Résumé
L’IRD est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle des ministères chargés de la Recherche et de la Coopération. Il remplit trois missions fondamentales : la recherche, l’expertise et la formation. Il conduit des programmes scientifiques, centrés sur les relations entre l’homme et son environnement dans les pays du Sud, dont l’objectif est de contribuer à leur développement durable. Son budget est de 218,9 millions d’euros. Son effectif comprend 2 235 agents, dont 830 chercheurs, 1 021 ingénieurs et techniciens et des personnels locaux. Quarante-deux pour cent de ses agents travaillent hors métropole, de nombreux techniciens sont originaires du Sud et ses programmes de recherche associent des chercheurs étrangers. Engagé dans de nombreux programmes scientifiques européens et internationaux, l’IRD s’appuie sur sa fonction d’agence pour mobiliser l’ensemble des organismes de recherche et les universités en faveur de la recherche pour le développement.
Summary
IRD is a French public scientific and technological institution, jointly overseen by the Ministries of Research and Overseas Cooperation. It has three main vocations : research, evaluation and training. It meets these objectives by conducting scientific programs, centered around the relationship between humans and their environment in poor countries, in order to contribute to sustainable development. IRD has a budget of 218,9 millions euros. It employs 2 235 staff, including 830 researchers, 1 021 engineers and technicians, and local personnel. Forty-two percent of IRD staff are employed overseas, many technicians originate from poor countries, and IRD research programs involve researchers from many countries. IRD is engaged in several European and international scientific programs, and plays a coordinating role for research institutions and universities working towards thirdworld development.
La croissance de l’aide publique au développement est un des objectifs des pays membres de l’Union européenne ainsi que de ceux réunis au sein du Comité de l’aide au développement (CAD) de l’OCDE. En France le niveau de cette aide a été de 0,45 % du produit intérieur brut en 2007 et devrait atteindre 0,7 % en 2012. À en juger par la lente évolution des pays les plus défavorisés, cette aide est largement insuffisante et son efficacité est objet de débats. Au cours des dernières années, les autorités en charge du développement à Paris, à Londres comme au sein de la Commission européenne ont décidé d’accorder une place plus importante à la recherche au service du développement.
LA RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT
Bien sûr, sur le plan international, la première difficulté est liée à la définition du développement qui pendant plusieurs décennies a caractérisé les enjeux d’un certain nombre de pays « les pays en développement ». Plus récemment, la mondialisation s’est accompagnée d’une vitesse de développement très variable d’un pays à l’autre, mais impose de constater que tous les pays depuis les moins favorisés jusqu’aux pays émergents comme le Brésil sont confrontés à des questions de développement et à un creusement des inégalités.
Dans le même temps, un certain nombre de questions dites globales dans la mesure où elles concernent le Nord comme le Sud, se sont imposées aux chercheurs et aux décideurs (changements climatiques, eau, énergie, biodiversité, migrations, maladies émergentes) et pèsent sur le contexte de la recherche au service du développement.
La recherche pour le développement ou mieux la recherche au service du développement est un domaine d’activité de la recherche finalisée, finalisée pour le développement. Elle s’appuie sur l’ensemble des champs disciplinaires. Si certains contestent la spécificité de cette recherche au service du développement, les conditions d’exercice de cette recherche, la mise en œuvre de ses conséquences et l’usage même qui est fait de la connaissance conduisent à reconnaître une spécificité à cette forme de recherche.
En tout état de cause, trois particularités caractérisent la recherche au service du développement :
— le partenariat avec le pays dans lequel elle se développe, — la contribution déterminante à la formation des élites scientifiques locales, — l’interdisciplinarité qui s’impose dès lors qu’il s’agit de développement des sociétés du Sud.
L’INSTITUT DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT
La France dispose de deux organismes spécialisés dans ce domaine : le CIRAD et l’IRD. Le premier est orienté vers la recherche agronomique et le second, l’Institut de Recherche pour le Développement, conduit des recherches centrées sur l’homme et son environnement dans les pays du Sud et dont l’objectif est de contribuer à leur développement durable. La santé mobilise le un sixième des forces de l’Institut.
L’IRD qui était anciennement l’ORSTOM jusqu’en 1998 est un établissement public à caractère scientifique et technologique, placé sous la double tutelle des ministères chargés de la Recherche et de la Coopération. Il remplit trois missions fondamentales : la recherche, l’expertise et la formation. Son budget est de 218,9 millions d’euros. Son effectif comprend 2 235 agents, dont 830 chercheurs, 1 021 ingénieurs et techniciens et des personnels locaux. 42 % de ses agents travaillent hors métropole, de nombreux techniciens sont originaires du Sud et ses programmes de recherche associent des chercheurs étrangers.
Engagé dans de nombreux programmes scientifiques européens et internationaux, l’IRD mène des recherches en Afrique, en Amérique latine, en Asie, dans l’Océan Indien et le Pacifique. Il dispose de trente et une implantations dont deux en France métropolitaine (Bondy, Montpellier), cinq dans les régions et collectivités d’OutreMer (La Réunion, Guyane, Martinique, Nouvelle-Calédonie, Polynésie française) et vingt-quatre dans les pays situés essentiellement dans la zone intertropicale.
Disposant d’un large éventail de disciplines dans les sciences de la terre, de la nature, de la santé et les sciences humaines, l’IRD resserre ses activités sur six priorités scientifiques définies par le contrat d’objectifs entre l’Etat et l’Institut pour la période 2006-2009 :
— Politiques publiques de lutte contre la pauvreté et pour le développement.
— Migrations internationales et développement.
— Maladies émergentes et infectieuses.
— Changement climatique et aléas naturels.
— Ressources en eau et accès à l’eau.
— Écosystèmes et ressources naturelles.
ÉVOLUTION : L’AGENCE INTER-ÉTABLISSEMENTS DE RECHERCHE POUR LE DÉVELOPPEMENT
Même si l’évolution de l’IRD a été marquée au cours de la dernière décennie par une augmentation progressive de sa production scientifique qui devient comparable à celle des autres organismes et si son réseau d’implantation dans le monde s’est mieux structuré, cette institution ne saurait à elle seule répondre à l’ensemble des défis scientifiques posés par le développement. D’autres institutions comme les Instituts Pasteur et le CIRAD, mais aussi les universités et d’autres organismes comme l’INSERM et le CNRS contribuent à cette forme de recherche.
Mais afin d’obtenir plus de cohérence sur la scène internationale, l’IRD a été chargé de mettre en place une agence d’objectifs, de programmation et de moyens dans le domaine de la recherche au service du développement. C’est une agence interétablissements associant à part égale des partenaires du Sud et des partenaires du Nord. Du côté français, les universités représentées par la Conférence des Présidents, le CNRS, l’INSERM, l’Institut Pasteur, le CIRAD et l’IRD ont participé à la fondation de cette agence.
Au terme de sa première année de fonctionnement, l’Agence qui n’était pas dotée financièrement a pu lancer quatre programmes et collecter plus de dix-huit millions d’euros. Son ouverture européenne est envisagée à très court terme.
Ainsi la France, dans le domaine de la recherche, s’est dotée d’un dispositif au service du développement international à la mesure des enjeux de solidarité, de sécurité et d’influence.
DISCUSSION
M. Maurice TUBIANA
Les priorités de l’IRD me paraissent très bien établies mais j’ai été étonné de ne pas trouver parmi elles les maladies dont les insectes sont le vecteur qui ont cependant un poids très lourd et de morbidité et de mortalité (paludisme, dengue, maladie du sommeil, chikungunya, etc.).
Or elles peuvent être combattues avec efficacité en utilisant judicieusement les insecticides, ce qui n’est pas le cas, à cause notamment d’une mauvaise image des insecticides (laquelle n’est pas justifiée).
Bien au contraire, les maladies à vecteur, dont certaines sont émergentes comme le chikungunya que vous avez cité, font partie des priorités de l’IRD, d’une part car elles posent de redoutables problèmes en particulier dans la zone intertropicale, d’autre part l’Institut a en son sein plusieurs laboratoires de très grande qualité qui s’investissent aussi dans la formation, tant il est vrai que l’entomologie médicale est une discipline qui a besoin d’être renforcée.
M. Léon LE MINOR
Quels sont les rapports entre l’IRD et les instituts Pasteur hors métropole ?
Dans de nombreux pays, une représentation de l’IRD et un Institut Pasteur coexistent.
Lorsque l’IRD développe des programmes dans le domaine de la santé comme au Sénégal, cela se fait bien sûr avec l’Institut Pasteur. Parfois aussi, l’IRD apporte des compétences complémentaires à celles de l’Institut Pasteur. C’est le cas pour les conditions d’émergence des maladies lorsqu’il s’agit d’étudier le climat, la biodiversité ou encore la pression anthropique.
M. Claude JAFFIOL
Quelle priorité donne l’IRD à la prévention et à la lutte contre le diabète dans les pays en voie de développement ? Avez-vous une politique de décentralisation de la recherche dans les pays en voie de développement ?
La première question permet de souligner la nécessité pour un organisme comme l’IRD de lancer des recherches sur ce qu’on appelle les maladies non transmissibles, dans le domaine de la nutrition et du cancer, car il est facile de prédire que ces pays vont être à court terme confrontés à la fois aux maladies infectieuses loin d’être éradiquées et aux maladies de la civilisation. Quant à la politique de décentralisation, c’est un des axes majeurs de l’IRD puisque près de la moitié de nos chercheurs, ingénieurs et techniciens sont affectés hors de France pour des périodes allant de deux à quatre ans. C’est un dispositif original qui permet un partenariat efficace avec nos interlocuteurs du Sud et de contribuer par la formation au renforcement des capacités scientifiques de ces pays.
M. Jean DUBOUSSET
Quels résultats pratiques ont été obtenus à ce jour par l’IRD ?
Il est difficile de résumer en quelques phrases le produit de plus de soixante ans de recherches. Je pourrai égrainer quelques exemples comme les moustiquaires imprégnées, le contrôle de la transmission VIH mère/enfant en Thaïlande, la compréhension par l’épidémiologie moléculaire de l’épidémie du sida en Afrique… pour ne citer que quelques exemples dans le domaine de la santé. De plus, l’IRD publie trois fiches scientifiques par mois permettant à la grande presse de reprendre nos résultats. Enfin, en terme de bibliométrie, l’IRD se situe au même rang que les meilleurs (CNRS, INSERM).
M. Pierre DELAVEAU
L’ORSTOM avait abondamment prouvé à des laboratoires de recherche des matières premières végétales (parties de plantes) en vue de mettre en évidence des propriétés pharmacologiques et d’isoler les constituants actifs. L’IRD poursuit-il cette œuvre d’exploration avec des contrats pour intéresser les pays producteurs ?
Les recherches sur les substances naturelles restent pleinement d’actualité à l’IRD.
Peut-être est-ce ici l’occasion d’exprimer le souhait que les pouvoirs publics, au-delà de l’IRD, structurent ce domaine de recherche qui implique plusieurs organismes, plusieurs disciplines, des partenariats avec les entreprises, et qui s’appuient sur la richesse de la biodiversité constatée sur les trois continents en développement.
M. Marc GENTILINI
Je souhaiterais que vous nous précisiez bien que les 0,47 % du PIB, consacrés à l’aide publique au développement, représente l’aide totale et que la part de la santé, dans celle-ci, reste modeste. Encore est-elle partagée entre l’aide multilatérale au détriment de l’aide bilatérale très insuffisante.
Il est exact qu’en France la part de la recherche en santé est modeste en comparaison avec les Etats-Unis. Sur le plan international, les financements multilatéraux en reçoivent la majeure partie.
* Président de l’Institut de Recherche pour le Développement. 213, rue La Fayette, 75480 Paris cedex 10. Tirés-à-part : Monsieur Jean-François GIRARD, même adresse.
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 2, 275-280, séance du 19 février 2008