Communication scientifique
Session of 2 mars 2010

Indications psychiatriques de la stimulation cérébrale profonde

MOTS-CLÉS : stimulation cérébrale profonde. trouble obsessionnel compulsif.
Psychiatric indications of deep brain stimulation
KEY-WORDS : deep brain stimulation. depressive disorder, major. obsessive-compulsive disorder

Bruno Millet, Marc Vérin, Dominique Drapier

Résumé

Introduite à la fin des années 1980, la technique de stimulation cérébrale profonde a montré son efficacité dans le traitement de pathologies neurologiques, telles que la maladie de Parkinson, les dystonies, les tremblements essentiels, dans lesquelles les circuits cortico-sous-corticaux sont impliqués. La fréquente co-morbidité psychiatrique de ces pathologies a conduit très rapidement à appliquer cette technique à certaines pathologies psychiatriques, en particulier à la prise en charge des troubles obsessionnels compulsifs (TOC) réfractaires à tout traitement. Cette pathologie représente désormais une indication de choix de cette technique, même si la cible anatomique la plus appropriée reste à définir. D’autres indications sont en cours de développement en particulier les troubles dépressifs chroniques et résistants (TDRC).

Summary

Introduced at the end of the 1980s, high-frequency deep brain stimulation has shown its efficacy in several neurological disorders, including Parkinson’s disease, dystonia and essential tremor, in which cortico-subcortical circuit dysfunction is strongly implicated. The existence of psychiatric symptoms in patients with these syndromes has led to the use of this technique in psychiatric disorders, and especially in severe refractory obsessive-compulsive disorders, even though the anatomical target is still controversial. Other potential indications include refractory chronic depression.

DÉFINITION ET RAPPEL DE LA TECHNIQUE DE LA STIMULATION CÉRÉBRALE PROFONDE (SCP)

Technique mise au point à la fin des années 1980 par l’équipe française de Louis Alim Benabid [1], la Stimulation Cérébrale Profonde consiste à stimuler des zones cérébrales profondes sous-corticales, les noyaux gris centraux, à l’aide d’électrodes implantées sur des cibles, déterminées en fonction du type de symptômes sur lesquels on veut agir. Le noyau sous-thalamique pour la maladie de Parkinson, le pallidum interne pour les dystonies, le noyau ventral intermédiaire du thalamus pour les tremblements essentiels sont actuellement des cibles thérapeutiques homologuées.

Les stimulations sont effectuées par des électrodes connectées par un câble souscutané à un générateur électrique délivrant en continu un courant à haute fréquence (80 à 150 Hertz). Les avantages de cette technique sont l’absence de lésion, la réversibilité de l’effet, ainsi que la possibilité d’ajuster les différents paramètres (fréquence, voltage, durée d’impulsion). La localisation initiale de la cible se fait à partir des atlas et d’une IRM pré-opératoire qui permet de tenir compte de la variabilité inter-individuelle. Il est souvent primordial que cette IRM puisse être réalisée avec le cadre stéréotaxique mis en place. Ces cadres stéréotaxiques, créés à l’origine par Tallayrac à l’hôpital Sainte-Anne (Paris), aujourd’hui soit de type Leksell soit de type Fischer SD, permettent au neurochirurgien de définir les coordonnées de la cible d’implantation des électrodes. Les électrodes de stimulation sont de deux types : l’une temporaire (microélectrode ) permet l’enregistrement électrophysiologique des structures neuronales traversées ; l’autre à demeure est légèrement plus grande en terme de surface de contact (macroélectrode ) et concerne la stimulation chronique à proprement parler. En post-opératoire immédiat, un scanner 3D offre la possibilité à partir du recalage avec l’IRM pré-opératoire de vérifier le bon positionnement de l’électrode. A distance de quelques jours à quelques semaines de l’intervention chirurgicale, le réglage des paramètres peut porter sur différents aspects : le choix du plot stimulé, la polarité, la fréquence de stimulation, la durée des impulsions et leur intensité. Le risque de complication chirurgicale est de l’ordre de 1 à 2 % pour ce qui concerne les hémorragies intra-cérébrales et de 3 à 4 % pour le risque infectieux. Il est à noter que les infections sont très souvent superficielles. Les équipes neurochirurgicales ont cependant remarqué dés la fin des années 90 un certain nombre de complications de type psycho-comportemental qui ont conduit à proposer aux patients des évaluations psychiatriques répétées. Des cas de manie [2], de délire [3], de dépression [4] ou de tentative de suicide [5] ont été rapportés.

 

APPLICATION DE LA TECHNIQUE EN PSYCHIATRIE

Un travail publié en 2002 par l’équipe de la Pitié-Salpêtrière [6] a mis en évidence, à partir de deux cas de patients souffrant de manière coïncidente d’une maladie de Parkinson et de TOC, que la stimulation bilatérale du noyau sous-thalamique était capable d’améliorer non seulement la dimension motrice de la maladie de Parkinson, mais aussi la symptomatologie obsessionnelle (les obsessions et compulsions, notamment les rituels de vérification). Ce résultat ajouté à ceux des approches neurochirurgicales lésionnelles [7] ont conduit à la création d’un projet hospitalier de recherche clinique, incluant une dizaine de centres en France, autour duquel se sont réunis des neurochirurgiens, des neurologues et des psychiatres. La mise en place du réseau ainsi constitué dénommé STOC (Stimulation dans le Trouble Obsessionnel Compulsif) a marqué le développement de la SCP dans le domaine de la psychiatrie. L’une des originalités du projet a résidé dans l’approche physiopathologique du problème psychiatrique. Cette étude s’appuyait en effet sur une double hypothèse :

— des réseaux neuronaux distincts régissent non seulement la motricité mais également les processus cognitifs et affectifs [8] ;

— des structures corticales larges et hétérogènes convergent vers les structures sous-corticales des ganglions de la base plus réduites [9]. À cet égard le travail d’élaboration d’un atlas neuroanatomique fonctionnel des ganglions de la base par Yelnik et Bardinet [10] a permis d’alimenter la réflexion clinique du projet STOC. Dés lors, la possible utilisation de la SCP dans le domaine des pathologies psychiatriques s’avérait possible à envisager avec des indications potentielles dans les troubles affectifs, les troubles anxieux, les troubles des conduites alimentaires (TCA) et à un degré moindre les troubles psychotiques pour lesquels le Comité Consultatif National d’Ethique a rappelé les limites pour l’utilisation de telles approches chirurgicales [11].

LES INDICATIONS PSYCHIATRIQUES ACTUELLES DE LA STIMULATION CÉRÉBRALE PROFONDE

Le trouble obsessionnel compulsif résistant représente actuellement l’indication psychiatrique de choix de la SCP selon le rapport médical rendu par la HAS en France [12]. Le matériel de SCP a reçu l’autorisation de commercialisation dans l’indication de TOC résistants dans le cadre du programme « Humanitarian Device Exemption (HDE) » (programme de traitement pour une pathologie affectant moins de 4 000 patients/an) en février 2009 [13]. Il ne s’agit que de patients hautement résistants aux différentes thérapeutiques habituellement utilisées dans cette pathologie (absence de réponse aux inhibiteurs de la recapture de la sérotonine associée dans une deuxième étape à des antipsychotiques ; échec d’une prise en charge psychothérapique d’au moins deux ans). Les critères diagnostiques doivent avoir été clairement validés et l’intensité de la maladie documentée par des échelles spécifiques de la maladie et de son retentissement (adaptation sociale et qualité de vie). La co-morbidité doit être rigoureusement définie. De même, ces patients doivent avoir prouvé leur capacité à consentir aux soins. Leur capacité à comprendre les soins et à accepter la lourdeur de l’intervention chirurgicale doit ainsi être soigneusement documentée. Deux cibles ont été principalement explorées dans cette indication du TOC résistant :

La Cible « Ventral Caudate-Ventral Striatum » (VC/VS)

Nuttin et Cosyns [14] ont été les pionniers dans l’utilisation de cette technique en proposant la stimulation chronique bilatérale du bras antérieur de la capsule interne dans l’idée de reproduire les données de la capsulotomie. Quatre patients souffrant de TOC sévères ont été opérés. Trois d’entre eux ont bénéficié d’une amélioration marquée près de quarante mois après la chirurgie. Une diminution de plus de 30 % des manifestations obsessionnelles et compulsives était observée à l’échelle de la YBOCS (Yale Brown Obsessive Compulsive Scale). Cette équipe associée à l’équipe de Grendberg et al. (2010) a confirmé les améliorations observées. À trente-six mois, près de quatre patients sur huit présentaient une amélioration supérieure à 50 % de leur symptomatologie obsessionnelle appréciée à l’aide de la YBOCS. Sur le plan des effets indésirables, une hémorragie asymptomatique , une crise comitiale simple et des infections superficielles ont été observées. Des effets secondaires temporaires incluaient des symptômes hypomaniaques et l’aggravation de la dépression ou des TOC.

L’équipe de Bordeaux [15] a choisi une cible voisine en implantant trois patients au niveau du nucleus accumbens (partie ventromédiale du noyau caudé). Deux patients ont été améliorés (diminution de plus de 30 % par stimulation de la partie antérieure et ventrale du noyau caudé correspondant au nucleus accumbens). Il est intéressant de noter que cette amélioration est apparue au bout de quelques mois. L’utilisation d’électrodes d’enregistrement a permis de montrer que l’activité des neurones striataux était corrélée à la symptomatologie avant et durant l’intervention chirurgicale.

Le noyau subthalamique (NST) dans le cadre du projet STOC

Dix centres français ont participé à STOC, étude menée en cross-over contre stimulation « sham ». Chaque patient, après trois mois de mise au repos suivant la chirurgie, était randomisé en position « on » ou en position « off », selon une procédure de deux périodes de trois mois. En étant son propre témoin, le patient pouvait ainsi bénéficier de la stimulation et comparer son état à la période de stimulation « off ». La sélection des patients s’est faite par un comité de sélection indépendant. Le comité consultatif national d’éthique a donné son accord pour la réalisation d’une telle étude. Les résultats publiés en novembre 2008 [16] ont montré que sur 16 patients opérés, 69 % des patients amélioraient leur TOC (réduction du score YBOCS de 25 %) tandis que 88 % d’entre eux présentaient une amélioration de leur fonctionnement global (échelle General Assessement Functioning ou GAF) supérieure à 25 %. Quel que soit le moment de la période de stimulation « on » (M3-M6 ou M7-M10), le score à la YBOCS diminuait au cours de cette période.

Certaines améliorations observées ont été spectaculaires. Tel est le cas de Sylvie, 37 ans, qui présentait des obsessions concernant la peur de commettre un acte irréparable de type incestueux avec son fils ou sa fille. Cette patiente présentait par ailleurs des rituels obsessionnels avec des obsessions de doutes, rituels de vérification qui l’empêchaient d’exercer son activité de boulangère. Au bout de trois mois de stimulation, les manifestations obsessionnelles avaient totalement disparu. Les effets secondaires graves de cette étude comprenaient une hémorragie cérébrale ainsi que deux infections des piles, conduisant à l’extraction des électrodes. Au niveau des effets transitoires, un patient a présenté un œdème autour de l’électrode de façon transitoire avec un phénomène de diplopie. Une asymétrie faciale, une dysarthrie, une dysphagie, des difficultés de démarche, des dyskinésies invalidantes ont pu être notées transitoirement tandis que sur le plan psychiatrique, un état hypomaniaque avec impulsivité et irritabilité et /ou anxiété était retrouvé de façon temporaire chez six patients.

Les résultats de neuroimagerie par PET (Tomographie par Emission de Positons) ont montré que les patients souffrant de TOC résistants et candidats pour l’opération présentaient, comme les sujets TOC classiques, une augmentation de leur métabolisme glucosé au niveau du cortex orbito-frontal (COF) droit. Sous SCP du NST à haute fréquence, une diminution du métabolisme glucosé était observé au niveau du cortex préfrontal, particulièrement au niveau du COF, ce qui corrobore chez des sujets souffrant de TOC réfractaires [17] des résultats déjà obtenus avec les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine ou les thérapeutiques comportementales et cognitives.

LES FUTURES INDICATIONS PSYCHIATRIQUES DE LA SC

Les troubles dépressifs résistants et chroniques (TDRC)

Les études épidémiologiques rapportent qu’environ 10 % des pathologies dépressives deviennent chroniques. Ces pathologies apparaissent associées à des dysfonctions biologiques et neuroanatomiques. Les données de neuro-imagerie ont permis de mieux comprendre les structures cérébrales impliquées dans le processus dépressif : le cortex préfrontal dorso-latéral (CPFDL), le cortex orbito-frontal, le cortex préfrontal médian, les structures amygdalo-hippocampiques dont les modifications semblent s’accentuer au fur et à mesure de la répétition des épisodes, les ganglions de la base. Plus le trouble dépressif s’avère résistant aux différentes stratégies thérapeutiques antidépressives, plus il semble s’accompagner d’anomalies neurocérébrales. Certains paramètres neuroanatomiques semblent être associés à l’évolution même de la maladie dépressive comme l’atrophie hippocampique liée à la durée et au nombre des récidives [18], la diminution du volume amygdalien avec la récurrence des épisodes dépressifs [19] ou bien, sur le plan fonctionnel, l’hyperactivité du cortex cingulaire antérieur subgénual corrélée à la sévérité de l’épisode dépressif [20] et à son caractère résistant [21, 22]. Sur la base de ces anomalies cérébrales structurales et fonctionnelles, des hypothèses de boucles cortico-sous corticales ou cortico-limbiques dysfonctionnelles [23] impliquées dans la pathogénie de la dépression ont pu être avancées. Le modèle de dépression proposé par H.

Mayberg sur la base de dépressions survenant à la suite d’une pathologie cérébrale, stipule l’existence d’un centre dysfonctionnel, l’aire cingulaire 24a et 24b zone de connection entre un compartiment dorsal en charge des troubles attentionnels et cognitifs qui comprendrait la partie dorsale cingulaire (aires 24b, 29, 30, 31), le CPFDL (aire 9/46 de Brodman), la partie pariétale (aire 40 de Brodman), et un compartiment ventral (système amygdalo-hippocampique, aire cingulaire 25) en charge des troubles végétatifs et somatiques (troubles du sommeil, rythmes circadiens, etc.).

L’émergence récente des techniques de stimulation cérébrale à haute fréquence offre la double opportunité de proposer une thérapeutique à des patients résistants à toutes les stratégies de soins utilisées et d’évaluer la modification du dysfonctionnement cérébral observé dans les pathologies dépressives. Ces techniques se positionnent comme de potentielles alternatives aux approches chirurgicales lésionnelles, qui ont montré tout leur intérêt par le passé : 80 % parmi 330 patients opérés étaient améliorés par la technique de tractotomie subcaudée [24].

Comme dans le TOC, deux cibles peuvent être aujourd’hui distinguées : l’aire subgenuale du cingulum (aire de brodmann 25) et la cible VC-VS (ventral caudateventral striatum) ou de façon plus spécifique la cible du nucleus accumbens.

L’aire sub-genuale du cingulum : cette cible a été proposée par l’équipe canadienne de Lozano et Mayberg [25], qui a opéré 22 patients (11 femmes et 11 hommes) d’âge moyen de 47 ans, présentant une pathologie dépressive évoluant depuis plus de six ans (en moyenne plus de trois épisodes dépressifs caractérisés). Ces patients présentaient un score d’Hamilton dépression supérieur à 24. Un mois après l’intervention chirurgicale, 35 % des patients présentaient des critères de réponse et 10 % d’entre eux se trouvaient en rémission. À six mois, 60 % des patients étaient répondeurs et 35 % étaient en rémission. Cette amélioration s’accompagnait d’une diminution du métabolisme glucosé au niveau du cortex orbito frontal et du cortex préfrontal médian ainsi que d’une augmentation du métabolisme du cortex préfrontal ventro-latéral (aire de Brodmann 47), du cortex pré- frontal dorsolatéral, du cortex préfrontal pariétal et du cortex cingulaire. Les effets secondaires de la stimulation cérébrale profonde de l’aire subgenuale se sont limités à une surinfection du cuir chevelu avec nécessité d’extraire le matériel pour trois patients, une infection de la zone de connection crânienne circonscrite par des antibiotiques. Sur le plan psychiatrique deux épisodes transitoires d’irritabilité ont pu être observés Cible VC-VS : quinze patients souffrant de dépression chronique et résistante ont participé à une étude menée en ouvert évaluant la stimulation de la partie ventrale du striatum [26]. Tous les patients recevaient une stimulation continue à haute fréquence et étaient suivis au minimum pendant six mois. À la fin de cette période 40 % des patients étaient considérés comme répondeurs et 20 % d’entre eux se trouvaient en rémission. Peu d’effets secondaires étaient observés sur le plan somatique. Sur le plan psychiatrique, une augmentation de la symptomatologie dépressive ainsi que la survenue d’accès hypomaniaques résolus par l’ajustement des paramètres de stimulation ont été observés.

L’équipe de Bewernik et al. [27] a choisi la cible plus spécifique du nucleus accumbens dans l’objectif d’atténuer principalement la dimension anhédonique du syndrome dépressif en centrant la stimulation sur le système de récompense. Le nucleus accumbens couvre une large structure cérébrale en avant de la commissure anté- rieure et occupe une position centrale entre les différentes structures limbiques des ganglions de la base, de l’amygdale, du noyau médio dorsal du thalamus et des structures cognitives telles que le cortex préfrontal. Cette position clé lui permet de jouer un rôle important dans le contrôle de la locomotion mais également dans le contrôle de la motivation. Dix patients résistants aux approches psychothérapiques, chimiothérapiques et aux ECT, ont été stimulés dans le cadre d’une étude réalisée en ouvert. La durée moyenne de l’épisode dépressif était de dix ans, avec un score moyen à l’HDRS 28 items de 32,5 (+/-5,3). À douze mois, 50 % des patients étaient répondeurs, trois patients étant entrés en rémission dés le premier mois de traitement. Au moment où la stimulation est arrêtée, la symptomatologie dépressive semblait réapparaître. Tous les effets secondaires observés se sont avérés transitoires.

Cette cible du striatum ventral a également été choisie par Aouizerate et al. [15] qui ont rapporté l’amélioration de la symptomatologie dépressive chez deux sujets souffrant de TOC et de dépression majeure. La stimulation à haute fréquence de cette partie ventrale du noyau caudé a permis la rémission des symptômes à six mois, parallèlement à une amélioration du fonctionnement psychosocial. Alors que la stimulation du noyau caudé allégerait la symptomatologie obsessionnelle et compulsive, la stimulation de la partie la plus ventrale du noyau accumbens améliorerait la symptomatologie thymique. Le réseau multidisciplinaire constitué dans le cadre du projet STHYM, qui s’inscrit dans la continuité du projet STOC, a décidé de stimuler la partie la plus antérieure du noyau accumbens. Chaque centre universitaire impliqué dans l’étude comprend un neurochirurgien, un neurologue et un psychiatre. Ces différents centres vont évaluer l’intérêt de la cible accumbens chez les sujets souffrant de dépression chronique et résistante. Les premiers résultats devraient être obtenus vers la fin de l’année 2010.

 

Particulièrement attractive en termes de développement des connaissances sur le plan physiologique et thérapeutique, la SCP est susceptible de provoquer des modifications des réseaux cortico-sous corticaux, sans provoquer de lésions. Sa reversibilité, en cas d’effet indésirable ou en l’absence de bénéfice thérapeutique, permet la différence de l’approche psychochirurgicale traditionnelle. Cinq à 10 % des patients déprimés seraient estimés présenter une dépression sévère et réfractaire à toute thérapeutique. Ces patients présentent une grande souffrance psychique et se trouvent dans l’incapacité d’assurer une activité professionnelle. Leur parcours de soins est constitué d’hospitalisations itératives avec essais de multiples traitements médicamenteux ou physiques (ex. électroconvulsivothérapie) ou psychothérapiques.

L’alcoolo dépendance pourrait être une indication potentielle de la SCP, notamment au niveau du réseau neuronal régulant le système de dépendance. Pour le moment, seuls des rapports de cas ont rapporté l’efficacité de la technique [28]. D’autres types d’addiction tels que l’addiction à la cocaïne ou les addictions sans drogues comme les troubles des conduites alimentaires pourraient devenir représenter des indications thérapeutiques dans un proche avenir [29].

L’AVENIR DE LA SCP EN PSYCHIATRIE

La technique de SCP doit se développer dans des conditions expérimentales strictement définies : consentement éclairé du patient, recueilli après une information détaillée sur la technique chirurgicale, constitution de comités de surveillance éthique et de rationnel physiopathologique des expérimentations menées, et enfin un suivi clinique, par des équipes psychiatriques spécialement formées.

Deux perspectives s’ouvrent en termes d’applications aux pathologies neuropsychiatriques :

Une première ouverture concerne l’apport de la SCP à la compréhension de la physiopathologie des troubles psychiatriques. Par exemple, l’effet de la SCP sur le métabolisme cérébral glucosé doit nous permettre de mieux définir les structures cérébrales impliquées dans les TOC rebelles et les dépressions résistantes et ainsi contribuer à la proposition de modèles neurophysiologiques abordables par les neurosciences. De même l’enregistrement de groupes de neurones doit conduire à une approche neurophysiologique plus précise des réseaux de fibres neuronales impliquées dans les dysfonctionnements observés au cours des pathologies psychiatriques [30].

L’autre perspective concerne les conséquences psycho-comportementales de la SCP appliquée en aigue ou en chronique au traitement de pathologies neurologiques comme la maladie de Parkinson. La survenue de symptômes secondaires à la SCP du NST tels que des états maniaques transitoires, un syndrome apathique [31], ou bien l’altération de la reconnaissance ou du ressenti de certaines émotions [32, 33] voire la difficulté des patients à attribuer des états mentaux à autrui [34] devraient contribuer à la localisation de cibles utiles aux approches thérapeutiques pour les pathologies psychiatriques.

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<p>* Pôle Hospitalo-Universitaire de Psychiatrie Adulte de, CH Guillaume Regnier, 108, avenue du Gal Leclerc, — BP 60324, 35703 Rennes cedex email : bruno.millet@univ-rennes1.fr ** Neurologie — CHU de Rennes *** Unité de Recherche Universitaire 425 , Comportement et Noyaux Gris Centraux, Université Rennes 1. Tires à part : même adresse Article reçu le 12 février 2010, accepté le 22 février 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 3, 583-593, séance du 2 mars 2010