Communication scientifique
Séance du 12 novembre 2002

Le Haut Comité de la santé publique : une expérience de dix années

MOTS-CLÉS : haut comité de la santé publique.. santé publique
The High Committee on Public Health, a ten years experience
KEY-WORDS : haut comité de la santé publique.. public health

G. Nicolas, R. Sambuc

Résumé

Le Haut Comité de la santé publique est remplacé dans la loi du 4 mars 2002 par le Haut Conseil de la santé. Pendant ses dix années d’activité, il a répondu à sa mission d’orienter la politique de santé à travers deux types de rapports. Les rapports triennaux (1994, 1998, 2002) ont dressé l’état de santé de la France, montrant ses forces et ses faiblesses, proposant une analyse critique du système de santé. Les rapports thématiques établis sur saisine du ministre ont orienté un grand nombre de textes réglementaires dans des domaines touchant à l’organisation des soins ou à la prévention. Au-delà de ces missions, la production du HCSP a également eu pour effet de diffuser la culture et les méthodes de santé publique, dont la place en France demeure encore trop marginale.

Summary

According to The Patients’ Rights law of 4 March 2002, a High Council on Health is presently to supersede the High Committe on Public Health created in december 1991. For the last ten years, the HCPH has fulfilled its purpose of fostering public health policy, through two different kinds of reports. The periodic ‘‘ Health in France ’’ reports (1994, 1998, 2002) have provided an overview of the state of health in France, highlighting its strengths and weaknesses, and raising questions about the organisation of the health system. At the particular request of the Minister for Health, the HCPH has also drawn up reports on specific topics whose proposals have provided guidance for a number of regulations on medical care organisation or prevention. The HCPH reports and three-monthly review ‘‘ Current public health issues and documents ’’ have contributed to the dissemination of public health culture and know-how, which remain underdeveloped in France.

3 décembre 1991-4 mars 2002 , ces deux dates encadrent l’existence du Haut Comité de la santé publique (HCSP). La première correspond au décret créateur et la seconde à la loi qui y met fin en instituant le Haut Conseil de la santé. Ces dix années, à quoi ont-elles servi, quel bilan peut-on en tirer ? C’est à ces deux questions que nous voudrions essayer d’apporter une réponse.

Le décret fondateur fixe la mission principale « donner des avis et apporter au ministre des éléments d’orientation et de décision en vue d’améliorer la santé publique… Il peut également être consulté par le ministre sur toute question concernant l’organisation des soins » [1]. Ce jour-là, on assistait à un changement de méthode, on passait de structures dispersées, d’une quarantaine de comités ou commissions thématiques, à une structure unique et Bruno Durieux, ministre de l’époque, expliquait son choix par le souci de disposer « d’un outil permettant d’analyser, de réfléchir, d’évaluer et de proposer des solutions pour mettre en œuvre une politique de santé efficace et cohérente et aussi de limiter le phénomène de lobby » [2]. Au cours de la décennie précédente (1980-1990), la France avait vécu l’épisode dramatique de la montée de l’infection par le VIH, la contamination par le sang avait atteint les marches du pouvoir et il est possible que, dans ce contexte particulièrement douloureux, le ministre ait voulu disposer d’une équipe rapprochée et disponible, plus facile à mobiliser et pouvant être interrogée sur n’importe quel sujet.

Présidé par le ministre chargé de la santé , le HCSP était composé de six membres de droit (le directeur général de la Santé, le directeur de la Sécurité sociale, le directeur de l’Hospitalisation et de l’organisation des soins, le directeur de l’École nationale de santé publique, le directeur de l’Inserm et le directeur de la Caisse nationale de l’assurance maladie des travailleurs salariés) et de vingt membres nommés à titre personnel pour leur compétence dans le domaine de la santé et de son organisation.

Le mandat des membres était de trois ans, renouvelable une fois. Au sein de ces membres étaient désignés un vice-président et un rapporteur général. Pendant les dix années de son existence, trois mandatures se sont succédé et la composition du HCSP a toujours été pluridisciplinaire : professionnels de santé, économistes, gestionnaires, sociologues, administrateurs, parlementaires, ce qui lui conférait une large capacité d’analyse. La présence simultanée au sein du HCSP de personnalités qualifiées venant d’horizons différents et de responsables de la haute administration de la Santé a constitué un atout pour formuler des propositions à la fois éclairées et réalistes.

Le HCSP était chargé d’élaborer deux types de rapports, les uns périodiques, les autres d’opportunité. Un rapport triennal a été établi au terme de chacun des mandats (1994, 1998, 2002), dans lequel on trouve une analyse de l’état de santé de la France et une réflexion sur les points forts et les faiblesses de notre système de santé. À partir de 1996 et conformément aux ordonnances du 24 avril [3], le Haut Comité est également chargé d’élaborer un rapport à la Conférence nationale de santé et au Parlement en vue du débat annuel sur le financement de la sécurité sociale
(article L.766 du CSP). À côté de ce travail de fond, le HCSP a produit dix-huit rapports au cours de ses trois mandatures [Tableau 1]. Ceux-ci répondaient à des saisines du ministre sur un sujet de société comme par exemple la santé des jeunes, la santé en milieu carcéral, la nutrition… ou sur des sujets se rapportant à l’organisation des soins : dépistage des cancers du sein et du col utérin, sécurité anesthésique, diabète, infections virales aiguës importées… Pour chacun de ces rapports, un groupe de travail spécifique était constitué, réunissant les experts les plus compé- tents et quelques membres du Haut Comité de façon à élargir le débat, à le sortir d’une vision trop étroite de la spécialité et à lui donner une dimension transversale qui l’intègre au système de santé. Cette démarche de globalisation a toujours été scrupuleusement suivie. Elle répondait à une réflexion entamée par le Haut Comité dès son origine, qui avait été concrétisée par un premier rapport rédigé en 1992 et intitulé « Stratégie pour une politique de santé » [4]. Enfin le Haut Comité s’est pourvu dès 1992 d’un organe d’information sous la forme d’une revue trimestrielle « Actualité et dossier en santé publique » dont chaque numéro contient un dossier thématique (Les infections liées aux soins médicaux, Santé publique et aménagement du territoire, Usages de drogues et toxicomanies, Santé publique et grand âge, L’éducation pour la santé, Les troubles de l’apprentissage chez l’enfant, Santé et travail …) [Tableau 2].

Le premier rapport triennal de 1994 [5]

Il inaugurait en France une réflexion structurée sur l’élaboration de la politique de santé. Il établissait les points forts et les points faibles du système de santé et dégageait des objectifs de santé publique. Le rapport « La santé en France » fut le moyen utilisé pour ouvrir un large débat sur les choix de santé en montrant que si la France occupait la première place pour l’espérance de vie chez les femmes, elle figurait également dans le peloton de tête en Europe pour le taux de mortalité prématurée chez l’homme, notamment pour les décès « évitables » liés aux comportements. L’accent était mis sur les inégalités face à la santé entre les différentes catégories de population et entre les régions, dessinant pour ces dernières un arc allant de la Bretagne à l’Alsace, à l’intérieur duquel le taux de mortalité était le plus élevé. Ce rapport, comme les deux suivants, fut édité sous trois formes : l’intégral à la Documentation française, une version en langue anglaise aux Éditions John Libbey [6] et une version grand public sous forme d’un livre de poche aux Éditions la Découverte [7]. Sa diffusion fut de ce fait très large, sortant du milieu quasi confidentiel des experts de santé publique pour atteindre le grand public et alimenter à partir de 1996 la Conférence nationale de santé et les Conférences régionales [8].

Ce rapport était de plus sans complaisance, certaines phrases prenaient même le ton d’un véritable réquisitoire, affirmant par exemple « En France, la logique de moyens l’emporte trop souvent sur la logique d’objectifs » ou encore que le système de santé était « insuffisamment piloté ou régulé, qu’il était déséquilibré, cloisonné, figé et non évalué. » À la lecture de ces quelques lignes, l’indépendance de la structure ne pouvait plus être mise en doute, d’autant que le ministre lui-même, dans la préface,

TABLEAU 1.— Rapports thématiques et avis.

Nbre de

TITRE

ANNÉE

ÉDITEUR pages

Le dépistage de l’infection par le VIH 1992 ENSP 44 La sécurité anesthésique 1993 ENSP 115 Dépistage du cancer du sein et du cancer du col 1993 ENSP 18 utérin Santé en milieu carcéral 1993 ENSP 127 La sécurité et la qualité de la grossesse et de la 1994 ENSP 255 naissance Problèmes de santé publique et d’organisation des 1995 ENSP 158 soins liés à l’utilisation des produits humains et à leurs produits de substitution Les encéphalopathies subaiguës spongiformes 1996 ENSP 9 transmissibles humaines et animales Santé des enfants, santé des jeunes 1997 ENSP 158 Avis sur la prévention de l’insuffisance rénale chro1997 ENSP 27 nique et son diagnostic précoce Allocation régionale des ressources et réduction 1998 ENSP 189 des inégalités de santé Faire face aux problèmes posés par les conduites 1998 In ADSP no 25 2 d’alcoolisation Diabètes : prévention, dispositifs de soins et édu1998 ENSP 76 cation du patient La progression de la précarité en France et ses 1998 ENSP 349 effets sur la santé Réflexions du HCSP à partir du plan stratégique 1999 In ADSP no 29 6 de la CNAMTS Pour une politique nutritionnelle de santé publi2000 ENSP 275 que en France Politiques publiques, pollution atmosphérique et 2000 ENSP 266 santé La souffrance psychique des adolescents et des 2000 ENSP 116 jeunes adultes Le panier de biens et services de santé : première 2000 ENSP 75 approche Le panier de biens et services de santé : du concept 2001 ENSP 98 aux modalités de gestion Infections virales aiguës, importées, hautement 2001 ENSP 121 contagieuses, et leur prise en charge

TABLEAU 2.— Revue Actualité et Dossier en Santé Publique.

No

Date de parution

Titre 01 Décembre 1992 La formation en santé publique 02 Mars 1993 Recherche d’information et banques de données 03 Juin 1993 Europe communautaire et santé publique 04 Septembre 1993 Répondre aux personnes vivant avec un problème d’alcool 05 Décembre 1993 Les collectivités locales et la santé publique 1 (protection sanitaire et lutte contre les fléaux sociaux) 6 Mars 1994 La santé en comptes 7 Juin 1994 Les collectivités locales et la santé publique 2 (interventions médico-sociales, politiques d’accès aux soins) 8 Septembre 1994 Observation et surveillance 9 Décembre 1994 Santé et travail 10 Mars 1995 La santé des jeunes 11 Juin 1995 Les nouveaux outils de planification sanitaire 12 Septembre 1995 Santé et précarité 13 Décembre 1995 Santé et environnement 14 Mars 1996 Santé et activités physiques et sportives 15 Juin 1996 Santé mentale : l’individu, les soins, le système 16 Septembre 1996 L’éducation pour la santé : du discours à la pratique 17 Décembre 1996 L’évaluation en santé 18 Mars 1997 Les réformes des systèmes de santé : spécificités et convergences 19 Juin 1997 Géographie de la santé 20 Septembre 1997 Santé publique et grand âge 21 Décembre 1997 Vieillissement, âge et santé 22 Mars 1998 Usages de drogues et toxicomanies 23 Juin 1998 Maladies et risques émergents 24 Septembre 1998 Réseaux de santé et filières de soins 25 Décembre 1998 Cancer : actions préventives et prise en charge 26 Mars 1999 Les troubles de l’apprentissage chez l’enfant : un problème de santé publique ?

27 Juin 1999 Médicament et santé publique 28 Septembre 1999 Soins palliatifs et accompagnement 29 Décembre 1999 Santé publique et aménagement du territoire 30 Mars 2000 Santé publique et pays pauvres 31 Juin 2000 Maltraitances 32 Septembre 2000 Les médecins aujourd’hui en France 33 Décembre 2000 Organisation, décision et financement du système de soins 34 Mars 2001 Médecine prédictive : mythe ou réalité 35 Juin 2001 Accréditation et qualité des soins hospitaliers 36 Septembre 2001 Droits des malades, information et responsabilité 37 Décembre 2001 Les agences dans le système de santé : un nouveau paysage institutionnel ?

38 Mars 2002 Les infections liées aux soins médicaux 39 Juin 2002 L’innovation en santé
s’en appropriait les conclusions : « … Avec ce rapport les pouvoirs publics disposent d’un outil qui facilitera la poursuite d’une politique de santé cohérente, pragmatique, volontariste … ».

Le second rapport triennal publié en 1998 [9-11]

C’est un rapport d’évolution, ce qui constitue une innovation car jamais jusqu’ici n’avait été entreprise dans le domaine de la santé une démarche de ce type, comparant objectifs et résultats. On s’aperçoit alors qu’entre 1991 et 1996 la situation reste contrastée avec d’excellents résultats en termes d’espérance de vie, alors que d’autres restent médiocres en matière de mortalité prématurée ou d’inégalités. Si à 65 ans l’espérance de vie continue à s’accroître dans les deux sexes d’environ un trimestre par an, si, mieux encore, l’espérance de vie sans incapacité s’allonge parallèlement, chez les plus jeunes en revanche, et tout particulièrement dans la tranche d’âge 25-45 ans, la mortalité stagne ou diminue faiblement, qu’il s’agisse des morts violentes ou des cancers pulmonaires.

Face à ce constat le rapport de 1998 lance un véritable plaidoyer en faveur de la prévention, grande oubliée du système de santé français, pour que des programmes clairement identifiés soient élaborés et mis en place sur l’ensemble du territoire, en tenant compte des priorités régionales de façon à réduire les inégalités. Le rapport aborde enfin quelques modes d’organisation du système de santé à partir de trois exemples : le dépistage des cancers féminins, l’évolution des services d’urgence, la politique en faveur des personnes âgées dépendantes. Ces trois exemples, pourtant pris dans des secteurs très différents du système de santé, permettaient de trouver des points communs en termes de manque d’efficience et d’identifier les efforts à entreprendre. Face à un système dispersé et cloisonné, il faut préciser le rôle de chacun des acteurs, donner de la cohérence à l’articulation soins versus prévention, favoriser la notion d’opérateur financier unique, enfin simplifier les dispositifs réglementaires et les procédures administratives en favorisant les initiatives régionales ou locales. L’accent était également mis sur la nécessité d’impliquer davantage les professionnels, notamment les médecins, dans la prise en compte des problèmes de santé. Pour cela, il faut porter l’effort sur la formation, qui devrait mieux préparer à l’écoute des malades, à l’analyse de leurs attentes et à la sélection des réponses adaptées, à la fois en termes individuels et collectifs. La santé publique est un état d’esprit, une culture qui mérite une place dans la formation de tout médecin, c’est le préalable à l’organisation de la prévention, du dépistage ou à la prise en charge du mal-être. Pour être vraiment efficace, une telle démarche réclame la participation des usagers ; celle-ci passe par un processus éducatif apportant une meilleure connaissance du fonctionnement de notre système de santé et des enjeux pour l’avenir.

Le dernier rapport triennal paru en 2002 [12, 13]

Il expose les données sur l’évolution de l’état de santé et approfondit quatre aspects majeurs pour l’amélioration du système de santé français : les inégalités de santé, l’affectation des ressources, la place de l’usager et l’organisation même du système de santé en France.

Ce troisième rapport innove par rapport aux précédents quasi exclusivement basés sur les données de mortalité pour analyser l’état de santé. Cette fois, la mortalité a été mise en perspective avec trois autres sources de données qui éclairent sur la morbidité des ménages et l’utilisation du système de soins, notamment à partir des prescriptions de la médecine de ville et des résultats fournis par le système d’information national sur l’hospitalisation (PMSI). Les difficultés rencontrées lors de cette analyse ont convaincu le HCSP de l’impérieuse nécessité de mettre en place un vrai système d’information couvrant de façon homogène l’ensemble du champ de la santé. Enfin, le choix a été fait de privilégier une approche par classe d’âge plus directement utile à la prise de décision, notamment en matière de politique de prévention.

La réduction des inégalités de santé et la lutte contre la mortalité prématurée restent des objectifs prioritaires. Le rapport souligne que les inégalités d’espérance de vie entre zones géographiques se sont accrues sur les quinze dernières années, et que les inégalités sociales de santé sont en France plus importantes que dans d’autres pays.

Il faut tirer les leçons de cet échec et renforcer les actions de prévention plutôt que de tout attendre des soins curatifs.

Le rapport constate l’importance des ressources consacrées au système de santé, mais s’interroge sur la complexité des affectations comptables, sur l’absence de relation claire entre les financements et la politique de santé, sur l’inadéquation d’un Ondam 1 annuel au regard d’objectifs de santé publique pluriannuels. L’offre de soins et les ressources restent très inégalement répartis sur le territoire, et l’évolution démographique des professions de santé nécessite des mesures d’anticipation.

Le rapport développe également une analyse critique et prospective sur l’évolution du système de santé, en s’attachant plus particulièrement à la prise en compte des besoins de la population et des priorités de santé dans le fonctionnement du système, à la cohérence de son organisation, à l’implication des élus, enfin à l’adaptation aux territoires et à l’Europe.

En effet, malgré de nombreuses avancées législatives, réglementaires et organisationnelles qui ont contribué à améliorer les points faibles du système de santé français mis en exergue par le rapport de 1994, l’organisation du système de santé reste en bien des points complexe, redondante, mal connue du public et parfois des acteurs eux-mêmes.

Dans un « Avis sur les orientations stratégiques » qui complète son travail d’analyse, le Haut Comité, sur la base du bilan relativement paradoxal de notre système de 1. Objectif national des dépenses d’assurance maladie.

santé, expose les enjeux à venir et les objectifs qui s’y attachent. Il donne aussi les orientations à mettre en œuvre rapidement pour déclencher et entretenir une dynamique d’évolution et de transformation du système de santé français.

Les rapports thématiques , élaborés en réponse aux saisines du ministre, ont permis au HCSP d’assumer le rôle d’aide à la décision qui lui avait été dévolu. La santé en milieu carcéral, rapport publié en 1993, a fourni la charpente de la loi du 18 janvier 1994 qui organise, sur des bases nouvelles, la médecine pénitentiaire. Toutes les propositions du rapport ont été reprises dans la loi. Il en est de même pour le rapport sur la sécurité anesthésique (1993) qui a largement inspiré le décret du 5 décembre 1994. De la même façon, le rapport sur le diabète a servi à construire un plan permettant une approche globale de la maladie, et on pourrait continuer l’inventaire des recommandations contenues dans les rapports et retrouvées dans les décisions réglementaires. L’indépendance intellectuelle du HCSP, que nous avons déjà évoquée, se retrouve de façon encore plus spectaculaire dans les rapports thématiques puisqu’ils ont pratiquement tous été remis au successeur du ministre qui en avait fait la demande, et il est vrai qu’au cours de ces dix années on a vu se succéder huit ministres. Malgré ces mouvements des politiques, la continuité en matière de santé publique mérite d’être signalée. Un audit externe mené en 2000 à l’initiative du HCSP a montré que les gouvernements successifs s’étaient largement appropriés les recommandations formulées par les rapports remis de 1992 à 1998.

EN CONCLUSION

Le HCSP a-t-il rempli les missions qui lui avaient été confiées ? Telle est la question à laquelle il convient de répondre au terme de ce bilan. La réponse est grandement positive et tout au long de cet exposé, nous l’avons montré au travers de l’analyse des trois rapports triennaux, dont chacun a fourni les éléments permettant le développement de larges débats sur le système de santé dans notre pays. Le premier acquis, et non le moindre, est précisément d’avoir fait connaître la santé publique en dehors des cénacles confidentiels réservés jusqu’alors à quelques spécialistes ou aux institutionnels.

La loi du 4 mars 2002 [15] prévoit une nouvelle organisation de la politique de santé et met en place un Haut Conseil de santé qui reprend la plupart des attributions du Haut Comité, notamment dans l’élaboration des priorités, la rédaction d’un rapport annuel au Parlement et la possibilité d’être consulté sur toute question concernant l’organisation du système de santé (article 1411-1-3 du CSP). Il est également composé de membres de droit et de personnalités qualifiées nommées pour leur compétence sur les questions de santé, mais il n’est plus présidé par le ministre, le président est élu parmi les membres qualifiés.

Une nouvelle ère s’ouvre, la tâche reste énorme et les enjeux sont considérables.

BIBLIOGRAPHIE [1] Décret no 91-1216 du 3 décembre 1991 portant création du Haut Comité de la santé publique, J.O. du 4 décembre 1991.

[2] Le Monde, 4 décembre 1991.

[3] Ordonnance no 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins, J.O . du 25 avril 1996.

[4] HCSP. — Stratégie pour une politique de santé : propositions préalables à la définition de priorités. Rennes : Éditions ENSP, 1993, 96 p.

[5] HCSP. — La santé en France : rapport général. Paris : La Documentation française, 1994, 334 p.

[6] HCSP. — Health in France. Montrouge : John Libbey Eurotext, 1996, 302 p.

[7] HCSP. — La santé des Français. Paris : La Découverte, Collections Repères, 1995, 128 p.

[8] SAILLY J.-C. — « Nécessité et difficultés de la détermination des priorités en matière de santé publique : l’expérience française ». In : Journal d’économie médicale , 1999, T 17, no 6, 405-421.

[9] HCSP. — La santé en France 1994-1998. Paris : La Documentation française, 1998, 309 p.

[10] HCSP. — Health in France 1994-1998. Montrouge : John Libbey Eurotext, 1999, 288 p.

[11] HCSP. — La santé des Français : un constat sans concessions. Paris : La Découverte, Collections Repères, 1998, 128 p.

[12] HCSP. — La santé en France 2002. Paris : La Documentation française, 2002, 412 p.

[13] HCSP. — La santé des Français : 3ème bilan. Paris : La Découverte, Collections Repères, 2002, 128 p.

[14] Étude sur l’impact des rapports du Haut Comité de la santé publique 1992-1998, In Actualité et

Dossier en santé publique, no 36, septembre 2001.

[15] Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, J.O. du 5 mars 2002.

DISCUSSION

M. Jean SÉNÉCAL

Un des problèmes importants en santé publique est le déséquilibre qui existe entre les besoins et les moyens de satisfaire ces besoins. Ceci nécessite de les hiérarchiser, d’en choisir certains, d’en abandonner d’autres. Cette notion commence à pénétrer les esprits et se concrétise par l’établissement d’un panier de biens et services. Quelle est l’opinion du Haut Comité sur ce sujet ? Qui osera faire ces choix ?

Dès son premier rapport triennal en 1994, le HCSP a souligné l’inadéquation qui existe entre offre et besoins, qu’il s’agisse des inégalités entre les classes sociales ou les régions.

Une politique de santé publique oblige à établir des priorités et c’est d’ailleurs ce qui a été fait depuis 1996, par exemple au travers des conférences régionales de santé, avec les programmes régionaux de santé.

M. Roger NORDMANN

Étant donné le rôle fondamental de l’éducation pour la santé dans la prévention, pourriezvous nous préciser si le Haut Comité de la santé publique disposait de relais au ministère de l’éducation nationale et si de tels relais sont prévus pour le nouveau Haut Conseil sur la santé, ceci afin d’accroître considérablement la place de l’éducation pour la santé aux niveaux scolaire et universitaire ?

Pendant ses dix ans d’existence, le HCSP n’a jamais été saisi spécifiquement sur le problème de la santé aux niveaux scolaire et universitaire. Toutefois, il a pris l’initiative d’aborder ces problèmes dans un rapport de 1997 sur la santé des enfants et des jeunes. Ce sujet mériterait d’être abordé plus exhaustivement sur le plan interministériel, il pourrait être proposé au Haut Conseil de la santé.

M. André VACHERON

Comment expliquer l’importance de la mortalité prématurée en France, qui est l’une des plus élevées au sein de l’Union européenne ?

La mortalité prématurée évitable pèse lourdement sur la statistique de mortalité prématurée. Cette mortalité est largement due à des causes relevant moins des soins curatifs que d’interventions en amont : consommation excessive de tabac et d’alcool, accidents de la circulation, suicides…

M. Maurice TUBIANA

Le Haut Comité de la santé publique a fait des diagnostics remarquables, dont la validité a été reconnue par tous. Malheureusement, ses recommandations n’ont pas toujours été suivies d’effets : manque de relais auprès des médias, difficultés pour le Ministre de la santé de faire entendre sa voix, antagonismes entre les structures du ministère de la santé et la CNAM ? Les comportements sont le point crucial et il est frappant de constater que la France et l’Espagne qui sont les deux pays où l’on fume le plus, où la mortalité prématurée est la plus élevée, sont les deux pays où la résistance aux antibiotiques des pneumocoques est la plus forte : ceci suggère un manque de compréhension par les médecins de la santé publique. Il faudrait enseigner la santé publique aux médecins, et la prévention aux enfants et aux adolescents.

On ne peut qu’être d’accord avec votre analyse. Dans chacun de ses rapports, le HCSP insiste sur la nécessité de mieux faire connaître les préoccupations de santé publique, non seulement auprès des professionnels de santé mais aussi d’un large public.

M. Louis AUQUIER

Comment se fait-il que la loi du 4 mars 2002 comporte un bref chapitre sur l’ostéopathie, discipline paramédicale dont il n’existe aucune preuve scientifique et dont l’exercice pourra être pratiqué sans aucun contrôle médical par des étudiants formés dans des écoles indépen-
dantes des facultés de médecine, comme il en existe déjà en Grande-Bretagne et dans divers États américains ?

À la suite d’un amendement d’origine parlementaire, la loi du 4 mars 2002 reconnaît l’existence de l’ostéopathie. Elle prévoit deux décrets d’application dans lesquels doit figurer le champ de compétence, c’est donc à ce niveau qu’il faudrait agir pour qu’un contrôle véritable soit mis en place de façon à éviter les risques.


* Haut Comité de la santé publique, Ministère de la Santé, de la Famille et des Personnes handicapées, 8 avenue de Ségur — 75350 Paris 07 SP. Tirés-à-part : Professeur Guy NICOLAS, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 5 septembre 2002, accepté le 30 septembre 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, n° 8, 1503-1513, séance du 12 novembre 2002