Communication scientifique
Séance du 15 mai 2007

Le prolapsus génital chez la femme jeune : une question d’actualité

MOTS-CLÉS : facteur risque. prolapsus utérin. prothèses et implants. région sacroccocygienne/chirurgie. utérus/chirurgie. vagin/chirurgie
Genital prolapse in young women : a topical issue

Gilles Crépin *, Michel Cosson **, Jean-Philippe Lucot **, Pierre Collinet

Résumé

Alors que le prolapsus survient habituellement après la ménopause, sous le terme de prolapsus des femmes jeunes, on entend toutes les ptoses génitales cliniquement patentes qui concernent les patientes non ménopausées, âgées de moins de 50 ans, conservant des possibilités de grossesse et souhaitant préserver durablement une sexualité harmonieuse. Elles représentent dans notre expérience 25 % des prolapsus opérés, avec pour 5 % d’entre elles une forme très particulière qui survient en l’absence d’antécédents obstétricaux avant 35 ans et se caractérise par un allongement hypertrophique isolé du col. L’étiologie fait appel à des facteurs favorisants spécifiques (âge tardif de la première grossesse, affections respiratoires chroniques, délabrements périnéaux non compensés par une rééducation périnéale bien conduite) qui se manifestent immédiatement après l’accouchement. Avant 35 ans, sont de plus en plus mis en cause des anomalies des tissus conjonctifs et du collagène qui fragilisent précocement tous les éléments de la statique pelvienne. Les nouvelles procédures de chirurgie vaginale utilisant une prothèse synthétique pour les traitements après la ménopause sont depuis peu proposées chez les femmes plus jeunes, là où la promontofixation réalisée par coelioscopie figure comme intervention de référence. En matière de prévention, toutes les stratégies privilégient une pratique obstétricale non traumatique, recourant éventuellement à la césarienne dans les situations de dystocie prévisible mais la rééducation périnéale est primordiale afin de restaurer la tonicité du périnée avant tout effort abdominal. * Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine ** Hôpital Jeanne de Flandre — CHRU Lille — 59037 Lille cedex Tirés-à-part : Professeur Gilles CRÉPIN à l’adresse ci-dessus

Summary

Genital prolapses usually occurs in the post-menopausal period. Patients under 50 years of age with genital prolapse represent about 25 % of candidates for surgical reconstruction in our center. Some of these patients wish to conserve their child-bearing potential and most want to be able to have a normal sex life. Five per cent of these women, all under 35, have isolated hysterocele and a hypertrophic uterine cervix. This article focuses on the etiology, prevention and new surgical treatments of genital prolapse in young women. Etiologies include late age at first pregnancy, chronic lung disease, and perineal damage during delivery. Connective -tissue and collagen disorders predominate before 35 years of age. New surgical procedures include vaginal repair with synthetic mesh. Laparoscopic sacropexy is still the gold standard. Prevention includes non traumatic delivery (Caeseran section), while pelvic floor exercises are mandatory after vaginal delivery.

Le prolapsus génito-urinaire survient habituellement chez les femmes ménopausées parfois depuis longtemps et âgées de 60 à 80 ans. C’est une affection fréquente corrigée le plus souvent grâce à une intervention chirurgicale pratiquée par voie vaginale et affectée d’un pronostic favorable à long terme notamment en raison de l’attention particulière portée à l’incontinence urinaire associée dans les deux-tiers des cas. Pourtant la pratique à grande échelle de cette pathologie chirurgicale révèle que de tels troubles de la statique pelvienne peuvent se rencontrer chez des femmes beaucoup plus jeunes voire très jeunes. Pour toutes ces patientes, peu représentées dans les séries anciennes, c’est le souci légitime de bénéficier d’une solution rapide et définitive à un désordre très inconfortable qui motive en priorité leur consultation.

C’est une des raisons pour lesquelles leur nombre croissant ne cesse de susciter un intérêt de plus en plus vif.

COMMENT DÉFINIR LES FEMMES JEUNES ?

La question est abrupte, la réponse est délicate et ne peut être que nuancée. En fait, il convient de situer cette forme particulière de prolapsus en la comparant à la forme classique.

Pour le gynécologue, le prolapsus de la femme jeune survient :

avant la ménopause , chez des femmes qui ont encore un statut ovarien fonctionnel et qui au niveau des tissus vaginaux ne présentent ni symptôme ni manifestation physique de carence estrogénique.

chez des femmes en âge de procréer, en distinguant celles qui ont pleinement assuré leur équilibre familial et qui ne désirent plus d’enfant et celles qui souhaitent d’autres grossesses ou veulent simplement préserver leur potentiel de fécondité. Cette distinction conditionne l’attitude adoptée à l’égard du trouble de la statique compte-tenu des conséquences néfastes de la grossesse après la cure chirurgicale du prolapsus.

avant la cinquantaine, cette définition de l’âge découle tout naturellement des deux premiers critères. Cependant certains auteurs plus exigeants ou plus audacieux dans la définition de la jeunesse ou tout simplement plus réalistes — les grossesses après 45 ans étant rares sinon exceptionnelles — fixent l’âge à 45 ans et insistent, à juste titre, sur la possibilité de prolapsus génito-urinaire chez les femmes très jeunes paucipares voire nulligestes.

Au total, par comparaison à la forme habituelle des prolapsus, nous envisagerons donc dans cette mise au point le prolapsus survenant chez des femmes âgées de moins de 50 ans, non ménopausées, conservant un potentiel et pour certaines un désir de procréation.

Cette entité constitue une authentique question d’actualité, alimentée par plusieurs pôles d’intérêt : la fréquence, l’étiologie, les méthodes de traitement, les procédures de prévention précoce.

LA FRÉQUENCE

Plusieurs publications récentes [1, 2-8-14] communiquent sur le prolapsus des femmes de 45 à 50 ans, sans pour autant préciser la place de cette tranche d’âge parmi l’ensemble des femmes traitées. Pour notre part, nous pouvons estimer l’incidence chez les femmes jeunes sur une série de 1 395 prolapsus opérés, entre 1996 et 2006 à l’Hôpital Jeanne de Flandre selon un protocole bien standardisé [tableau no 1] . Après 50 ans, la très grande majorité des patientes a été opérée par voie vaginale alors qu’avant 50 ans, c’est la voie abdominale qui a été prioritaire. Le pourcentage global s’établit à 22,5 % (290 voies abdominales sur 1 395 interventions de la série no 1). Cependant on trouve une forte disparité entre 1998 et 2001 (série no 2) et 2005-2006 (série no 3) liée au type de recrutement entre les deux opérateurs (34,5 % des femmes âgées de moins de 50 ans pour l’un d’entre eux, 15,6 % pour l’autre).

En réunissant les séries no 2 et no 3, correspondant au recrutement des deux opérateurs sur le même site, on constate que le pourcentage de femmes opérées par voie abdominale de moins de 50 ans se situe aux environs de 25 % de l’ensemble des prolapsus, chiffre comparable à celui de K. Strohbehn [1].

Le nombre important de ces patientes correspond à une authentique réalité car les indications opératoires répondent à des critères communs et exigeants :

— gêne importante sur le plan physique, professionnel ou sexuel, directement liée à la ptôse après avoir éliminé d’autres facteurs comme les infections chroniques, les cervicites ou les troubles trophiques (rarement rencontrés avant la ménopause).

— ptôse conséquente intéressant la paroi vaginale antérieure et la vessie, le col utérin, la paroi postérieure avec ou sans rectum, atteignant ou dépassant l’orifice

TABLEAU no 1. — Fréquence Hôpital Jeanne de Flandre. 1996-2006 Période n Voie abdominale % 1996-2006 1 395 290 22,5 Série 1 1998-2001 443 153 34,5 Série 2 2005-2006 383 60 15,6 Série 3 Série 2+3 826 213 25,7 Fréquence des prolapsus avant 50 ans 25 % vaginal en permanence et correspondant au moins au stade II dans l’ancienne classification française.

— incontinence urinaire d’effort, signe d’appel très fréquent puisque deux fois sur trois elle est associée à une ptôse au moins partielle de l’appareil génital.

Enfin, il convient d’individualiser la situation très particulière et originale des prolapsus des femmes de moins de 35 ans, souvent nulligestes et dépourvues d’antécédents chirurgicaux. Ils représentent dans notre expérience environ 5 % de tous les prolapsus mais ils s’élèvent à 19 % sur 191 cas dans la série de K. Strohbehn.

NOTIONS RÉCENTES SUR L’ÉTIOLOGIE

Les conditions qui déterminent l’apparition d’un prolapsus sont loin d’être élucidées. Il est acquis que le prolapsus post-ménopausique est très souvent associé à la notion d’un premier accouchement réputé traumatique au sens obstétrical du terme : accouchement long et pénible, gros fœtus, extraction instrumentale difficile, déchirures périnéales, accouchements ultérieurs rapprochés voire aussi traumatiques. Par ailleurs, la ptôse se manifeste dans la décennie qui suit la ménopause après un temps de latence prolongé au cours duquel interviennent des facteurs favorisants : vieillissement naturel des structures de soutènement et de suspension, modifications hormonales (estrogènes et androgènes) qui altèrent leur trophicité, pathologie générale retentissant par différents mécanismes : l’obésité et les maladies respiratoires.

Le rôle premier de l’accouchement n’est pas confirmé dans un certain nombre d’études récentes consacrées à l’évaluation du risque de prolapsus par des méthodes cliniques (testing périnéal) et manométriques. Il ressort [9-11] que la résistance périnéale est plus faible au troisième trimestre de la grossesse et dans le post-partum immédiat qu’au premier trimestre, qu’elle est plus faible après accouchement par forceps qu’après césarienne. Par contre au contrôle à trois mois aucun prolapsus n’a
été révélé. Ce constat, apparemment paradoxal, n’est pourtant pas en contradiction avec les conceptions traditionnelles. Il accrédite simplement le fait que des facteurs favorisants agissent ultérieurement sur le périnée fragilisé mais pas nécessairement défaillant juste après l’accouchement.

La survenue d’un prolapsus chez les femmes avant 50 ans requiert d’autres conditions qui font intervenir :

— l’âge au premier accouchement : 50 000 femmes sur 800 000 accouchent chaque année entre 35 et 40 ans avec comme corrolaire des tissus (muscles, ligaments, aponévroses, fascias) moins toniques et moins résistants.

— Des états morbides et des affections chroniques (asthme, BPCO, constipation) qui soumettent l’appareil génital et le périnée à des pressions considérables lors des efforts de toux et de poussée.

— La macrosomie fœtale — favorisée par les troubles métaboliques (diabète, obésité) ou la simple surcharge pondérable crée des difficultés à l’accouchement : expulsion prolongée, présentations dystociques, extraction instrumentale délicate accompagnée de lésions ligamentaires ou aponévrotiques et de lacérations des muscles élévateurs bien repérées par l’IRM [10].

— Le lever trop précoce entraîne un appui important de l’utérus sur les structures pelviennes sous-jacentes, d’autant plus exposées qu’elles ont subi des dommages au cours de l’expulsion.

— L’absence de coordination dans la rééducation musculaire abdomino-périnéale.

Toute reconstitution par kinésie de la paroi abdominale ne doit s’effectuer qu’après avoir restauré la tonicité périnéale — à fortiori si le périnée a été lésé à l’accouchement ou qu’une incontinence s’est manifestée antérieurement. Cette rééducation périnéale par Biofeedback a pour but d’assurer un verrouillage du périnée lors des efforts abdominaux quelle qu’en soit la cause.

— L’analgésie péridurale, largement pratiquée, a parfois été suspectée [2-6] sur plusieurs arguments : expulsion trop rapide empêchant une ampliation progressive des muscles élévateurs ou nécessité d’une extraction instrumentale avant relâchement complet du périnée. Les études récentes [9-11] montrent qu’il n’y a pas d’incidence dans la survenue de prolapsus six mois après l’accouchement mais les reculs sont très insuffisants pour permettre une conclusion définitive.

— Dans les situations de femmes âgées de 20 à 35 ans, et qui représentent une proportion non négligeable (5 % dans notre série personnelle, 19 % pour Strohbehn) les caractéristiques du prolapsus sont très singulières, tant par les antécé- dents (nullipares dans 50 % des cas ou primipares) que par l’expression clinique sous la forme d’un allongement hypertrophique parfois extériorisé du col de l’utérus. Cette variété de prolapsus évoque très fortement une lésion anatomique liée à un défaut du collagène, ce qui est rencontré dans certaines pathologies comme la maladie d’Ehler Danlos [2-4, 5-7]. Ces anomalies du tissu conjonctif sont retrouvées par De Lancey, comme pour Strohbehn dans 7,4 % des cas, responsables de dermatomyosite, de sclérodermie… [1-7].

Au total, on peut individualiser schématiquement trois types de prolapsus avant 50 ans :

de 40 à 50 ans, ce sont des prolapsus comparables à ceux de la post-ménopause mais apparus précocement avec des circonstances obstétricales prédisposantes et des facteurs déclenchants identiques mais plus intenses et intriqués. Les patientes à cet âge n’ont plus de désir de grossesse. Il faut donc les soustraire à ce risque tout en leur préservant une activité génitale et sexuelle parfaite.

de 30 à 40 ans : les prolapsus surviennent en général très vite après le dernier accouchement, quelques fois même dès la reprise d’une vie sociale ou professionnelle active. Chez elles se conjuguent fréquemment le désir d’un confort physique retrouvé et l’aspiration pas toujours clairement exprimée à ne nouvelle grossesse.

avant 30 ans : il s’agit le plus souvent de prolapsus « congénitaux » liés à une anomalie congénitale touchant en priorité le collagène. L’allongement hypertrophique du col important et extériorisé pose non seulement le problème d’un traitement spécifique mais aussi celui de l’infécondité par difficultés de copulation.

ACTUALITÉS THÉRAPEUTIQUES

Les grands principes de traitement restent inchangés au contraire des procédures chirurgicales récemment introduites avec l’apparition de nouveaux matériaux.

Les grands principes s’appliquent à tout prolapsus quelles que soient les circonstances et donc à la fois chez les femmes âgées et les femmes plus jeunes :

— n’opérer que les prolapsus gênants avec une symptomatologie en rapport avec la ptôse et non pas avec des pathologies intercurrentes (infection vaginale, cervicite, affection utérine, carence estrogénique). L’incontinence urinaire d’effort, patente ou potentielle qui accompagne les deux tiers des prolapsus figure au premier rang des signes d’appel.

— ne pas opérer tant que la patiente n’a pas renoncé à une éventuelle naissance car toute nouvelle grossesse fait courir le risque d’une récidive notamment de l’incontinence urinaire d’effort même si l’accouchement se fait par césarienne.

traiter tous les désordres en une seule séquence opératoire même si les procédés récents offrent la possibilité d’un recours secondaire simplifié pour la cure d’incontinence.

Les voies d’abord font l’objet de nouvelles alternatives.

Il y a dix ans, le choix se portait entre deux voies :

— La voie abdominale , qui assure la correction de la ptôse par une fixation en regard du promontoire de tous les segments ptôsés (vésical, utérin et rectal) grâce à deux prothèses synthétiques en Tergal tressé. Deux gestes sont associés : la cure
d’incontinence par colpopexie et la réfection du périnée par myorraphie. Réalisée par laparotomie transversale, cette voie a largement bénéficié des apports de la coelioscopie, qui entre des mains expertes et entraînées, a parfaitement supplanté la voie traditionnelle. Dans la série de l’Hôpital Jeanne de Flandre, sur les 60 interventions réalisées en 2005 et 2006 par voie abdominale 49 soit près de 80 % ont bénéficié d’une coelioscopie. Les résultats à long terme sont tout à fait satisfaisants et convaincants (80-90 % de guérison des prolapsus après dix ans) pour l’ensemble des équipes françaises (Maurice-Antoine Bruhat, Gilles Crépin, P. Lefranc, A. Pigne et Richard Villet) qui ont une longue et conséquente expérience de cette pratique abdominale.

La voie vaginale , qui consiste à réaliser par voie basse la correction de tous les segments ptôsés par des fixations sur des repères anatomiques solides comme les arcs tendineux en avant, le ligament sacro-épineux en arrière. Cette procédure a été profondément remaniée par l’utilisation de prothèses synthétiques de nouvelle génération en polypropylène adaptées à la voie vaginale, là où les anciens matériaux étaient formellement proscrits en raison de leur mauvaise tolérance. D’abord réservées au prolapsus des femmes âgées, ces prothèses sont maintenant proposées chez les femmes jeunes [15].

Cependant pour ces nouvelles techniques, l’actualité c’est aussi l’appréciation des résultats.

Plusieurs questions restent sans réponse :

— il n’y a aucune information à long terme après un recul de dix ans, délai nécessaire pour juger de l’efficacité d’un résultat en matière de prolapsus. Les résultats anatomiques et fonctionnels publiés et cités par de Tayrac et Hernandez sont encourageants mais le recul moyen est limité à 20 mois (16 à 29 mois), (18 mois pour de Tayrac et Hernandez en 2006) avec des séries réduites (n = 12 à 69 ) [15].

— Par ailleurs, il n’y a pas à ce jour d’étude comparant la voie abdominale traditionnelle qui reste l’intervention référente chez les femmes jeunes et les nouvelles techniques vaginales avec prothèse de polypropylène.

— La tolérance est également sujette à discussion. Les érosions vaginales sont rencontrées avant un an et dans une proportion non négligeable (2 à 25 %) [15], ce qui ne permet pas de préjuger des risques de rejet ou d’érosion viscérale à long terme.

Actuellement, ces incertitudes nous confortent dans le choix de n’opérer les femmes jeunes qu’avec des indications rigoureuses et de privilégier au vu de notre expérience les interventions de référence par voie abdominale et en particulier sous coelioscopie. Elles impliquent la nécessité d’études prospectives afin de valider le bien fondé voire la supériorité des techniques utilisant par voie vaginale les nouveaux maté- riaux de synthèse.

LA PRÉVENTION

Elle concerne au même titre toutes les catégories de patientes, y compris les femmes âgées. En réalité, elle s’exerce précocement dans la vie génitale puisqu’elle est en étroite relation avec l’accouchement.

L’épisiotomie protège-t-elle ou favorise-t-elle le prolapsus ?

La mise en cause de déchirures périnéales est accréditée par l’extrême fréquence des antécédents dans les prolapsus. Selon plusieurs études randomisées et méta analyses [6-9-11] l’épisiotomie libérale pratiquée largement en fin d’expulsion et de manière quasi-systématique en cas de primiparité, de macrosomie fœtale, de déchirures périnéales antérieures n’a pas prévenu :

— la survenue de déchirures périnéales du 3e et 4e degré.

— La survenue d’une incontinence urinaire ou anale dans les trois mois du postpartum (elle semble même exposée à ce risque).

— L’affaiblissement de la résistance périnéale constatée par diminution du testing musculaire et de la force périnéo-manométrique trois mois après l’accouchement.

Ces conclusions suscitent cependant plusieurs réserves, les sources d’information étant étrangères et sans référence en France, les conditions de réalisation de l’épisiotomie étant disparates et imprécises. En effet, l’épisiotomie trop précoce ne modifie pas le cours de l’expulsion. Trop tardive, elle n’empêche pas les altérations des fibres musculaires des élévateurs des fascias ou des aponévroses constatées par IRM ni les étirements du nerf pudendal, autant de facteurs importants dans l’apparition des prolapsus. Par contre l’épisiotomie « protectrice » peut être préventive à trois conditions : réalisation au moment opportun, section franche des structures musculo-aponévrotiques du périnée, réparation anatomique et chirurgicale plan par plan.

La césarienne peut-elle réduire le risque de prolapsus ?

La résistance du périnée déjà abaissée au dernier trimestre de la grossesse n’est pas modifiée par la césarienne. Par contre, elle permet d’éviter les délabrements périnéaux majeurs susceptibles de favoriser l’apparition rapide d’un prolapsus lors des accouchements à risque ou dystociques. Ainsi chez des primipares âgées (après 35-40 ans) en présence d’une macrosomie fœtable appréciée par échographie anté- natale, d’une présentation du siège, la césarienne peut trouver une indication réaliste évitant non seulement les difficultés à la naissance pour le fœtus mais aussi les conséquences périnéales rencontrées dans ce type d’accouchement.

La rééducation musculaire après l’accouchement joue un rôle fondamental dans la prévention du prolapsus et de l’incontinence après l’accouchement. A ce titre si la
musculature abdominale nécessite d’être toujours reconstituée, il est par contre primordial de restaurer d’abord un plancher périnéal correct par biofeedback et d’assurer ainsi un verrouillage périnéal efficace vis-à-vis de la pression engendrée lors des efforts de poussée abdominale. Cette rééducation première du périnée s’impose impérativement en cas de traumatisme périnéal, d’antécédent de ptôse génitale ou si l’incontinence était déjà constatée pendant la grossesse.

Enfin, lorsqu’une grossesse survient après cure de prolapsus chez des patientes informées et désireuses d’enfant, la césarienne sera programmée avant tout début de travail, les risques de récidive étant très grands en cas d’accouchement par voie basse.

CONCLUSION

Le prolapsus génital chez les femmes âgées de moins de 50 ans présente un intérêt grandissant en raison de sa fréquence, de ses caractéristiques originales, de nouvelles solutions chirurgicales par voie vaginale en cours d’évaluation et de l’importance primordiale d’une rééducation périnéale bien conduite après accouchement dystocique et traumatique. En l’état actuel, la ligamentopexie postérieure pratiquée par voie abdominale et après avoir bénéficié avantageusement de la coelioscopie reste à nos yeux l’intervention de référence garantissant à long terme un résultat stable.

Enfin, la mise en cause d’anomalies du collagène associées à certaines pathologies générales et à une hyperlaxité ligamentaire soulève des perspectives intéressantes et prometteuses à la fois dans la compréhension des mécanismes du prolapsus en général et dans la possibilité de nouvelles thérapeutiques.

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DISCUSSION

M. Bernard HILLEMAND

Dans son brillant exposé, l’orateur a insisté sur le rôle de la constipation qui est aussi un état favorable au prolapsus du rectum. A-t-il observé beaucoup d’associations de prolapsus vaginal et de prolapsus du rectum ?

L’association du prolapsus génital et du prolapsus du rectum est dans notre expérience tout à fait rare sinon exceptionnelle. Cela tient sans doute à la fragilisation préalable des systèmes de soutènement induite par l’altération des élévateurs des ligaments et surtout des fascias. Ainsi dans la constipation, les poussées exercées lors des efforts entraînent plus facilement une rectocèle qu’une éversion du canal anal. Par contre, et grâce à l’IRM, nous avons relevé un certain nombre de « périnés descendants » dont nous n’avons cependant pas tenu compte dans le protocole thérapeutique faute de symptomatologie clinique objective.

Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, nos 4-5, 827-836, séance du 15 mai 2007