Communication scientifique
Séance du 7 février 2006

Les aspects économiques de la télémédecine

MOTS-CLÉS : coût et analyse des couts. integration systemes. projet recherche. télémédecine
Economic aspects of the telemedicine
KEY-WORDS : costs and costs analysis. research design.. systems integration. telemedicine

Robert Launois

Résumé

Les évaluations des technologies de santé se proposent d’étudier l’impact différentiel des actions de santé dans un système de soins complexe qui est caractérisé par la dynamique interactive des comportements et la diversité des institutions. Les cadres d’évaluation de la télémédecine actuellement disponibles se limitent le plus souvent à une simple comparaison du coût de celle-ci par rapport au coût des modes de prises en charge traditionnels qui occultent les bénéfices associés à la mise en réseau. Les schémas actuels de collecte de l’information se prêtent toutefois mal à une recherche rigoureuse de l’efficacité de cette innovation organisationnelle majeure en situation réelle d’usage. Les essais randomisés s’efforcent de neutraliser toute interférence parasitaire qui pourrait compromettre la recherche d’un lien de causalité entre l’action de santé et le résultat obtenu. Leur méthodologie qui érige la clause « ceteris paribus » en principe de bonnes pratiques sont peu propices à l’analyse des comportements et des structures. Les enquêtes observationnelles descriptives partent des réalités de terrain pour les dépeindre le plus fidèlement possible. Mais par définition, elles supposent que le cours naturel des choses ne soit infléchi par aucune intervention. L’absence de plan expérimental multiplie les risques de biais et rend impossible la recherche des causalités. Ces enquêtes interdisent toute estimation de l’efficacité diffé- rentielle. Pour évaluer la télémédecine, la gestion de projet et les études quasi expérimentales sont les deux outils à privilégier en première intention. La première technique permet au réseau de vérifier en interne si les objectifs qu’ils se sont fixés ont bien été atteints. Les secondes introduisent un comparateur dans l’analyse, puisque tous les schémas d’étude qui sont envisageables dans leur cadre, reposent sur la distinction exposés/non exposés. Les unes et les autres reposent sur la réalité des comportements du prescripteur et des patients. Leur mise en œuvre séquentielle permet de s’assurer de la bonne mise en place d’un espace nouveau de coordination et de justifier la diffusion de la télémédecine par rapport aux prises en charge traditionnelles.

Summary

The aim of health technology assessments is to study the incremental impact of health interventions within a complex care system characterised by a multitude of individual behaviours and institutions. Most frameworks available for telemedicine evaluation simply examine financial costs relative to face-to-face consultations. Current data collection systems are poorly suited to rigorous analyses of new networks in everyday situations. Randomised trials are designed to remove sources of interference that could mask a causal relationship between a new organization and a set of results. Their methodology, which introduces the term ceteris paribus into the principles of good practice, is poorly suited to analyzing individual behaviours. Observational studies attempt to describe actual treatment situations as accurately as possible. By definition, however, they assume that the natural course of events is not deviated by interventions. The absence of an experimental plan increases the likelihood of bias and makes it more difficult to test for causal relationships. These approaches are poorly suited to testing for incremental effectiveness. Quasi-experimental studies and a staged approach would be more suited to a comprehensive assessment of telemedicine initiatives. In this way its impact on effectiveness, integration of care, quality of life and social costs may be identified in normal conditions of use.

LES ASPECTS ÉCONOMIQUES DE LA TÉLÉMÉDECINE

L’évaluation économique de la télémédecine est loin d’être immédiate et ne saurait se limiter au coût de la mise en place d’une nouvelle organisation [1]. Elle ne peut se passer de la mise en œuvre de techniques spécialisées, de plus en plus précises et sophistiquées, qui ont fait de la médico-économie une discipline à part entière qui se différencie à la fois de la recherche clinique et de la recherche marketing.

Types d’analyses économiques

Compte-tenu de la rareté inévitable des ressources et des attentes croissantes des malades, les équipes médicales sont confrontées à des choix. Pour pouvoir les effectuer, il faut expliciter les conséquences des diverses actions possibles et recenser l’ensemble des moyens qui permettent d’obtenir un résultat. L’efficience, c’est-à-dire la recherche du meilleur rapport performance / investissement, est un impératif moral dès lors que l’on considère que la télémédecine n’est pas une fin en soi mais un moyen de contribuer à l’amélioration de la santé de la population [2, 3].

Il existe cinq méthodes d’évaluation des effets d’un traitement. Le choix de l’une d’entre elles doit être fonction de la nature des effets attendus.

— Lorsque les conséquences de deux modes de prises en charge sont de même nature sur un critère dominant et que leur équivalence en termes de quantité d’effet est statistiquement établie, l’évaluation se résume à une simple comparaison de coûts.

— Lorsque les conséquences de deux modes de prises en charge sont de même nature, mais d’intensité différente, l’unité commune qui permet de les mesurer est utilisée comme commun dénominateur (les années de vie gagnées par exemple). C’est le domaine des études coût-efficacité [4-7].

— Lorsque les effets attendus sont hétérogènes, il convient de les rendre commensurables, soit en les appréciant à travers le filtre des jugements individuels : c’est l’analyse coût-utilité, soit en les monétarisant : c’est l’analyse coût-bénéfice.

Ces types d’études ne répondent pas toujours aux préoccupations de ceux auxquels elles s’adressent. Les décideurs in fine, cherchent toujours à savoir si le coût des traitements est compatible ou non avec les moyens financiers dont ils disposent. Les données excessivement agrégées qui leur sont présentées ne permettent pas de faire des choix sur la base des critères de bonne gestion en fonction desquels ils sont jugés.

L’analyse coût-conséquences s’efforce de palier ces inconvénients en adoptant une démarche décomposée. Elle liste l’ensemble des résultats cliniques obtenus, l’impact fonctionnel du traitement, son retentissement sur la qualité de vie et la satisfaction des malades, ainsi que le volume des consommations associé à la mise en œuvre des diverses modes de prises en charge et leurs répercussions financières. Le décideur peut alors choisir lui-même parmi l’ensemble des éléments qui lui sont présentés, ceux qui se rapportent le plus directement à ses activités et au domaine de compé- tence qui lui est reconnu. Il peut sélectionner les variables en fonction de ses centres d’intérêts et construire ses propres ratios coût-efficacité pour définir les indications qu’il acceptera de financer en fonction de critères à la fois médicaux et financiers.

Méthodes de collecte de l’information

La méthodologie des essais cliniques suppose une invariance des comportements et de l’environnement du système de santé. Or, la variabilité des résultats obtenus et les différences de coûts observées entre les traitements prescrits découlent justement de la dynamique des interactions entre les comportements des patients, celui des prescripteurs et les caractéristiques des produits étudiés. Les effets des comportements sur l’efficacité ne sont pas intégrés dans les essais, le défaut d’observance non plus. Les conséquences psychologiques et sociales de la maladie et de son traitement commencent à l’être. Il existe à coté des essais, de nombreuses enquêtes d’observation qui sont réalisées par les départements marketing des laboratoires. Elles s’inté- ressent aux plaintes des patients et aux conséquences psychologiques et sociales des traitements. L’épidémiologie descriptive correspond à une démarche dans laquelle le chercheur se contente d’observer une population, un phénomène, sans intervenir en quoi que ce soit sur le cours naturel des choses. En pharmaco-épidémiologie, une enquête sera dite observationnelle lorsqu’il sera possible d’affirmer que tout se serait passé de la même façon s’il n’y avait pas eu d’étude (dosage et durée des traitements, modalités de prise en charge et de surveillance, risques encourus, etc.). Ces enquêtes
permettent d’appréhender les effets des comportements médicaux et l’impact de l’observance sur l’efficacité. Elles s’efforcent d’identifier les trajectoires des patients dans le système de soins et de dénombrer leurs contacts avec les professionnels de santé ou les établissements. L’intérêt majeur des études observationnelles est qu’elles partent des réalités de terrain pour les décrire de la manière la plus fidèle possible. Leur inconvénient majeur est qu’elles ne comportent pas de comparateur.

L’absence de plan expérimental augmente la possibilité de biais et rend plus difficile la recherche des causalités.

Comment peut-on combler l’écart entre l’expérimentation et la vie ? Comment les analystes tentent-ils d’établir un lien entre le contexte toujours un peu artificiel dans lequel les essais cliniques se déroulent et la réalité d’une prise en charge au jour le jour ? Les études analytiques quasi expérimentales sont susceptibles d’offrir la réponse à la question posée [8]. Elles reposent toutes sur le même principe l’exposition ou la non exposition à une nouvelle forme d’organisation des soins. Leur modalité pratique de mise en œuvre est fonction de la réponse positive ou négative apportée aux cinq questions suivantes : — la comparaison exposé / non exposé est-elle faite au même moment et sur le même groupe ? (coupe transversale) ; — est-elle faite à des moments différents sur le même groupe en une fois ou en plusieurs fois ? (Etude avant-après ou séries temporelles interrompues) ; — est-elle faite à des moments différents sur deux groupes différents avec affectation contrôlée ? ; en cas de réponse négative à cette question, — comment sont définis les groupes ? à partir de la survenue des événements cliniques ? (étude cas-témoins) ou à partir des facteurs de risques ? — s’il y a définition à partir des facteurs de risque, ceux-ci sont-ils critériés de façon très générale ? (étude avant-après avec groupe contrôle, séries intertemporelles interrompues avec séries appariées) ou rigoureusement définis pour obtenir dans le même temps des populations très homogènes ? (études de cohorte prospective ou rétrospective).

La mise en place d’études avant-après ou de séries temporelles interrompues avec groupe contrôle est susceptible de fournir une réponse adaptée aux besoins des promoteurs de la télémédecine qui souhaitent disposer d’outils opérationnels et peu coûteux pour apporter la preuve de leur efficacité en pratique médicale quotidienne.

Ce type de protocole permet d’établir une relation causale entre la mise en œuvre de la nouvelle organisation et les résultats médicaux et-économiques obtenus.

L’exploitation des bases de données rétrospectives doit pouvoir contribuer à renforcer cette démonstration. Ces bases permettent d’étudier l’impact des décisions thérapeutiques sur des populations importantes dont les caractéristiques sont plus proches de celles observées en population générale que ne l’étaient celles le plus souvent retenues dans les définitions des critères d’inclusion des essais cliniques. La validité externe des résultats obtenus en sera améliorée d’autant. Ces banques de données peuvent être d’origine médicale (RESALIS Cub-Réa), administrative (le PMSI) ou être constituées à partir des demandes de remboursements que les assurés sociaux adressent aux organismes payeurs (SNIIRAM). Elles fournissent des informations sur les consommations médicales allant de la consommation des médica-
ments à celles des autres soins médicaux (consultations, examens biologiques, hospitalisations, etc.).

Les données sont recueillies de façon rétrospective une fois que les décisions thérapeutiques ont été prises et que le nouveau mode de prise en charge a été introduit de sorte que le recueil n’a aucune incidence propre sur la réalité des pratiques. Elles offrent donc la possibilité de mesurer en pratique réelle les consé- quences des décisions individuelles. Tout comme dans un essai clinique, on peut comparer de façon longitudinale sur une même période d’observation, les résultats obtenus en fonction des modes d’organisation observés.

La quantité d’informations disponibles dans les banques de données sur les caractéristiques démographiques des patients, les diagnostics, les modalités de remboursement, etc., varie d’une base à une autre. La qualité des données laisse souvent à désirer : elles peuvent être incomplètes ou imprécises, entachées d’erreurs administratives ou de codages diagnostiques inappropriés. Il est indispensable de vérifier que ces erreurs sont bien distribuées de façon aléatoire entre les modes de prise en charge traditionnels et l’expérimentation en réseau. Dans la plupart des cas, les banques de données n’apportent pas de renseignements permettant de mesurer le résultat clinique, en fonction du stade de sévérité de la maladie ce qui rend l’interprétation des résultats plus aléatoire.

Mesure des bénéfices de la télémédecine

La recherche clinique cherche à donner une échelle de valeurs afin d’éclairer le décideur public. Elle multiplie les critères de jugement : contenu informatif des tests, fréquence des effets indésirables, temps jusqu’à récidive, taux de mortalité ; mais n’intègre pas l’ensemble des problèmes de santé dans une logique de choix social. La rationalité clinique est présentée comme une alternative à la rationalité économique.

La santé n’a pas de prix. Elle doit être protégée parce qu’elle constitue le bien le plus précieux, sans lequel rien ici bas n’est possible. Aucun arbitrage n’est concevable entre ses diverses facettes. La démarche laisse en fin de compte les choix ultimes entre les mains des instances politiques et administratives.

L’approche économique place la santé dans une logique d’affectation de ressources qui permet d’écarter les débats trop normatifs sur les besoins prioritaires. L’efficacité parétienne est une règle systémique de coordination sociale. Les préférences individuelles sont le fondement de l’évaluation des technologies et les individus sont les meilleurs juges de leurs préférences. A mi-chemin entre l’approche médicale, où les critères de jugement sont définis a priori en dehors de l’observateur et les études de qualité de vie, qui évaluent directement la valeur d’une bonne ou mauvaise santé pour les malades, l’évaluation économique affirme que la valeur de la santé ne peut apparaître ni dans des critères médicaux balkanisés, ni dans la seule psyché des patients mais en objectivant sur le plan monétaire l’importance plus ou moins grande qu’accordent les individus à ses différents aspects.

Pour mesurer les bénéfices d’un programme de santé en termes monétaires, trois méthodes ont été proposées : l’approche capital humain, l’approche des préférences révélées et l’approche des préférences déclarées de la disposition à payer. Les études de disposition à payer reposent sur l’hypothèse que la somme maximale d’argent qu’un individu consent à payer pour un bien est un indicateur de l’utilité ou de la satisfaction qu’il en retire. Il regroupe ainsi dans une seule mesure la valeur que les personnes accordent aux processus de soins et à leurs résultats et permet d’estimer aussi bien la direction que l’intensité des préférences des individus pour différents modes de prise en charge.

Trois méthodes de calcul de la disposition à payer sont actuellement disponibles pour estimer les préférences des consommateurs de soins et déterminer la valeur économique des produits et services de santé : L’évaluation contingente, l’analyse conjointe et les modèles de choix discrets.

La forme originelle de l’évaluation contingente reposait sur une question par rapport à une situation hypothétique globale à réponse ouverte où l’on demandait à l’interrogé sa disposition à payer (ou accepter une compensation) pour une amélioration (ou une réduction de la qualité) d’un bien ou service. De multiples autres questionnements ont été développés depuis : référendum, cartes de paiement, enchères… Dans le cas de la télémédecine, la méthode présente deux défauts majeurs : — le répondant est susceptible d’incorporer tout élément qui lui semblerait pertinent dans la valorisation qu’il donne, en dehors de ceux qui lui ont été présentés dans le scénario ; — il est incapable de se prononcer sur d’autres programmes de santé puisque ceux-ci ne lui sont pas présentés. Or, plus l’individu a de choix possibles, plus la valeur accordée à un bien particulier est faible. En économie de l’environnement, on parle de biais de substitution. Pour le neutraliser, il convient de faire évaluer simultanément l’ensemble des programmes de santé considérés comme des substituts potentiels.

L’analyse conjointe est, quant à elle, basée sur les techniques de marketing et s’intéresse plus à l’exploration des préférences du consommateur qu’à l’estimation des valeurs économiques. Chaque mode de prise en charge peut être décrit par un ensemble d’attributs en s’appuyant sur la théorie économique de Lancaster [9], selon laquelle l’utilité d’un bien de consommation est liée non au bien lui-même mais aux caractéristiques qui le composent. Les individus ont alors à se prononcer sur les mérites de plusieurs alternatives en les classant ou en leur attribuant une note.

Les modèles de choix discrets reprennent eux aussi la théorie de Lancaster comme l’analyse conjointe, mais à la différence de celle-ci, ils imposent des choix. Ils explorent véritablement les comportements de consommation des individus et non simplement leur préférence. Les alternatives sont décrites en fonction de caractéristiques données du produit et si l’une de ces caractéristiques est le prix à payer, il devient possible d’estimer une disposition à payer pour chacune des autres caracté- ristiques non monétaires de chaque produit. C’est un outil bien adapté à la mesure
monétaire des bénéfices de la télémédecine qui sont par essence multidimensionnels : réduction de délais et des déplacements, augmentation des contacts entre professionnels, amélioration de l’organisation des soins, changement des pratiques médicales, etc. [10-12].

Estimation des coûts de la télémédecine

Le cadrage des coûts à prendre en compte dans toute évaluation de la télémédecine doit correspondre aux préoccupations budgétaires de l’interlocuteur que l’on veut engager dans un projet de cet ordre. Les études médico-écomomiques doivent-elles privilégier dans leur approche des coûts l’aspect sociétal ou convient-il de leur donner un caractère plus opérationnel en s’intéressant aux seuls coûts qui font l’objet d’une négociation entre producteurs et acheteurs de soins ?

Il est communément admis que le choix de la perspective sociétale transcende les clivages budgétaires institutionnels en permettant d’agréger toutes les dépenses quelles que soient leurs natures (directes ou indirectes) et leurs sources de financement (sécurité sociale, ménages, état et collectivités locales). Lorsque le décompte des frais est opéré au niveau de la société tout entière, il devrait comptabiliser toutes les charges imputables au fonctionnement du réseau de télémédecine, à savoir les dépenses du secteur sanitaire et médico-social, celles des secteurs administratif et productif, à l’exclusion des opérations de transferts. Il est toutefois exceptionnel que toutes ces charges soient toutes comptabilisées simultanément. Certains auteurs adoptent le point de vue de la société, mais s’en tiennent à l’évaluation des seules dépenses sanitaires, sans prendre en compte les coûts non médicaux supportés par la famille ou la puissance publique, ni les coûts indirects liés aux pertes de production.

D’autres s’intéressent à la fois aux coûts directs et indirects. Quels que soient les choix effectués, il convient de noter que les transferts sociaux n’ont pas à être pris en compte à ce niveau. Les dépenses correspondantes ne bénéficient pas directement aux secteurs sanitaire et social. Elles sont prélevées sur certains assujettis ou contribuables, pour être redistribuées à d’autres (vignettes, contribution sociale généralisée) et ne correspondent en aucune façon à une affectation spécifique de ressources au bénéfice du secteur sanitaire.

Ce qui doit dicter en vérité le choix des postes de dépenses dans une étude sur la télémédecine c’est beaucoup moins une référence abstraite à un principe d’intérêt général qu’aucune institution administrative ne peut prétendre incarner vu le domaine de compétence qui lui est reconnu, que l’existence réelle d’un espace de négociation où se rencontrent de vrais acheteurs et de vrais vendeurs de soins.

S’intéresser à l’évolution de la seule consommation de soins et de biens médicaux pertes de production exclues, en se plaçant d’emblée dans la perspective du système de soins pourrait, de ce point vue, apparaître judicieux. Mais s’il existe bien une direction de la sécurité sociale au ministère de la santé qui est chargé du pilotage de l’ensemble du système, force est de reconnaître que ses responsables ne sont investis d’aucune responsabilité d’acheteurs. Le vrai pouvoir de négociation a été pendant
longtemps entre les mains de l’assurance maladie mais il ne l’est plus depuis la redéfinition des rôles respectifs de l’Etat et de la sécurité sociale dans la gestion du système de santé français. L’existence d’un monopole bilatéral ou d’un monopsone d’achat de l’assurance maladie qui étaient souvent évoqués pour caractériser notre système de soins, masque la réalité de son fonctionnement derrière un concept sans contenu. Il existe bel et bien aujourd’hui trois acheteurs : les agences régionales de l’hospitalisation qui arrêtent les budgets des établissements, l’assurance maladie qui négocie avec les représentants de la médecine libérale, les conditions de l’exercice en médecine de ville et le comité économique des produits de santé qui est en charge de la fixation des prix du médicament. Font face à ces instances trois producteurs de biens et de soins médicaux clairement identifiables (hôpitaux, médecins libéraux, industriels). Les malades qui bénéficieraient le plus du développement de la télémé- decine ne sont pas à la table des négociations, tandis que le poids de son financement pèse quasi intégralement sur les budget globaux des établissements.

A l’hôpital, quatre types de classification des dépenses sont possibles :

— la classification comptable repose sur une distinction entre charges directes et indirectes, — la classification PMSI distingue les dépenses médicales, les dépenses de logistique et les dépenses de structures, — la classification économique oppose les coûts variables aux coûts fixes, — enfin le regroupement des dépenses peut être opéré en fonction des finalités de l’étude. Le contenu de leur estimation sera très différent selon que l’on calcule les coûts dans une perspective de prise de décision, de gestion par les écarts de budgets de services ou de financement des structures hospitalières.

Le coût directement rattachable à la mise en œuvre de la télémédecine est formé des seules charges qui peuvent lui être directement affectées sans convention, ni calcul.

Cette définition ne fait aucune hypothèse sur l’étendue du domaine pris en compte en aval ou en amont du service où l’innovation est apparue, ni sur les lois de variation des dépenses (coût variable et coût fixe), ni sur l’horizon de temps retenu (consé- quences immédiates de l’innovation ou répercussions à distance). Les dépenses qui ne sont pas directement liées à l’introduction du projet ne doivent pas être prises en compte. Le coût est alors utilisé comme un outil de gestion et non un moyen de contrôle ou d’instrument de tarification. Il permet d’estimer si les résultats obtenus justifient l’ampleur des efforts déployés.

C’est en cela que l’évaluation du coût de la mise en œuvre de la télémédecine se différencie fondamentalement de la surveillance des budgets de service ou de la recherche du « juste » prix qui permet d’obtenir l’équilibre des comptes de l’hôpital.

La division de l’établissement en centres de coûts permet de définir pour chaque centre quels sont les coûts contrôlables, ceux sur le montant duquel le responsable du « pôle » peut exercer l’action, le principe étant de ne prendre en compte que ceux-ci dans l’appréciation de sa gestion. À ce niveau, intégrer les frais d’administration
générale et les frais de structure serait totalement erroné, puisque ni les pharmaciens ni les médecins ne sauraient être tenus responsables de leur évolution.

Quant aux directeurs d’établissements, ils sont toujours extrêmement attentifs à l’équilibre des comptes de l’hôpital. Toutes les charges supportées au titre de l’activité étudiée doivent être prises en considération à leur niveau (coût complet ou quasi-complet).

L’analyse des économies à attendre d’un choix dépend toujours du cadre temporel dans lequel on se situe. Cette fenêtre doit toujours être spécifiée. À court terme, compte tenu des rigidités existantes, les seules économies potentielles que l’on peut espérer d’une réduction de la durée d’hospitalisation associée à la mise en œuvre de la télémédecine ne concernent que les dépenses variables du GHM qui sont associées à la prise en charge des malades. Il convient de s’en tenir à des calculs en coîts marginaux. À moyen terme, on peut espérer que le redéploiement du personnel médical et paramédical au sein du service ou entre les services permettra de faire l’économie des dépenses directes (coûts fixes par paliers + coûts variables). Le cas de figure le plus favorable serait celui où le service serait totalement fermé. Enfin, intégrer dans les économies potentielles les frais d’administration générale ou les frais de structure évités signifierait que l’introduction d’une nouvelle technologie permettrait de raser l’établissement. À long terme, le raisonnement doit être conduit en coûts complets sur la base de prix de revient moyen par séjour du GHM. Une telle solution est évidemment envisageable, comme le prouve l’expérience des hôpitaux Laennec et Broussais, avec la mise sur pied de l’hôpital européen Georges Pompidou.

Interprétation des résultats

Aucun besoin, fut-il essentiel, ne peut accaparer la totalité des ressources disponibles. En situation de rareté, faire le maximum pour une population de malades, c’est priver d’autres populations fragilisées des moyens qui ont été consacrés à sa prise en charge. Ces virtualités sacrifiées définissent le coût de la promotion de la télémédecine. Pour juger de son opportunité, on est logiquement conduit à s’interroger sur les avantages obtenus en contrepartie. Le décideur doit être à même de savoir ce qu’il obtient en consacrant des ressources supplémentaires à un projet ; le but n’est pas de rogner aveuglément sur les dépenses, mais d’assurer la cohérence des choix afin d’éviter de dépenser de l’argent dans un programme alors qu’il aurait pu être mieux utilisé ailleurs en termes de santé publique.

Dans un telle démarche, la mesure de la télémédecine doit être doit être correctement articulée avec celle des coûts. L’essentiel est en effet de rechercher la meilleure appréhension possible de la relation entre les résultats d’un mode de prise en charge et les coûts et non pas seulement de mettre en place d’une part des indicateurs cliniques et d’autre part des systèmes comptables, les uns et les autres intrinsèquement satisfaisants, mais sans articulation entre eux.

Chercher le coût et l’efficacité d’un traitement n’a pas de sens dans l’absolu. Ce qui importe, c’est de chiffrer les coûts et les effets d’une décision par rapport à une autre.

Tous les effets positifs ou négatifs sont étudiés en termes de modifications par rapport à une situation de référence. Les différences observées mesurent les surcoûts et les gains additionnels qu’entraîne le choix d’un des traitements envisagés par rapport à la thérapeutique conventionnelle mise en œuvre sur le groupe témoin. Le but est de rapporter les bénéfices additionnels obtenus dans le cadre de la télémédecine à la valeur des moyens supplémentaires qui ont été mobilisés pour sa mise en place, afin de décider si elle procure le plus d’avantages ou le plus d’utilité ou encore le plus d’efficacité par euro dépensé. Quel que soit le cas de figure, la comparaison à une situation de référence est donc impérative. Cette analyse comparative peut prendre deux formes [13] :

— l’évaluation normative compare une situation actuelle par rapport à un référentiel préétabli qui peut être interne ou externe. Dans le premier cas ce sont les acteurs qui se fixent des objectifs, dans le second les normes sont posées par des intervenants extérieurs (experts ou administratifs). Les niveaux de performances observés sont ensuite comparés à ces standards. Ces évaluations s’appuient sur le postulat qu’il existe une relation forte entre le respect des normes choisies et les effets réels du programme de télémédecine mis en place. Ce lien ne peut toutefois pas être formellement établi car des facteurs autres que la simple présence de celui-ci peuvent expliquer que les objectifs poursuivis aient été atteints. On ignore quels auraient pu être les résultats obtenus en l’absence de toute intervention ;

— l’évaluation relative ou recherche évaluative vise à déterminer si la situation pour laquelle une intervention a été mise en place s’est améliorée, et si oui, à établir si le changement est attribuable ou non à l’intervention. Dans ce cas il n’y pas de normes a priori auxquelles on se réfère, on compare seulement deux situations.

Conclusion

A l’heure actuelle, une question fondamentale demeure sans réponse : est-ce que la télémédecine a permis d’atteindre les 3 objectifs de santé que se propose tout système de soins, l’accessibilité universelle, la maîtrise des coûts et le maintien de la qualité. A l’instar d’autres services cliniques, malheureusement la télémédecine n’offre pas de preuve claire de son efficacité et de sa rentabilité. Ce qu’il manque clairement à la télémédecine, c’est une évaluation médico-économique des soins offerts aux patients et un cadre systématique d’évaluation permettant d’estimer son impact sur la qualité, l’accessibilité et le coût des soins. Ce sont ces renseignements qu’il conviendra maintenant de documenter pour permettre aux administratifs et aux décideurs de financer de nouveaux investissements dans cette technologie.

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Direction des hôpitaux. CREDES. Paris 2000 DISCUSSION

M. Jacques CAEN

La télémédecine a-t-elle été étudiée en valeur ajoutée plutôt que dans la minimisation des coûts ?

A ma connaissance non. Les études économiques actuellement disponibles réduisent trop souvent l’impact de la télémédecine à une diminution du coût des soins. Or la télémédecine entraîne beaucoup d’autres retombées : restructuration de l’offre de soins, coopération sanitaire, amélioration des pratiques. Il y a là une véritable valeur ajoutée
qu’il conviendrait de prendre en compte. Nous en avons les moyens. Trois méthodes sont disponibles : l’approche capital humain, l’approche des références révélées et l’approche de la disposition à payer. Avec la première méthode, on évalue année par année, selon l’âge et le sexe et en fonction du nombre d’actifs par classe d’âge, la valeur monétaire du nombre de journées de travail gagnées grâce aux soins. La valorisation de la vie selon cette méthode pose des problèmes éthiques. Elle sous-estime les coûts et les bénéfices du traitement en ne prenant pas en compte la souffrance et l’inconfort. Elle reproduit les inégalités sociales existantes. La technique des préférences révélées part de l’observation des comportements du marché pour évaluer la valeur que les citoyens attachent à la préservation de l’environnement ou à l’amélioration de la qualité des soins. Par exemple :

le montant des frais de transports non sanitaires que les provinciaux dépensent en moyenne pour consulter un grand service parisien. C’est toutefois une méthode rétrospective qui ne permet pas d’estimer la valeur que l’on attache à des prestations de services dont on n’a pas fait l’expérience. Les études de disposition à payer cherchent à estimer le montant des sommes d’argent que les citoyens accepteraient de verser sous forme d’impôts supplémentaires ou de cotisations additionnelles pour obtenir la mise à disposition d’un bien collectif. L’importance des sommes qu’ils seraient prêts à consacrer à la télémédecine serait un bon révélateur de l’utilité sociale qu’ils y attachent. C’est, selon moi, la méthode qui devrait être utilisée pour évaluer les bénéfices d’une telle innovation.

M. Pierre PICHOT

Dans quel domaine de la santé mentale, la télémédecine a-t-elle démontré sa supériorité économique ?

L’état actuel de la littérature suggère que la prise en charge de certaines pathologies (telle que la dépression) ou de catégories très particulières de population psychiatrique (personnes âgées en milieu rural, prisonniers en milieu carcéral) est possible grâce à la télémédecine. Les outils diagnostiques utilisés en psychiatrie telle que l’échelle globale de fonctionnement (EGF) qui est un hétéro-questionnaire ou l’auto-questionnaire global des symptômes psychiatriques (SCL-90-R) peuvent être mis en œuvre via la télémédecine. Le travail de Zarlov (2001) a toutefois mis en évidence que ces deux échelles produisaient des résultats discordants quant à l’évolution de leurs scores dans le temps.

Au total, si la télémédecine peut faciliter l’accès aux soins pour certains patients, rien ne prouve jusqu’à présent, qu’elle puisse se substituer à la relation duale médecin-malade.

L’étude de Simpson (2001) sur la télépsychiatrie dans l’état d’Alberta (Canada) a montré par exemple que 75 % des 379 patients vus dans le cadre de 273 visioconférences tenues en 24 mois n’avaient été vus qu’une seule fois. Le coût total, frais d’équipement et d’exploitation inclus, d’une téléconsultation était inférieur à 150 $ canadiens, alors que le prix de revient du déplacement d’un psychiatre sur place était quatre fois plus élevé :

630 $ canadiens par consultation (1 $ canadien = 0,72 Euros en 1999) ; l’organisation était rentable dès que son activité dépassait le seuil de 224 consultations annuelles.

M. Louis AUQUIER

En raison de la complexité de la télémédecine et de son application, est-il possible de faire une évaluation scientifique d’après la méthode de Cochrane aux malades ‘‘ difficiles ’’ comme ceux qui ont été amenés à consulter leur praticien ?

Il faut trouver, quand on met sur pied un plan d’expérience, le juste équilibre entre la validité interne et la validité externe du protocole choisi. La méthode de Cochrane, en répartissant au hasard les individus entre eux les deux bras d’une étude, neutralise les caractéristiques personnelles des sujets qui seraient susceptibles d’introduire des biais dans l’interprétation des résultats. En revanche, très souvent les critères d’inclusion sont trop restrictifs, les critères de jugement trop étriqués, la période de suivi trop brève, les protocoles de surveillance trop rigoristes et les populations trop homogènes. De tels plans d’expériences ne sont pas représentatifs des malades tout-venant. Leur validité externe en est réduite d’autant. Si l’on veut évaluer l’efficacité réelle de la télémédecine en situation courante d’usage, il faut mettre en place des études observationnelles rigoureuses, mais non randomisées, qui devraient toujours intégrer un groupe témoin : étude avant-après avec groupe contrôle, séries temporelles interrompues appariées, cohortes prospectives.

Pour assurer de la comparabilité des populations étudiées, la mise en œuvre d’analyses multivariées ou le recours aux méthodes du score de propension est alors impérative.

M. Jean-Luc de GENNES

Dans la balance coût/bénéfices que vous avez mentionnée, à combien est estimé le bénéfice de la mort évitée, et celui des années de vie gagnées ?

L’analyse coût-efficacité est une analyse de rendement ; elle se propose d’étudier si les résultats cliniques, humains et financiers qui sont obtenus en contre partie de l’investissement réalisé sont à la hauteur des efforts déployés (rapport performance-investissement) ; ou lorsque l’on prend l’inverse de la formule précédente si la valeur des moyens additionnels mis en œuvre n’est pas disproportionnée par rapport au surcroît d’efficacité constaté lorsqu’on administre un nouveau traitement à la place des anciens (rapport coût-efficacité). Cette tension lancinante entre les deux paramètres sur la base desquels chacun fait ses choix dans la vie courante, suppose qu’il existe un seuil à ne pas dépasser.

Le chiffre le plus couramment avancé est celui de 50 000 $ par année de vie gagnée ajusté sur la qualité de vie (QALY). Sa valeur reflétait, en 1997, le coût d’une des interventions médicales les plus coûteuses : la dialyse rénale. Une estimation plus réaliste du coût actuel de celle-ci fixerait le seuil des dépenses acceptables entre 74 000 et 95 000 $ par QALY (Hirth 2000). L’OMS a proposé un autre seuil en fonction d’un critère différent, le coût par année de vie sans incapacité (DALY). Sa valeur est exprimée en proportion du produit intérieur brut par habitant (3 PIB par habitant). Sa valeur varie donc en fonction de la richesse des pays où les analyses coût-efficacité sont conduites : 108 000 $ pour les Etats-Unis, 73 200 $ pour la France, 53 000 $ pour la Nouvelle Zélande (Ichler 2004).


* Directeur du Réseau d’Évaluation en Économie de la Santé. REES France, 28 rue d’Assas, 75006 PARIS. Tirés à part : Professeur Robert LAUNOIS, REES France, 28 rue d’Assas, 75006 Paris. Article reçu et accepté le 6 février 2006.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 2, 367-379, séance du 7 février 2006