Résumé
Les THS compensent l’arrêt de sécrétion ovarienne survenant à la ménopause en associant un estrogène et un progestatif par voie générale qui protège du risque de cancer de l’endomètre. Chez la femme ayant subi une hystérectomie, les risques d’un TES avec estrogène seul sont moins connus. L’objectif de ces substitutions est double : — le traitement des symptômes de carence en estrogènes lors de l’installation de la ménopause (bouffées de chaleur, insomnie, sécheresse vaginale, etc). — la prévention de la perte osseuse post-ménopausique et des fractures. Il s’agit d’un problème de santé majeur. Plus de 10 millions de femmes sont ménopausées en France, et un THS est prescrit à environ 2 millions de ces femmes. Depuis son introduction (1942 aux USA, 1965 en France) la majorité des études biologiques et des études épidémiologiques d’observation indiquaient nettement plus de bénéfices (cardio vasculaire, ostéoporose, neuronal, qualité de vie) que de risques (thrombo-embolies, cancer du sein). À partir de 2002, les essais randomisés à grande échelle(HERS, WHI) confirment l’effet protecteur contre l’ostéoporose et les fractures et l’effet délétère sur les thrombo- embolies. Ils démontrent des effets néfastes (cancer du sein, infarctus du myocarde et A V C) qui inversent le rapport bénéfices / risques d’un THS prolongé quand on considère le nombre d’événements graves. Les études HERS et WHI portaient sur une association estro progestative, peu utilisée en France. En 2003, la Million Women Study (M W S) rapporte avec certains des THS et TES utilisés en Europe et sur plus d’un million de femmes Britanniques de 50 à 64 ans, un risque de cancer du sein supérieur avec des progestatifs utilisés en France (RR = 2.17à + de 5 ans) que sans progestatif (RR = 1.25). Bien qu’aucune étude contrôlée à grande échelle n’ait été initiée à ce jour en France, il est vraisemblable que ces résultats sont extrapolables à notre population. La neuro protection (Alzheimer) a été envisagée, mais reste à démontrer. Les effets opposés sur les cancers colo-rectaux et ovariens sont à confirmer. Sur la base de ces résultats un groupe de travail de l’ Académie nationale de Médecine, constitué de représentants des diverses disciplines médicales concernées, émet des recommandations sur 2 points : — la prise en charge par le médecin des femmes ménopausées (diminution des indications en prévention de l’ostéoporose, conservation du THS pour le traitement des symptômes vaso moteurs quand ils sont importants — la nécessité d’accentuer les recherches (cliniques et biologiques) en Europe pour valider et faciliter l’utilisation des THS actuels et inventer des THS aussi efficaces mais moins agressifs.
Summary
HRT was used to an increasing extent in France by approximately 1/3 of the 10 millions post menopaused women up to 2000-2001 since the benefits were expected to be superior to the risks.The knowledge on the benefit /risk balance has changed since 2002 after the results of large scale randomised trials (HERS and WHI) performed with the estrogen conjugate Premarin and a progestin (MPA) used mostly in the USA. The MWS cohort study performed on 1 million British women, assessed breast cancer risk with some of the hormones used in Europe, and showed in 2003 a higher risk with combined progestin (HRT) than without progestin (ERT). In 2002 and 2003, a working group of the French Academy of Medicine has considered the characteristics of the French HRTs compared to that evaluated in the USA, and tried to extrapolate the results of available epidemiological and clinical studies to the French female population. It is proposed that the cardio vascular risk(both venous and arterial) may be less than in the USA since non oral estradiol is more frequently used in France. Conversely, breast cancer risk may be higher due to the greater use of oral progestins and the steady increase in breast cancer incidence in France. Two series of recommandations are provided : — For clinicians and patients, THS is recommanded for initial treatment of menopause symptoms but not for prevention of cardio vascular diseases. For prevention of osteoporosis, THS could be used on an individual basis in women who have a high risk of fractures, cannot tolerate alternative treatments and are fully informed of the risks. In all cases HRT should be as short as possible. — For public health and research services an increase in clinical and biological research is strongly recommended in France and other European countries. The major research aims are to validate other HRTs and ERTs, to increase the reliability of individual predictive markers of risk, to understand and prevent the adverse effects of HRT,and to find and validate better menopause therapies.
RECOMMANDATIONS
Sur la base des informations disponibles à ce jour, elles sont de deux ordres :
Aux praticiens pour la prise en charge des femmes ménopausées, l’Académie nationale de médecine recommande :
— Le traitement hormonal substitutif (THS) des symptômes de la ménopause n’est pas remis en question. Ceux-ci peuvent être invalidants, en particulier les bouffées de chaleur, pour lesquelles n’existe pas de bon traitement alternatif. Par contre il convient de ne pas traiter les femmes asymptomatiques (40 à 50 % des femmes) et de respecter les contreindications mentionnées dans le rapport. Les voies d’administration non orales de l’estradiol seraient à privilégier pour éviter le risque thrombo embolique veineux.
— Le THS n’est indiqué ni en prévention cardiovasculaire primaire ou secondaire pour aucune des préparations hormonales, ni en prévention des cancers colorectaux bien qu’il pourrait avoir un effet protecteur, ni en prévention de la maladie d’Alzheimer.
— Le THS n’est pas recommandé en prévention de l’ostéoporose de façon systématique. Il ne peut être envisagé que sur la base d’une évaluation individuelle chez une femme bien informée, ayant un risque élevé de fractures, (confirmé par mesure de la densité minérale osseuse), et intolérante aux traitements alternatifs . .En effet le risque de développer un cancer du sein secondaire au THS augmente régulièrement avec la durée de traitement, alors que la perte osseuse reprend à l’arrêt du THS. Il existe d’autres moyens de prévention primaire de l’ostéoporose en particulier une bonne hygiène de vie (arrêt du tabac, activité physique, régime riche en calcium) et la vitamine D. En prévention secondaire, et pour prendre le relais d’un THS, on dispose des « Selective Estrogen Receptor Modulators » (SERM) tel que le (Raloxifène) ainsi que des bisphosphonates quand ceux-ci sont bien tolérés — Dans tous les cas, le THS doit être le plus court possible et avec les plus faibles doses efficaces sur les symptômes. Il ne doit pas être poursuivi au delà de la disparition des symptômes, qui peut être définie par des essais de sevrage à l’aide de fenêtres thérapeutiques. La décision d’initier ou de poursuivre un THS doit être prise par la femme informée, avec précision et objectivité par son médecin, de préférence à l’aide d’un document, des bénéfices espérés et des risques encourus. Cette décision doit être reconsidérée tous les ans. Les éléments d’aide à la décision sont :
• l’appréciation individuelle des facteurs de risques (en particulier de cancers du sein, de maladies cardio vasculaires et thrombo emboliques) dont les valeurs prédictives sont cependant à améliorer.
• chez les femmes à risque de fracture leur tolérance individuelle aux traitements alternatifs de l’ostéoporose.
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Ces restrictions pourraient ne pas s’appliquer au TES en particulier chez les femmes ayant subi une hystérectomie et traitées par un estrogène par voie non orale pour lesquelles le rapport risques/bénéfices pourrait être plus favorable. Elles ne s’appliquent pas aux applications locales d’estrogène- , sous forme de pommade ou gélules, qui sont efficaces contre la sécheresse vaginale et peuvent aider au sevrage d’un THS.
— Les traitements hormonaux alternatifs (Tibolone, phytoestrogènes,
SERM, progestatifs locaux, DHEA etc.) doivent impérativement être validés, comme pour les THS classiques, par des essais thérapeutiques randomisés sur un grand nombre de patientes, avant d’entrer dans la pratique médicale courante.
Aux pouvoirs publics, nécessité de recherches :
Du fait du nombre important et croissant de femmes ménopausées en France (≅ 10 millions), et des incertitudes sur les effets de certains THS et TES utilisés en France, un effort accru de recherches doit rapidement être entrepris pour les valider et inventer de nouveaux traitements de la ménopause aussi efficaces mais moins risqués.
— Recherches épidémiologiques et cliniques . Elles sont de 2 types :
• Les plus réalisables en France sont les études de cohortes. Certaines sont en cours (E3N, GAZEL, 3 cités) pour comparer les effets des THS français et évaluer la pratique des progestatifs en pré ménopause. D’autres pourraient être initiées par exemple à l’occasion du dépistage national des cancers du sein par mammographie afin de préciser les effets des divers THS ou TES pris par ces femmes.
• Plus difficiles maintenant seront les études d’intervention . Soit essais randomisés d’une durée inférieure à 4 ans, pour reconsidérer le rapport bénéfice/ risque d’un TES ou THS débuté dès l’installation de la ménopause, et comportant l’estradiol par voie non orale associé à un progestatif par voie locale ou à la progestérone micronisée. Soit essais randomisés de sevrage chez des femmes prenant un THS depuis plusieurs années afin de préciser la durée de substitution nécessaire avant disparition des symptômes .
Du fait du nombre élevé de sujets à recruter dans un temps court, de tels essais devraient être étudiés et réalisés au niveau européen.
— Recherches biologiques et pharmacologiques pour :
• aider à la prise en charge individuelle des patientes en améliorant les facteurs prédictifs de risque (cancérogénèse hormonale, maladies cardio-
vasculaires et thromboemboliques), et la prédiction de la sensibilité aux hormones selon le patrimoine génétique (pharmaco génomique) .
• comprendre les mécanismes de certains effets délétères des THS et des actions différentielles des hormones ovariennes sur les cancers hormono dépendants et sur les autres tissus cibles de ces hormones.
• développer des traitements alternatifs de la ménopause tels que de nouveaux modulateurs spécifiques des récepteurs des estrogènes (SERM)ou de la progestérone (SPRM),et toute molécule capable d’induire les avantages sans les inconvénients des THS actuels.
— Des actions concertées nationales et internationales sur ces questions ciblées devraient être initiées et soutenues par les Ministères de la Santé et de la Recherche. L’INSERM, le CNRS, les équipes de recherche associées à l’Université et aux Etablissements de Santé ainsi que l’industrie pharmaceutique et l’Institut National du Cancer, pourraient y jouer un rôle essentiel.
REMERCIEMENTS
L. Abenhaim, M.L. Ancelin, J.F. Arnal, E.E. Baulieu, F. Clavel, P. Delmas, J. Estève, B. Swynghedauw, J.C. Thalabar, M.C. de Vernejoul.
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Le rapport, dans son intégralité, peut être consulté sur le site www.academie-medecine.fr L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 2 décembre 2003, a adopté le texte de ce rapport à l’unanimité.
Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 9, 1707-1711, séance du 2 décembre 2003