Communication scientifique
Session of 8 mars 2011

Les patients « VIH contrôleurs » : rôle des lymphocytes T CD4 dans la stimulation d’une réponse immunitaire efficace

MOTS-CLÉS : lymphocytes t cd4+. processus pathologiques. vih
Role of CD4 lymphocytes in the efficient immune response of HIV controllers
KEY-WORDS : cd4-positive t-lymphocytes. hiv. pathologic processes

Jacques Thèze, Lisa Chakrabarti, Benoît Vingert, Olivier Lambotte **, JeanFrançois Delfraissy

Résumé

L’infection par le VIH affecte plus de trente millions de personnes chez qui l’évolution vers le sida est plus ou moins rapide. Récemment, une nouvelle catégorie de patients capables de contrôler la réplication du VIH, de manière durable, en l’absence de toute thérapie, a été identifiée : les « VIH contrôleurs ». Nous avons étudié les caractéristiques du système immunitaire de ces patients et tout particulièrement les lymphocytes CD4 qui sont au centre de toutes les réponses car ils participent à leur induction et contrôlent leur intensité, leur qualité ainsi que leur longévité. Chez les patients évoluant vers le sida, les lymphocytes CD4 sont directement les cibles du virus et des phénomènes d’activation délétères qui conduisent à l’immunodéficience. Chez les patients « VIH contrôleurs », la sous population des lymphocytes CD4 de la mémoire centrale montrent des propriétés très originales. Outre le fait qu’ils restent très nombreux, qu’ils sécrètent de manière abondante l’interleukine-2, utilisée de manière autochrine pour leur croissance, ces lymphocytes surexpriment la molécule d’adressage CCR7 leur permettant de sortir des capillaires pour rejoindre rapidement les sites ganglionnaires où se déroulent les réponses immunes efficaces. De plus, ces lymphocytes CD4 se multiplient rapidement et certains expriment des récepteurs de très grande avidité pour l’antigène. La présence de ces lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale avec des propriétés si caractéristiques peut expliquer le maintien du statut des patients « VIH Contrôleurs ». Les nouvelles données dérivant de nos études devraient permettre d’orienter la thérapie anti-VIH et de dessiner de nouvelles stratégies vaccinales.

Summary

More than 30 million people are infected by HIV worldwide. The rate of progression to AIDS is variable. A newly identified category of patients, so-called HIV controllers, spontaneously control HIV replication for long periods. HIV controllers are defined as infected patients whose viral load remains below 400 RNA copies/ml of blood, without treatment, for at least five years. We have studied the immune system of these patients, and particularly their CD4 lymphocytes, that participate in the induction, intensity, quality and duration of immune responses. CD4 lymphocytes in patients who progress to AIDS are directly targeted by the virus and participate in the activation that leads to immune deficiency. Central memory CD4 cells exhibit unusual properties in HIV controllers. Apart from the fact that they persist in large numbers and secrete large amounts of interleukin-2, which serves as an autocrine factor for their own growth, central memory CD4 cells overexpress the CCR7 homing molecule that allows them to leave capillaries and rapidly enter lymph nodes, the site of effective immune responses. These CD4 lymphocytes also multiply rapidly, and some of them express receptors with very high antigen avidity. The presence of these central memory CD4 cells and their characteristic properties may explain the remarkable stability observed in HIV controllers. We suspect that these lymphocytes react very rapidly and efficiently to any breakthrough in viral replication. The putative relationship between HIV controllers and patients who remain asymptomatic and uninfected despite repeated exposure to the virus is discussed. Our new findings should help to guide antiretroviral therapy and vaccination strategies.

INTRODUCTION : DESCRIPTION CLINIQUE DES PATIENTS « VIH CONTROLEURS »

Parmi les patients infectés par le VIH un très faible pourcentage (I 1 %) contrôle spontanément la réplication du virus, en l’absence de toute thérapie. Aux ÉtatsUnis, ces patients appelés ‘‘ elite controllers ’’, ‘‘ elite suppressors ’’ ou ‘‘ elite non progressors ’’, regroupent tous les individus ayant une virémie indétectable pendant au moins un an [1]. En France, où pour des raisons déontologiques l’appellation « elite » est peu utilisée, ces patients sont plus volontiers dénommés « VIH contrô- leurs » lorsque pendant cinq ans, ou plus, après la contamination ils maintiennent une virémie I 400 copies/ml [2].

Ces individus sont à distinguer d’un autre groupe de patients évoluant très lentement vers le SIDA et désignés comme survivants à long terme (LTS), asymptomatiques à long terme (ALT) ou non progresseurs à long terme (LTNP). La définition des patients « VIH contrôleurs » est en effet virologique alors que celle des patients survivants à long terme est immunologique. Dans ce dernier groupe, les patients maintiennent un taux de lymphocytes CD4 > 500 mm3 pendant plusieurs années, sans traitement. Ces patients ont été décrits dans les années 1990 mais, avec le temps, la grande majorité progresse vers le sida. Il y a néanmoins un certain nombre de patients qui répondent aux deux définitions (de 4 à 40 % selon les études).

 

Biologiquement, les patients ‘‘ VIH contrôleurs ’’ sont séropositifs pour le VIH sur la base des tests Elisa et Western blot classiquement utilisés pour diagnostiquer la contamination par ce virus. Dans leur plasma, la détection de l’ARN viral reste très faible ou même en dessous du seuil de détection même si parfois, à l’occasion d’une affection intercurrente, on peut observer de brefs échappements viraux (« blips »).

L’ADN cellulaire du VIH reste détectable dans les globules blancs de ces patients mais demeure beaucoup plus faible que chez les patients virémiques. Evidemment, les patients ‘‘ VIH contrôleurs ’’ n’évoluent pas vers le SIDA car leur taux de CD4 reste élevé même si à long terme ce taux a tendance à diminuer légèrement chez certains d’entre eux.

Concernant l’origine de leur contamination, rien ne les distingue des autres patients infectés par le VIH. On trouve dans ce groupe des homosexuels, des hétérosexuels, des toxicomanes et des patients contaminés après transfusion sanguine. Actuellement, le nombre de ces patients demeure trop faible pour pouvoir évaluer s’il présente aussi une « résistance » à d’autres infections virales ou bactériennes.

Cependant, chez ces patients, on note que le contrôle du VIH ne fait pas baisser la fréquence des contaminations par l’hépatite B ou par l’hépatite C. Pour l’instant, l’épidémiologie de leur infection n’est pas clairement établie mais on ne pense pas qu’il s’agisse d’un variant du VIH, ni d’un mode de contamination particulier. Ce statut semble d’apparition ‘‘ sporadique ’’ et la fréquence des ‘‘ VIH contrôleurs ’’ n’est pas plus grande ni dans certaines ethnies, ni dans certaines régions, ni dans certaines professions.

Cliniquement, on peut donc conclure que l’origine de ces rares patients reste inconnue mais que cette situation clinique rare est extrêmement intéressante car, pour la première fois, elle permet d’étudier un système immunitaire humain capable de maîtriser le VIH.

ROLE DES LYMPHOCYTES CD4 DANS LA PATHOGÉNÈSE DE L’INFECTION ÉVOLUTIVE A VIH

Les lymphocytes CD4, cellules centrales du principal arc réflexe immunitaire (Figure 1)

Au cours de la phase d’induction de la réponse immune spécifique, le signal antigé- nique est amené aux lymphocytes CD4 sous forme de fragments moléculaires (peptides, …) associées aux antigènes de classe II du Complexe Majeur d’Histocompatibilité (CMH). De nombreuses cellules sont capables de présenter l’antigène aux lymphocytes CD4 (monocytes / macrophage, lymphocytes B, cellules de la microglie, …) mais dans cette fonction les cellules dendritiques sont les plus efficaces. Le plus souvent, cette phase d’induction se déroule dans les organes lymphoïdes secondaires et plus particulièrement dans les ganglions drainant les foyers infectieux [3].

 

Fig. 1. —

Principales Branches de l’Arc Réflexe Immunitaire

RA : Réponse Immunitaire adaptative RI : Réponse Immunitaire innée B : Lymphocytes produisant des anticorps CD : Cellules dendritiques présentant l’antigène CD8 : Lymphocytes cytotoxiques MØ : Macrophage NK : Lymphocytes « Natural Killer » Cytotoxique Les lymphocytes CD4 ainsi stimulés deviennent blastiques et mettent en route leur machinerie de synthèse des protéines parmi lesquelles les cytokines jouent un rôle très important. L’analyse détaillée du programme de synthèse de ces molécules permet d’identifier plusieurs sous types de lymphocytes CD4 ayant des actions distinctes sur les différents effecteurs du système immunitaire. Les lymphocytes TH1 produisent de l’interferon γ (IFNγ) et activent préférentiellement les réponses à médiation cellulaire, les lymphocytes TH2 qui secrètent beaucoup d’Interleukine-4 (IL-4) induisent les réponses humorales alors que les lymphocytes TH17, sécrétant l’IL-17, stimulent les réponses inflammatoires dans de nombreux organes et tissus [3].

La branche effectrice de l’arc réflexe immunitaire commandée par les lymphocytes CD4 concerne plusieurs cibles. Les lymphocytes B produisent toutes les classes et sous classes d’anticorps neutralisant les virus, les bactéries ou leurs toxines ou entraînant leur dégradation après capture des complexes anticorps-microbes par les macrophages (opsonisation). Les lymphocytes CD4 entraînent aussi l’activation des lymphocytes CD8 qui lysent les cellules infectées par des virus ou les cellules cancéreuses exprimant des antigènes tumoraux à leur surface. A côté de ces deux types de cellules du système immunitaire adaptatif, les lymphocytes CD4 stimulent aussi l’activité des cellules du système immunitaire inné : l’IFNγ stimule les monocytes / macrophages et l’IL-2 les lymphocytes Natural Killer (NK) [3].

Chacune de ces réponses effectrices est plus ou moins dépendante de l’action des lymphocytes CD4. Pour la grande majorité des antigènes les lymphocytes B sont complètement dépendants d’une interaction avec les lymphocytes CD4. Quant aux lymphocytes CD8, ils peuvent s’activer seuls mais l’intensité et la longévité de leur réponse ne sont optimales que sous l’influence des lymphocytes CD4 ou de leurs cytokines. Pour les réponses innées qui peuvent être initiées en l’absence des lymphocytes CD4, elles sont grandement majorées par l’IFNγ et l’IL-2 produits par les lymphocytes CD4 activés. Au bilan, pour être optimales, toutes les réponses immunes sont dépendantes des lymphocytes CD4 [3].

Altération qualitative et quantitative du compartiment CD4 au cours de l’infection par le VIH.

Au cours de la phase chronique de l’infection, l’immunodéficience des sujets infectés par le VIH apparaît très tôt. La suractivation du système immunitaire qui apparaît au cours de toutes les infections virales ou bactériennes est en général un élément favorable à l’efficacité des réponses immunes. Au contraire, dans le cas de l’infection chronique par le VIH, nous avons observé que cette suractivation est anormale et conduit les lymphocytes CD4 dans un état singulier où ils ne peuvent plus répondre aux signaux physiologiques [4]. Nous avons démontré que la diminution de la production d’IL-2 et la non-réponse à cette cytokine explique, en grande partie, l’apparition de l’anergie du système immunitaire qui est un des premiers signes d’immunodéficience précédant la lymphopénie CD4 chez les patients infectés par le VIH [5-7].

La lymphopénie CD4, caractéristique majeure de l’infection à VIH, fait suite à la destruction des CD4 infectés par le virus et à leur suicide accru par apoptose, conséquence de la suractivation du système immunitaire. A ces pertes de lymphocytes CD4, s’ajoutent la diminution de leur production par le thymus et de leur multiplication dans les ganglions, conséquences de l’altération de ces organes par l’infection. L’ensemble contribue à l’apparition de la lymphopénie CD4. De plus, nous avons établi que suite à l’activation anormale du système immunitaire la réponse à l’IL-7 — cytokine essentielle à la production centrale des lymphocytes CD4 et à leur homeostasie périphérique — diminue, empêchant ainsi la correction de cette lymphopénie qui ne peut que s’aggraver [8-10].

Ainsi, l’infection par le VIH se caractérise par une défaillance qualitative d’abord puis quantitative du compartiment des lymphocytes CD4 entraînant rapidement un dysfonctionnement important de l’arc réflexe immunitaire. Pour corriger ces défauts, des mécanismes compensatoires peuvent parfois se mettre en place mais, finalement, il en découle une perturbation importante de toutes les branches effectrices du système immunitaire. Beaucoup d’investigations négligent de considérer ces anomalies comme secondaires à l’anergie et à la lymphopénie du compartiment CD4. Sur certains organes lymphoïdes ou certaines catégories de globules blancs, ces anomalies peuvent s’étendre des aspects fonctionnels aux aspects trophiques.

LA RÉPONSE IMMUNE DES PATIENTS ‘‘ VIH CONTROLEURS ’’ : DONNÉES RÉCENTES

Préservation du compartiment CD4 de la Mémoire Centrale chez les patients « VIH Contrôleurs »

Au cours de la réponse immune, chaque clone spécifique traverse plusieurs états de différentiation. Avant la rencontre avec l’antigène les lymphocytes CD4 sont naïfs.

Par la suite, ces cellules passent par un stade effecteur avant, soit de disparaître par apoptose, soit de devenir des lymphocytes mémoires. Parmi ces lymphocytes mémoires on distingue ceux restant partiellement activés, rapidement opérationnels mais à courte durée de vie (Mémoire Effectrice) de ceux, plus pertinents pour comprendre la situation des patients « VIH Contrôleurs », se différentiant en cellules avec une très longue durée de vie (Mémoire Centrale). Par la sécrétion autocrine d’IL-2, les cellules de la Mémoire Centrale sont capables d’autorenouvellement ce qui renforce leur maintien à très long terme. Grâce à l’expression des molécules d’adressage CCR7 et CD62L ces lymphocytes de la Mémoire Centrale peuvent rejoindre les sites ganglionnaires où s’initient les réponses de rappel.

Au cours de l’infection à VIH active, la différentiation vers les lymphocytes CD4 effecteurs est accélérée. En conséquence, pour chaque réponse spécifique, le compartiment de la Mémoire Centrale est dépleté et progressivement les réponses immunes sont affaiblies puis disparaissent [11]. Au contraire, chez les patients « VIH Contôleurs », le pourcentage des lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale (CD45RA- CD45RO+ CCR7+) reste élevé, comparable à celui des sujets sains et bien supérieur au nombre de ces cellules retrouvées chez des patients activement traités par des antirétroviraux et contrôlant complètement leur charge virale [12].

De plus, contrairement à toute attente, les lymphocytes de la Mémoire Centrale des patients « VIH Contrôleurs » expriment à leur surface un nombre de molécules

CCR7 supérieur à la normale. La capacité de ces lymphocytes CD4 à traverser les microcapillaires des ganglions pour rejoindre les sites où se déroulent les réponses immunes étant accrue, ceci doit contribuer à augmenter l’efficacité des défenses anti-VIH de ces patients [12].

Enfin, chez les patients « VIH Contrôleurs », la sécrétion d’IL-2 par les lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale est élevée. Ceci leur permet donc de se maintenir en nombre et à très long terme. Parallèlement, nous avons pu montrer que la capacité des lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale à secréter simultanément de l’IL-2 et de l’IFNγ est accrue chez les patients « VIH Contrôleurs », ce qui augmente leur capacité à stimuler de multiples branches effectrices de la réponse immune [13].

Multiplication et avidité accrue des lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale des patients « VIH contrôleurs »

La capacité de multiplication des lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale provenant de patients « VIH contrôleurs » a été mesurée en étudiant, in vitro , leur capacité à proliférer et à engendrer des lignées cellulaires spécifiques d’antigène.

Dans ces expériences, plusieurs peptides de la capside virale Gag p24 ont été analysés (Gag 293, Gag 161,…). Au cours de ces études, il apparaît clairement que les lignées cellulaires des patients « VIH Contrôleurs » se divisent plus rapidement que des lignées comparables issues de patients virémiques ou de patients traités de manière efficace par des antirétroviraux [13]. Les mécanismes expliquant cette multiplication accrue restent hypothétiques. On peut évoquer le rôle de l’IL-2, facteur de prolifération essentiel des lymphocytes CD4 activés, dont on sait qu’elle est produite de manière très abondante chez ces patients. On peut aussi évoquer une diminution de l’apoptose expliquée par l’inactivation du facteur de transcription FOX03a [14]. Au cours de ces cultures, en plus de leur multiplication accrue, on observe aussi que les lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale provenant des patients « VIH Contrôleurs » se différencient très efficacement en lymphocytes Mémoire Effecteurs.

Parallèlement, toujours en utilisant des lignées cellulaires, nous avons pu démontrer que certains lymphocytes CD4 de patients « VIH Contrôleurs » présentaient une avidité accrue pour l’antigène Gag 293. Ceci a pu être objectivé en mesurant la capacité des cellules effectrices correspondantes à secréter de l’IFNγ après stimulation par des doses variables de peptides. Plus démonstratifs encore, nous avons mesuré physiquement l’avidité des lymphocytes CD4 à se lier avec des tétramères de classe II chargés par différents peptides Gag. Les tétramères de classe II sont des molécules produites par génie génétique, reproduisant en solution la structure du CMH retrouvée à la surface des cellules dendritiques ou des cellules présentant l’antigène. Par cette approche, nous avons pu vérifier que seuls certains lymphocytes CD4 issues des patients « VIH Contrôleurs » se liaient efficacement avec des tétramères de classe II correspondant au CMH du patient liés au peptide Gag 293 [13].

Conjuguée à la capacité à se diviser plus rapidement, cette forte avidité est critique pour comprendre l’efficacité des lymphocytes CD4 des patients « HIV Contrô- leurs ».

L’ensemble des propriétés des lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale explique donc le maintien du statut « VIH Contrôleurs » car, malgré la virémie, extrêmement faible ou très passagère (« blips »), ces patients peuvent maintenir une réponse immune efficace prolongeant ainsi leur situation clinique, (Figure 2).

Fig. 2. — Propriétés des lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale chez les patients « VIH Contrôleurs » ADCC : Cytotoxicité cellulaire dépendante des anticorps CCR7 : Marqueur de surface lymphocytaire contrôlant l’adhésion aux endothéliums capillaires IL-2 : Interleukine-2 Réponses effectrices chez les patients « VIH Contrôleurs »

Concernant les anticorps, le niveau de réponse contre l’enveloppe virale (gp120) est comparable entre les patients « VIH Contrôleurs » et les patients virémiques. De la même manière, le niveau des anticorps neutralisant le virus est semblable entre les patients « VIH Contrôleurs » et les patients virémiques. Cependant, lorsque la cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps (ADCC) est mesurée, son niveau est supérieur chez les patients « VIH Contrôleurs » [15].

La réponse cytotoxique CD8 spécifique est en général plus élevée chez les patients « VIH Contrôleurs » et ceci avant toute restimulation suggérant qu’elle est la conséquence d’une activation continue par les lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale décrit ci-dessus. Cette activité cytotoxique quelquefois maladroitement appelée « activité suppressive » pourrait donc expliquer le contrôle de la virémie dans ce groupe de patients [16]. Cependant, chez certains patients « VIH Contrô- leurs » la réponse cytotoxique spécifique du virus demeure très faible, voire indétectable [16].

Au bilan, les cibles effectrices des lymphocytes CD4 des patients « VIH Contrô- leurs » ne sont pas entièrement définies. Chez ces patients, les résultats obtenus avec les anticorps et les lymphocytes CD8 suggèrent fortement l’existence d’autres niveaux de maîtrise de la réplication virale.

MÉCANISMES DE L’INDUCTION DU STATUT « VIH CONTROLEUR »

Conséquence d’une primo infection d’intensité modérée ?

Il est couramment admis que la sévérité de la primo infection par le VIH est un facteur aggravant, précipitant l’évolution vers la maladie. En conséquence, on considère qu’une primo infection d’intensité modérée — en terme de virémie et de chute des lymphocytes CD4 — serait un facteur favorable. C’est dans ce contexte que l’attention s’est tournée vers la recherche de facteurs qui pourraient avoir réduit la sévérité de la primo infection chez les patients « VIH Contrôleurs ».

Le virus infectant les patients « VIH Contrôleurs » a été analysé à la recherche d’anomalies qui auraient pu réduire sa virulence. Dans la plupart des cas, des virus capables de se répliquer efficacement ont été isolés à partir des globules blancs des patients « VIH Contrôleurs » suggérant qu’il n’y a pas d’anomalie majeure des souches de VIH ayant infecté ces individus. De plus, le séquençage du génome viral qui indique une évolution du virus due à sa lente réplication chez les patients « VIH Contrôleurs » démontre que les gènes contrôlant la réplication demeurent fonctionnels [17]. Dans ce même esprit, il a pu être vérifié que les lymphocytes CD4 des patients « VIH Contrôleurs » autorisent la réplication de souches de VIH infectieux, couramment utilisés dans les laboratoires. Malgré tous ces résultats, on ne peut pas exclure que les lymphocytes CD4 des patients « VIH Contrôleurs » expriment des molécules (récepteurs, cocepteurs, facteurs de restriction, …) ralentissant sélectivement la multiplication du VIH les ayant infectés.

La génétique de l’hôte a été aussi étudiée. Dans nos études, nous avons retrouvé une surreprésentation de l’allèle HLA-DRB*0701 du CMH de classe II. Cet allèle pourrait induire préférentiellement des réponses CD4 efficaces, mais ceci reste à démontrer [13]. De la même manière, certains allèles du CMH de classe I sont surreprésentés dans le groupe des patients « VIH Contrôleurs » avec une augmentation toute particulière de la fréquence de HLAB27 et surtout de HLAB57 [2]. Ceci est en accord avec de nombreuses études concernant le rôle des gênes de classe I du CMH dans la pathogenèse du VIH [18]. Chez les patients « VIH Contrôleurs », ces gênes induiraient une réponse CD8 plus efficace contre le virus susceptible d’atté- nuer la primo infection. Mais ceci reste spéculatif étant donné que des CD8 activés spécifiques du VIH ne sont pas détectés chez un certain nombre de patients « VIH Contrôleurs » (voir plus haut.) Comme ces études sur la virulence du VIH et sur la génétique des patients « HIV Contrôleurs » n’ont pas encore donné de réponses définitives, d’autres hypothèses importantes restent à considérer [19-21]. Les patients « VIH Contrôleurs » pourraient avoir été contaminé alors qu’ils étaient atteints d’une autre affection induisant la production de grande quantité d’IFNα aux propriétés antivirales efficaces. On peut aussi imaginer que le système immunitaire de la muqueuse intestinale, le site où se produit la majeure partie de la multiplication virale au cours de la primo infection, se soit passagèrement retrouvé dans un état de défense particulier contre le microbiome intestinal réduisant ainsi l’intensité de la primo infection par le VIH.

Ces hypothèses rappelleraient une vieille observation médicale : le déroulement d’une infection interdit souvent le développement d’une deuxième.

Comparaison avec d’autres situations ou mécanismes de contrôle de l’évolution vers le SIDA [19]

Les sujets exposés non infectés (ENI) se rapprochent des patients « VIH Contrô- leurs ». L’étude des couples discordants, où un des conjoints reste séronégatif alors que l’autre est contaminé, ainsi que l’analyse de certains individus restant séroné- gatifs malgré leur exposition fréquente à des seringues souillées ont permis d’acqué- rir des résultats intéressants. A la différence des patients « VIH Contrôleurs », ces individus restent négatifs pour les anticorps anti-VIH ainsi que pour la détection de l’ARN, et de l’ADN viral alors que l’on peut détecter chez eux des réponses CD4 et CD8 spécifiques du VIH. Ceci confirme qu’ils ont bien été exposées au virus, sans être infectés, et que leur système immunitaire a été capable d’une réponse importante, encore plus efficace que chez les patients « VIH Contrôleurs ».

Plus récemment on a pu constater que des patients traités très tôt après la contamination par des antirétroviraux efficaces évoluent vers un statut proche des « VIH Contrôleurs ». Ceci semble valider l’hypothèse que les patients « VIH Contrôleurs » ont subi une primo infection modérée.

À ce stade, il faut aussi évoquer les modèles expérimentaux utilisant les singes d’Afrique, comme le singe vert ou le mangabé. Après infection par le virus de l’immunodéficience simienne (VIS) ces animaux n’évoluent pas vers le Sida. Pour plusieurs raisons, ces modèles demeurent cependant différents de la situation des patients « VIH Contrôleurs ». Contrairement à nos patients, ces singes développent une virémie très élevée sans être malade : ce sont des porteurs sains. En réalité, ces singes sont des réservoirs du VIS adaptés à leurs hôtes naturels depuis plus de dix mille ans. Ils sont d’ailleurs à l’origine de l’épidémie à VIH (zoonose) puisqu’on a pu démontrer que des virus infectant le chimpanzé sont les ancêtres du VIH-1 tandis que des virus infectant le mangabé sont très proches du VIH-2. Les humains n’étant pas des hôtes naturels de ces rétrovirus, chez eux, cette infection déclenche la maladie. Les patients « VIH Contrôleurs » représentent-ils une première étape de l’adaptation du VIH à l’homme prédisant ainsi l’arrêt à très long terme de l’épidé- mie de VIH ? …

CONCLUSION : POTENTIALITÉS DES ÉTUDES SUR LES PATIENTS « VIH CONTROLEURS »

Tout d’abord, les travaux sur ce groupe de patients comme ceux sur les sujets ENI démontrent que le système immunitaire humain peut contrôler la réplication du VIH et l’évolution vers le SIDA. Les patients « VIH Contrôleurs » rappellent ainsi d’autres infections virales chroniques comme celles par le virus de l’herpès où le système immunitaire contrôle majoritairement l’agent pathogène même si occasionnellement le virus peut échapper. Dans le cas de l’infection par le VIH où, malgré le prolongement des traitements antirétroviraux, on n’arrive pas à éradiquer le virus qui perdure dans des réservoirs inatteignables par les drogues, on peut formuler l’espoir que la stimulation adéquate du système immunitaire permettrait d’arriver à un juste équilibre ressemblant à celui des patients « VIH Contrôleurs ». Ceci justifie les approches d’immunothérapie initiées avec l’IL-2 et maintenant proposées avec l’IL-7 [22].

D’autre part, l’étude des patients « VIH Contrôleurs » devrait nous fournir des corrélats de protection utiles. La décision de commencer une thérapie par des antirétroviraux est toujours difficile puisque ces drogues, non dénuées d’effets toxiques, seront ensuite administrées à vie. Il est donc évident qu’il serait utile de connaître les caractéristiques des lymphocytes de la Mémoire Centrale avant d’intervenir sur les sujets virémiques. Des efforts devraient être entrepris dans ce sens pour mesurer le marqueur CCR7, l’avidité et la capacité à sécréter de l’IL-2 et de l’IFNγ des lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale des patients, avant la mise sous traitement. Ceci permettrait d’évaluer la rapidité de leur évolution possible vers le SIDA et donc de mesurer l’opportunité d’amorcer une thérapie antirétrovirale. Cependant, le passage de ces examens en routine ne sera pas sans problèmes pratiques.

Enfin, l’existence de ces patients devrait permettre de dessiner de nouvelles stratégies vaccinales. Il apparaît moins utile de chercher à mettre au point un vaccin qui protège totalement contre la contamination virale. Il semble maintenant plus opportun de chercher un vaccin qui préviendrait la désorganisation massive du système immunitaire au cours de la primo infection et autoriserait ainsi l’apparition de lymphocytes CD4 efficaces comme ceux des patients « VIH Contrôleurs ». Tout vaccin qui diminuerait la charge virale lors de la primo infection devrait être considéré à condition que l’on mesure ses effets à long terme, c’est à dire sa capacité à entraîner le développement du statut « VIH Contrôleurs » et non pas simplement par l’apparition des anticorps anti-VIH chez les sujets vaccinés puis contaminés.

REMERCIEMENTS

Pour faciliter l’étude des patients « VIH contrôleurs » et intensifier les applications médicales des nouvelles données une cohorte française a été ouverte (ANRS CO18, investigateur principal Pr Olivier Lambotte, olivier.lambotte@bct.aphp.fr) Tous les travaux sur les patients « VIH Contrôleurs » ont été initiés puis poursuivis avec le soutien constant de l’Agence Nationale de Recherche sur le SIDA et les Hépatites Virales (ANRS).

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[19] Chakrabarti L.A., Simon V. — Immune mechanisms of HIV control.

Curr. Op. in Immun ., 2010, 22 , 488-496.

[20] Theze J. — Les lymphocytes CD4 cibles et acteurs dans la pathogenèse de l’infection à VIH — Conséquences thérapeutiques. Bull. Acad. Natle Méd. , 2008, 192 , 1453-1468.

[21] Saag M., Deeks S.G. — How do HIV Elite controllers do what they do ?

Clin. Inf. Dis ., 2010, 51, 239-241.

[22] Beq S., Delfraissy J.F., Theze J. — Interleukin-7 (IL-7): Immune function, involvement in the pathogenesis of HIV infection and therapeutic potential. Eur. Cytokine Netw ., 2004, 15, 279-289.

 

DISCUSSION

M. Christian NEZELOF

La possession de cette population lymphocytaire « contrôleur » CCR7, si elle confère une résistance vis-à-vis du VIH, donne-t-elle un avantage vis-à-vis d’autres infections virales ?

Les lymphocytes de la Mémoire Centrale des patients « VIH Contrôleurs » pré- sentent des propriétés très particulières et jouent certainement un rôle dans l’ap- parition et le maintien de ce statut de résistance au VIH. Cependant, les patients « VIH Contrôleurs » ne semblent pas plus résistants à d’autres maladies infectieuses. Nombre d’entre eux sont infectés par le virus de l’hépatite B ou le virus de l’hépatite C.

M. Charles LAVERDANT

J’avais cru comprendre que le contrôle de l’infection chez ces sujets « non progresseurs » était gouverné par des CD8 spécifiques du virus, ayant une forte capacité de production de cytokines, avec efficacité de lyse de CD4 beaucoup plus grande que chez des VIH « progresseurs ». Qu’en est-il ?

Au départ, une activité CD8 spontanément activée, capable de lyser des CD4 infectées a été décrite chez les patients « VIH Contrôleurs ». Les études suivantes ont montré que celle-ci ne se retrouve que chez une fraction des patients. Au contraire, les lymphocytes CD4 de la Mémoire Centrale que nous avons décrits se retrouvent chez tous les patients.

Nous sommes donc enclins à penser que le statut « VIH Contrôleurs » est plutôt associé aux lymphocytes CD4 qu’aux lymphocytes CD8. Par ailleurs, les lymphocytes CD4 sont nécessaires pour le maintien à long terme de l’activité CD8, surtout en présence de basse concentration d’antigènes comme chez les patients « VIH Contrôleurs ». Nous concluons que l’activité CD4 des patients « VIH Contrôleurs » est la clé de leur résistance.

M. Pierre DELAVEAU

L’expression de « elite controller », utilisée aux États-Unis ne peut être acceptée en France pour des raisons évidentes. Mais le mot « contrôleur » lui-même n’est-il pas regrettable puisque la langue française ne retient pas l’idée de « lutte victorieuse » qui est sous-entendue par l’anglais control. Ne serait-il pas justifié de traduire « to control » par maîtriser en écartant le sens de vérifier qui est plutôt rendu par to check ?

Cette question importante recouvre plusieurs aspects : — dans la dénomination de ces patients, l’usage du mot « contrôleur » a été consacré par les congrès internationaux. En l’absence d’une découverte majeure par une équipe susceptible d’imposer une nouvelle appellation, changer cette habitude ne sera pas facile. — dans la communication avec ces patients, le mot « contrôleur » présente aussi des difficultés. Heureusement, la plupart des médecins français n’utilisent pas la dénomination « Elite contrôleurs ». — Auprès des patients, il faut insister sur leur « chance » exceptionnelle d’appartenir à ce groupe tout en restant très prudent concernant leur évolution à long terme, leur capacité à transmettre le virus et à développer des affections liées à un statut immunitaire très particulier.

M. Pierre GODEAU

Le terme de « VIH contrôleur » directement traduit de la langue anglaise, ne pourrait-il pas être remplacé soit simplement par « VIH non progresseur » ce qui est la simple constatation d’un fait clinique, soit par le terme de « stabilisateur » ce qui correspond à une réalité transitoire sans considération sur la durée de cette apparente stabilisation ?

 

Ici encore, on est contraint par l’historique des études sur les patients infectés par le VIH :

— aux alentours de 1990, on a commencé à déceler des patients qui maintenaient à long terme un taux de lymphocytes CD4 élevé (> 600 CD4/mm3) et n’évoluaient pas vers le SIDA. Ces patients ont été dénommés « Asymptomatiques Long Terme » (ALT) ou « Long Term Non Progressors » (LTNP). Ce groupe a donc été défini sur des bases immunologiques (taux de lymphocytes CD4.) — Depuis 2005, on a décrit le groupe des patients « VIH Contrôleurs » qui maintient une virémie indétectable. A la différence du précédent, ce groupe a été défini sur des critères virologiques. Evidemment, les deux groupes se recoupent et, dépendant des études, 20 à 40 % des ALT sont aussi des « VIH Contrôleurs ». Il semble que pour > 50 % des patients, le statut ALT est transitoire et qu’après quinze ans d’infection, bon nombre d’entre eux développent des signes d’immunodéficience. Le statut « VIH Contrôleurs » semble beaucoup plus stable.

M. André VACHERON

Quelle est la durée moyenne de la maladie virologique ? Quelle est l’explication de sa terminaison ?

Après la primo-infection, la maladie virologique dure trois à quatre mois. La fin de cette période se définit par une virémie plasmatique basse. Bien que variable en intensité, la réponse immune anti-VIH est toujours efficace lors de la primo-infection et conduit à une chute de la virémie, sans éradication du virus.

 

<p>* Unité d’immunogénétique cellulaire, centre d’infectiologie Necker-Pasteur, Institut Pasteur, 25/28 rue du Docteur Roux — 75015 Paris, e-mail : jtheze@pasteur.fr ** Médecine interne et maladies infectieuses, Hôpital de Bicêtre — 94275 Le Kremlin-Bicêtre Tirés à part : Professeur Jacques Thèze, même adresse Article reçu le 12 novembre 2010, accepté le 10 janvier 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 3, 545-559, séance du 8 mars 2011