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Séance du 1 avril 2001

Les membres du Comité Central de Vaccine, une poignée d’hommes qui ont bien mérité de leur patrie, et même de l’humanité

MOTS-CLÉS : comité central de vaccine. jenner (edward), 1749-1823.. vaccination. vaccine. variole
The Members of the Central Committee of Vaccine : A Handful of Men Worthy of Their Country and of Humanity
KEY-WORDS : comite central de vaccine. jenner (edward), 1749-1823.. smallpox. vaccination. vaccinia

H. Bazin

Résumé

Il y a 200 ans, en mai 1800, une initiative privée établit un « Comité Central de Vaccine » à Paris. Cette poignée d’hommes se livra à un exercice hors du commun. Il s’agissait de mettre en œuvre une découverte encore récente, mal connue, une méthode pour se protéger contre la petite vérole. La nouvelle provenait d’Angleterre, pays avec lequel la France était en mauvais termes. La petite vérole était une maladie très redoutée, tuant un dixième de la population et en défigurant ou estropiant au moins autant. Après plusieurs échecs, le succès fut atteint et la valeur de la méthode démontrée. Le comité joua un grand rôle dans la diffusion de cette vaccination due à Jenner, non seulement en France, mais dans l’immense empire napoléonien. Ses remarquables expériences furent publiées et diffusées dans l’ensemble du monde occidental. Le comité fut officialisé en 1804 et travailla jusqu’à la fondation de l’Académie de médecine qui reprit ses devoirs et responsabilités. Les Français doivent beaucoup au Comité Central de Vaccine qui contribua grandement à la lutte contre la variole et son éradication finale.

Summary

Two hundred years ago, in May 1800, a private initiative set up a ‘‘ Central Committee of Vaccine ’’ in Paris. A handful of men launched an extraordinary research : how to implement a still recent and little-known discovery, a method to protect people against small pox. The news came from England, with which France was on bad terms. Smallpox was a fearsome disease killing one tenth of the population and disfiguring or maiming as many again. After several failed attempts, success was reached and the value of the method demonstrated. The committee played a major role in spreading the vaccine (thanks to Jenner) not only in France but also in the whole of the Napoleonic Empire. His remarkable experiments were published and made known to the whole western world. The Committee was made official en 1804 and operated until the foundation of the Academy of medicine, which took over its duties and responsibilities. The French owe a lot to this Central Committee of Vaccine, which greatly contributed to fighting small pox and eradicating the disease finally.

Il y a 200 ans, en mai 1800, fut établi un Comité Central de Vaccine à Paris. Cette poignée d’hommes réunis par un sens du devoir exceptionnel se livra à un exercice hors du commun. Il s’agissait de mettre en œuvre une découverte récente, encore mal démontrée, un procédé de protection contre la petite vérole. La nouvelle arrivait d’Angleterre, pays avec lequel la France était en très mauvais termes. Il fallait du courage et de la perspicacité pour se lancer dans une telle aventure.

La publication, par Edward Jenner, de son livre An inquiry into the causes and effects of Variolae vaccinae , en septembre 1798, eut un impact mondial aussi bien médical que social. Pour un modeste ouvrage imprimé à compte d’auteur, ce fut un énorme succès. En un an, la nouvelle se répandit dans le monde occidental. En peu d’années, dans le monde entier. Il s’agissait de la démonstration que l’inoculation de la vaccine, une maladie bénigne de la vache, à l’homme lui procurait une immunité durable contre la petite vérole, appelée plus tard variole. Quel fut le premier courrier qui amena cette nouvelle à Paris ? Il est difficile de le préciser clairement. Cependant, Valentin et Désoteux en font mention dans leur livre de 1798 sur la variolisation, se fondant sur une note de la Bibliothèque britannique , revue de Genève. Pagès, en 1801, cite un article publié dans

La décade philosophique du 28 février 1799. Quoi qu’il en soit, l’annonce arriva rapidement aux oreilles parisiennes. L’Institut national et l’École de médecine de Paris furent hautement intéressés par une telle découverte et s’empressèrent de la discuter. Évidemment, n’ayant ni vaccine ni documents explicatifs, leurs investigations ainsi que leurs débats s’arrêtèrent assez vite. Que faire !

Mais pourquoi tant de bruit pour une seule et unique maladie contagieuse ? Elle était effrayante, tuant environ un dixième de la population et laissant de très nombreux estropiés sans compter les défigurés. C’est monstrueux, inimaginable dans le cadre des concepts actuels de nos sociétés qui considèrent les maladies infectieuses un peu comme des errements du passé. Malheureusement, cette belle conception est mise à mal par leur retour à nos côtés…

Le 19 janvier 1800, l’École de médecine de Paris nomma des commissaires chargés, de concert avec les membres d’une commission de l’Institut, d’expérimenter un
fluide-vaccin rapporté d’Angleterre par le médecin genevois Colladon. Ce fut Pinel qui fit la première tentative à La Salpêtrière. Malheureusement, ce fut un échec, le vaccin fit long feu. Il y eut quelques autres essais, sans succès en région parisienne, réussis sur une petite échelle en province mais sans lendemain. Sans un appui ferme et constant des autorités, la chaîne de production de bras à bras, suivant la méthode jennérienne, ne pouvait que s’arrêter rapidement.

Grâce au ciel, le jeune médecin Aubert, plein de zèle, propose d’aller en Angleterre pour y apprendre la méthode. Les commissions réunies de la Faculté de médecine et de l’Institut rédigèrent une liste de questions auxquelles Aubert était chargé de trouver des réponses précises. Par bonheur, le duc de Larochefoucault-Liancourt, un ci-devant émigré, profitant de l’apaisement politique qui semblait prévaloir, revint au pays. Au mois de mars 1800 (prairial de l’an 8), initié aux méthodes britanniques, il créa « la société des souscripteurs pour l’inoculation de la vaccine » dans le but de réunir des fonds destinés à soumettre à l’expérimentation la découverte du docteur Jenner. Très vite, des personnalités influentes apportèrent leur soutien : les consuls Lebrun et Bonaparte, Lucien Bonaparte, Talleyrand, Fouché, Roederer, Thouret, Frochot, préfet du département de la Seine, Carnot et bien d’autres. Le 21 floréal de l’an 8 (11 mai 1800), les signataires de la souscription furent convoqués et décidèrent que la maison offerte par le sieur Colon à Vaugirard serait le lieu des premières expériences et qu’un comité médical suivrait le bon déroulement de celles-ci.

Les membres de ce comité auquel on adjoindrait 5 membres de la société de vaccine composeraient un conseil chargé de l’administration des finances. Une parfaite transparence serait de rigueur. Tout serait publié par les voies de la Gazette de Paris et par le Moniteur. Le premier comité médical fut composé de Pinel, Le Roux, Parfait, Mongenot, Guillotin, Salmade, Doussin-Dubreuil, Marin, Colon, Husson et les citoyens de Lessert, Clavareau, Lasteyère, Thouret et Liancourt y furent adjoints pour former le conseil d’administration. Thouret fut nommé trésorier.

Le comité médical rapporte : « Nous avions besoin de sujets propres aux inoculations (vaccinations) ; les hospices nous furent ouverts, sous l’autorisation du ministre de l’Intérieur, le citoyen Lucien Bonaparte, dont la prévoyance ne négligea aucune des précautions que la prudence pouvait conseiller. Le citoyen Sabatier, de l’Institut national, et les médecins en chef des hospices d’enfans furent chargés par le ministre, de concourir à l’examen du plan d’expériences proposé par le comité. Le comité avait surtout à se procurer du fluide vaccin pour ses opérations. Il s’adressa avec confiance aux membres de l’Institut formé à Londres pour cette inoculation, MM. Pearson, Nihell, etc ; et pour les relations qu’il devait avoir avec ces savants, il obtint, du ministre des relations extérieures, le citoyen Talleyrand-Périgord, ainsi que du citoyen Otto, commissaire de la république en Angleterre, toutes les facilités qu’il pouvait désirer ».

Colon retrace les faits, à sa manière. « On pourrait croire que la souscription tint compte au cit. Colon de la location de sa maison, de ses lits, etc : il est bien aisé de publier que son intention fut toujours d’offrir sans intérêt son habitation de campagne et les accessoires nécessaires pour recevoir jusqu’à quarante enfans chez lui. Aussi fit-il
élever sa maison de deux étages et distribuer l’intérieur, acheta-t-il quarante lits, le linge et les choses indispensables pour remplir les propositions qu’il avait faites. La souscription a payé les dépenses journalières de bouche, blanchissage, service extraordinaire. Le reste a été sacrifice de sa part, et un tribut qu’il a payé à la découverte qui fixe aujourd’hui l’attention de toute la France » . Il semble que ledit citoyen Colon trouva un peu maigre les remerciements qu’il reçut. Les petits pensionnaires, qu’il ne fut pas aisé d’obtenir d’une administration peu encline à se lancer dans l’inconnu, semblèrent ravis de l’escapade hors des murs de leur orphelinat (toujours aux dires de Colon). « Le 7 prairial de l’an VIII (27 mai 1800) un envoi de fluide vaccin nous fut adressé de Londres. Le comité avait fait choix, pour suivre ses expériences, d’un local qui réunissait toutes les conditions que l’on pouvait exiger pour former un pareil établissement ; des enfans de l’hospice de La Pitié y furent bientôt réunis en nombre suffisant ; et les essais commencèrent, d’après le plan que le comité s’était tracé, et dont il se promit de suivre religieusement toutes les dispositions ». Les expériences commencèrent dès que le comité fut en possession de vaccine, encore appelée fluide vaccin (provenant de Pearson, de Londres). Trente enfants furent vaccinés le 2 juin 1800, puis beaucoup d’autres, mais très vite, le comité s’aperçut que cette souche de « vaccine » ne donnait que de la fausse vaccine ou vaccine bâtarde. Le succès ne fut pas au rendez-vous.

Entre-temps le comte de Laroque, émigré français en Angleterre, traduisait le premier livre de Jenner et le publiait à Lyon. En fait, sa première traduction, à ses dires encore à l’état de brouillon, fut publiée sans son accord. Quelques mois plus tard, de Laroque fit imprimer lui-même une version révisée. Trois éditions de cette traduction furent épuisées en sept mois.

Fort heureusement, Aubert, toujours à Londres, parvint à convaincre le docteur Woodville de se rendre à Paris afin d’enseigner aux Français la méthode correcte.

Woodville avait été un des premiers à tester la vaccination de Jenner. Le voyage fut un peu long. Il passait obligatoirement par le Danemark qui servait de relais neutre entre la Grande-Bretagne et la France. Woodville, Nowell, un médecin anglais qui exerçait à Boulogne-sur-Mer depuis plusieurs années et qui s’était réfugié à Londres au début des hostilités ainsi que son épouse Anne et leur fils Alexandre, et enfin Aubert, l’envoyé de l’Institut et l’école de médecine, arrivèrent toutefois à bon port.

Leur navire, le Borsumborg , venant d’Altona (port danois à cette époque, situé en grande banlieue de Hambourg), après sept jours de traversée, doit faire escale à Dieppe ou Calais, seuls ports autorisés par le gouvernement français à accueillir des bateaux neutres. Mais Nowell s’était arrangé pour débarquer à Boulogne, son port d’attache (à lui) et non pas à Calais où, cependant, le passeport de Woodville attendait ce dernier ! Ce sauf-conduit avait été accordé par le ministre des Relations extérieures, le citoyen Talleyrand-Périgord en personne. Nowell tenait probablement à retrouver ses pénates et sa clientèle boulonnaise. Après quelques ennuis avec les gabelous, Woodville repartit pour Paris où on l’attendait avec fièvre. Il y arriva le 26 juillet 1800, mais son fluide vaccin se révéla inactif, vraisemblablement à cause des grosses chaleurs de juillet ! Heureusement, le 19 juin 1800, Nowell (probable-
ment avec Woodville) avait profité de son retour dans sa propre clientèle pour vacciner trois petites filles : Marie Spitalier, Sophie Hedouin et « Beugny ».

D’ailleurs, c’était son seul moyen de conserver du vaccin frais pour ses propres patients. Cette vaccination un peu imprévue sauva l’expédition. Woodville fit appel à Nowell. Ce furent les trois enfants de Boulogne qui fournirent la matière dite de « Boulogne » comme elle fut longtemps appelée. Le rôle de Nowell dans la diffusion de la vaccination jennérienne en France et dans ses pays voisins est certain et il mérite notre reconnaissance.

De la vaccine fut donc prélevée sur les petites filles et envoyée de Boulogne à Paris, où Woodville vaccina avec succès. « Le 20 thermidor (8 août 1800), le cit. Colon donna aux pères et chefs de famille l’exemple de la plus grande confiance dans la nouvelle méthode ». Il fit vacciner son fils âgé de onze mois, malgré sa « faible » constitution, toujours aux dires de Colon. Rapidement, Colon publia un rapport, ce qui amena Thouret à protester contre ce manquement aux règles convenues, pas de rapport partiel des membres du comité central de vaccine… Les contre-épreuves (des variolisations) se succédèrent. La plus démonstrative et la plus remarquable fut effectuée au mois de novembre 1801. Le 21, on inocula la petite vérole à 102 enfants qui avaient été vaccinés 8 à 10 et même 15 mois auparavant. « Aucune des précautions propres à donner à cette grande expérience toute l’authenticité que l’on pouvait désirer, ne fut négligée par le comité central. » Des contre-épreuves par cohabitation furent tentées. Ainsi, 36 enfants passèrent au moins 15 jours dans une salle où 5 enfants avaient la petite vérole, certains ont couché dans le lit des malades, d’autres ont porté leurs chemises. Aucun n’a manifesté de symptômes de la variole.

Le comité s’assura, tout d’abord, de l’innocuité de la nouvelle méthode (l’équivalent d’une phase I des essais cliniques modernes, la dose adéquate ou plutôt la technique d’inoculation, étant précisée par Woodville lui-même). « Aussi ses premières expé- riences n’eurent-elles lieu que sur un petit nombre d’enfans chaque fois, et sur ceux choisis parmi les élèves des hospices. » C’est-à-dire des enfants trouvés ! Il est intéressant de noter que le comité estimait, quant à lui, être conforme à l’éthique en agissant de la sorte. Dans la seule ville de Paris, on comptait environ 6 000 enfants abandonnés par an, à la fin du XVIIIe siècle. Il n’y eut donc que l’embarras du choix.

Des contre-épreuves de variolisation furent effectuées sur certains vaccinés et permirent de conclure à l’efficacité de la nouvelle méthode. On testa même la matière varioleuse (c’est-à-dire le virus de la petite vérole lui-même) ayant servi aux contreépreuves sur deux enfants qui n’avaient pas encore contracté cette maladie. On les variolisa. Le bon exemple de personnes distinguées créa une saine émulation. Les citoyens Sabatier, Huzard, De Jussieu et Hallé, membres de l’Institut, firent vacciner leurs propres enfants. « Ces exemples mémorables portèrent rapidement la conviction dans les familles : ils servirent à répandre la pratique de la nouvelle inoculation… »

Les résultats étant satisfaisants, il fallait songer à établir un centre de vaccination, d’une part pour venir en aide aux enfants des familles indigentes susceptibles d’être vaccinés gratuitement, d’autre part et surtout pour servir de lieu de production et donc d’approvisionnement en fluide vaccin. D’une pierre on faisait deux coups, les
petits pauvres étaient protégés et fournissaient le vaccin. En plus de cela, la maison de Vaugirard était fort éloignée du centre ville. Il semble que, la mauvaise saison venant, les séances scientifiques du comité central ou celles de vaccinations étaient plus ou moins désertées. La maison du Saint Esprit, près de l’Hôtel de Ville, par arrêté du 8 février 1801, fut déclarée hospice d’inoculation (le terme de vaccination viendra un peu plus tard) par le citoyen préfet Frochot. C’est dans cette maison que le comité poursuivit ses travaux. Il y tint des séances hebdomadaires. Cet hospice fut confié aux bons soins du comité central de vaccine qui dut répéter les expériences des médecins anglais, multiplier le nombre des contre-épreuves, fournir du vaccin à la France entière et aux nations étrangères et faire naître et entretenir la confiance dans cette méthode nouvelle. Par chance, plusieurs membres du comité étaient en charge d’hospices ou d’établissements qui accueillaient de nombreux enfants, permettant ainsi de répéter les expériences. « Mais pour rendre ces ressources aussi profitables qu’elles pouvaient l’être, le comité sentit la nécessité de les régulariser. Un modèle de tableaux uniformes fut imprimé pour y consigner les détails des observations particulières. On a eu soin d’y faire inscrire les noms des enfans et celui de leur famille, leur âge, leur demeure, le jour de l’inoculation, le nom des individus dont on a tiré la matière inoculée, l’époque du développement des boutons à laquelle on l’a prise, les caractères principaux du travail (… de la vaccine, c’est-à-dire le nombre de pustules et leur taille, l’état général du patient…), et sa terminaison. Tous ces tableaux, réunis avec soin aux procès-verbaux tenus à l’hospice du comité, constatent ainsi l’état des vaccinations pratiquées ; ils forment les pièces probantes de la grande expérience dont on s’est occupé. » Le comité a certainement soumis la méthode jennérienne de vaccination à une série importante d’essais ; maternités, hospices, hôpitaux, prisons, et même « à l’institution des Colonies, où la vaccine était transmise à des noirs par le citoyen Dupuytren ; à l’Ecole Vétérinaire par les citoyens Godine et Dupuis, qui se livraient à des recherches sur les animaux ; à l’Ecole Polytechnique, où le citoyen Chaussier s’occupait à simplifier la méthode d’insertion » (c’est-à-dire, la méthode de mise en contact du vaccin avec le vacciné).

Et les essais continuèrent… « L’entière innocuité de la vaccine lui (le comité) étant complètement démontrée, il se livrait avec sécurité aux épreuves qu’il jugeait propres à constater ses avantages ; ainsi un grand nombre d’essais était tenté pour vérifier ce que l’on avait avancé de sa non-contagion, de l’absence de toute autre éruption que celle des piqûres, surtout de sa vertu préservative ; à cet égard, de nombreuses contr’épreuves étaient faites sur des réunions plus ou moins considérables d’enfans, à différents intervalles de l’époque à laquelle ils avaient été vaccinés, et avec une recherche de soins et de précautions pour en rendre l’effet inévitable et évident, s’il devait avoir lieu. » Le

Comité central de vaccine vérifia soigneusement la valeur de la découverte de Jenner, ce qui est, somme toute, assez naturel. Elle était encore très récente et ses conséquences étaient fort importantes pour les futurs vaccinés.

Le comité a joué aussi un rôle majeur dans la diffusion de la vaccination en France comme dans d’autres pays qui trouvèrent, dans ses rapports, des preuves attestant l’efficacité de la vaccination jennérienne.

L’enquête de mise sur le marché effectuée (telle qu’elle est encore pratiquée actuellement pour les vaccins modernes, avec évidemment beaucoup plus de précisions scientifiques), le comité s’attela à de nouvelles tâches : « L’hospice de vaccination devint un lieu d’instruction… Pour ceux, en plus grand nombre, que l’éloignement privait de cette ressource (venir s’instruire directement à Paris) , une correspondance très active fut établie ; des moyens d’envoi pour le fluide vaccin furent préparés et une instruction détaillée, rédigée avec soin, fut imprimée pour leur faciliter la connaissance du nouveau mode d’inoculation. » L’ensemble des opérations s’éleva à 2 276 livres, 15 sous et 4 deniers. La somme totale représentait approximativement 80 000 à 100 000 francs actuels, dont environ 2 000 francs étaient prélevés pour les enfants, qualifiés de « gratifications pour des enfans soumis aux expériences » , ce qui n’était guère généreux.

Il y eut alors, dans tous les territoires sous administration française, une énorme émulation, à qui vaccinerait le plus. Dès mars-avril 1801, une multitude de comités médicaux, nommés par des sociétés diverses, rivalisèrent de zèle pour répandre dans toutes les couches de la société les bienfaits de la vaccination jennérienne. Plusieurs facteurs contribuèrent à ce déferlement : la peur réelle et permanente de la petite vérole, la bénignité des effets secondaires de la vaccination, surtout comparés à ceux provoqués par la variolisation, la non-contagiosité des vaccinés et certainement l’exemple donné par les personnes haut placées qui faisaient vacciner leurs enfants.

En juin 1802, George Jenner (un neveu d’Edward) et le docteur Marshall dînèrent à Paris avec les membres du Comité central de vaccine. Le dîner eut lieu dans une salle où trônait un portrait de Jenner entouré de fleurs. Sur cette lancée, ce même comité envoya une délégation porteuse d’une belle lettre à Jenner où l’on pouvait lire : « Si les félicitations sincères des membres du Comité Central de Vaccine peuvent ajouter à la jouissance qu’a dû faire éprouver la justice du parlement britannique ; croyez, Monsieur, qu’il ne nous reste à cet égard aucun vœu à former. » Ce qui, évidemment, n’était pas très dispendieux pour le comité. L’allusion à la justice du Parlement britannique concernait le vote, le 2 juin 1802, de la donation de 10 000 livres à Jenner.

Au mois d’août 1802, une épidémie de petite vérole se déclara à Paris. Ce fut dans les quartiers où la vaccine avait été bien acceptée que la mortalité fut la moindre.

Puis, des établissements de vaccinations gratuites furent établis, le premier à Bordeaux, ensuite à Laval, Nevers, Nantes, Anvers, Châlons… De nombreuses initiatives surgirent de l’administration, comme celles de faire parcourir les campagnes par des officiers de santé (sorte de sous-médecins, mais de compétence médicale réelle attestée par des études et des diplômes reconnus) chargés de vacciner gratuitement, de donner des cours aux sages-femmes sur la vaccination, de faire publier, aux frais de la communauté, des rapports sur cette même méthode… Ainsi, le comité de vaccine de l’Ain, en 1804, rédigea un texte qu’il distribuait dans son département ; beaucoup d’autres firent de même. Le conseil général du département d’Indre-et-Loire, dans un bel élan, se surpassa : « Gloire et reconnaissance à l’inven-
teur et aux propagateurs du procédé à l’aide duquel on sauve l’espèce humaine d’un fléau qui la décimait ! Le conseil général vote des remerciements solennels à ces bienfaiteurs de l’humanité. »

Les autorités civiles et militaires, au coude à coude, s’efforçaient de diffuser la bonne nouvelle, distribuant la vaccine, non seulement aux populations dont elles avaient la charge, mais aussi à celles d’autres contrées. De la vaccine était envoyée dans les pays étrangers qui en faisaient la demande : Gênes, Bois-le-Duc (‘s-Hertogenbosch) en Hollande, Monaco, Trente, Saint-Pétersbourg, et même aux médecins de l’expédition de Saint-Domingue. Pour conserver le précieux vaccin, on employa le système classique qui était de le protéger entre deux lames de verre entourées de papier pour le tenir à l’abri de la lumière. Ce procédé n’était pas très efficace. On se servit d’individus encore susceptibles à la vaccine ou à la variole, suivant la méthode jennérienne, de bras à bras. C’était souvent de jeunes orphelins qui servaient de milieux de culture. Il était possible de les garder dans leurs lieux de séjours habituels ou de les faire voyager et c’est ainsi que la vaccine traversa l’océan Atlantique pour aller en Amérique centrale et du sud, puis en Chine, les sujets étant vaccinés les uns après les autres. Bretonneau, en 1803, indiqua un moyen de préserver pendant des temps relativement longs les propriétés du vaccin en l’introduisant directement d’un bouton vaccinal, dans des tubes capillaires que tout émailleur ou fabricant de baromètres pouvait fournir. Il est possible de rapprocher cette méthode de la première employée par Jenner pour transporter de Berkeley à Londres son précieux vaccin et essayer de le tester dans cette ville. Il utilisa la cavité d’une plume d’oiseau qu’il scella avec un peu de cire. La méthode de Bretonneau était plus hygiénique.

Cependant, sur le terrain, très vite et sur ordre des préfets, autorités compétentes en la matière, des dépôts de conservation de vaccin étaient organisés dans toute la France. La circulaire du 26 mai 1803 compte sur la bonne volonté des ministres du culte, des comités de bienfaisance et des membres des autorités publiques pour diffuser la nouvelle.

Le très long rapport du 11 mars 1803, sur la vaccine, du Comité central de vaccine, ainsi qu’un autre rédigé par l’Institut National, furent présentés à Napoléon Bonaparte, premier consul, qui chargea Chaptal, ministre de l’Intérieur et médecin, d’organiser une grande enquête sur la vaccination. Le 21 octobre 1803, Jenner fut nommé membre correspondant associé de l’Ecole de médecine de Paris.

Le 4 avril 1804, une nouvelle organisation, officielle cette fois, composée de savants, de fonctionnaires et des membres de l’ancien comité fut créée par le gouvernement français. Elle prit le nom de « Comité central de vaccine établi près S. Exc. Le ministre de l’Intérieur » . A partir de cette époque, des rapports annuels devaient être envoyés par les préfets. Le comité regroupa ensuite toutes les données et les publia sous forme de rapport annuel, en plus de ses bulletins mensuels. L’ancienne société des souscripteurs portera divers noms. Au 15 décembre 1804 (24 frimaire, an 13), le nom de « Société centrale de vaccine » ou encore « la société centrale établie pour l’extinction de la petite vérole en France, par la propagation de la vaccine » lui était donné.

Son but, l’éradication de la variole, était déjà clairement exprimé. Son travail :

expérimenter la vaccine et ses effets ou de nouvelles techniques, comme l’emploi de croûtes ; les rapports entre le virus de la vaccine et celui de l’eau aux jambes, maladie des chevaux ; propager l’emploi de la vaccine et l’établissement des certificats de vaccination ; recueillir les statistiques sur la vaccination et la mortalité due à la variole ; publier un « Bulletin sur la vaccine » ; installer des dépôts de conservation de vaccine dans les principales villes ; un comité départemental de vaccine, aidé de comités secondaires de vaccine dans chaque sous-préfecture et parfois dans chaque canton (comprenant le maire, le curé et un médecin ou un chirurgien) ; attribuer des récompenses annuelles fondées par Sa Majesté en faveur des plus zélés vaccinateurs.

En 1804, une médaille fut frappée en l’honneur de la vaccination. Elle représentait Napoléon sur une face et, sur l’autre, une vache, les instruments nécessaires à la vaccination et les inscriptions « Aeculatius protecting Venus » et « La Vaccine,

MDCCCIV » . La petite histoire prétend qu’il avait été question de mettre à la place du portrait de Napoléon, celui de Jenner lui-même, mais c’était trop demander à l’Empereur (Napoléon est maintenant empereur) ! Plus modeste et populaire, des pièces de vaisselle étaient aussi décorées en l’honneur de la vaccination ou de Jenner lui-même, en particulier une assiette de Sarreguemines. La vaccination était à la mode.

De nombreuses villes organisaient des séances gratuites de vaccination, à l’instar de la ville de Dijon, qui, voyant le peu d’efficacité de ses décrets précédents sur la vaccine (18 août 1806) établit, le 1er mai 1808, « une Chambre de Vaccine au local dit de la Miséricorde… ouverte, tous les jours, aux enfans des pauvres de cette ville, même à ceux des campagnes voisines, depuis onze heures du matin jusqu’à midi ». Le tout était gratuit, même les linges étaient fournis par l’établissement. En contrepartie, les enfants étaient tenus de fournir un certificat de vaccination avant d’être admis à l’école ou dans les hospices. Dans chaque département, un comité de vaccine fut établi. Les sociétés médicales locales étaient tenues de répandre les bienfaits de la vaccination. Le 20 juin 1808, Jenner fut élu membre correspondant étranger de l’Institut de France. Cependant, la France et la Grande-Bretagne étaient pratiquement en permanence en guerre.

En 1809, Napoléon décréta l’établissement de dépôts de vaccine dans toutes les grandes villes de son empire. Même les détenus de prison étaient soumis à des séances de vaccination obligatoires, comme le montre une lettre datée du 4 octobre 1810, émanant du préfet du département de la Côte-d’Or adressée au maire de Dijon, où il lui donne l’ordre d’aller visiter la prison de sa ville et d’y dénombrer les prisonniers n’ayant pas contracté la petite vérole ou pas encore été vaccinés et de s’arranger pour qu’ils le soient.

Le 4 avril 1811, un hospice central de vaccine était établi rue du Battoir-SaintAndré, et dans chacun des arrondissements de Paris, 2 séances, en mai et en septembre, de vaccination gratuite étaient organisées. Les bureaux de bienfaisance distribuaient aux pères et aux mères indigents, dont les enfants avaient été vaccinés,
des secours extraordinaires en nature, à titre de moyens de traitement de leurs enfants, pendant le travail de la vaccine.

L’apogée de la vaccine, dans la France napoléonienne, arriva incontestablement avec la vaccination du roi de Rome, fils de l’Empereur, âgé de cinquante-deux jours et sur lequel reposaient tous les espoirs de la dynastie. L’opération fut effectuée par le docteur Husson, secrétaire du Comité central de vaccine, le 11 mai 1811, au château de Saint Cloud. « Tout l’Empire sait aujourd’hui que S.M. L’Empereur et Roi a adopté, pour son auguste Fils le Roi de Rome, la salutaire méthode de la vaccine » . Le 13 mai 1811, soit deux jours après la vaccination impériale, Jenner était élu membre associé étranger de l’Institut de France ! La nouvelle lui fut transmise par sir Banks, celui-là même qui lui avait refusé la publication de son premier rapport sur la vaccination dans les Transactions of the Royal Society ! Sur cette lancée, au mois d’octobre de la même année, une grande souscription fut organisée pour faire graver par Monsaldi les portraits du docteur Jenner et de M. de la RochefoucauldLiancourt, au prix de 25 francs les deux à Paris et 30 francs en province… « Ces portraits de 36 cm sur 32 de large [ environ un pied 3 pouces sur 11 pouces ] paraîtront au 1er novembre 1811 » .

L’emploi de la vaccine fut aussi réglementé dans l’armée française par un décret du 29 mai 1811. Les incorporés au service militaire obligatoire étaient vaccinés. Il y avait donc peu de chances pour une bonne partie des Français d’échapper à la vaccination, bien que celle-ci, en principe, ne fut pas obligatoire ! Les filles de familles pauvres étaient soumises à la vaccination pour recevoir des subsides. M. le Général Baron Lachaise, préfet du département du Pas-de-Calais précise « Il est expressément défendu aux bureaux de bienfaisance et sœurs de charité, d’accorder aucun secours en argent, blé ou alimens aux indigens qui, ayant des enfans qui n’auraient pas eu la petite vérole, ne les auraient pas fait vacciner. » Quant aux autres, celles de parents plus aisés, elles devaient à ceux-ci d’être ou non vaccinées, suivant leur point de vue concernant cette nouvelle pratique.

M. de la Rochefoucault-Liancourt, le 9 juin 1812, avec quelques années de recul, s’expliqua : « Lors de son introduction (la vaccine) en France, l’importance de cette découverte n’a pas pu échapper à la sagacité prévoyante du gouvernement. Les expériences faites chez nos voisins donnaient une confiance fondée… il devait y avoir doute en France… sa prudence ne lui permettait même pas d’accorder une protection ouverte à ses expériences ; car il eût pu ainsi influencer l’opinion publique… Il s’est donc, dans ses premiers momens, borné à faciliter les essais faits par les hommes éclairés qui se dévouaient à en prendre la charge. A mesure que ces essais multipliaient les preuves favorables… il tenait moins secrète sa bienveillante protection. Il ordonnait, près du comité, l’établissement d’un hospice, où la matière vaccinale devait être continuellement entretenue ; il ordonnait des vaccinations gratuites ; il répandait des encouragemens ; il créait la société générale de la vaccine, à laquelle le comité central devait rendre annuellement un compte public de ses travaux ; il faisait du comité central une des branches du département de l’intérieur ; et quand enfin l’efficacité de cet infaillible préservatif n’a pu être contesté, il s’en est montré ouvertement le
protecteur » . Que ces choses sont bien dites ! Evidemment, c’était un peu difficile pour le gouvernement et l’administration française d’accepter cette nouvelle méthode provenant de cette Albion, avec laquelle on est en guerre depuis tant d’années.

C’est le 11 mai 1800 que le comité central de vaccine a été établi (Annexe 1). En général, pour noyer un problème délicat, rien de mieux qu’un comité. Pourtant peu d’hommes firent plus que cette poignée d’hommes pour leurs concitoyens et même pour l’humanité. Le comité central de vaccine eut un très large empire à administrer, celui de Napoléon. Il envoya de la vaccine dans tout l’Empire et aussi, dans d’autres pays, en Hollande, à la République de Gènes, à la Principauté de Monaco, en Suède, en Afrique, en Russie, en République Cisalpine.

L’ordonnance de 1820 portant création de l’Académie royale de médecine contient les dispositions suivantes. En autres, répondre aux demandes du gouvernement sur tout ce qui intéresse la santé publique et principalement sur les épidémies… les épizooties… la propagation de la vaccine et la conservation des archives du comité central de vaccine. Ces dernières obligations reprennent, de fait, celles du comité central de vaccine. L’Académie de médecine aura un service de la vaccine qui, au moins 2 fois par semaine, pratiquera des vaccinations gratuites et délivrera les certificats de vaccine, contresignés par son secrétaire perpétuel. L’Académie discutera souvent, longuement et souvent âprement des problèmes soulevés par l’emploi de la vaccine, des revaccinations, des nouvelles souches de vaccine, la conservation de la vaccine, etc.

Il est intéressant d’établir un parallèle entre le déroulement des événements public et privé concernant la diffusion de la vaccine en France et en Angleterre.

Date

France

Angleterre

Publication de « An inqui17 septembre 1798 ry… » par Jenner Institution for the inoculation 2 décembre 1799 of the Vaccine-Pock (Pearson) [privé] mars 1800 Société de souscripteurs [privé] Comité central de vaccine mai 1800 [privé] Hospice d’inoculation à Paris 8 février 1801 [public] Royal Jennerian Society for the 17 février 1803 extermination of the smallpox [privé] Rattachement du Comité cen4 avril 1804 tral de vaccine au Ministère de l’Intérieur National Vaccine Institution juillet 1809 [public] Hospice Central de Vaccine, 1812 rue du Battoir-Saint-André [public]

Il est clair que le Comité central de vaccine fut très actif. La France, grâce à son action déterminante, ne fut pas en retard sur la nation à qui l’on devait la vaccine.

Husson, un des acteurs les plus actifs du Comité central de vaccine écrivait, en 1821 : « En étendant nos vues, nous pouvons entrevoir l’époque à laquelle la vaccination sera généralement adoptée : alors la petite vérole ne se développera plus en Europe ; il sera facile d’en préserver les générations futures, en renonçant même à la vaccine, qui, n’étant pas contagieuse, s’éteindra d’elle-même. Il suffira d’empêcher soigneusement à l’avenir l’introduction de tout nouveau foyer de contagion… la masse de nos maux sera diminuée ; partout il y aura plus de sécurité, par conséquent plus de bonheur, et ce sera au zèle, au désintéressement des médecins que la postérité devra l’extinction d’un des plus terribles fléaux de l’espèce humaine. »

Le comité Central de vaccine a initié, en France, la vaccination. Il a protégé de la variole une partie importante de la population. En médecine, c’est probablement le premier exemple d’application d’un principe de prévoyance. Il serait bon de l’associer au principe de précaution. Les deux vont de pair. Utiliser l’un sans l’autre est déraisonnable et peut mener à des catastrophes. Qu’arriverait-il en cas de retour de la variole ? Qui peut assurer de sa disparition ?

ANNEXE 1. — Membres du Comité Central de Vaccine d’abord privé puis établi près S. E. le ministre de l’intérieur

Ils peuvent se diviser plus ou moins en deux groupes distincts. D’une part, les membres de grandes réputations sociales et médicales, qui rendent service au comité en lui apportant leurs réputations et leurs relations. D’autre part, les autres, souvent des spécialistes compétents en maladies infectieuses, ceux qui testent les propriétés de la vaccine, puis la diffuse. Ils sont souvent beaucoup moins connus mais furent d’un grand apport au comité.

MM. Alibert, Auvity, Bourdois, Chaussier, Colon, Corvisart, Delasteyrie, DoussinDubreuil, Duchanoy, François, Guerbois, Guillotin, Hallé, Husson, Huzard, Jadelot, J. -J. Le Roux, Marin, Michel, Mongenot, Parfait, Pariset, Pinel, de la Roche, Salmade, Thouret, furent membres de ce comité médical. Il faut ajouter le duc de la Rochefoucault qui en fut membre d’honneur.

MM. Doussin-Dubreuil, Husson, J. -J. Le Roux, Parfait, Pinel, Salmade et le duc de la Rochefoucault furent membres du Comité central de vaccine, de 1800 à 1822, pendant toute son activité.

Quelques mots sur des membres représentatifs du comité central de vaccine

Jean Alibert (1766-1837), médecin spécialiste des maladies de la peau, il invente les termes de dermatose et de syphilide. Nommé membre de l’Académie de médecine, par ordonnance du 7 décembre 1820.

Emmanuel Joachim Bourdois de la Mothe (1754-1835), à 24 ans, docteur régent de l’université de Paris. Aristocrate, médecin des nobles, il est arrêté par les révolutionnaires. Pour retrouver sa liberté, il accepte de partir à l’armée. Médecin chef de l’armée d’Italie, il rencontre Bonaparte et en devient l’ami, pour un temps. Rentré à Paris, il est membre de la Société de médecine. En 1810, il est conseiller inspecteur de l’université impériale. Il sera, pendant des années, médecin des enfants de France. Le 4 avril 1811, Bourdois est nommé membre du Comité central de vaccine car ce comité doit comprendre 16 membres plus un secrétaire. Il en est rapidement président et deviendra, plus tard, membre de l’Académie de médecine.

François Chaussier (1746-1828), né à Dijon, suit les études médicales de l’université de Besançon, puis devient prévôt du collège des chirurgiens de Dijon et professeur d’anatomie et de chirurgie à l’Académie de Dijon. En 1794, il est appelé à Paris pour y réformer les études de médecine. Médecin de la maternité en 1804, Chaussier devient professeur d’anatomie et de physiologie de la nouvelle école de santé et professeur de chimie de l’école polytechnique. Il publie de nombreux travaux et participe même à la rédaction du Dictionnaire des Sciences Médicales en 60 volumes.

Nommé membre de l’Académie de médecine, par ordonnance du 7 décembre 1820.

Athée, il exige des funérailles civiles qui furent l’objet de manifestations.

Jean Nicolas Corvisart , né en 1755, est attiré par la médecine. Il entreprend ses études médicales malgré sa famille et malgré de pauvres moyens, obtient sa licence puis le bonnet doctoral. Il est nommé médecin des pauvres de la paroisse SaintSulpice où il se révéla prudent et éclairé dans l’exercice de sa profession. Il devient médecin en chef de l’hospice de la charité. Successivement, professeur de médecine clinique à la nouvelle école de médecine et au collège de France. Médecin du gouvernement pendant le Consulat puis élevé Baron et premier médecin de Napoléon. Nommé membre de l’Académie de médecine, par ordonnance du 7 décembre 1820. Une belle carrière qui finit assez tristement dans une retraite morose.

De la Roche , médecin des hospices civils de Paris.

Jacques-Louis Doussin-Dubreuil est né à Saintes en 1762. Docteur en médecine, il soumit ses enfants à la vaccination dès l’introduction de cette pratique en France. Le reste de ses travaux s’accorde avec la lettre qu’il écrivit, en 1798, à Lalande, « pour l’inviter à expliquer l’influence de la lune dans la production de l’épilepsie. » Il ne semble pas avoir été très apprécié par les auteurs du

Dictionnaire des Sciences Médicales , bibliographie médicale de A. J. L. Jourdan (1820-1825).

Claude-François Duchanoy (1742-1827) fut un propagateur de la vaccination et participa à l’organisation des hôpitaux.

Joseph-Ignace Guillotin , né à Saintes en 1738. Après un cours séjour au noviciat des jésuites où il ne trouve pas sa voie, il se dirige vers les études de médecine. Il suivit les cours de Petit à Paris et, par manque de ressources financières, dut prendre ses degrés à Reims où il fut reçu docteur en médecine. Revenu à Paris, il s’y fit
rapidement une grande renommée. La Révolution le trouva prêt à s’enflammer pour de justes causes. Il demanda, ce qui lui valut quelques premiers ennuis avec le Parlement, que le Tiers-États eut autant de députés que les deux autres ordres, le clergé et la noblesse, réunis. Député de l’assemblée constituante, il s’intéressa à l’amélioration des études médicales. Soucieux du bien-être de ses collègues, il prit en main l’hygiène de la salle de réunion de l’assemblée. Grâce à des feux, il réussit à procurer des renouvellements fréquents de l’atmosphère qui permirent aux députés de conserver leur santé, même au cours de longues séances. Malheureusement, il établit une certaine discipline parmi les nombreux personnages attirés par les débats passionnés, ce qui lui valut la rancune des exclus… Guillotin monta à la tribune de la Constituante, le 10 octobre 1789, pour proposer l’égalité devant le bourreau, dont la décapitation pour tous les condamnés à mort, seuls les nobles ayant droit à ce supplice non infamant. Mal à propos, le 1er décembre de la même année, il revint sur son idée, proposant une machine et prononça ces paroles : « avec ma machine, je vous fais sauter la tête en un clin d’œil et vous ne souffrez pas » , phrase qui souleva l’hilarité de l’assemblée. Louis, secrétaire principal de l’Académie de chirurgie et Guillotin firent quelques expériences avec des animaux et quelques cadavres humains. Louis indiqua qu’un progrès décisif serait de donner une forme oblique au filet du couperet. Un condamné de droit commun fut la première victime de la nouvelle machine qui prit, un temps, le nom de Louison ou Louisette. Pierre Larousse précise que ce sont les rédacteurs du journal royaliste appelé les « Actes des apôtres » qui auraient employé, dès les premiers jours, le mot « Guillotine » . Cette méchante plaisanterie fut reprise, avec joie, par les gribouilleurs de copies que Guillotin avait exclus des séances de l’assemblée où ils semaient le trouble. Guillotin échappa à ce sinistre engin en évitant les sbires que son ex-ami Robespierre avait lancé à ses trousses pour le juger et le condamner à mort, en se perdant comme médecin soignant dans les armées, évidemment françaises, du Nord. On ne l’y retrouva pas dans la pagaie qui y régnait ! Le nom de « Guillotine » est attaché au docteur

Guillotin, au point que, dans le dictionnaire américain bibliographique de Thomas, fort sérieux au demeurant (1 volume de 2 550 pages), le docteur Guillotin, lui-même, apparaît sous le nom de… « Guillotine » avec un « e » ! Cet homme de bien est mort à Paris le 26 mai 1814, avant la fin des travaux du Comité central de vaccine. Il en fut, pour un temps, le président.

Jean-Noël Hallé naquit à Paris en 1754. Il entreprend ses études de médecine. En 1776, il subit une série d’examens devant la faculté de médecine de Paris. Hallé prendra, seul, la défense de Lavoisier devant la Convention. Hallé, avant même d’être docteur, fut reçu parmi les membres de la nouvelle Société royale de Médecine. Il fut médecin de Napoléon et le rédacteur de la première édition du Codex.

Nommé membre de l’Académie de médecine, par ordonnance du 7 décembre 1820.

Henri-Marie Husson naît à Reims le 25 mai 1772. Après des études à Laon puis à

Louis-le-Grand à Paris, il étudie la chirurgie sous Desault puis fait une carrière militaire de 1792 à 1794. Il est alors désigné par son district pour faire ses études de médecine à la nouvelle école de santé de Paris. Il y prend le bonnet de docteur en
médecine en 1799, puis est nommé sous-bibliothécaire. En 1800, lors de l’importation de la vaccine en France, il est nommé secrétaire du comité destiné à constater et à étendre les bienfaits de cette belle découverte. Lorsque ce comité, tout d’abord établi par une société de souscripteurs, vint à faire partie, en 1804, des attributions du Ministère de l’Intérieur, Husson fut maintenu secrétaire du Comité central de vaccine par le comte Chaptal, puis par ses successeurs. En 1806, Husson fut appelé médecin de l’Hôtel-Dieu et, en 1809, médecin du lycée impérial. Chevalier de l’Ordre de la Réunion (1811), membre de la Légion d’honneur (1814), membre de l’Académie royale de médecine. L’apothéose de sa carrière fut la vaccination du prince impérial.

Jadelot, fils d’un professeur de médecine de Nancy, il fut « Médecin de l’hôpital des enfants malades de Paris » . Membre de la Société de l’École de Médecine , Président du Comité central de vaccine en 1815.

J.J. le Roux (ou Leroux) naquit à Sèvres le 17 avril 1749. Bachelier de l’ancienne faculté de médecine en 1776, docteur régent en 1778, il se fixe à Paris où il exerce avec succès. Officier municipal, il est près du roi durant la nuit du 10 août 1792. Arrêté, échappé, condamné à mort, proscrit, il échappa à de nombreux dangers qui lui firent perdre l’envie de se mêler à la vie publique. Professeur à l’école de santé qui devint école puis faculté de médecine. En 1810, il succéda à Thouret en tant que doyen. Il développa particulièrement l’enseignement clinique. Il publia de nombreux ouvrages dont l’un, avec M. Pinel, en 1797, intitulé « Rapport fait à l’école de médecine de Paris, sur la clinique d’inoculation » .

Marin , chirurgien en chef du Prytanée de Paris.

Mongenot , médecin des Hospices civils de Paris, à l’hôpital des enfants malades, puis à l’hôpital de Madame Necker, a écrit en 1802 : «

De la vaccine considérée comme antidote de la petite vérole », à Paris chez Méquignon l’aîné, 118 pages, relatant en détail 123 vaccinations.

Parfait , du conseil de Santé des armées.

Philippe Pinel est né à Saint-André-du-Tarn, en 1745. Il fut reçu docteur en médecine à la faculté de médecine de Toulouse, puis compléta ses études à Montpellier, puis à Paris, où il fit une brillante carrière. Nommé médecin de l’infirmerie de Bicêtre, puis de La Salpêtrière, membre de l’Institut et professeur de pathologie interne à l’école de médecine de Paris. Il est fort connu pour avoir fait tomber les chaînes des aliénés et les avoir traités comme d’autres patients. Il s’intéressa très tôt à la vaccination jennérienne. Il fit des essais sur ses patients, tint une place importante au Comité central de vaccine. Nommé membre de l’Académie de médecine, par ordonnance du 7 décembre 1820. Il disparut en 1826.

Salmade , docteur en médecine.

Michel-Augustin Thouret , né en 1748, à Pont-l’Evêque fit ses études dans sa ville natale puis à l’université de Caen. Il partit pour Paris où il fut reçu brillamment à un
concours pour recevoir gratuitement le doctorat (les frais administratifs étaient fort onéreux dans cette université) et il le remporta. Thouret participa activement au développement de la Société royale de médecine, contre la faculté de médecine de Paris qui voyait d’un mauvais œil cette concurrence. Il entra, un des premiers, à la Société royale créée par les décrets du 29 avril 1778 et du 26 juillet 1778. Il lutta contre la doctrine du magnétisme animal, publia des travaux sur la voirie de Montfaucon, réputé pour son caractère insalubre et sur le déplacement du cimetière des innocents. Une flatteuse réputation d’honnête homme le fit nommer au tribunat.

Il fut ensuite nommé vice-recteur auprès de la faculté de Médecine. Il succomba, le 19 juin 1810, entouré de sa famille, dans sa maison de campagne, au petit Meudon.

Son enterrement fut célébré avec tout le faste nécessaire en pareille occasion. Leroux rappela son action bienfaisante sur les membres de la faculté, puis Husson son rôle dans la diffusion de la vaccination anti-jennérienne, au Comité central de Vaccine.

RÉFÉRENCES

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THOMAS J. — Universal pronouncing dictionary and mythology. J. B. Lippincott company, 1888, new edition, Philadelphia, 2 550 p.

* Bibliothèque de l’Académie nationale de médecine — Célébration du Bicentenaire de la création du Comité Central de Vaccine, mercredi 31 janvier 2001. ** Institut Alfred Fournier, 25 bld Saint-Jacques, F-75014 Paris et Unité d’immunologie expérimentale, Faculté de médecine de l’Université de Louvain, 30/56 Clos Chapelle aux Champs — B-1200 Bruxelles, Belgique. Tirés-à-part : Professeur Hervé BAZIN, Institut Alfred Fournier, à l’adresse ci-dessus. Accepté pour publication le 23 avril 2001.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 4, 749-765, chronique historique