Résumé
Le delta-9-tétrahydrocannabinol ou THC est le principal constituant psychoactif du cannabis dont le mode de consommation le plus fréquent est l’inhalation. La teneur moyenne en THC dans la résine a été multipliée par quatre au cours des vingt dernières années, passant de 4 % à 16 %, ce qui influe sur la pharmacocinétique et sur la pharmacologie de la drogue. Par inhalation, la biodisponibilité du THC est en moyenne de 25 %. Après une cigarette contenant 3,55 % de THC, le pic plasmatique obtenu environ dix minutes après l’inhalation est voisin de 160 ng/mL. La décroissance sanguine du THC est très rapide, de type multiphasique, contemporaine d’une augmentation de la concentration tissulaire. C’est elle qui est responsable des effets pharmacologiques. Le THC subit ensuite une séquestration intense dans les graisses corporelles, principal site de stockage. Cette pharmacocinétique particulière explique l’absence de lien étroit entre la concentration sanguine en principe actif et les effets engendrés, contrairement à ce que l’on observe pour l’éthanol. Le THC donne naissance à deux principaux métabolites, le11-OH-THC (seul métabolite actif) et le THC-COOH dont l’élimination dans les selles et dans les urines se prolonge plusieurs semaines. De ce fait, l’analyse urinaire du THC-COOH constitue l’examen de choix pour confirmer l’abstinence d’un individu. Tout résultat positif pourra être complété par un dosage sanguin du THC, à la recherche d’une exposition récente. Le cannabis est la drogue illicite la plus fréquemment rencontrée chez les conducteurs. Les études dans le cadre de la sécurité routière montrent que l’usage récent de cette drogue multiplie au moins par deux le risque d’être responsable d’un accident. La consommation simultanée d’alcool multiplie ce risque par 14. Depuis 2009 une nouvelle classe est apparue sur le marché des drogues, celle des cannabinoïdes de synthèse. Ils agissent sur les mêmes récepteurs CB1 que le THC, avec une plus grande affinité que ce dernier. Leur pharmacocinétique et leur pharmacologie sont différentes de celle du THC, car ils sont métabolisés en nombreux dérivés, souvent plus actifs que le THC.
Summary
Delta-9-tetrahydrocannabinol (THC) is the main psychoactive ingredient of cannabis, a drug which is commonly smoked. This paper focuses on the pharmacokinetics of THC. The average THC content in cannabis plant material has risen by a factor of four over the past 20 years, from 4% to 16%. This increase has important implications not only for the pharmacokinetics but also for the pharmacology of THC. The mean bioavailability of THC in smoked cannabis is about 25%. In a cigarette containing 3.55% of THC, a peak plasma level of about 160 ng/mL occurs approximately 10 min after inhalation. THC is quickly cleared from plasma in a multiphasic manner and is widely distributed to tissues, leading to its pharmacologic effects. Body fat is a long-term storage site. This particular pharmacokinetic behavior explains the lack of correlation between the THC blood level and clinical effects, contrary to ethanol. The main THC metabolites are 11-OH-THC (the only active metabolite) and THC-COOH, which is eliminated in feces and urine over several weeks. Therefore, abstinence can be established by analyzing THC-COOH in urine, while blood THC analysis is used to confirm recent exposure. Cannabis is the main illicit drug found among vehicle drivers. Various traffic safety studies indicate that recent use of this drug at least doubles the risk of causing an accident, and that simultaneous alcohol consumption multiplies this risk by a factor of 14. Since 2009, synthetic cannabinoids have emerged on the illicit drug market. These substances act on the same CB1 receptors as THC, but with higher affinity. Their pharmacokinetics differs from that of THC, as they are metabolized into multiple derivatives, most of which are more active than THC itself.
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Bull. Acad. Natle Méd., 2014, 198, no 3, 541-557, séance du 25 mars 2014