourtant 6 à 20 % des chats peuvent être séropositifs ou 9,8 % pour les chiens militaires du Sud Est de la France [11]. Les exemples d’infections humaines chez des individus sans contact direct avec les animaux sont donc nombreux et nécessitent de mener une enquête pour retrouver la source contaminante afin de l’éliminer tel un abattoir situé à proximité [16]. D’autres modes d’infection ont été rapportés.

Les animaux domestiques s’infectent aussi par l’inhalation d’aérosols infecté, éventuellement par des morsures de tiques. Les animaux infectés sont le plus souvent asymptomatiques et excrètent la bactérie dans les selles, les urines et le lait de facon intermittente pouvant durer plusieurs mois. La contamination du placenta et des annexes fœtales est massive (< 109 10 9 cfu/g). Une contamination massive du milieu extérieur est possible, puis celle de l’homme.

Chez l’homme, l’approche diagnostique reste, encore le plus souvent indirecte (sérologique) (tableau 2). Mais on n’oubliera pas l’intérêt de la PCR, en particulier lors d’endocardite à hémoculture negative la fréquence de cette bactérie étant non négligeable, de l’ordre de 70 % [17].

ÉMERGENCE DE NOUVELLES ZOONOSES

Compte tenu de la diversité des nouveaux agents bactériens identifiés, notre choix s’appuiera aujourd’hui sur les maladies vectorielles, transmises par ectoparasites, tiques par exemple, en raison de plusieurs facteurs dont les approches moléculaires.

Ainsi répondant à l’intérêt des scientifiques avec un nombre non négligeable de publications, par exemple 1 500 pour Bartonella sur Medline, le terme de zoonoses émergentes est subjectif, étant couplé à des maladies, pour certaines connues de longue date, chez l’homme ou l’animal, telles erythema migrans, maladie des griffes
du chat ou encore ehrichioses dont nous allons évoqué quelques caractéristiques nouvelles.

La borréliose de Lyme

La borréliose de Lyme est, en fait, une maladie ancienne (erythema migrans) dont l’identification de l’agent étiologique ( Borrelia burgdorferi ) a été tardive, En effet, suite à une ‘‘ épidémie ’’ d’arthrites infantiles dans le Comté de Lyme en 1977, la bactérie ne sera cultivée qu’en 1982 par Burgdorfer à partir de l’intestin moyen d’une tique ( Ixodes dammini ). Classée en France dans les zoonoses prioritaires, cette maladie de diagnostic difficile, donc rare chez l’animal, bénéficie d’un CNR depuis 2002. Nous voudrions préciser quelques aspects nouveaux de cette affection en France. Cette maladie de répartition mondiale présente des tableaux cliniques différents relativement bien standardisés comme l’érythème migrans chronique…[18]. Il est maintenant démontré que l’on peut relier ces tableaux à la sousespèce bactérienne ( B. burgdorferi spp. burgdorferi, B. burgdorferi spp. garanii, B.

burgdorferi spp afzelii (tableau 3). Le rôle de nouvelles espèces en pathologie humaine en France et en Europe n’est plus discuté, même si le nombre de cas humains est faible, les réservoirs animaux ainsi que les modalités de la transmission restent encore à être préciser. Cette individualisation de nouvelles espèces de culture malaisée [19] compliquera, néanmoins aussi bien l’approche moléculaire, que celle sérologique, encore trop peu pratiquées dans les laboratoires de diagnostic, même universitaires. Une technique PCR en temps réel a été récemment proposée pour l’identification rapide et spécifique de ces bactéries (B. Jaulhac, communication personnelle). Si le rôle des réservoirs animaux sauvages avec aussi les oiseaux [20], voire domestiques avec le cheval [21], celui de la tique est déterminant, car elle transmet l’agent infectieux à l’homme par morsure. Les dernières études d’identification bactérienne chez les tiques en Europe dont la France confirme le polymorphisme géographique et génétique de certaines sous-espèces. Suite à des enquêtes menées dans plusieurs régions françaises, les variations de densité de tiques infectées sont importantes selon la région, l’Alsace restant la plus exposée, le taux d’infection des tiques varie selon l’année non corrélé avec les données météorologiques, la présence constante de Ixodes ricinus infectées et enfin celle préférentielle de B.

burgdorferi spp. garanii pour les tiques adultes, contrairement à B. burgdorferi spp afzelii rapportée chez les nymphes [22]. Les autres espèces B. valaisiana , B. lusitaniae ou encore B. speilmannii sont encore peu fréquemment impliquées [19]. En France mais aussi en Europe, l’éventuelle existence de co-infections des tiques avec d’autres agents bactériens tel Anaplasma phagocytophylum a été prouvée [23] et sera présentée ultérieurement.

Les bartonelloses

Ces maladies sont d’abord connues comme maladies humaines anciennes (verruga, fièvre des tranchées), sans réservoir animal identifié. Cependant, la maladie des

TABLEAU 3. — Borrelia : espèces pathogènes pour l’homme, vecteur impliqué, zone géographique, et principales formes cliniques.

Espèce

Tiques

Pays

Organo-tropisme préférentiel

B. burgdorferi spp. bur- I. scapularis USA (Est) Articulations *

gdorferi I. pacificus USA (Ouest) Articulations B. burgdorferi spp. garinii I. ricinus Europe (Ouest) France ++ Système nerveux **

B. burgdorferi spp afzelii.

I. ricinus Europe (Ouest) France +++ Peau*

B. bissettii I. ricinus Europe (Ouest) Fra ?

B. valaisiana I. ricinus Europe (Ouest) France + ?

B. lusitaniae I. ricinus Europe (Ouest) France + ?

B. spielmanii I. ricinus Europe (Ouest) ?

* arthralgie, arthrite ** radiculite, méningite, paralysie faciale (+ atteinte cardiaque) *** erythema migrans, lymphocytome cutané bénin, achrodermatite chronique atrophique (PickHerxheimer) griffes du chat (lymphoréticulose bénigne d’inoculation) a clairement démontré la notion du réservoir animal (chat). L’angiomatose bacillaire, complication du SIDA, a permis de découvrir en 1992 par séquencage du gène ssr , une nouvelle bactérie, d’abord dénommée

Rochalimaea henselae , puis Bartonella henselae qui allait renouveler nos connaissances [24]. Suite à cette découverte, la taxonomie va subir en 2001 de considérables modifications avec la création du genre Bartonella appartenant alors à la sous-division alpha des

Proteobacteria , phylogénétiquement plus proche des genres

Brucella , Agrobacterium et Rhizobium que du genre Rickettsia [10].

Brièvement, les

Bartonella sont des cocco-bacilles à Gram-négatif, polymorphes, de culture difficile, toujours supérieure à quatre jours mais pouvant atteindre un mois sur des milieux enrichis, de préférence au sang de lapin incubés à 37° C en atmosphère à 5 % de CO2. Il s’agit de bactéries intracellulaires facultatives (érythrocytes) et parasites stricts de l’homme et des animaux. Certaines espèces présentent également un tropisme pour la peau, le tissu osseux et les cellules endothéliales de l’homme. Enfin, chaque espèce bactérienne semble avoir un hôte naturel (bactériémie asymptomatique) (tableau 3). Une transmission par des arthropodes vecteurs dont le rôle peut être passif tel celui de la puce chez le chaton pour B. henselae , a été prouvée [25, 26]. La majorité des espèces bactériennes actuellement connues ont un ou plusieurs réservoirs ‘‘ animal ’’ tels carnivores domestiques (chat, chien), rongeurs sauvages mais aussi mammifères domestiques et sauvages (bovin, chevreuil…..) alors que deux espèces apparaissent strictement humaines ( B. bacilliformis , B. quintana ) et respectivement véhiculées par un moustique et le poux chez l’homme. Si cette dernière espèce a pu être impliquée lors de la retraite de Russie des armées napoléoniennes [27], la comparaison génomique a récemment démontré que B. quintana pourrait être dérivée de B. henselae (hyperadaptation) , cette dernière espèce étant mondialement distribuée et hébergée par plusieurs réservoirs animaux dont le chat
[28]. Dernièrement a été découvert en France des espèces adaptées aux ruminants (bovins, chevreuil) [26, 29]. Il est, à nouveau, démontré, cette fois-ci chez les bovins, l’absence de signes cliniques avec une prévalence importante d’animaux bactériémiques, jusqu’à 92,5 % chez les génisses. L’importance de la bactériémie, jusqu’à 103 103 cfu/ml, sa durée (plusieurs mois) ainsi que ses variations en fonction de la gestation a été précisée. Elle est significativement augmentée lors de gestation, en particulier lors de la période finale. Cependant, le taux d’avortement, la durée de gestation et la rétention placentaire n’est pas fonction de la bactériémie, très bien supportée (asymptomatique). Ce travail récent pose encore beaucoup de questions et confirme certains résultats antérieurs chez d’autres espèces animales (chat, chien).

Si le chien immunocompétent est le plus souvent asymptomatique malgré une bactériémie pouvant durer des mois, quelques animaux peuvent faire une maladie, endocardite par exemple [26]. La co-infection des tiques ( Ixodes ricinus ) avec plusieurs agents dont

B. burgdorderi ou encore Babesia a été démontrée en France ainsi que l’éventuelle existence d’un autre vecteur de type hyppoboscide [30, 31].

De nombreuses enquêtes sérologiques aussi bien en France que dans d’autre pays ont démontré l’importante séroprévalence chez l’animal sans symptomatologie clinique comme chez le chat [26]. L’avenir devrait confirmer l’importance et la diversité des réservoirs animaux ainsi que le danger potentiel pour l’homme. Une observation d’angiomatose humaine à B. bovis a été récemment rapportée [29]. Peu de laboratoires hospitaliers, même universitaires recherchent encore ce type de bactérie, par une méthode directe ou indirecte (sérologique), d’où une relative ignorance des médecins, à l’exception de la maladie des griffes du chat dont le diagnostic est clinique. Cependant, il convient de préciser que dans les endocardites à hémoculture négative, la part des Bartonella est non négligeable en France (28 %), les espèces identifiées sur 49 malades étant respectivement

B. quintana (38 cas),

B. henselae (10 cas) et B. vinsonii subsp. berkhoffii (1 cas), distribution établie sur 348 observations entre 1983 et 2001 [17].

Les ehrlichioses

Certaines rickettsioses en France comme la fièvre boutonneuse sont maintenant bien connues, au moins en région PACA, et plusieurs espèces bactériennes récemment découvertes plaident pour leur regain d’intérêt [32-34]. Cependant les ehrlichioses sont d’autres exemples de maladies animales identifiées depuis plus d’un siècle mais dont les contours microbiologiques restés forts imprécis avant les nouvelles approches taxonomiques de 2001 qui ont reclassé les genres Ehrlichia et

Anaplasma dans la famille des Anaplasmataceae et dans l’ordre des Rickettsiales [10].

Ces bactéries de petite taille, souvent polymorphes, se présentant sous une forme coccoïde ou ellipsoïdale, immobiles, sont présentes dans des vacuoles intracytoplasmiques soit de manière isolée soit, le plus souvent, regroupées dans des inclusions denses (morulas). Les cellules infectées sont principalement les cellules matures ou
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immatures des lignées monoblastiques et myéloblastiques. Les vecteurs connus sont des tiques où le micro-organisme se multiplie. Les Ehrlichia sp. sont les agents étiologiques de maladies infectieuses de l’homme, des carnivores, des rongeurs et des ruminants [33, 34]. La description phénotypique des bactéries du genre Anaplasma est très proche [10]. Les différences sont liées au spectre d’hôtes et de cellules infectés.

On évoquera seulement le terme de

Neorickettsi. Car les tiques ne semblent pas capables d’héberger ces bactéries et elles n’ont jamais été incriminées dans la transmission aux vertébrés.

Le terme générique de ‘‘ Ehrlichioses ’’ persiste dans le langage commun malgré l’existence de nouvelles espèces bactériennes telle Anasplasma phagocytophilum . Le tableau 5 résume quelques caractéristiques taxonomiques, épidémiologiques et pathogéniques de ce groupe de bactéries intracellulaires, proche de celui des Rickettsia . Le caractère émergent de ces maladies chez l’homme est lié actuellement à deux maladies prédominantes rapportées dans les années 90 en Amérique du Nord, d’une part l’ehrlichiose monocytaire humaine (GME) et d’autre part, l’ehrlichiose phagocytique humaine (PHE) dont la prévalence ne fait qu’augmenter dans ce continent [32, 33].

En l’absence de données sur la prévalence de cette maladie rare chez l’homme en France [34], il convient d’indiquer l’existence très probable de réservoirs animaux domestiques (bovin) ou sauvages. Selon des enquêtes françaises menées depuis plusieurs années dans les élevages bovins, une augmentation significative du nombre de foyers positifs a été rapportée (G. Joncour : http : //www.zoopole.com/fr/ formations/urgtv2003/doc/conference1671.pdf). Les deux premiers cas humains d’ehrlichiose bovine à A. phagocytophilum ont été détectés dès 1991 dans les Côtes d’Armor. En mai 2005, la présence d’

A. phagocytophilum (cyto-hématologie, PCR, séroprévalence) a été détectée dans soixante et un départements. Environ trois cent cinquante foyers bovins ont été identifiés dans trente-neuf départements (exploitations agricoles d’élevage), et la bactérie a été retrouvée chez le cheval, ou chez les animaux sauvages tel le chevreuil dans vingt-deux autres départements. Les troupeaux bovins infectés vivant dans des biotopes favorables à I. ricinus , l’enquête a été élargie aux animaux sauvages dont la séropositivité des cerfs en ‘‘ ranching ’’ et d’une forte proportion des chevreuils capturés a été rapportée. Les cervidés ne sont que des hôtes amplificateurs témoignant de la présence d’ A. phagocytophilum sur le terrain. Le rôle d’espèce sentinelle pour l’homme pourrait être attribué à la vache.

Des résultats variables d’infections chez I. ricinus ont été récemment rapportés dans plusieurs régions françaises. En Alsace, le taux d’infection des tiques (nympe, adulte) à A. phagocytophilum a été faible de 0,4 % en 2003 et de 1,2 % en 2004 contrairement à celui de

B. burgdorfer [22]. En Auvergne, I. ricinus prédomine aussi, principalement chez les nymphes, et les variations de densités et le nombre de tiques varient selon le lieu de recueil (bois, pâtures), les bois à proximité jouant le rôle de « source » de tiques. Le portage bactérien ( A. phagocytophilum , B. burgdorferi ,

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Rickettsia du groupe fièvre boutonneuse) ou varie selon l’origine du recueil, et les co-infections existent. Au total, le dépistage par PCR a été respectivement de 15 % pour A. phagocytophilum , de 18 % pour B. burgdorferi sl , et enfin de 16 % pour

Rickettsia, dont R. alsatica [35].

CONCLUSION

Comme l’a si bien observé Charles Nicolle, dans les années 25, avec les phases saisonnières (disparition, réapparition) du typhus épidémique, de plus s’arrêtant aux portes de l’hôpital, le ‘‘ destin des maladies infectieuses ’’ est toujours imprévisible. Suite à l’évolution de nos habitudes de vie (alimentaires, loisirs), celles des structures d’élevage, l’augmentation citadine de la gent canine et féline….. il n’est pas surprenant de diagnostiquer des zoonoses qui semblaient avoir disparu. D’autres facteurs contribuent à cette naissance, voire renaissance comme les menaces de bioterrorisme nécessitant la mise en place de moyens de surveillance sous la forme de réseaux sentinelles, mais aussi en créant des centres nationaux de référence. Le facteur majeur est lié au développement de techniques moléculaires et à leur utilisation de plus en plus répandue. Aussi le terme d’émergence peut apparaitre pour les exégètes, un abus de langage. Les zoonoses existeront de tout temps, aussi convient-il de pouvoir établir des diagnostics biologiques précis, surtout moléculaires, d’autant que certains agents sont de culture impossible en pratique quotidienne.

Car si la maladie est connue, le changement d’agent étiologique pourra entrainer une politique de prévention tout à fait différente comme peut l’illustrer la zoonose exotique suivante. La diphtérie, maladie oh combien ancienne, dont P. Bretonneau en 1821 améliora le traitement d’urgence par la trachéotomie, est classiquement liée à la présence d’une bactérie toxinogène, Corynebacterium diphtheriae . Cependant quelques cas de diphtérie ont été récemment rapportés en France et dans d’autres pays chez l’adulte immunodéprimé, liés à la possession d’un animal (chien, chat), hébergeant une corynébactérie, C. ulcerans synthétisant la toxine diphthérique [36, 37].

Il y a quelques mois, les découvreurs de la bactérie Helicobacter pylori ont été honorés d’un prix Nobel de médecine et de physiologie en raison de son impact en, pathologie digestive, voire en cancérologie. Encore un exemple d’un groupe bacté- rien ( Helicobacter ) dont les relations homme-animal méritent d‘être explorées, en particulier pour

H. helmannii ou encore H. felis [38].

REMERCIEMENTS

L’auteur adresse ses remerciements aux collègues suivants pour la qualité de leur accueil et les conseils prodigués : D. Postic, Ph. Brouqui, HJ. Boulouis, B. Jaulhac, B. GarinBastuji.

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DISCUSSION

M. Jacques EUZEBY

Deux observations relatives à la maladie de Lyme : — sur la terminologie : la maladie de Lyme n’est « émergente » que depuis qu’on la connaît sous cette démonstration ; elle a été identifiée dès le début des années 20, et presque simultanément, par Azfelius, en Suède, qui en a décrit la forme cutanée : erythema chronicum migrans et, à Lyon, par Charles Garin, qui a évoqué sa forme nerveuse. Il est regrettable qu’on ait attendu sa description dans le comté de Lyme, aux Etats-Unis, pour ka redécouvrir ; — sur son épidémiologie : ( α ) véhiculée par une tique exophile et sauvage, elle n’atteint que les personnes qui, par profession ou par leurs loisirs, fréquentent les sous-bois ; ( β ) bien que maladie à transmission vectorielle, elle n’a pas la rapide extension qui caractérise les infections transmises par des insectes piqueurs : les tiques du genre Ixodes, comme tous les Ixodidés, ne se nourrissent qu’une seule fois, à chacun de leurs stades évolutifs ; la transmission de la bactérie exige donc son passage transtadial chez la tique (relativement rare : dans 3 à 5 % des cas) ou sa transmission transovulaire, suivie de la transmission transtadiale dans la nouvelle génération. Même en tenant compte de la possibilité d’infection des triques par le processus de l’alimentation simultanée, ces caractéristiques limitent sa diffusion.


* Service de bactériologie, Hôpital Cochin, 27 rue du faubourg Saint-Jacques, 75014 Paris, Faculté de Médecine René Descartes, Université Paris V. Tirés à part : Professeur Alain PHILIPPON, même adresse. Article reçu et accepté le 27 février 2006 .

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 3, 579-595, séance du 7 mars 2006