Communication scientifique
Séance du 22 février 2005

Les malformations congénitales de l’aorte abdominale

Congenital malformations of the abdominal aorta

Michel Lacombe

bypass was performed in 10 patients. The lesions of the renal artery (47 kidneys at risk) were treated by nephrectomy in two cases and vascular repair in 45 cases. Six reconstructions of the superior mesenteric artery were carried out during the same procedure. There were no postoperative deaths. After surgery, arterial hypertension was cured in 74 % of the patients, improved in 23 % and unchanged in 3 %. The intermittent claudication disappeared after aortic bypass in the two patients concerned. In four patients, deterioration of the renal artery repair led to repeat surgery. All aortic reconstructions remained patent, and no late anatomic deterioration occurred. Surgical treatment of renal artery lesions is necessary in most patients. Aortic repair should be reserved for tight stenoses and should be done as close as possible to the end of the growth phase.

INTRODUCTION

Les malformations congénitales de l’aorte abdominale ne sont pas exceptionnelles, notamment chez le sujet jeune. La complexité de la formation de ce vaisseau chez l’embryon rend compte de la fréquence des lésions associées des artères viscérales, en particulier des artères rénales, ce qui explique que le tableau clinique soit dominé par l’existence d’une hypertension artérielle.

Notre expérience du traitement chirurgical de l’hypertension réno-vasculaire nous a permis d’en observer 34 cas qui forment la base de cette étude.

MALADES ET MÉTHODES

De 1970 à 2001, nous avons observé 34 patients porteurs d’une malformation de l’aorte abdominale. Il s’agissait de 23 sujets de sexe féminin et 11 de sexe masculin.

L’âge moyen des patients était de 15 ans 4 mois fi 11,4 (extrêmes : 19 mois et 54 ans).

Les circonstances de découverte ont été : trente-deux fois une hypertension artérielle isolée et deux fois une claudication intermittente isolée des membres inférieurs. Ce dernier symptôme a été observé chez des adultes d’âge moyen nettement plus élevé (41 ans) que les patients hypertendus (14 ans).

Le bilan diagnostique a comporté :

— Chez tous les patients, un écho-Doppler vasculaire, examen de base du dépistage des lésions artérielles. Il a permis la mise en évidence de l’atteinte aortique et des artères viscérales et objectivé le retentissement hémodynamique de ces lésions.

— Chez les patients hypertendus, l’étude du retentissement de la maladie hypertensive : exploration de la fonction cardiaque (E.C.G., échocardiographie), évaluation de la fonction rénale au moyen des tests biologiques usuels (créatininémie, clairance de la créatinine), étude du retentissement neuro-sensoriel (F.O.).

— L’opacification artérielle a complété les données de l’examen Doppler, renseignant sur l’état de l’aorte, le degré et l’étendue de ses lésions, l’état des artères rénales et du parenchyme rénal, l’existence de lésions associées des artères
digestives, le retentissement hémodynamique des lésions. Cette opacification a été effectuée, dans la majorité des cas, par angiographie numérisée par voie artérielle. La tomodensitométrie 3 D et l’angio-IRM, n’ont été réalisées que chez les opérés les plus récents.

— Le gradient de pression aortique a été mesuré dans quelques cas au moyen du cathéter artériel lors de l’angiographie. De façon plus simple, la prise comparative de la pression artérielle aux membres supérieurs et aux membres inférieurs a permis d’apprécier le retentissement hémodynamique de la sténose aortique.

— Le scanner simple avec injection s’est révélé utile pour l’appréciation du diamè- tre aortique, l’état de l’atmosphère péri-aortique et des reins et la recherche de lésions associées.

Le traitement chirurgical a concerné trente-deux patients seulement, deux enfants de cette série étant décédés subitement avant leur prise en charge chirurgicale (une hémorragie cérébrale, une défaillance cardiaque aiguë).

La lésion aortique a été traitée par résection-anastomose pour anévrysme chez un patient et par pontage prothétique pour sténose serrée chez dix patients. Ce pontage a été effectué huit fois d’emblée et deux fois tardivement (4 ans et 12 ans) après une première intervention de réparation des artères rénales. La prothèse aortique a été placée huit fois par voie rétro-péritonéale gauche et deux fois par voie médiane transpéritonéale.

Les lésions de l’artère rénale, compte tenu de 17 atteintes bilatérales sur 30 hypertendus opérés (47 reins atteints au total), ont fait l’objet de 45 réparations et deux néphrectomies primaires. Les techniques de réparation utilisées figurent sur le tableau 1. Les gestes bilatéraux ont été effectués douze fois en un temps, cinq fois en deux temps en raison de la complexité des lésions opérées. Six réparations ont porté sur des reins uniques. Il y a eu chez quatre patients, une réintervention secondaire sur la même artère.

Une réparation des artères digestives a été effectuée chez six patients : quatre réimplantations directes de l’artère mésentérique supérieure dans l’aorte inter- ou sous-rénale, une réimplantation de ce vaisseau dans l’aorte par une autogreffe artérielle et une anastomose avec le tronc cœliaque. Un anévrysme pancréaticoduodénal a été réséqué. Aucun geste n’a été effectué au niveau du tronc cœliaque.

La réanimation per-opératoire a comporté la réhydratation intra-veineuse standard, la compensation des pertes sanguines, le monitorage de la fonction cardiaque, l’administration d’antibiotiques à large spectre (céfamandole), l’administration de furosémide lors des reconstructions sur rein unique, parfois associée à la perfusion de dopamine, ces deux médicaments étant administrés pendant 12 à 24 heures.

Dans la période post-opératoire, la réhydratation parentérale a été poursuivie jusqu’à reprise de l’alimentation per os. La surveillance tensionnelle a été multiquotidienne. L’évolution de la fonction rénale a été appréciée par les dosages quotidiens de créatininémie.

TABLEAU 1. — Techniques des réparations de l’artère rénale.

Techniques de réparation

Nombre

Réimplantation aortique :

„ aorte native 15 } 20 „ aorte prothétique 5 Anastomose splanchno-rénale :

„ spléno-rénale 7 } 12 „ hépato-rénale ou gastro-duodéno-rénale 5 Chirurgie ex situ + auto-transplantation 13

Le bilan post-opératoire a comporté un contrôle systématique par examen Doppler complété par un examen d’imagerie artérielle précoce (angiographie ou scanner 3D ou angio IRM) qui a constitué le document de référence pour la surveillance de l’évolution ultérieure. Chez les sujets les plus jeunes, les mêmes investigations morphologiques ont été effectuées à distance de l’opération afin d’étudier le devenir des réparations avec la croissance.

Le suivi des opérés allait de 1 à 22 ans avec une moyenne à 7,6 années.

RÉSULTATS

Mortalité, morbidité

En dehors des deux enfants décédés avant prise en charge chirurgicale, il n’y a eu aucune mortalité post-opératoire précoce ou tardive dans cette série.

La morbidité a été représentée par deux réinterventions pour saignement postopératoire (un patient porteur de troubles spontanés de la coagulation, et un cas de surdosage en héparine).

Anatomie pathologique .

Les lésions de l’aorte étaient représentées, chez les 32 patients opérés, par un anévrysme et 31 lésions de sténose.

L’anévrysme était situé au niveau de la région cœlio-mésentérique et s’accompagnait d’une sténose de l’artère mésentérique supérieure, d’une sténose de l’artère rénale droite et d’un rein gauche non fonctionnel.

Les sténoses aortiques présentaient une grande diversité dans leur siège, leur étendue, leur caractère plus ou moins serré.

— Le siège de la sténose était strictement sous-rénal chez neuf patients avec extension aux axes iliaques chez deux. Sa limite supérieure atteignait l’aorte
inter-rénale chez neuf autres patients ; elle était supra-mésentérique, souscœliaque chez sept ; l’atteinte pathologique s’étendait à toute l’aorte cœliaque chez trois patients ; enfin, elle remontait sur l’aorte infra-médiastinale ou l’aorte thoracique chez trois patients.

— La longueur de la sténose était variable : 10 fois elle était inférieure à 5 cm, 21 fois elle dépassait 5 cm.

— Le degré de la sténose était considéré comme serré chez 12 patients et modéré, sans retentissement hémodynamique, chez 19.

Les lésions de l’artère rénale étaient présentes chez 30 patients sur 32 opérés (94 %).

Elles étaient unilatérales chez 13 patients (43 %) et bilatérales chez 17 (57 %).

La sténose siégeait le plus souvent sur le tronc de l’artère rénale et habituellement sur son segment proximal. Chez dix jeunes enfants opérés, l’aspect angiographique et les constatations opératoires évoquaient une hypoplasie ou une agénésie segmentaire de l’artère. Chez deux patients existait une sténose dysplasique étendue atteignant les branches de division de l’artère. Chez quatre patients (13 %), un ané- vrysme de type fibro-dysplasique de l’artère rénale s’associait à la sténose et a été réparé au cours de l’intervention.

Des lésions des artères digestives ont été observées chez 13 opérés (40 %) présentant, au total, 18 lésions : sept sténoses ou obstructions du tronc cœliaque, 10 sténoses ou obstructions de l’artère mésentérique supérieure dont une associée à un volumineux anévrysme dysplasique, un anévrysme d’une artère pancréatico-duodénale.

Résultats sur le contrôle de la tension artérielle.

Sur les trente patients opérés hypertendus au départ, nous avons observé vingt-deux guérisons complètes (74 %), maintenues à long terme, sept améliorations (23 %) et un échec (3 %) avec hypertension artérielle inchangée.

Parmi les patients guéris, deux ont vu, après quatre et douze ans de guérison complète, leur tension artérielle s’élever à nouveau. Ces deux patients avaient eu une auto-transplantation rénale dans la fosse iliaque au-dessous d’une sténose aortique peu serrée. Une aggravation de celle-ci a été démontrée et un pontage aorto-aortique a permis de rétablir un équilibre tensionnel normal chez les deux patients avec des reculs respectifs de six et dix ans actuellement.

Chez les patients restés hypertendus, la persistance d’une lésion responsable d’isché- mie rénale est incriminée : une compression du tronc cœliaque par ligament arqué après anastomose hépato-rénale ou spléno-rénale est probablement en cause chez trois patients, une sténose aortique serrée non réparée chez trois autres. Toutefois, chez deux opérés, la cause de la persistance de l’hypertension artérielle échappe complètement.

Résultats anatomiques

Les reconstructions aortiques sont toutes restées perméables et sans aucune dégradation anatomique avec un recul de 18 ans pour le cas le plus ancien.

Les réparations des artères digestives ont donné lieu à une thrombose postopératoire d’une réimplantation mésentérique ; cette thrombose est restée muette cliniquement en raison de la suppléance assurée par une volumineuse arcade de Riolan. Les cinq autres reconstructions mésentériques sont restées perméables.

Les réparations des artères rénales ont été compliquées de récidive de sténose dans trois cas, nécessitant trois réinterventions qui se sont soldées par deux réparations itératives réalisées avec succès et une néphrectomie. À deux ans, un anévrysme développé sur un autogreffon veineux saphène aorto-rénal a également été réparé chirurgicalement avec succès. Les bons résultats anatomiques des réparations sont donc au nombre de 44 dont trois obtenus après reprise chirurgicale. Aucun des patients ne présentait d’insuffisance rénale, malgré le caractère très serré de certaines sténoses. Tous les opérés ont conservé une fonction rénale normale à longue échéance.

DISCUSSION

La fréquence des malformations congénitales de l’aorte abdominale est faible ne représentant que 2 % de l’ensemble des sténoses aortiques [1] mais, dans le cadre de l’hypertension artérielle réno-vasculaire de l’enfant, celle-ci peut s’élever jusqu’à 20 % des patients [2].

Étiologie

L’étiologie des malformations aortiques a fait l’objet de discussions quant à leur caractère congénital ou acquis.

L’origine congénitale nous paraît indiscutable ainsi qu’à Pyörälä et coll . [3]

Elle est basée sur plusieurs arguments et notamment : les études embryologiques, la découverte de ces lésions chez de jeunes enfants voire précocement après la naissance (dans notre série, sept enfants ont moins de cinq ans), l’existence de formes familiales, la présence de malformations cardio-vasculaires associées, enfin la coexistence avec une maladie génétique.

L’embryologie montre la complexité du développement de cette région. La formation de l’aorte abdominale résulte de la fusion des deux aortes dorsales de l’embryon. Cette fusion survient au stade d’embryon de 10 mm. Les anomalies de fusion des aortes dorsales ont été incriminées par Maycock [4] dès la décennie 1930.

À cela s’ajoutent des troubles locaux de la croissance voire un arrêt de développement du vaisseau et de ses collatérales [5]. Une atteinte virale explique parfois ces
troubles de croissance : certains virus, de la rubéole notamment, inhibent la réplication cellulaire ou ont une action cytotoxique pouvant bloquer le développement aortique [6]. Tout ceci explique la variabilité du siège, du degré, de l’étendue de l’atteinte aortique et la multiplicité des artères atteintes. Chirurgicalement, l’absence de réaction inflammatoire, de fibrose, autour des vaisseaux et l’absence d’épaississement des parois artérielles, notamment de l’aorte, plaident aussi pour une origine congénitale.

La coexistence avec une maladie génétique est également en faveur de l’origine congénitale. Parmi celles-ci, la plus fréquente semble être la neurofibromatose de Recklinghausen (quatre enfants dans notre série), affection autosomique dominante liée à l’atteinte des dérivés de la crête neurale [7, 8]. Cette affection entraîne essentiellement des lésions des artères rénales avec possibilité de formes familiales [9]. Elle est moins fréquemment responsable de lésions de l’aorte et essentiellement d’hypoplasies. Des anomalies aortiques ont aussi été décrites au cours d’autres maladies génétiques : mucopolysaccharidoses [10], hypercalcémie congénitale [11], syndrome de Williams et Beuren (1 cas de notre série), syndrome de Solomon [12] Le caractère acquis des lésions aortiques est défendu par certains auteurs [13, 14].

Ceux-ci incluent toutes les lésions aortiques dans le cadre des artériopathies inflammatoires non spécifiques et font de ces lésions une manifestation possible de l’artérite type Takayasu. L’atteinte aortique correspondrait alors à une réponse non spécifique du vaisseau à toute agression quelle que soit la nature de celle-ci [14].

Dans notre série, les examens histologiques effectués tant au niveau de l’aorte que des artères viscérales n’ont jamais montré de lésion inflammatoire ou de stigmate de maladie de Takayasu mais simplement des lésions fibrodysplasiques. Ce fait, joint aux arguments cités plus haut en faveur de l’origine congénitale nous amènent à récuser l’hypothèse de l’origine acquise consécutive à une possible atteinte aortique inflammatoire.

Clinique

Les particularités cliniques de cette atteinte pathologique sont remarquables.

La découverte en a été faite, chez tous nos patients sauf deux, lors d’un bilan d’hypertension artérielle. Chez le sujet jeune, cette dernière est souvent cliniquement muette et sa découverte est fortuite lors d’un examen systématique. La tolérance de l’hypertension est souvent bonne et parfois très prolongée. Par contre, la décompensation peut être extrêmement rapide, comme en témoignent les deux décès survenus chez deux enfants très jeunes de notre série avant toute prise en charge chirurgicale.

Broyer et coll . [15] signalaient déjà ce fait puisque dans leur série de lésions artérielles rénales chez l’enfant, l’hypertension artérielle avait été découverte à l’occasion de manifestations neurologiques sévères dans 31,5 % des cas.

Des symptômes artériels à type de claudication intermittente des membres infé- rieurs étaient présents chez deux patients. Il s’agissait, dans ces deux cas, de sujets
relativement âgés avec des lésions surajoutées d’athérome, notamment au niveau des axes artériels iliaques.

Aucun de nos patients ne présentait de signes évoquant une ischémie intestinale ce qui s’explique par la présence habituelle d’une volumineuse arcade de Riolan qui assure la suppléance circulatoire en cas de sténose des artères digestives.

Physiopathologie

La sténose de l’aorte crée un obstacle circulatoire responsable d’une élévation de pression en amont, d’une baisse en aval et du développement d’une circulation collatérale de suppléance. Celle-ci est formée aux dépens des artères pariétales (intercostales, lombaires, branches de l’hypogastrique), digestives (arcades digestives) et des anastomoses entre ces différents territoires. Chez ces sujets jeunes, la souplesse du système artériel est telle que cette circulation collatérale prend un développement considérable qui supplée complètement l’obstacle artériel, expliquant l’absence de déficit circulatoire des membres inférieurs.

Le même mécanisme de formation de la circulation collatérale explique la suppléance circulatoire en cas de sténose des troncs artériels digestifs. L’arcade de Riolan, souvent très développée, est une voie de dérivation d’une importance majeure. Elle fonctionne de bas en haut (à partir de la mésentérique inférieure) en cas de sténose du tronc cœliaque ou de la mésentérique supérieure. En l’absence de sténose des troncs digestifs hauts, elle fonctionne de haut en bas, à partir de la mésentérique supérieure et assure alors la revascularisation en aval de l’obstacle aortique.

Le mécanisme de l’hypertension artérielle ne relève pas, selon nous, de l’obstacle mécanique créé par la sténose aortique, mais uniquement de l’existence d’une ischémie rénale, ainsi que l’ont envisagé d’autres auteurs [16, 17]. Nous en voulons pour preuve : — nos six observations de jeunes enfants porteurs d’une sténose aortique serrée chez lesquels nous avons effectué une revascularisation rénale isolée (fig. 1) et qui restent normotendus à longue échéance, — nos deux observations d’aggravation de la sténose aortique ayant compromis la vascularisation de reins après autotransplantation en position iliaque et où le pontage aortique a permis la normalisation définitive de la tension artérielle en rétablissant une irrigation normale du rein.

Diagnostic différentiel

Il se discute essentiellement avec les aortites inflammatoires et notamment la maladie de Takayasu qui, selon nous, est une entité pathologique différente. Les critères différentiels entre lésion congénitale et aortite inflammatoire sont :

— l’origine ethnique des patients, la maladie de Takayasu étant fréquente chez les sujets originaires notamment d’Extrême Orient ou du pourtour du bassin méditerranéen,
1 A 1 B

FIG. 1. — Sténose aortique malformative chez un garçon de 7 ans, traitée par revascularisation isolée des artères rénales.

1 A : état pré-opératoire. Lumière aortique réduite à un passage filiforme (grosses flèches).

Sténose bilatérale des artères rénales avec dilatation post-stricturale (petites flèches). Noter l’importance de l’arcade de Riolan.

1 B : angiographie de contrôle sept ans après anastomoses spléno-rénale gauche et hépatorénale droite. Guérison complète de l’hypertension artérielle.

2 A 2 B

FIG. 2. — Sténose aortique longue chez une jeune fille de 15 ans traitée par pontage aorto-aortique avec réimplantation de l’artère rénale gauche dans la prothèse.

2 A : état pré-opératoire. Sténose aortique serrée. Sténose de l’artère rénale gauche avec dilatation post-stricturale.

2 B : contrôle angiographique post-opératoire. Guérison de l’hypertension artérielle. Persistance d’une volumineuse arcade de Riolan qui suppléé une sténose ostiale de l’artère mésentérique supérieure.

— l’association de lésions des troncs supra-aortiques, de l’artère pulmonaire, — l’existence d’un syndrome inflammatoire, — l’aspect radiologique avec, au scanner, un épaississement des parois des vaisseaux et une gangue péri-artérielle épaisse, — lors de l’intervention, une fibrose inflammatoire péri-artérielle très vasculaire qui gène considérablement la dissection artérielle, — enfin, à l’histologie, les lésions de la maladie : infiltrats lymphoplasmocytaires de l’adventice, destruction des fibres élastiques de la média, épaississement de l’intima.

Les autres lésions acquises de l’aorte abdominale, qu’il s’agisse des séquelles d’un traumatisme [18] ou d’une irradiation abdominale [19] sont aisément reconnues grâce au contexte.

Traitement

Le traitement repose en grande partie sur les données physiopathologiques décrites ci-dessus.

Chez l’immense majorité des patients, l’objectif prioritaire est le contrôle de l’hypertension artérielle. Le traitement médical anti-hypertenseur isolé ne se justifie que chez l’enfant très jeune afin de retarder le plus possible le traitement chirurgical en raison des aléas des réparations artérielles dans la prime jeunesse et de l’incertitude quant à leur durabilité. Si l’hypertension artérielle est mal contrôlée, une angioplastie transluminale prudente des artères rénales peut constituer une solution d’attente jusqu’à ce que l’enfant ait atteint un poids voisin de 14 kg, limite qui dans notre expérience est compatible avec une chirurgie artérielle satisfaisante.

La suppression de l’ischémie rénale fait appel à la réparation chirurgicale de la ou des artère(s) rénale(s) atteintes. Ce geste entraîne la guérison de l’hypertension. Les différentes techniques de réparation sont bien connues. En cas d’utilisation d’un substitut artériel, l’utilisation d’une autogreffe artérielle est impérative chez ces sujets jeunes car c’est le seul matériau qui ne subit pas de dégradation anatomique avec le temps.

La lésion aortique elle-même ne nécessite pas obligatoirement une correction chirurgicale comme l’ont montré Bloor et Williams [20]. En effet, elle est le plus souvent cliniquement muette et n’entraîne aucun symptôme de déficit circulatoire des membres inférieurs. Chez le jeune enfant, aucun geste sur l’aorte ne doit être envisagé de façon à ne pas se trouver confronté après quelques années au problème du remplacement d’une prothèse devenue trop petite. La réparation aortique, si elle semble nécessaire en raison du caractère serré de la sténose, doit être reculée au moins jusqu’à l’âge de la puberté, de façon à réaliser une reconstruction définitive chez un patient ayant sensiblement terminé sa croissance.

Les modalités techniques de la réparation aortique sont variées. L’angioplastie d’élargissement a été utilisée par Dszinisch [21] mais fait courir un risque de faux anévrysme au niveau de la pièce d’élargissement. Le pontage aorto-aortique par prothèse est le traitement de choix dans les sténoses étendues (fig. 2). L’angioplastie transluminale n’a aucune place dans le traitement des lésions aortiques. De très rares observations en ont été rapportées, soit sous forme de cas isolés ou de très petites séries avec un recul insuffisant, des complications fréquentes et des résultats peu convaincants [22]. L’évolution à long terme de l’état de l’aorte après angioplastie n’étant pas connue, il n’est pas possible d’en préconiser l’utilisation, d’autant qu’il s’agit souvent de sujets jeunes voire d’enfants dont il convient de ne pas compromettre l’avenir.

La réparation des artères digestives est sélective. Elle nous paraît indiquée en cas de sténose associée du tronc cœliaque et de la mésentérique supérieure car il s’agit des deux artères majeures du tube digestif. Nous sommes en faveur de la réparation prioritaire de l’artère mésentérique supérieure.

Conclusions

Les malformations congénitales de l’aorte abdominale revêtent un grand polymorphisme anatomique. Le tableau clinique en est dominé par l’hypertension artérielle.

Leur traitement doit être éclectique, adapté aux lésions observées : la réparation des artères rénales est indiquée en raison de la sévérité habituelle de l’hypertension. Le pontage aortique n’est indiqué qu’en cas de sténose serrée et au plus près de l’âge de fin de croissance. La réparation des artères digestives est sélective en fonction des lésions observées.

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DISCUSSION

M. Yves GROSGOGEAT

Il est curieux de constater l’ubiquité des lésions qui paraissent disproportionnées par rapport aux lésions congénitales. Le développement embryologique peut-il expliquer cette dispersion des lésions artérielles ? Certaines images évoquent la maladie de Takayashu. Les aspects scannographiques sont-ils suffisamment discriminants pour éliminer l’aortite inflammatoire ? Les études anatomo-pathologiques ont-elles montré parfois des aspects mettant en doute la nature congénitale ?

Le développement embryonnaire est tout à fait compatible avec une grande extension des lésions compte tenu du fait que le trouble peut affecter un segment aortique très étendu et surtout si une atteinte virale telle qu’une rubéole pendant la grossesse entraîne une atteinte diffuse du vaisseau. Le scanner n’est qu’un des éléments du diagnostic différentiel avec la maladie de Takayasu, avec l’origine ethnique du patient, l’association de lésions des troncs supra-aortiques et de l’artère pulmonaire, le syndrome inflammatoire et les données anatomo-pathologiques. Les examens histologiques ont montré constamment des lésions de fibro-dysplasie, les cas douteux n’ont pas été inclus dans cette série.

M. Pierre GODEAU

Le diagnostic différentiel entre malformations vasculaires et artériopathies inflammatoires — notamment maladie de Takayashu — n’est pas toujours facile. Avez-vous observé, parallèlement à cette série, des cas très voisins sous l’angle iconographique mais où l’intervention et l’histologie en particulier ont permis de modifier le diagnostic initial ?

Parallèlement à cette série, j’ai publié, notamment à l’Académie de Chirurgie, ma série de 23 patients opérés de maladie de Takayasu à localisation réno-aortique. Le diagnostic
pré-opératoire a été posé sur un ensemble de critères rappelés ci-dessus, pas seulement iconographiques. Les constatations opératoires et histologiques ont été toujours été très différentes. La modification du diagnostic initial a toujours été dans le sens de l’affirmation d’une maladie de Takayasu aux dépens de l’origine malformative.

M. Jacques BATTIN

Quelle est la part de la neurofibromatose de Recklinghausen dans votre expérience, car celle-ci peut être responsable de dysplasies fibreuses étendues de l’aorte avec ou sans sténose de l’artère rénale ? Le syndrome de Turner associe, dans 20 % des cas, une sténose isthmique de l’aorte qui est à opérer après la naissance. Dans le suivi, on a appris à rechercher, par échographie périodique, une médianécrose aortique afin de la traiter avant rupture. En avez-vous rencontré et quel en est le support histologique ?

Une neurofibromatose de Recklinghausen était présente chez trois patientes de cette série, soit environ dans 9 % de ces cas. Il n’y avait aucun syndrome de Turner associé à ce type de malformation.

M. Pierre BÉGUÉ

Pour le groupe des jeunes enfants, et aussi celui des adolescents et jeunes adultes de votre série, la seule explication est-elle la malformation ? Ne pourrait-on pas évoquer la maladie de Kawasaki, au moins chez les enfants, dont on connaît les localisations artérielles abdominales, de diagnostic initial difficile, contrairement aux localisations coronariennes ?

La maladie de Kawasaki étant bien traitée en France depuis les années 90, on devrait observer, dans cette hypothèse, une diminution des cas pédiatriques.

Aucun des cas de cette série n’entrait dans le cadre de la maladie de Kawasaki. Mais dans la série de sténoses artérielles de l’enfant que j’ai présentée à l’Académie nationale de médecine en 2003, il y avait deux ou trois enfants entrant dans ce cadre mais dont le diagnostic n’a été affirmé que secondairement, notamment en raison de l’apparition de lésions carotidiennes ou neurologiques.

M. Jean NATALI

Quelle est la place des techniques endo-vasculaires ? Quels axes artériels peuvent être utilisés en tant qu’autogreffe ?

Les techniques endo-vasculaires n’ont aucune place dans les malformations aortiques.

La littérature ne fait état que de cas isolés ou de très courtes séries avec un pourcentage de complications prohibitif et des résultats médiocres à court et moyen terme. Le devenir à long terme n’est pas connu. Le traitement chirurgical reste donc préférable. L’autogreffe peut être prélevée sur l’artère hypogastrique, matériau de choix, mais aussi sur l’artère fémorale superficielle, la splénique. Enfin, j’ai utilisé à plusieurs reprises un fragment de l’arcade de Riolan en prenant la précaution de rétablir la continuité de celle-ci par une anastomose bout à bout de ce vaisseau pour ne pas compromettre l’irrigation du tube digestif notamment.

M. Yves CHAPUIS

On connaît l’existence, très rare, de sténose du tronc coeliaque, non athéromateuse, attribuée à un ligament arqué du diaphragme. Ne s’agit-il pas, en réalité de fibro-dysplasie localisée ? Comment expliquer la disparition de la courbure de la prothèse avec la croissance volontairement trop longue lors d’intervention initiale ? Dans les rares récidives de la sténose, quelle est la part respective de l’inflammation associée à la fibro-dysplasie et au choix du matériel de pontage ?

Je pense qu’il existe d’authentiques compressions du tronc cœliaque par ligament arqué et des sténoses fibro-dysplasiques de ce vaisseau. On peut concevoir la coexistence des deux processus sur un même vaisseau, la question du rôle déclenchant du premier sur le second étant alors à poser. Le redressement de la courbure de la prothèse observée au cours de la croissance s’explique par un allongement du segment aortique rétréci mais celui-ci est moindre que pour les segments sus- et sous-jacents qui conservent une croissance normale. Les récidives sont d’autant plus fréquentes que les enfants opérés sont plus jeunes. Certains substituts artériels semblent plus enclins à exposer à la récidive, notamment l’artère splénique pour laquelle, du fait d’une libération au plus près, à cause du pancréas, la vitalité du vaisseau est fragilisée peut-être par lésion des vasa vasorum.

J’aurais tendance à incriminer ce phénomène à l’origine des resténoses plutôt qu’un phénomène inflammatoire.

M. Jean-Daniel SRAER

Dans cette série, des jeunes femmes porteuses d’une sténose aortique sous rénale ont-elles eu des accidents gravidiques type HTA ou éclampsie ?

À l’heure actuelle, aucune des jeunes femmes de cette série n’a présenté de grossesse. On peut penser qu’étant guéries de leur hypertension artérielle elles sont à l’abri de ce type d’accident.

M. Bernard SALLE

Pourquoi les sténoses aortiques sont-elles asymptomatiques durant les premiers mois de vie ? Ces sténoses sont-elles évolutives ?

Les hypertensions artérielles de l’enfant sont très souvent muettes cliniquement.

N’entraînant aucun trouble fonctionnel, elles sont découvertes de façon fortuite à l’occasion d’un examen systématique, si le praticien pense à mesurer la pression artérielle.

Cette latence est un des facteurs de gravité de ces hypertensions dont le tableau révélateur est souvent gravissime (encéphalopathie, défaillance cardiaque etc.). En ce qui concerne l’évolutivité, j’ai présenté deux observations d’aggravation qui ont nécessité des pontages aortiques tardifs, trois ans et douze ans après réparation réussi des artères rénales.

M. Yves LOGEAIS

Ma question se fonde sur un parallèle que je fais avec la cure chirurgicale de la sténose isthmique de l’aorte thoracique (coartaction). L’efficacité sur l’HTA est très habituelle, à
court et moyen terme. Cependant — avec un recul de nombreuses années — il apparaît que l’HTA est fréquente à l’âge adulte, après ces HTA sévères de l’enfance (pour cette raison, on a préconisé une chirurgie très précoce dès les premières années). Avez-vous une telle expérience dans votre série ?

Dans la limite du recul dont je dispose pour ces opérés (12 opérés ont un suivi supérieur à 10 ans dont 4 ont un suivi supérieur à 20 ans), les résultats sur l’hypertension artérielle sont restés stables avec le temps.

M. Claude JUHAN

Pouvez-vous expliquer la prédominance féminine qui se retrouve dans toutes les séries ?

Vous conseillez très justement de reculer au moins jusqu’à l’âge de la puberté l’emploi de prothèse. Si, avant la fin de la croissance, une restauration aortique s’avérait absolument indispensable, que proposeriez-vous ?

Je n’ai aucune explication quant à la prédominance féminine de ces malformations. Il s’agit d’un fait constant observé dans toutes les séries mais tout à fait inexpliqué. En cas de pontage prothétique avant la puberté, je conseille l’utilisation d’une prothèse du plus gros diamètre possible, compatible avec le diamètre de l’aorte native à ponter, et en faisant décrire à cette prothèse une courbe lui permettant de s’adapter à l’allongement aortique lié à la croissance. Les prothèses en goretex « stretch » semblent avoir une bonne indication dans ces cas.

Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 2, 359-374, séance du 22 février 2005