Communication scientifique
Session of 2 mars 2010

Les critères d’évaluation des thérapeutiques comportementales et cognitives dans la dépression

MOTS-CLÉS : dépression. métaanalyse. thérapie cognitive. thérapie comportementale
Evaluation of behavioral and cognitive therapy in depression
KEY-WORDS : behaviour therapy. cognitive therapy. depression.

Christine Mirabel-Sarron *

Résumé

Un ensemble de psychothérapies sont proposées aux patients déprimés parmi lesquelles les thérapies comportementales et cognitives. Ces thérapies brèves ont montré leur efficacité dans l’accélération de la rémission clinique et la diminution du taux des récidives dépressives. Cet article présente les principales études d’évaluation des thérapeutiques comportementales et cognitives proposées au sujet déprimé. L’ensemble des résultats amène à discuter de la faisabilité, de l’acceptation et de l’efficacité de cette thérapie. Les critères d’évaluation utilisés par toutes ces recherches sont présentés et mis en perspective avec les contraintes imposées par le processus de l’évaluation des psychothérapies. Les recherches actuelles tentent de définir des facteurs prédictifs de bonne réponse aux thérapies de la dépression.

Summary

Many psychotherapeutic approaches have been developed for depression, among which behavioral and cognitive therapies have shown their effectiveness. These short-term therapies quickly improve symptoms and reduce the relapse rate by around 30 %. This article reviews the main studies of behavioral and cognitive therapy in depressed patients. The results are discussed in terms of acceptability, feasibility, and efficacy. The study protocols, psychiatric symptoms, and endpoints are described. There is now a need to identify which patients are most likely to respond to these treatments.

INTRODUCTION

La dépression est considérée comme un problème majeur de santé publique. Cette affection se rencontre avec une extrême fréquence au point qu’elle se place aujourd’hui au troisième rang des maladies mondiales. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, en 2020, la dépression sera la première cause de souffrance chez la femme et la seconde chez l’homme (après les maladies cardio-vasculaires). Un diagnostic précoce, un traitement rapidement instauré et suivi suffisamment longtemps sont les meilleurs garants d’une évolution favorable. En effet, la maladie dépressive présente un génie évolutif qui conduit à la récidive dans la moitié des cas.

On sait que l’évolution naturelle d’une dépression récidivante se fait vers la répétition des épisodes dépressifs majeurs avec raccourcissement des intervalles libres et avec un retour de plus en plus difficile vers l’état antérieur [1]. Des taux de 50 % de récidive après le premier épisode dépressif, de 70 % après le deuxième et de 90 % après le troisième sont retenus. Ainsi un patient en rémission sur trois présente des symptômes résiduels, le rendant ainsi plus vulnérable aux rechutes dépressives.

Ces récidives interfèrent gravement avec leur vie : perte de productivité, de travail, augmentation de la mortalité. La poursuite du traitement antidépresseur est considéré comme le meilleur traitement préventif des rechutes et récidives. Un ensemble de psychothérapies est proposé aux patients déprimés parmi lesquelles les thérapies comportementales et cognitives (t.c.c). Ces thérapies brèves ont montré leur efficacité dans l’accélération de la rémission clinique et la diminution du taux des récidives dépressives. Elles agissent au niveau des symptômes en augmentant le taux d’activités volontaires du patient ; au niveau des modes de pensées dépressifs en les confrontant à la réalité et au niveau des vulnérabilité psychologiques personnelles en identifiant des « schémas cognitifs » qui contribuent fortement à l’état dépressif et à ses rechutes.

Nous présenterons les différentes études d’évaluation, les critères d’efficacité retenus avant de les discuter un à un puis d’envisager les différentes perspectives concernant les psychothérapies proposées aux patients déprimés.

EFFICACITÉ

DES

THÉRAPEUTIQUES

COMPORTEMENTALES

ET

COGNITIVES DANS LA DÉPRESSION

Les t.c.c sont utilisées depuis les années 70 comme traitement des désordres émotionnels [2, 3]. Dés les années 80, elles sont utilisées en traitement combiné avec les médicaments antidépresseurs avec un gain important de l’association y compris pour les états dépressifs majeurs hospitalisés [4]. Le taux de récidive dépressive est alors diminué d’environ 35 % à un an [5]. La conclusion énoncée à la suite de ces études est que la t.c.c semble d’efficacité comparable aux antidépresseurs de réfé- rence et que le traitement combiné, t.c.c et pharmacothérapie, constitue une association remarquablement efficace dans les états dépressifs.

 

Déroulement d’une t.c.c de la dépression

La t.c.c est une thérapie verbale, brève dans son déroulement (et comporte une vingtaine de séances). Elle est centrée sur des objectifs personnels au patient. Elle est une des seules aides psychologiques qui s’utilisent en phase aiguë de la dépression [6]. L’indication est posée après des entretiens préliminaires incluant une analyse fonctionnelle des troubles aussi bien diachronique que synchronique qui aboutit à une conceptualisation de la souffrance [7]. En phase aiguë de la dépression, le patient apprend une démarche psychologique qui l’amène à mettre à distance ses pensées négatives dépressives, à obtenir un soulagement émotionnel et à récupérer une liberté d’action [8]. En phase de rémission partielle de la dépression, une deuxième partie de la thérapie se consacre à l’identification des vulnérabilités cognitives pour réduire la probabilité des rechutes.

La t.c.c attire l’attention en tant que thérapie brève et efficace [9]. Buttler en 2006 fait la synthèse des 16 méta-analyses publiées sur l’évaluation de la t.c.c dans différentes souffrances psychiatriques et constate que la taille de l’effet est très importante dans le cas des dépressions non bipolaires.

Les études d’évaluation de l’efficacité

De nombreuses études validées ont démontré l’efficacité des t.c.c sur l’amélioration des symptômes dépressifs à court et moyen terme [10, 11].

Une première série d’études visent à évaluer l’efficacité de cette thérapie brève dans différentes populations de déprimés, adolescents, adultes ou personnes âgées.

Dobson en 1989 répertorie vingt-huit études effectuées entre 1977 et 1987 [10].

Cette méta-analyse souhaite évaluer l’efficacité d’une t.c.c suivant le programme préconisé par Beck (1979) [3].

Pour toutes ces publications, la variation du score de l’inventaire de dépression de Beck (B.D.I) [12] se veut refléter le changement opéré par la thérapie.

Tous ces travaux montrent une thérapie 70 % plus efficace que les autres aides psychologiques et une efficacité similaire aux médicaments antidépresseurs. Ces conclusions sont à tempérer du fait de l’hétérogénéité des populations étudiées. La même année débute la plus grande étude multicentrique sous l’égide du National Institute for Mental Health (NIMH), qui inclut le plus grand nombre de patients [13]. Les sujets sont répartis aléatoirement en quatre groupes : t.c.c seule, thérapie interpersonnelle, Imipramine seule, placebo. Après 6, 12 et 18 mois, les patients des trois premiers groupes s’améliorent plus que ceux du groupe placebo. Les dépressions très sévères réagissent mieux aux antidépresseurs. Le groupe sous thérapie cognitive n’obtient pas de meilleurs résultats que le groupe sous thérapie interpersonnelle [14]. De très nombreuses publications seront issues de cette étude, qui sert désormais de référence, afin d’identifier les différents processus de changement opérés par chaque démarche. D’autres publications contemporaines ouvrent une nouvelle voie où les t.c.c deviennent une alternative efficace pour les patients qui ne répondent pas au traitement antidépresseur [15-17].

 

Une seconde série d’essais cliniques a pour objectif d’évaluer l’impact des thérapies comportementales et cognitives à moyen et long terme. Gloagen [5], répertorie 78 études publiées entre 1985 et 1996. Ils excluent rapidement 30 études, la plupart non randomisées ou sans groupe contrôle. Les 48 études retenues montrent un effet préventif des t.c.c : en moyenne 29 % des patients ayant suivi une t.c.c rechutent à un an, contre 60 % des patients sous antidépresseurs. La revue montre que les patients qui bénéficient des deux approches combinées réduisent de 60 % le taux de rechutes et obtiennent ainsi un gain considérable. Quelques années plus tard, Vittengl [11] poursuit cette revue de littérature. Toutes les études constatent même après arrêt de la thérapie à un an, un taux de récidive très réduit, de 29 % à un an, et de 54 % à deux ans.

Ces taux peuvent être similaires à d’autres approches psychothérapiques, mais sont bien meilleures qu’avec les traitements pharmacologiques seuls.

Jarrett et al. , en 2001 [18], conduisent la première étude qui compare l’efficacité de la t.c.c à long terme sur deux années de suivi, en ajoutant ou non des entretiens, de consolidation chez les patients répondeurs à la thérapie. 84 % des patients, répondeurs, sont répartis par randomisation en deux groupes, (un groupe contrôle et un groupe bénéficiant de dix séances supplémentaires de t.c.c). La phase d’entretien de la thérapie permet de réduire le risque de rechutes de manière significative : 10 % versus 31 % au premier re-test à huit mois. Ce résultat s’accentue à deux ans de suivi, avec un taux de récidive de 16 % pour le groupe avec t.c.c prolongée contre 67 % pour le groupe contrôle.

Un dernier résultat très intéressant pour les patients dont l’état de rémission (après la phase aiguë de thérapie) reste instable et précaire, la phase d’entretien de t.c.c permet de réduire significativement le risque de rechutes et de récidives (37 % versus 62 %).

Une troisième vague d’études explorent l’effet des t.c.c chez des patients à haut risque de récidive, en particulier des patients souffrant de symptômes résiduels [19, 20]. Paykel et al. [21] incluent 158 patients, en rémission partielle avec des symptô- mes résiduels existants depuis deux mois jusqu’à 18 mois selon les sujets après randomisation en deux groupes (une prise en charge de soutien et de conseils ou une prise en charge de t.c.c (méthode de Beck de seize séances, réparties sur vingt semaines). Le traitement pharmacologique a été poursuivi à l’identique. Les taux de rechutes cumulés à 68 semaines de suivi sont de 47 % dans le groupe contrôle et de 29 % dans celui traité par t.c.c.

Les recherches actuelles s’orientent vers l’identification des bons répondeurs aux thérapies médicamenteuses ou psychothérapiques : quelle est la méthode psychothérapique la plus efficace pour quel type de patient ? Pour quel forme de maladie ?

Pour exemple, Bagby et al. [22] se proposent d’identifier des aspects de personnalité qui favoriseraient l’indication et l’optimisation du traitement offert aux sujets déprimés.

 

L’ensemble de ces travaux nous permettent de conclure à une spécificité d’action des t.c.c qui s’illustre par :

— une rémission plus rapide des symptômes dépressifs ;

— une action initiale sur les contenus de pensée pessimistes, désespérés voire suicidaires ;

— une action primaire cognitive puis physiologique inverse à celle des antidépresseurs.

L’importance des changements précoces en t.c.c est confirmée par l’étude de Derubeis et al. [23]. Au cours des quatre premières semaines, l’amélioration du désespoir, de l’humeur et de l’estime de soi apparaît plus précocement que l’amélioration de la symptomatologie neurovégétative ou de la motivation, alors que pour le traitement pharmacologique aucune modalité temporelle caractérisant le changement n’a été remarquée.

L’hypothèse serait que la t.c.c implique une participation active du patient qui activerait dès le début de la thérapie des stratégies pour faire face à la réalité.

Acceptabilité, suivi et perdus de vue

Prenons un exemple caractéristique : L’étude récente de Bagby et al. [22] :

Dans leur premier groupe, sont inclus 307 sujets déprimés dont 131 exclus puis 4 qui ont les critères mais ne souhaitent pas participer, sur 171 patients déprimés restants 56 sont randomisés vers la thérapie comportementale et cognitive ; 57 vers la thérapie interpersonnelle, et 59 vers la pharmacothérapie. Seuls 37 sur 56 finissent la t.c.c de 16 séances ; soit 19 abandons sur 56 presque 30 %. 38 sur 57 finissent I.T.P. ;

soit 19 patients sortis d’essai ou encore 19 sur 57 environ un tiers. 32 sur 59 finissent groupe pharmaco, soit 27 sorties d’études encore presque 50 % d’abandons.

Le premier constat est la grandeur de l’échantillon initial, les critères d’exclusion retenus par l’étude écartant plus du tiers de la population. La seconde observation est le faible nombre de sujets par groupe d’étude après randomisation. Enfin, le nombre de perdu de vue, d’environ un tiers pour les deux psychothérapies jugées les plus efficaces aujourd’hui pour des patients déprimés, et avoisinant les 50 % pour les traitements antidépresseurs. Les résultats obtenus aussi importants soient-ils sont à relativiser, d’autre part mettent l’accent sur la difficile compliance de ces patients aux traitements. En revanche, l’acceptabilité des thérapies comportementales et cognitives est excellente. Elle est de 88 % environ selon les études.

LE CHOIX DE CRITÈRES D’EFFICACITÉ

Cette partie se propose d’identifier les critères d’efficacité retenus dans les études d’évaluation. Le constat est que tous les protocoles utilisent les mêmes critères de sélection.

 

Le format de thérapie

Tous les essais portent sur des thérapeutiques comportementales et cognitives suivant le programme de Beck (1979) en seize séances échelonnées sur vingt à vingt-deux semaines environ [3].

Critères d’inclusion

Critères D.SM pour l’état dépressif majeur. L’intensité de la dépression incluse est modérée ou sévères, évaluée par l’échelle de Hamilton pour la dépression [24] : score strictement supérieur à 14.

Critères d’exclusion

Ils sont assez nombreux : la présence ou histoire de bipolarité, les troubles psychotiques, tout abus de substances (alcool, cannabis,…), les troubles de la personnalité antisociale ou border-line, des antécédents de sysmothérapie, toute maladie organique. Des prises médicamenteuses comme les thymorégulateurs. On y ajoute la capacité a lire, écrire, et à utiliser le langage parlé localement.

Critères de rémission, d’amélioration partielle, de rechute ou de récidive

L’évaluation clinique et psychologique est renouvelée régulièrement, selon une fréquence déterminée par le protocole de recherche. La rémission est définie par la disparition des critères diagnostics du D.S.M. ou encore par un score total de l’échelle de Hamilton pour la dépression inférieur à 7. Elle peut être définie également par la réduction du score de 50 % du score global de l’échelle de Hamilton pour la dépression et-ou du score de l’Inventaire pour la dépression de Beck, (autoquestionnaire). Un mauvais répondeur est défini par un score à l’échelle de Hamilton pour la dépression supérieur à 12, qui impose de modifier le traitement médicamenteux. Une rechute dépressive est définie par un score à l’inventaire de Beck supérieur à 16 ou bien est définie par une consultation pour symptomatologie dépressive et la mise en route d’un traitement psychiatrique.

Nous pouvons conclure à une grande harmonie des critères d’inclusion des sujets dans les études.

DISCUSSION DES CRITÈRES D’ÉVALUATION RETENUS

L’évaluation d’une thérapie est toujours un processus complexe en médecine organique ou psychiatrique, qui ne possède aucune solution définitive [25]. L’expertise INSERM de l’évaluation des psychothérapies en 2004 a relancé la polémique sur la fiabilité des essais thérapeutiques, et en particulier sur l’évaluation des psychothé- rapies. Si la description de trajectoire de patient en cours de thérapie est parfois source de renseignements intéressants [26], elle ne peut pas cependant se substituer à la comparaison de groupe de patients pris en charge selon des modalités différentes.

Reprenons les quatre problèmes méthodologiques cités au paragraphe précédent : la définition des prises en charge à comparer ; la définition des critères d’inclusion et d’exclusion des sujets inclus dans les études ; la comparabilité des différents groupes de traitement et la définition des critères d’efficacité.

La définition des prises en charge à comparer

Dans le champ des psychothérapies, il existe plus d’une centaine d’approche et en pratique, chaque psychothérapeute exerce sa propre forme de thérapie, mais les approches t.c.c ont toutes un noyau commun, donc pas d’hétérogénéité totale. Dans tous ces essais cliniques, un manuel à l’usage du thérapeute est fourni, comprenant le cadre de chaque séance. Les grandes études qui ont davantage étudié les interactions thérapeutes-patients [13, 24, 27] mettent en évidence le peu d’expérience des psychothérapeutes, limitant probablement l’impact de la psychothérapie. Dans tous ces essais, les thérapeutes sont généralement des doctorants en psychologie clinique, qui ont suivi une sensibilisation théorique et pratique, ainsi que deux jours de formation au protocole. Chaque mois, une supervision de groupe est organisée pour gérer les difficultés rencontrées pendant la thérapie. Des entretiens individuels de supervision peuvent être demandés en plus.

Le superviseur a en moyenne quinze années d’expérience en t.c.c.

La définition des critères d’inclusion et d’exclusion des sujets inclus dans les études

Le premier critère d’inclusion repose sur le diagnostic opératoire d’état dépressif majeur qui s’établit par présence de critères diagnostic. C’est dans le but de faciliter l’opérationnalisation de la décision thérapeutique que la nosographie médicale est basée sur des catégories. La caractérisation d’une maladie, la définition des critères diagnostics, ont permis de définir deux systèmes nosologiques opérationnels, la C.I.M. de l’O.M.S. ; et le D.S.M. de l’A.P.A. Si, pour certains, ces systématisations manquent de finesse, elles ont pour vertu d’homogénéiser les diagnostics et sont donc très utiles pour la recherche. Les critères du D.S.M. sont choisis ici aussi, ils sont assez efficaces pour caractériser les pathologies psychiatriques les plus classiques tels que les troubles dépressifs. L’échelle de Hamilton pour la dépression est toujours utilisée afin d’estimer l’intensité de l’état dépressif ; elle est remplie par un évaluateur externe à la thérapie.

Les critères d’exclusion sont très nombreux et expliquent le faible taux de sujets retenus dans les études (entre 30 et 50 % de la population initiale de sujets déprimés).

Ainsi, les patients inclus dans les études ne ressemblent pas assez aux patients reçus en consultation, soit avec des symptômes en dessous du seuil de détection (état subsyndromique), soit avec des symptômes appartenant à plusieurs classes nosologiques. Enfin, les co-morbidités ne sont pas prises en compte non plus (association de plusieurs troubles) qui seraient davantage la norme plutôt que l’exception.

La comparabilité des différents groupes de traitements

La comparabilité des groupes est vraiment assurée dans les essais introduisant un groupe contrôle. L’objectif recherché est la comparabilité et non pas l’identité. On compare ainsi deux groupes sur des critères importants. Le choix du D.S.M. permet d’utiliser des critères de sélection des sujets ; ce cadre a l’avantage d’avoir fait l’objet depuis les années 80 de nombreuses études de fidélité interjuge des différentes catégories diagnostiques. Il s’agit d’un système exclusivement descriptif. C’est un modèle médical qui se révèle acceptable par rapport aux différents courants de la psychiatrie. Aucun autre système ne fait l’objet d’une acceptation aussi large.

Les critères d’efficacité

Les critères d’efficacité permettant de définir la rémission, la rechute et la récidive dépressive se réfèrent tous aux définitions de Frank [28] ; de même le choix de la réduction des scores aux échelles et questionnaires de dépression d’au moins 50 %, est un critère internationalement appliqué dans les essais contrôlés. Les études randomisées sont les seules retenues dans certaines méta-analyses Gloagen et al. [5] et sont largement diffusées. Elles sont généralement réalisées par un tirage au sort, mais cela pose un certain nombre de problèmes. Les patients ne sont pas neutres quant aux différentes possibilités de prise en charge psychothérapeutiques, ils ne sont pas libres de leur choix, il se crée une collusion avec le processus de soin qui peut altérer potentiellement son efficacité. Enfin, les résultats de ces études ne peuvent pas se généraliser à la pratique courante.

Les méta-analyses sont un autre point de controverse, souvent appréhendées comme un assemblage d’études disparates. Cet outil permet de dépasser des biais des études individuelles et de limiter des insuffisances méthodologiques. Les raisons pour lesquelles certaines études sont exclues doivent être parfaitement explicitées.

La place de l’expérimentateur dans l’essai et dans la relation thérapeutique est complexe. Le plus important est de définir la place de l’observateur et son interaction avec le sujet observé.

Il peut utiliser un ensemble de procédés comme : les enregistrements, en passant par diverses techniques d’entretien : semi-directif, directifs, des questionnaires soumis au patient et au médecin. Les auto-questionnaires reflètent mal l’attitude ou la technique du thérapeute. En revanche, ces outils sont des bons moyens pour appréhender les motivations du patient, sa personnalité, ainsi que les données relatives à son contexte familial, social et relationnel.

En revanche, l’inconvénient du recours à des juges est l’introduction d’un tiers dans la relation psychothérapique, il revient alors au thérapeute de s’adapter à l’intro- duction de cette nouvelle variable dans la relation psychothérapique et de l’utiliser comme donnée intégrée au sein du cadre thérapeutique.

CONCLUSION

Les nombreux essais contrôlés pratiqués depuis trente ans avec les t.c.c dans la dépression démontrent leur efficacité globale en phase aigue et à long terme. Cette évaluation des t.c.c apporte beaucoup à la réflexion et à la pratique clinique. Les résultats ont permis d’adapter, par exemple, le déroulement de la thérapie en fonction de l’intensité de la souffrance, de l’existence de symptômes résiduels ou de l’âge du sujet.

Plusieurs questions restent cependant à explorer pour mieux comprendre les processus de changement [29]. Les essais contrôlés ne renseignent pas sur les processus, sur les variables concernant le patient et le thérapeute qui sont impliqués dans la réussite du traitement. Le bon résultat des t.c.c trouveraient une réponse spécifique dans la qualité de l’alliance de travail mise en place précocement notamment par les qualités requises du thérapeute, et par l’utilisation de stratégies d’entretiens cliniques qui visent à augmenter la collaboration thérapeute-patient.

La t.c.c est un outil thérapeutique efficace pour la dépression. Il faut souhaiter qu’elle fasse partie des stratégies thérapeutiques de première intention, supposant-là un nombre de thérapeutes qualifiés, suffisants sur le plan national.

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DISCUSSION

M. Jean-Pierre OLIÉ

Sur quels arguments certains travaux ont-ils exclu les déprimés suicidaires et les antécédents d’électroconvulsivothérapie ?

Toutes les études intègrent dans leurs critères d’exclusion les antécédent d’électroconvulsivo-thérapie pour raison de troubles mnésiques secondaires pouvant compromettre les processus d’apprentissage aux habiletés comportementales et cognitives, objet de la thérapie. Quelques études excluent également les patients qui ont des antécédents de passage à l’acte suicidaire et toutes celles présentées excluent également ceux avec le diagnostic de trouble de l’humeur bipolaire, ainsi que ceux ayant au moins un trouble pathologique de la personnalité associé à la thymie dépressive. Ces deux dernières catégories de patients ont un haut risque de passage à l’acte suicidaire également. Pour ces derniers patients il s’est avéré que des prises en charge plus spécifiques de thérapie comportementale et cognitive étaient préférables et plus efficaces que le programme classique de Beck décrit dans cette revue.

 

<p>* Psychiatrie, Hôpital Sainte Anne, 1, rue Cabanis — 75014 Paris, e-mail : cmirabelsarron@club.internet.fr Tirés à part : Professeur Christine Mirabel-Sarron, même adresse Article reçu le 17 juin 2009, accepté le 22 février 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 605-615, séance du 2 mars 2010