Communication scientifique
Séance du 21 octobre 2003

Le diabète insulino-dépendant : nouveautés thérapeutiques

MOTS-CLÉS : diabete insulinodependant. glycemie. insuline. pancreas artificiel.. pompe a insuline
Insulindependent diabetes : new therapeutics
KEY-WORDS : blood glucose. diabetes mellitus, insulin-dependent. insulin. insulin infusion system. pancreas artificial.

Résumé

L’objectif du traitement du diabète est d’obtenir une normalité glycémique prévenant les complications avec la plus faible incidence possible d’hypoglycémies. Il vise dans le même temps à réduire les contraintes horaires quotidiennes liées aux multiples injections et à l’autocontrôle glycémique. L’intermittence des injections et la voie sous cutanée sont toutes deux impropres à l’extrême précision et à la souplesse de régulation requises pour atteindre, chez la plupart des diabétiques, l’excellence recherchée du contrôle glycémique et l’amélioration de la qualité de vie. Les progrès des biomatériaux et de la microélectronique, la mise au point d’insulines stables, permettent aujourd’hui d’implanter une pompe avec une autonomie attendue de fonctionnement de près de 10 ans. Ainsi peut être assurée une perfusion d’insuline par voie péritonéale, de façon continue, prolongée et programmable. Les détecteurs enzymatiques du glucose, utilisant la glucose-oxydase, implantés en intra-vasculaire, mesurent avec exactitude la glycémie en temps réel durant des périodes prolongées allant de 6 à 12 mois. Le couplage de ces deux dispositifs et leur implantation chez le diabétique ont permis de réaliser les premiers essais, sur des périodes de 48 h, d’asservissement automatique de la glycémie en fonction de la variabilité glycémique. La restauration la plus physiologique possible de la fonction insulinique au moyen de cette cellule β artificielle implantée a démontré sa faisabilité et peut être envisagée à plus long terme chez les diabétiques.

Summary

The goal of treatment of diabetes mellitus is the achievement of sustained normoglycemia to prevent the complications with the lowest incidence of hypoglycemia. In the same time, it attempts to reduce the hourly and daily constraints due to multiple injections and self monitoring of glycemia. Both intermittent injections and subcutaneous route are unappropriated to extreme precision and flexibility of regulation requested to reach optimal glycemic control and the best quality of life in most diabetic people. The progress in biomaterials and micro-electronics, the availability of stable insulin solutions have permitted to implant a pump with an awaited functionnal autonomy for 10 years and to perfuse insulin by peritoneal way in a continuous and modulable fashion . The intra-vascular implanted enzymatic glucose sensors, using glucose-oxidase, are abble to measure with good accuracy real-time blood glucose for the duration from 6 to 12 months. The combination of these two linked devices implanted in type 1 diabetic patients has given the opportunity to perform the first trials for periods of 48 hours delivering automated insulin according to glycemic variability. This most physiological restoration of insulin function is feasible and appears to represent a possibility for long term treatment of diabetics.

Traitement du diabète insulinodépendant : nouveautés thérapeutiques par suppléance électromécanique :

vers le pancréas artificiel endocrine

Treatment of type I diabetes : new therapeutics by electromechanical suppleance :

towards the artificial endocrine pancreas

Jacques BRINGER *, Guy COSTALAT, Claude JAFFIOL, Éric RENARD

INTRODUCTION

Plus de 80 ans après la découverte de l’insuline, le traitement du diabète insulinodé- pendant par multi-injections reste très imparfait. En effet, cette insulinothérapie contraignante ne peut prévenir la survenue et l’évolution des complications chez de nombreux diabétiques. Son intensification, nécessitant quotidiennement de multiples contrôles glycémiques et trois à quatre injections sous cutanées, représente une contrainte importante et induit un risque élevé d’hypoglycémies parfois sévères. Ces constatations montrent que l’insulinothérapie conventionnelle n’est pas satisfaisante pour de nombreux diabétiques qui aspirent à une meilleure qualité de vie grâce à une suppléance insulinique plus performante et moins contraignante. La difficulté de cette approche tient à l’impératif de mimer la sécrétion insulinique pancréatique en visant une extrême précision et une grande réactivité aux variations glycémiques.

Cet objectif représente toute la complexité du développement d’une cellule β artificielle qui doit substituer la déficience hormonale avec une modulation instantanée et permanente que ne justifie aucun autre exemple d’hormonothérapie ou d’administration médicamenteuse. Les enregistrements glycémiques nycthéméraux continus et l’expérience quotidienne ont montré que le traitement conventionnel, même mené rigoureusement, s’accompagne souvent d’hypoglycémies infracliniques et d’accès hyperglycémiques rapides. L’intermittence des injections et la voie sous cutanée sont toutes deux impropres à la finesse et à la souplesse de modulation requises pour atteindre l’excellence recherchée du contrôle glycémique.

Le concept à la base du projet de développement d’une cellule β artificielle implantable est de procurer une adaptation permanente de l’insulinémie circulante en fonction de la glycémie, au moyen d’un système de délivrance d’insuline réglé sur la glycémie de chaque instant. La mise au point d’un tel système impose d’implanter chez un diabétique les trois éléments indispensables à son fonctionne-

FIG. 1. — Composants nécessaires à la régulation glycémique en « boucle fermée » qui caractérise la cellule b artificielle implantée.

ment : un dispositif d’administration continue d’insuline (pompe implantée), un analyseur mesurant de façon ininterrompue la glycémie, et un système de liaison entre ce dernier et la pompe à insuline capable de moduler son débit en fonction des variations du glucose sanguin. La mise au point de chacune de ces trois composantes du pancréas artificiel représente les étapes naturelles de son développement (Fig. 1).

PREMIÈRE ÉTAPE : DISPOSER D’UNE INSULINOTHÉRAPIE CONTINUE RÉACTIVE ET REPRODUCTIBLE

Pompes portables

La faisabilité et l’efficacité sur le contrôle glycémique de l’insulinothérapie sous cutanée continue au moyen d’une pompe portable a permis un traitement ambulatoire d’une efficacité supérieure aux multi-injections traditionnelles [1].

L’étude randomisée du Diabetes Control and Complications Trial Research Group (DCCT) a objectivé une réduction significative du taux d’HbA1c lors de l’infusion sous cutanée d’insuline au moyen d’une pompe portable par comparaison aux multi-injections. Dans ce même essai thérapeutique, il était observé en retour une incidence plus élevée de comas hypoglycémiques et d’épisodes céto acidosiques [2].

Cependant, plusieurs études ont par la suite retrouvé une incidence des hypoglycé-
mies sévères sous pompe bien plus faible (0,10 — 0,39/année-patient) que celle rapportée dans le DCCT (0,54/année-patient) [3]. Une étude prospective non randomisée a ainsi montré que l’administration sous cutanée continue d’insuline par pompe réduisait de plus de 80 % l’incidence des hypoglycémies sévères observées sous multi-injections [4]. Une méta-analyse récente de 12 essais randomisés comparant les pompes injectant l’insuline par voie sous cutanée au traitement intensif par multi-injections indique une amélioration du contrôle métabolique qui se traduit par une baisse significative de l’hémoglobine A1c (HbA1c) et de la glycémie moyenne et par une réduction des hypoglycémies sévères. Dans le même temps, la pompe diminue de 14 % la dose journalière d’insuline. Malgré ces résultats encourageants, l’efficacité et la sécurité du traitement par pompe portable dépendent en premier lieu de la capacité et de la motivation des patients à suivre une éducation.

L’observance des règles d’adaptation est le pré-requis d’une modulation souple et réactive des débits insuliniques en fonction de l’autocontrôle glycémique. Ce point est l’élément essentiel à considérer dans l’indication de ce type de traitement.

Les limites de l’insulinothérapie utilisant la voie sous cutanée sont aussi dues à l’inertie inhérente au délai de l’absorption insulinique dans ce tissu qui ne permet pas de répondre instantanément à l’augmentation parfois soudaine des besoins insuliniques. La persistance d’une action résiduelle de l’insuline au niveau des sites sous cutanés, malgré une réduction de la vitesse d’infusion est aussi un problème gênant la prévention des hypoglycémies lorsque la situation exige une brutale baisse de l’insulinémie. La récente disponibilité des analogues de l’insuline ayant une courte durée d’action (insulines LISPRO et ASPART) favorise une meilleure réactivité en réduisant la variabilité glycémique et l’incidence des hypoglycémies.

Ces analogues de courte durée représentent aujourd’hui les préparations insuliniques les mieux adaptées à l’administration sous cutanée par pompe. Le traitement par pompe portable apporte une plus grande flexibilité et moins de contraintes horaires puisque le débit continu d’insuline permet une plus grande liberté dans la programmation des activités et des horaires de repas. Il peut néanmoins être en échec dans des diabètes particulièrement instables liés ou non, aux difficultés de l’observance.

Pompes à insuline implantables

La perfusion continue d’insuline par voie intra péritonéale est le mode d’administration de l’insuline le plus physiologique. Ce site d’infusion favorise l’absorption par le système veineux porte en créant un gradient porto-systémique, source d’un meilleur contrôle de la production hépatique de glucose favorisé par des concentrations d’insuline plus élevées au niveau hépatique [5-7]. Le bénéfice d’une cinétique d’absorption plus rapide et d’un blocage plus efficient de la production hépatique de glucose en période post prandiale a pu être montré au cours de différentes études.

Comparée à l’insulinothérapie sous cutanée par pompe utilisant l’insuline ordinaire, la pompe implantée administrant l’insuline par voie péritonéale réduit le taux
d’HbA1c et favorise la stabilité glycémique [8]. Une diminution des hypoglycémies sévères est aussi observée [9]. Le passage d’un traitement par pompe sous cutanée utilisant l’analogue court de l’insuline « lispro » à une pompe implantable infusant l’insuline par voie péritonéale améliore significativement le contrôle métabolique évalué par le taux d’HbA1c et la variabilité glycémique [10].

Malgré ces avantages, le développement des pompes implantables a été chaotique depuis les premières expériences des années 80. Plusieurs raisons l’expliquent et en particulier la survenue d’une agrégation des solutions d’insuline dans la pompe et les occlusions de cathéters [8,11,12]. L’agrégation de l’insuline est responsable des incidents liés à un débit insuffisant de l’insuline. Ces agrégats favorisent aussi les encapsulations de cathéter par prolifération du tissu péritonéal qui peut être activée par la production importante d’anticorps anti insuline retrouvée chez les patients traités par pompe implantable [13-15]. De nouvelles préparations d’insuline ont considérablement réduit la fréquence des problèmes liés au processus d’agrégation de l’insuline [16]. Ces solutions sont stockées dans le réservoir de la pompe rempli tous les 2 à 3 mois par ponction transcutanée. L’évolution des cathéters a aussi contribué à cette amélioration des résultats [17]. L’incidence des occlusions de cathéter est de 15/100 patients année [11]. Dans la moitié des cas, l’obstruction peut être levée par un rinçage du cathéter à partir d’un accès latéral accessible par ponction transcutanée [15]. L’encapsulation du cathéter ne permet pas d’appliquer avec succès cette technique de désobstruction et requiert généralement une intervention chirurgicale par laparoscopie afin de désobstruer ou de remplacer le cathéter.

Malgré ces difficultés, les pompes implantables restent le moyen le plus approprié au traitement du diabète instable : le contrôle métabolique est amélioré, les hypoglycé- mies sévères sont moins nombreuses et les hospitalisations sont réduites chez les diabétiques mal équilibrés par un traitement insulinique sous cutané [18]. La meilleure réactivité de la voie intra péritonéale d’administration de l’insuline par pompe implantée montre bien qu’elle représente à ce jour la technique convenant le mieux à la mise au point d’un pancréas endocrine artificiel.

DEUXIÈME ÉTAPE : ÉVALUER LA GLYCÉMIE EN CONTINU

Adapter le débit insulinique à tout moment nécessite une information permanente sur le niveau de la glycémie. La difficulté de la mise au point d’un détecteur de glucose tient aux nombreuses conditions qu’il doit remplir pour une application clinique efficiente. Sa fiabilité nécessite précision, sensibilité, spécificité pour le glucose et reproductibilité à long terme. De plus, l’évaluation doit être continue ou discontinue mais à intervalles très rapprochés ne dépassant pas quelques minutes.

La biocompatibilité est essentielle car les interactions entre le milieu plasmatique ou interstitiel environnant peuvent modifier l’accès des flux de glucose au détecteur et sa sensibilité. Enfin, son volume doit être suffisamment réduit pour être acceptable.

Seul un petit nombre d’analyseurs de glucose répond aujourd’hui à des conditions aussi draconiennes.

Systèmes de mesure du glucose en continu

Différentes technologies ont été développées, parmi elles les détecteurs optiques, l’ionophorèse inverse, les dispositifs de microdialyse et, enfin, les systèmes enzymatiques utilisant la glucose oxydase. Les deux premiers ne peuvent convenir à une mesure continue et réactive du glucose. Les systèmes optiques ont l’avantage de ne pas être invasifs mais n’ont pas atteints une sélectivité suffisante pour le signal glucose. L’ionophorèse inverse fait appel à une extraction transdermique par un courant électrique de basse fréquence appliqué sur la peau. Le signal recueilli est proportionnel à la concentration interstitielle de glucose. Une bonne linéarité est observée entre ce signal et la glycémie. La limite de ce principe est essentiellement due au temps de latence excessif de 20 minutes entre la survenue d’un niveau glycémique donné et la disponibilité retardée de sa mesure. Un délai entre le prélèvement du liquide interstitiel et l’évaluation du glucose est aussi observé avec les techniques de microdialyse où, de surcroît, sont observées des obstructions de tubulure pouvant donner des résultats erronés.

Les détecteurs utilisant la glucose oxydase reposent sur le principe de l’oxydation du glucose induite par cet enzyme [19, 20] : glucose + oxygène → acide gluconique + H O . L’application d’un courant électrique sur le milieu de réaction permet de 2 2 dissocier l’H O à l’anode donnant 2H+ et de l’oxygène, libérant ainsi 2 électrons.

2 2 Le signal électrique généré de la sorte est proportionnel à la quantité de glucose présente dans l’environnement du détecteur. La fiabilité de la mesure doit comporter un certain nombre de pré-requis : absence d’interférence électrochimique, stabilité de l’activité enzymatique dans le temps, maintien de la disponibilité de l’oxygène par rapport au glucose [21-23]. Le couplage du détecteur à la mesure d’oxygène consommé par une électrode placée au sein de la réaction permet de fournir un résultat plus fiable [24]. La différence entre la pression partielle d’oxygène du site de la réaction et celle environnante hors de la réaction, est proportionnelle au glucose oxydé. Ce système, plus invasif, s’avère être le meilleur candidat actuel pour un enregistrement continu du glucose reproductible à long terme.

Le choix du site

Le tissu sous cutané ou le sang circulant sont les deux sites accessibles de mesure du glucose. La pose d’un détecteur de glucose miniaturisé sous la forme d’une aiguille transcutanée est le moyen le plus simple et le moins invasif d’analyser la concentration de glucose dans le liquide interstitiel. Ainsi, le système CGMS ( Continuous Glucose Monitoring System ), développé par MiniMed-Medtronic (Northridge Ca,

USA), disponible en clinique [24] offre l’opportunité d’une détermination indirecte de la glycémie. Sa fiabilité a été évaluée chez les diabétiques et les sujets témoins par l’étude des corrélations entre les mesures données par deux détecteurs de glucose identiques implantés chez un même patient. Bien qu’une corrélation élevée soit globalement observée (R = 0,84), 70 % des paires de détecteurs implantés affichent
une différence de concentration de glucose supérieure à 10 %, alors que 7 % des dosages montrent une discordance supérieure à 50 % de la valeur indiquée par l’un des détecteurs. De plus, ces mesures, confrontées à 8 glycémies quotidiennes déterminées dans le sang, ne concordent que pour 65 % des dosages [25]. La détermination du glucose dans le liquide interstitiel sous cutané ne rend donc pas toujours parfaitement compte des variations de la glycémie et nécessite de fréquentes calibrations afin de prendre en compte les dérives éventuelles [26]. En fait, le tissu sous cutané réagit rapidement à la présence de l’aiguille, altérant la libre diffusion du glucose et de l’oxygène et le signal qui en résulte. Ces difficultés expliquent les raisons de la mise au point de détecteurs intra vasculaires. Le choix de l’implantation dans un vaisseau de gros calibre est préférable en raison de son volume dû au couplage de ce détecteur à une électrode mesurant la consommation d’oxygène qui garantit sa fiabilité. Le détecteur de glucose intra vasculaire implanté à long terme dont nous avons l’expérience ( Long Term Glucose Sensor ; LTGS ; MiniMed Medtronic ) répond aux impératifs techniques du développement d’un système d’analyse continue de la glycémie, préalable à une insulinothérapie « en boucle fermée ».

L’expérimentation initiale menée chez le chien [27], puis chez l’homme diabétique depuis plus de deux ans, montre l’exactitude prolongée des données d’analyse de la glycémie par ce système.

L’expérience cumulée est aujourd’hui de 11,2 années-patient chez les 10 diabétiques implantés jusqu’ici. Les valeurs obtenues par l’analyse continue du glucose sont étroitement corrélées aux glycémies capillaires (R = 0,83 à 0,93 selon les patients) alors que 97 % des points de corrélation se situent dans les zones A et B de la grille de Clarke [28]. La déviation moyenne absolue du signal du détecteur par rapport aux glycémies capillaires est de 16 % [28].

La performance de ce détecteur intra vasculaire a permis à notre équipe de réaliser les premiers essais d’un système d’insulinothérapie en boucle fermée implanté chez l’homme.

TROISIÈME ÉTAPE : DÉLIVRER EN PERMANENCE L’INSULINE EN FONCTION DE LA GLYCÉMIE

Le prototype de cellule Bêta artificielle (

Long Term Sensor System : LTSS ; Mini-

Med Medtronic Northridge, Ca USA) réalise le lien entre la pompe à insuline implantée et le détecteur de glucose (LTGS) par l’intermédiaire d’un câble de connexion sous cutané [28]. Le chargement d’un logiciel d’algorithmes dans l’électronique de la pompe a été réalisé au moyen d’un communicateur permettant d’activer la délivrance d’insuline en boucle fermée [29]. Ces algorithmes de modulation du débit insulinique en fonction de la glycémie sont issus des données expérimentales initiales du pancréas artificiel externe [30]. Lors des essais effectués sur des périodes de 48 heures chez les malades implantés, un contrôle strict de la glycémie était observé à distance des repas et au cours de la période nocturne. En

FIG. 2. — Premiers essais en « boucle fermée » : augmentation des périodes de normoglycémie revanche, les prises alimentaires s’accompagnent encore d’une ascension glycémique excessive, même si leur ampleur est moindre que celle observée lorsque le malade règle le débit de perfusion intra péritonéale de la pompe en fonction des glycémies capillaires réalisées 6 fois par jour (Fig. 2). Ainsi, la normalité glycémique (0,70 — 1,20 g/l) était retrouvée sur 42,3 % des contrôles glycémiques en « boucle fermée » contre 21,6 % des évaluations en « boucle ouverte ». Les niveaux glycémiques inférieurs à 0,70 g/l étaient trois fois moins fréquents en fonctionnement automatique, alors que les valeurs supérieures à 2,40 g/l n’étaient retrouvées que dans 1,8 % des contrôles glycémiques contre 15,9 % de ceux effectués en situation de réglage manuel du débit insulinique intra péritonéal. Ces résultats, bien que très encourageants, justifient d’établir des algorithmes plus fins et réactifs aux prises alimentaires afin d’étendre les périodes de normalité glycémique. Par ailleurs, une sécurité supplémentaire doit être apportée par des systèmes d’alarme informant le patient de la survenue d’une hyper— ou d’une hypoglycémie [31].

CONCLUSION

La faisabilité démontrée d’une insulinothérapie administrée par voie intra péritonéale et modulée de façon automatique au niveau glycémique résulte du long cheminement de la mise au point des systèmes d’analyse continue et prolongée de la glycémie et des pompes implantées. Bien que perfectible, cette substitution insulinique représente l’une des voies majeures de progrès du traitement du diabète visant à
prévenir les complications et à améliorer la qualité de vie du diabétique en le libérant des contraintes quotidiennes auxquelles il est assujetti.

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DISCUSSION

M. Pierre GODEAU

La place des thérapeutiques nouvelles risque-t-elle d’être modifiée par le développement de l’insulinothérapie par voie orale ou nasale ?

L’insulinothérapie par voie nouvelle la plus avancée est celle administrée par un générateur d’aérosol qui permet la diffusion et l’absorption au niveau de l’arbre respiratoire. Les produits sont en développement dans plusieurs firmes pharmaceutiques. La biodisponibilité reste relativement faible 10 à 30 % selon les techniques. La variation inter-sujet est importante et celle intra-sujet se situe à plus de 15 %. Cette insuline pourra apporter un bénéfice comparable à celle des insulines rapides dont elle a, d’ailleurs, la cinétique. Par contre, la précision ne sera probablement pas suffisante pour les diabètes de type 1 difficiles auxquels s’adressent les techniques innovantes de suppléance insulinique automatisée. Dans le diabète de type 2 où la précision est moins nécessaire, ce type d’insulinothérapie par inhalation a un avenir à condition de démontrer son innocuité en particulier sur un éventuel risque de fibrose pulmonaire. L’effet secondaire est souvent une toux et nous devons apporter une sécurité à long terme. Les sprays par voie orale font l’objet d’expérimentation toute récente et ont pour objectif d’obtenir une diffusion rapide et d’accompagner le repas. Quant aux patchs à diffusion transdermique, ils pourraient un jour se substituer à l’insuline basale mais le passage fiable est difficile à obtenir avec une imprécision qui risque d’être supérieure à celle des injections souscutanées.


* CHU Hôpital Lapeyronie, 371 avenue du doyen Gaston GÉRAUD — 34295 Montpellier cedex. Tirés-à-part : Professeur Jacques BRINGER, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 6 mai 2003, accepté le 19 mai 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, no 7, 1285-1295, séance du 21 octobre 2003