Communication scientifique
Séance du 27 février 2001

Les maladies humaines familiales à prions

MOTS-CLÉS : maladies héréditaires. prion, maladies. transmission maladie.
Inherited human prion diseases
KEY-WORDS : disease transmission.. hereditary diseases. prion diseases

J.M. Warter

Résumé

Les maladies familiales à prions, même si elles sont rares, sont un des chapitres les plus fascinants de la pathologie neurologique en raison de leur double transmissibilité. Ce sont des maladies héréditaires de l’adulte à transmission autosomique dominante, à pénétrance presque complète : la maladie de Creutzfeldt-Jakob familiale (CJ familiale), la maladie de Gerstmann Sträussler Scheinker (GSS), l’insomnie familiale fatale (IFF). Elles se caractérisent, le plus souvent, par une mutation ponctuelle du gène de la protéine prion (PrP), responsable d’une modification de la séquence primaire de la PrP donc de sa conformation. La PrP mutée acquiert-elle une nouvelle fonction ou perd-elle une fonction qui est encore inconnue ? Cette question reste actuellement sans réponse. La PrP mutée peut parfois être transmise de l’homme à l’animal. Si toutes les mutations ponctuelles de la PrP s’accompagnent d’un effet pathogène vis-à-vis des neurones, seules certaines d’entre elles sont transmissibles. Comprendre comment la PrP mutée acquiert ou non la propriété d’être transmissible peut être une étape fondamentale dans la compréhension des maladies à prions.

Summary

Familial prion diseases (familial Creutzfeldt-Jakob disease : Gerstmann-SträusslerScheinker disease, Fatal familial insomnia) are rare, but are also at present one of the most fascinating chapters of Neurology because of their double transmissibility. They are hereditary diseases of adults with a dominant autosomal transmission and an almost complete penetrance. They result most often of a point mutation of the gene of PrP with a consequent change in its primary sequence and conformation. Does the mutated PrP acquire a novel function or lose a still unknown function ? At present there is no answer tho these question. The mutated PrP may sometimes be transmitted from man to animals. All PrP point mutations appear to have a noxious effect on neurons, but only some of them are transmissible. How mutated PrP acquires or does not acquire transmissibility may represent a fundamental progress in our understanding of prion diseases.

Les formes familiales des maladies à prions [1] : maladie de Creutzfeldt-Jakob familiale (CJ), maladie de Gerstmann-Sträussler-Scheinker (GSS) et insomnie familiale fatale (IFF), partagent avec les formes sporadiques : maladie de CJ et Kuru (qui initialement a été considéré comme une maladie héréditaire) les mêmes caractéristiques cliniques, histologiques et évolutives. Elles touchent de façon sélective le système nerveux central ; la symptomatologie s’explique par le siège des lésions caractérisées par une perte neuronale, une spongiose intracellulaire et une gliose astrocytaire d’où la dénomination d’encéphalopathie spongiforme pour définir ces affections. Elles se traduisent parfois par un symptôme spécifique, une insomnie invincible, parfois par des syndromes moins caractéristiques, cérébelleux, démentiel, mais qui dans un contexte d’affection familiale prennent toute leur valeur. Enfin l’évolution est progressive, inexorable pour le moment, au-dessus de toute ressource thérapeutique.

Ces formes familiales débutent toujours à l’âge adulte et sont rares (10 % environ de l’ensemble des maladies à prions). Pourtant, elles ont eu et ont un intérêt majeur.

Elles ont permis d’asseoir la théorie de la protéine prion dans la genèse des encéphalopathies spongiformes. Elles sont à transmission autosomique dominante, à pénétrance presque complète. Leur diagnostic reposait avant 1986 sur l’examen neuropathologique et depuis lors sur l’étude du gène du prion.

L’histoire de ces affections a évolué en deux périodes. La première fut anatomoclinique : individualisation d’une entité particulière puis démonstration de son appartenance aux encéphalopathies spongiformes. Ainsi, Gerstmann, Sträussler et Scheinker (1936) individualisèrent sur l’aspect des lésions neuropathologiques :

dépôts de substance amyloïde de distribution multicentrique, l’affection qui porte leur nom [2], mais c’est en 1962 seulement que Seitelberger évoqua une possible relation entre cette affection et le Kuru [3]. De même, pour l’IFF, Lugaresi et al .

décrivirent cette affection en 1966 [4], mais ce n’est qu’en 1992 en raison de la présence de discrètes lésions de spongiose dans les noyaux antérieurs du thalamus qu’un lien entre cette entité et les maladies à prions fut établi [5]. La seconde période fut génétique. Elle débuta en 1982, date à laquelle S. Prusiner proposa le concept novateur qui allait à l’encontre de tous les dogmes de la biologie moléculaire, d’une protéine infectante, le prion, ( proteinaceous infectious particle ) (PrP) [6]. Plusieurs arguments expérimentaux vinrent conforter la théorie de Prusiner : localisation du gène de la PrP sur le bras court du chromosome 20 [7] démonstration d’une liaison entre une mutation faux-sens P102L de ce gène et la maladie de GSS [8], réalisation d’un modèle de souris transgénique portant la mutation P101L et développant une
encéphalopathie spongiforme [9]. Dès 1989, Doh-Hura et al . montrèrent dans une famille française vivant en Alsace, que nous suivons, que d’autres mutations du gène de la PrP pouvaient être responsables d’un syndrome de GSS [10]. Depuis toutes les encéphalopathies spongiformes familiales ont pu être associées à une mutation de ce gène.

La séquence de la protéine PrP connue, il a été possible de développer des anticorps dirigés contre cette protéine et ainsi d’établir de façon irréfutable par des méthodes immunohistochimiques que les dépôts de substance amyloïde présents dans certaines formes d’encéphalopathie spongiforme étaient constitués de PrP. Ainsi la dénomination d’encéphalopathie spongiforme a pu être remplacée par celle de maladie à prions, terme que nous utiliserons même si la preuve absolue du rôle pathogène de la PrP n’a pas encore été rapportée.

Les formes héréditaires sont-elles, comme les formes sporadiques, transmissibles de l’homme à l’animal ? La plupart le sont, en particulier la mutation P102L du GSS, l’IFF et certaines formes de CJ familiales [11-12]. En revanche, la mutation A117V de la maladie de GSS n’est pas transmissible [12].

Les formes familiales des maladies à prions sont définies par une mutation du gène de la PrP. La protéine PrP est une protéine de 253 acides aminés [13]. Sa fonction est encore discutée. Des expériences de transgenèse sur différentes souches de souris n’ont pas permis d’apporter une réponse univoque à sa fonction. La PrP est une protéine qui est normalement présente dans toutes les cellules de l’organisme. Elle est fixée dans la membrane cellulaire par une ancre glypiée [14]. Elle est indispensable à la survenue de l’affection car une souris dépourvue du gène de la PrP ne développe pas de maladie après inoculation par des agents pathogènes de type scrapie [15], à savoir agent de la tremblante ou encéphalopathie spongiforme ovine.

Treize mutations ponctuelles ont été décrites à ce jour, une mutation stop du codon 145 et des insertions d’un nombre augmenté, variable d’octapeptides entre le codon 51 et le codon 91. Le gène de la PrP est le siège de plusieurs polymorphismes, notamment aux codons M129V (valine-méthionine) et E219K (acide glutamiquelysine). Le rôle du codon 129 dans l’expression phénotypique de la mutation 178, sur laquelle nous reviendrons, est la démonstration de l’existence de gènes modificateurs intragéniques [16]. Quelle que soit la forme familiale, nous adopterons une classification génotypique, à savoir l’utilisation d’une abréviation à une lettre des acides aminés normal et muté entourant le codon muté. L’individualisation de différentes entités peut parfois prêter à controverse, car les critères phénotypiques retenus sont inconstants. Ainsi le GSS est classiquement défini par l’aspect des lésions neuropathologiques mais une des mutations a été décrite en l’absence de tout examen neuropathologique (mutation H187R) [17]. De même, dans l’IFF, l’insomnie constitue le critère diagnostique mais peut parfois être au second plan, absente ou objectivée uniquement par les enregistrements polysomnographiques et être pré- sente au contraire dans d’autres formes de maladie du prion, acquise ou héréditaire [18].

Le syndrome de GSS est défini par la présence de plaques amyloïdes marquées par les anticorps anti-PrP, d’aspect multicentrique, formées de nombreux amas globulaires ou d’un centre amyloïde, entouré de petits dépôts globulaires localisés essentiellement dans le cortex cérébral, le cervelet et les ganglions de la base. La spongiose est inconstante, de sévérité et de distribution extrêmement variables. Des dégénérescences neurofibrillaires, marquées par les anticorps anti-protéine Tau, sont présentes dans certaines mutations. Actuellement sept mutations ponctuelles et une mutation stop ont été décrites [19].

La mutation P102L est la plus anciennement identifiée, la plus fréquente, elle est de distribution mondiale. La famille princeps décrite par Gerstmann et al. en était porteuse [20]. Elle a fait l’objet d’une description détaillée : 220 membres suivis sur 9 générations. Sur les 36 membres atteints, l’âge de début était très variable, de même la durée d’évolution. Le tableau clinique relativement homogène était dominé par un syndrome cérébelleux d’où la dénomination ancienne de forme ataxique de GSS ; au syndrome cérébelleux s’associent secondairement une démence et des signes pyramidaux. Le codon 129 sur l’allèle muté codait toujours pour une méthionine [21].

La mutation P105L se manifeste par une tétraparésie spastique suivie d’une démence. Elle est associée à un génotype valine du codon 129 sur l’allèle muté. Elle touche de façon exclusive la population japonaise. Son âge de début se situe après 40 ans et sa durée d’évolution est longue, supérieure à 7 ans [22].

La mutation A117V est toujours associée à un génotype valine du codon 129 sur l’allèle muté. Une famille alsacienne que nous suivons depuis plus de 20 ans est atteinte de cette affection ; quinze membres ont été ou sont actuellement atteints.

L’âge de début se situe entre 19 et 64 ans, et la durée d’évolution est de 2 à 15 ans [23].

Pour les premières générations, le tableau clinique a été celui d’une démence du sujet âgé mais au fur et à mesure des générations, selon la branche de la famille touchée, le tableau clinique a été extrêmement variable. Dans certains cas, il pouvait débuter par un déficit pyramidal progressif évoluant sur des années ou parfois par un syndrome pseudobulbaire, la démence étant d’apparition tardive ; dans d’autres cas, la symptomatologie a été inaugurée par un syndrome démentiel (troubles du comportement orientant vers une atteinte frontale). Les lésions neuropathologiques au sein de cette famille étaient particulières par l’importance des dépôts de substance amyloïde, par la variabilité de l’intensité des lésions de spongiose et enfin par la présence de dégénérescences neurofibrillaires sans dépôt de substance amyloïde βA4 dans le cas le plus âgé [24]. Une autre caractéristique était la sensibilité des dépôts de substance amyloïde aux protéases chez le membre de la famille dont l’évolution fut la plus longue alors que dans les autres variétés de maladie à prions sporadiques ou héréditaires les dépôts protéiques restent résistants aux agents protéolytiques [25].

La mutation Y145 stop associée à un génotype méthionine du codon 129 n’a été décrite que dans un cas isolé. La maladie a débuté à 38 ans, a évolué pendant 21 ans, se manifestant essentiellement par un syndrome démentiel. La particularité histo-
pathologique était la présence d’une angiopathie amyloïde sévère en plus des lésions caractéristiques du GSS [26-27].

La mutation H187R a été décrite chez trois membres d’une même famille d’origine italienne atteints d’un syndrome démentiel avec ataxie, dysarthrie, myoclonies.

Aucune étude neuropathologique n’a été rapportée [27].

La mutation F198S a été rapportée dans une famille nord-américaine et était associée à un génotype valine du codon 129 sur l’allèle muté. Les signes cliniques associaient un syndrome démentiel, un syndrome cérébelleux et des signes extrapyramidaux. A l’examen neuropathologique, la présence de dégénérescences neurofibrillaires en quantité importante en était la principale caractéristique. Cette famille est connue sous la dénomination de Indiana kindred [28, 29].

La mutation Q217R a été décrite dans une fratrie de Suédois qui a développé après 60 ans un syndrome démentiel, un syndrome cérébelleux, pyramidal et extrapyramidal. La présence de dégénérescences neurofibrillaires et de dépôts de substance β A4 ne permet pas d’exclure une possible association entre une maladie à prions et une maladie d’Alzheimer [29].

Dans l’IFF les troubles du sommeil ou de la vigilance sont les principales caracté- ristiques cliniques. Une insomnie intraitable a donné son nom à la maladie, mais un état stuporeux peut parfois masquer l’insomnie. Des épisodes oniriques avec hallucinations, des rêves éveillés ou un état confusionnel sont fréquents. Ils peuvent inaugurer la maladie, mais peuvent apparaître à un stade tardif chez les patients dont le tableau clinique initial évoque plutôt une maladie de CJ. L’IFF est une affection de transmission autosomique dominante, dont la relation avec les encéphalopathies à prion n’a été démontrée qu’en 1992 par Médori et al , qui ont mis en évidence une mutation du gène de la PrP D178N associée à un génotype du codon 129 de type méthionine sur l’allèle muté [5]. Cette mutation est présente dans toutes les familles décrites à ce jour. La transmissibilité de l’IFF a été clairement établie en 1995 [11]. Plus de 25 familles ont été rapportées, l’âge d’apparition des symptômes varie entre 35 et 62 ans, la durée d’évolution est de 8 à 72 mois. Des troubles dysautonomiques sont constants, témoins le plus souvent d’une hyperactivité sympathique, troubles de la régulation de la tension artérielle, de la sudation, de la température. Les autres signes neurologiques sont variés et non spécifiques : signes pyramidaux, myoclonies spontanées ou réflexes, dysarthie, dysphagie, signes céré- belleux ; en revanche, le syndrome démentiel est plus exceptionnel, mais des troubles cognitifs et du comportement sont fréquents en rapport avec l’insomnie. Les troubles du sommeil peuvent être au second plan et parfois même passer inaperçus en l’absence d’enregistrement polysomnographique. Ces enregistrements sont indispensables pour montrer une réduction du temps total de sommeil, une désorganisation des cycles conduisant à une abolition des phases de sommeil lent et une persistance de brèves périodes de sommeil paradoxal associées à des troubles moteurs comportementaux [30]. Les études des corrélations génotype-phénotype montrent que les patients homozygotes méthionine au codon 129 ont une durée
d’évolution plus courte et des troubles du sommeil et dysautonomiques précoces, alors que les patients hétérozygotes méthionine-valine ont une durée d’évolution plus longue et souvent débutent leur maladie par des troubles moteurs [31]. Les lésions histologiques prédominent sur les noyaux médio-dorsal et antéro-ventral du thalamus, et s’étendent parfois à l’olive bulbaire surtout lorsqu’il existe des myoclonies. Les lésions corticales sont plus rares et variables dans leur intensité.

La maladie de CJ familiale a été individualisée en 1992 par Goldfard et al qui montrèrent que la mutation D178N associée sur l’allèle muté à un génotype valine du codon 129 se traduisait par une maladie de CJ [32, 33]. En dehors d’un début à un âge plus jeune, d’une durée d’évolution plus prolongée et de l’absence d’anomalie EEG caractéristique, le tableau clinique n’est guère différent d’un CJ sporadique [34]. La mutation E200K est la plus fréquente [35]. Elle a été décrite initialement chez des israélites d’origine lybienne après que l’hypothèse d’une contamination alimentaire par la cervelle de mouton atteint de scrapie ait été éliminée. La péné- trance semble complète après 85 ans mais cette donnée reste discutée [36]. La particularité de cette forme est la possibilité d’une atteinte du système nerveux périphérique [37]. Un certain nombre d’autres mutations ponctuelles ont été décrites, la mutation M232R [38], mais apparemment sans antécédents familiaux chez trois patients japonais, la mutation T183M affectant une famille brésilienne dont le tableau clinique se résumait à une démence d’allure fronto-temporale survenant chez des sujets de plus de 45 ans et évoluant sur une période de 4 ans environ [39], la mutation V210L dans plusieurs familles [40, 41], la mutation R208H dans une famille américaine [42], une double mutation V180L et N232R chez un patient [43].

Les formes familiales avec insertion de répétitions d’octapeptides, dont une dizaine de familles ont été décrites à travers le monde à ce jour, doivent être isolées des autres formes familiales de maladies à prions. Elles se caractérisent par une démence associée à des troubles cérébelleux et extrapyramidaux. La durée d’évolution est variable de deux mois à quinze ans. L’aspect des lésions neuropathologiques, en particulier la présence de dépôts amyloïdes, semble en corrélation avec le nombre des répétitions d’octapeptides. Dans tous les cas, la spongiose dans le cortex cérébral et/ou dans les noyaux gris centraux est d’intensité modérée [44].

Enfin des délétions du gène de la PrP ont été rapportées. Elles n’ont pas de traduction clinique connue.

Ainsi les formes familiales des maladies à prions en dehors de la mutation P102L, de l’IFF et de la mutation E 200K sont exceptionnelles. A chaque famille ou presque sa mutation. Pourtant à une mutation donnée ne correspond pas un phénotype spécifique. Bien au contraire, au sein d’une même famille le tableau anatomoclinique peut même être extrêmement différent, conduisant à évoquer le rôle de gènes modificateurs [16]. Dans la mutation D178N, le codon 129 joue un rôle majeur non seulement dans l’expression anatomoclinique de l’affection mais aussi dans la gravité de la maladie. Néanmoins, le génotype du codon 129 ne permet pas d’expliquer toutes les variations d’expression phénotypique d’une même mutation.

D’autres facteurs modulateurs pourraient être impliqués, sont-ils d’origine génétique ou environnementale ? Cette question est encore sans réponse et dépasse le cadre des seules maladies à prions.

Un des intérêts fondamentaux de l’étude des formes familiales des maladies neurologiques dégénératives est de permettre d’aborder leur pathogénie. En effet, reconnaître le gène muté permet d’identifier la protéine anormale, sa localisation dans la cellule et la création de modèles animaux transgéniques surexprimants ou dépourvus de cette protéine. Les informations ainsi obtenues permettent d’essayer de reconstituer le puzzle de la pathogénie des maladies neurodégénératives. A titre d’exemple, l’apport des formes familiales dans la pathogénie de la maladie d’Alzheimer est exemplaire. Les mutations des gènes de l’APP (amyloïde protéine précurseur) et des présénilines 1 et 2 sont à l’origine des formes familiales de maladie d’Alzheimer. Or l’APP est la protéine dont est issu le peptide βA4, le principal composant des plaques séniles et les présénilines sont des enzymes impliqués dans le métabolisme de l’APP. Dans les maladies à prions, ce sont les formes familiales qui ont permis de conforter l’hypothèse du rôle de la protéine prion.

Les maladies à prions occupent une place particulière au sein des maladies neurodégénératives en raison de leur double transmissibilité, héréditaire selon un mode mendelien et infectante. Depuis que Prusiner a formulé son hypothèse, il y a 18 ans, un début de réponse a pu être apporté à ce paradoxe de la double transmission encore jamais observée en pathologie humaine. Dans les formes sporadiques, un certain nombre de molécules de PrP changent de conformation tridimensionnelle.

La PrP ainsi modifiée inter-réagit avec la PrP normale ; elle en modifie la conformation de proche en proche, soit directement par nucléation ou dimérisation, soit indirectement sous l’effet de l’intervention d’une autre protéine. Dans les formes familiales, on admet que la substitution d’un acide aminé par un autre modifie la conformation de la PrP. Le changement de conformation dans les formes familiales est à l’origine de son effet délétère sur les neurones [45]. Au cours de la mutation A117V les données expérimentales [47] et neuropathologiques : disparition des dépôts de substance amyloïde sous l’effet d’agents protéolytiques, suggèrent que la persistance d’une structure βplissée n’est pas nécessaire à l’effet pathogène du prion.

En revanche, pour la transmissibilité de l’affection de l’homme à l’animal, la conformation βplissée semble une condition nécessaire mais pas suffisante car sinon toutes les maladies neurologiques avec dépôts de substance amyloïde devraient être transmissibles. Ainsi les facteurs responsables de l’effet pathogène et de la transmissibilité peuvent être dissociés [48].

Une autre question est la sélectivité du siège des lésions. Pourquoi dans la mutation D178N suivant qu’elle est associée au codon 129 à une méthionine ou à une valine, les lésions se localisent-elles soit au seul noyau antérieur du thalamus, soit à l’ensemble du cortex cérébral et cérébelleux ? La conformation de la PrP dans ces deux affections est différente, comme le montre leur profil électrophorétique [49].

Cette différence de conformation pourrait être à l’origine d’interactions de la PrP avec des protéines neuronales différentes expliquant ainsi la topographie des lésions.

C’est au sein même de la protéine PrP que doit se trouver l’explication de cette énigme qui illustre bien l’évolution de la biologie : au tout génomique se substitue progressivement le tout protéomique.

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DISCUSSION

M. Roger NORDMANN

Vous avez montré l’intérêt de l’étude des maladies humaines familiales à prions pour comprendre les mécanismes de neurotrophicité. Cette étude peut-elle permettre également de progresser dans la compréhension des nouveaux variants de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) ? A notre connaissance, en effet, il y a une différence fondamentale entre les maladies familiales (au cours desquelles existe une altération de la structure primaire de la protéine prion) et l’ESB (qui se caractérise par une altération de la structure dans l’espace de la PrP sans modification de sa structure primaire). Comment expliquer ce paradoxe apparent ?

En fait, dans les formes héréditaires comme dans les formes sporadiques, le prion change de conformation tridimensionnelle… Il est certes plus facile de comprendre qu’une mutation ponctuelle puisse modifier la conformation d’une protéine mais, dans les deux cas, le prion acquiert une structure fibrillaire, insoluble, résistante aux agents protéolytiques.

M. Claude DREUX

Vous avez indiqué que le rôle de la protéine prion normale PrPc était inconnu. Cependant, son rôle dans les mécanismes de signalisation (transduction) cellulaire a été caractérisé par les équipes de M.O. Kellermann et J.L. Laplanche ( Science , 15 sept 2000). Il a été prouvé que le polymorphisme sur le codon 129 modifiait le temps d’incubation dans la MCJ iatrogène (hormone de croissance d’origine humaine). En est-il de même pour les maladies
liées aux mutations du codon 117 ? Le caractère de transmissibilité de l’homme à l’animal est-il lié à l’espèce animale considérée (cas des mutations 117 et 102 que vous avez signalées).

Le rôle de la protéine prion PrPc, comme participant à la transduction du signal où son rôle dans le contrôle du métabolisme des radicaux libres, reste discuté. Le polymorphisme du codon 129 ne semble pas pouvoir expliquer les durées d’évolution de la maladie, en témoigne la famille présentée : l’âge de début varie de 20 à 64 ans, la durée d’évolution d’un an à 18 ans et cela pour la même mutation au niveau du codon 117 associé à une valine sur l’allèle muté au niveau du codon 129. Les essais de transmission de la famille alsacienne ont été réalisés chez différentes espèces animales, singes, rongeurs.

M. Jean-Claude GAUTIER

A t-on une idée des mécanismes de la modification de la configuration spatiale de la PrP normale ? Quel que soit le poids de l’évidence en faveur de l’hypothèse « prion », y a t-il une place pour d’autres hypothèses étiologiques ?

Les mécanismes responsables du changement de conformation de la PrP normale restent discutés. La plupart des auteurs, en particulier Prusiner, font appel à la notion d’une troisième protéine, la protéine X, qui agirait comme protéine chaperonne. Tant que le rôle et les mécanismes de transformation conformationnelle de la PrPc en PrPsc n’auront pas été identifiés, il y a place pour d’autres hypothèses, en particulier l’hypothèse virale, même si malgré plus de 18 ans de recherche, il n’a jamais été mis en évidence d’acide nucléïque associé à la protéine du prion.


* Service des Maladies du Système Nerveux et du Muscle. Hôpitaux Universitaires, 1 place de l’Hôpital, BP 426 — 67091 Strasbourg. Tirés-à-part : Professeur Jean-Marie WARTER, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 7 septembre 2000, accepté le 9 octobre 2000.

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 2, 405-416, séance du 27 février 2001