Résumé
Le diabète de type 1 (DTU) augmente la mortalité après un infarctus du myocarde et précipite une détérioration du remodelage cardiaque (REM) post-ischémique. Nous avons étudié l’association des hormones thyroïdiennes (HT) à cette réponse. Les HT occupent une place décisive dans le métabolisme, la fonction et le développement cardiaque et sa réponse au stress. Le modèle utilisé est l’infarctus expérimental aigu obtenu après ligature des coronaires chez le rat non diabétique (NDTU-IA) ou chez le rat diabétique (DTU-IM). Le diabète était obtenu par injection de streptozotocine. Les contrôles sont des animaux thoracotomisés sans ligature coronaire (C). Deux semaines après l’infarctus, on observe l’apparition d’une hypothyroïdie tissulaire, caractérisée par une diminution de l’expression des récepteurs de l’HT, TR α 1 et TR β 1 dans le myocarde diabétique sans altérations des concentrations de T3 et de T4 plasmatiques. Parallèlement, nous avons observé une augmentation de l’expression de l’isoforme β de la chaîne lourde de la myosine myocardique et l’existence d’altérations importantes de la fonction et de la géométrie cardiaques. La fraction d’éjection est abaissée dans le groupe DTU-IM comparé aux NDTU-IM ; les volumes diastoliques et systoliques sont augmentés sans changement de l’épaisseur de la paroi ventriculaire gauche, VG ; et le rapport Volume diastolique du VG/2 × épaisseur de paroi postérieure (WTI), ce qui signifie que le stress myocardique mural est augmenté. L’absence de l’augmentation de l’épaisseur des parois du VG dans le groupe DTU-IM est associée à une absence d’élévation des hormones pro-hypertrophiques ERK et p-38 MAPK phosphorylées. L’administration d’HT est associée à une diminution de la β -MHC, une augmentation de l’épaisseur de la paroi postérieure du VG et une normalisation de l’activation (phosphorylation) de la MAPK-p38. Pour conclure, le DTU aggrave le REM et l’hypothyroïdie tissulaire, ces anomalies sont en partie corrigées par l’administration d’HT.
Summary
Type 1 diabetes (TOD) increases the risk of coronary artery disease and myocardial infarction and is characterized by baseline cardiac dysfunction. We investigated the influence of TOD in post-infarct remodeling (REM) and the role of thyroid hormone (TH) signaling in this response. Acute myocardial infarction (AMI) was induced in rats with type I diabetes (TOD) and in non diabetic rats (NTOD-AMI), sham-operated rats serving as controls (SHAM). AMI resulted in tissue hypothyroidism due to significant downregulation of the TH receptors TR α 1 and TR β 1 in the TOD myocardium, while no change in plasma T3 or T4 was observed. This response was associated with increased expression of β -MHC and distinct changes in cardiac function and geometry: EF % was decreased in TOD-AMI as compared to NTOD-AMI. Systolic and diastolic chamber dimensions were increased, with no concomitant increase in wall thickness. Thus, WTI (the ratio of LVIDd/2 × posterior wall thickness), an index of wall stress, was significantly increased in TODAMI. The absence of wall thickening in TOD-AMI hearts was associated with changes in stretch-induced kinase hypertrophic signaling: phosporylated (p)ERK and p-p38 MAPK levels were not changed in TOD-AMI in comparison with non infarcted hearts (TODSHAM) and NTOD-AMI hearts. TH administration after AMI prevented tissue hypothyroidism and resulted in decreased β -MHC expression, increased wall thickening and normalized wall stress, while stretch-induced p38 MAPK activation was increased. We conclude that diabetes exacerbates post-ischemic cardiac remodeling and that tissue hypothyroidism may be involved in this response.
INTRODUCTION
Le terme de « remodelage cardiaque » (REM) qualifie un ré-arrangement délétère des structures cardiaques normales. C’est un phénomène universel, résultat final de plusieurs conditions pathologiques [1, 2], la plus fréquente étant l’infarctus du myocarde. Les autres causes sont l’hypertension artérielle, les cardiomyopathies génétiques hypertrophiques et dilatées, les maladies valvulaires et les traitements anticancéreux et l’obésité. Le diabète sera discuté plus loin. La voie commune qui mène au REM est l’hypertrophie cardiaque (HC) initiée par le ‘‘ stretch ’’. Selon la sévérité et la durée du stimulus initial, l’HC, qui est d’abord ‘‘ adaptative ’’ et ‘‘ compensatrice ’’ peut devenir ‘‘ maladaptative ’’ et ‘‘ pathologique ’’ [3, 4]. Un autre type de classification étiologique consiste à distinguer l’HC produite par un stimulus physiologique, de celle produite par un stimulus pathologique, mais, finalement, la question principale concerne la durée possible de l’HC adaptative et compensatrice.
Les altérations de l’expression génétique concernant REM ont fait l’objet de plusieurs études, le mécanisme de base est l’existence de la ré-expression d’un phénotype fœtal caractérisé par une augmentation de la β-MHC, une diminution de l’α-MHC, une surexpression des peptides natriurétiques cardiaques et une diminution du rapport activité de SERCA (le gène codant la calcium ATPase du réticulum sarcoplasmique) / phospholamban.
Ces changements sont associés à une re-expression de la NO synthase-neurale, de la cavéoline, de plusieurs gènes proapoptotiques et à une diminution des récepteurs adrénergiques β1 et muscariniques et de la myoglobine [3, 5].
De récentes recherches ont complété ces observations par des analyses plus globalisées du transcriptome ou du protéome [6, 7] au cours du REM. Le REM est aussi caractérisé par une altération de la matrice extracellulaire responsable de la fibrose cardiaque, associée à une détérioration de la performance cardiaque aussi bien au niveau de la fonction systolique que de la fonction diastolique [8, 9]. Enfin, il existe également un remodelage vasculaire des artères coronaires (d’origine athérosclé- reuse) et des artères périphériques (d’origine hypertensive) [10].
L’étiologie la plus fréquente du REM est la perte du myocarde à la suite d’un infarctus massif. Nonobstant l’angioplastie primaire et l’administration de quatre familles de substances protectrices, les β-bloquants, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les bloquants des récepteurs de l’angiotensine et les inhibiteurs d’aldostérone, le REM est observé approximativement dans 30 % des infarctus du myocarde [11, 12]. Sur le plan pronostic, on estime qu’une réduction de 20 % de la nécrose suffit pour prévenir la survenue de l’insuffisance cardiaque [13].
Les efforts actuels concernant la prévention du remodelage pathologique portent sur la reperfusion précoce de l’artère coronaire occluse, mais les progrès concernant la prévention de la lésion de reperfusion sont encore peu satisfaisants. Le postconditionnement, la cyclosporine, l’adénosine et l’érythropoïétine ont été étudiées seulement dans de petits essais cliniques et n’ont encore été utilisés sur une grande échelle soulignant l’importance de recherches approfondies dans d’autres directions [14]. On trouvera dans le Tableau 1 un résumé des traitements en cours actuellement.
Dans le travail actuel, nous avons étudié les effets du diabète de type 1 (DTU) sur le REM, ainsi que les effets des TH. Nous avons été impliqués dans l’étude des effets des HT sur le myocarde pendant dix-sept ans et démontré, sur des modèles expérimentaux, que — l’administration précoce des HT peut diminuer le REM sur un suivi de deux [15] à treize semaines [16], — même administrées douze semaines après l’infarctus initial, les HT peuvent induire une régression partielle du REM [17], — chez des rats hypothyroïdiens, le REM post-infarctus est fort augmenté et caracté- risé par une augmentation de la β-MHC et une diminution du rapport SERCA/phospholamban[17]. Ces effets délétères sont supprimés par l’administration d’HT. Le phénotype myocardique fœtal du myocarde est commun à la fois à l’insuffisance cardiaque et au DTU [18].
Le travail actuel porte sur les effets des HT sur le REM dans le diabète expérimental.
Les diabétiques ont des lésions coronaires plus fréquemment, mais font des
Tableau 1.
Prévention et régression du remodelage cardiaque.
Approches pharmacologiques Pendant l’ischémie-reperfusion, post-conditionnement
Adenosine, nicorandil, statines, cyclosphorine, opioides.
À longue terme
Modulateurs du métabolisme Exenatide (insulinomimetique, insulinotropique) Metformin, etomoxir, trimetazidine, ranolazine Activateurs de MAPK, AICAR Activateurs de PPAR Clenbuterol (agoniste des récepteurs β2) Tetracyclines (↑ SERCA) Acide valproique (inhibiteur de HDAC) Neureguline Hormones, Peptides
Hormones thyroïdiennes Hormone de croissance Éstradiole, testostérone Erythropoietine, ANP, BNP Antioxidants
Quercetin, resveratrol, curcumine, 4-hydroxybiopterine Diverses
Sildenafil Rapamycin (inhibiteur de mTor) Antagonistes des récepteurs d’interleukine (anakinra) Substances employées en pratique clinique β-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, bloqueurs des récepteurs de l’angiotensine, inhibiteurs de la rénine (aliskiren), statines, anti-aldostérones infarctus plus étendu associé à une mortalité cardiaque beaucoup plus élevée [19, 20]. De plus, le DTU, est aussi caractérisé par une dysfonction diastolique, une HC et une fibrose interstitielle plus développée [21-24].
MÉTHODES
Nous avons utilisé des rats Wistar males (280-360 g) chez lesquels le DTU est obtenu par une injection unique de streptozotocine (STZ ; 35mg/kg i.p). [22, 23]. Des rats du même âge ayant reçu une injection de tampon ont été utilisés comme contrôles.
Tous les animaux ont été hébergés dans des cages métaboliques séparées et individuelles pendant les quatre jours qui ont suivis l’injection de STZ. L’eau de boisson et la diurèse ont été mesurés chaque jour. Une telle dose de STZ produit seulement une glycosurie sans acidocétose (glycosurie au quatrième jour urinaire ≈ 626 mg/dL).
La ligature coronaire gauche a été faite au trentième jour. Les animaux qui ont subi une thoracotomie seule sans ligature constituent le groupe contrôle (C). Nous n’avons inclus dans ce travail que les rats ayant des infarctus représentant 25-40 % du ventricule gauche (VG).
Administration de l’HT . Les rats diabétiques ont été randomisés en deux groupes après l’infarctus : le groupe 1 est le groupe contrôle qui a reçu le régime alimentaire standard, (DTU-IM) le groupe 2 a reçu une alimentation enrichie par 0,42 μg/mg de T3 et 1,7 μg/mgT4 pendant deux semaines (DTU-IM + HT). Nous avons estimé que ces animaux ont consommé 3,0 μg T3 et 12 μg T4 par jour [15-17].
Échocardiographie
Deux semaines, après l’injection de STZ ou de tampon, la fonction cardiaque a été étudiée au moyen d’un échocardiographe de type Vivid 7, GE avec une sonde MHZ 13. L’épaisseur diastolique de la paroi postérieure (LVPW), les diamètres diastoliques et systoliques du ventricule gauche (LVDd, LVDs) et la fraction d’éjection (EF) ont été mesurés (formule de Simpson). L’index de tension murale (WTI) a été définie d’après le rapport LVIDd/2xLVPW. L’index de la sphéricité (SI) a été déterminé au moyen du rapport axe longitudinal/ axe court en tant qu’expression de la géométrie du VG. Un SI abaissé indique un REM augmenté [15-17, 25].
Isolement des protéines, électrophorèse, immunodétection
Le tissu du VG a été homogénéisé dans du tampon froid (solution Hepes 10 mM).
L’expression protéique des récepteurs thyroïdiens a été déterminée dans la fraction nucléaire, et les kinases traduisant le signal dans la fraction cytosolique. Les récepteurs thyroïdiens ont été mesurés par Western blotting. Les kinases ERK, AKt, p38 MARK, et JNK totales et phosphorylées ont été mesurées aussi par Western blot.
Les isoformes de la myosine ont été quantifiées au moyen d’un AlphaScan Imaging Densitometer.
Dosage des hormones thyroïdiennes
La L- thyroxine et la 5, 3 tri- iodothyronine plasmatiques (sang de l’auricule droit) ont été mesurées par ELISA et exprimées en nMol/L de plasma.
Protocole expérimental
Deux semaines après l’infarctus, les animaux ont été anesthésiés, une échocardiographie a été pratiquée. Après le sacrifice, le ventricule gauche et droit ont été séparés, le tissu cicatrisé a été disséqué, mesuré et pesé et la section ventriculaire non-infarcie a été immergée dans le nitrogène liquide. Les rats ont été séparés en cinq groupes :
— Contrôle, avec thoracotomie sans ligature coronaire (C, n=20), — Diabétique, avec thoracotomie sans ligature coronaire (DTU-C n=12), — Contrôle ayant eu une ligature coronaire avec infarctus aigu (NDTU-IM, n=20), — Rats diabétiques avec ligature coronaire avec infarctus aigu ayant reçu le régime alimentaire standard (DTU-IM, n = 16), — Rats diabétiques avec infarctus aigu ayant reçu des HT (DTU-IM + HT, n = 13).
Analyse statistique
Les données sont exprimées en moyenne fi erreur standard en utilisant pour les comparaisons les tests t pour observations non appariées et le test de Mann Whitney pour évaluer les différences inter-groupes. L’analyse de variance avec correction de Bonferoni ou Dunnett est employée pour les comparaisons multiples. Une valeur de p<0,05 a été considéré comme significative.
RÉSULTATS (Tableau 2)
Réponse du cœur diabétique après infarctus
Géométrie cardiaque
La taille et le poids de la cicatrice et le rapport poids VG/poids du corps sont les mêmes dans tous les groupes.
Le LVPW a été augmenté chez le rats NDTU-IM par comparaison avec les contrô- les, indiquant l’existence d’une hypertrophie modérée ; le LVPW était le même chez les DTU-IA et chez les DTU-C indiquant une baisse de la réponse hypertrophique chez les diabétiques. La LVPW était plus élevée chez les NDTU-IM et chez les DTU-IM comparé aux C et aux DTU-C (p<0,05) ; il y a par ailleurs une tendance non-significative à l’augmentation chez les animaux avec DTU-IM. Ces différences rendent compte de l’augmentation de la WTI dans ce groupe. Le SI est diminué
Tableau 2. — Effets du diabète type 1 et des hormones thyroïdiennes dans l’infarctus expérimental aigu chez le rat CONTRÔLE NDTU-IM DTU-C DTU-IM DTU-IM-HT T4 50.7 (2.9) 50.3 (2.3) 44.5 (2.8) 52.3 (3.1) 50.4 (2.1) nM/L T3 1.08 1.41 1.01 (0.05) 1.02 (0.06) 1.09 (0.08) nM/L (0.08) (0.07)&& Fréquence 363 (12) 332 (13) 329 (16) 309 (11)*
373 (16) Cardiaque/min Taille de la cicatrice —- 83.6 (3.4) —- 83.4 (3.4) 84.6 (3.6) (mm2) Poids de la —- 188 (10.1) —- 167 (9.5) 191 (12.1) cicatrice (mg) 2.34 LVW/BW 1.87 (0.03) 2.0 (0.04) 2.04 (0.09) 1.94 (0.05) (0.11) 1.96 2.10 LVPW(mm) 1.85 (0.02) 1.92 (0.06) 1.91 (0.03) (0.03)*
(0.04) 2.03 2.26 1.93 WTI 1.74 (0.02) 1.73 (0.05) (0.05)*
(0.07)**
(0.05) 1.63 1.58 1.66 IS 1.94 (0.02) 1.85 (0.04) (0.04)*
(0.03)& (0.03)& LVIDd 6.5 (0.06) 8.0 (0.15)*
6.6 (0.1) 8.6 (0.15)& 8.1 (0.15)& (mm) LVIDs 3.7 (0.1) 6.1 (0.2)*
3.9 (0.1) 7.1 (0.2)**
6.1 (0.2) (mm) 38.5 50.9 FE % 75.7 (1.6) 49.0 (1.4)*
74.7 (1.9) (1.7)**
(1.0) Moyenne + (erreur standarde) * P<0.05 vs C ** p<0.05 vs DTU-C et NDTU-IM, † p<0.05 vs NDTU-IM, & p<0.05 vs DTU-C, && p<0.05 vs NDTU-IM et DTU-IM p<0.05 vs DTU-IM p<0.05 vs DTU-C and DTU-IM.
C(contrôle) : Animaux sans diabète Type 1 opérés sans ligature coronarienne NDTU : Animaux sans diabète Type 1 IM : Infarctus aigu du myocarde DTU : Animaux avec diabète Type 1 HT : Hormones thyroïdiennes LVW : Poids du ventricule gauche BW : Poids du corps LVPW : Épaisseur de la paroi postérieure WTI : Tension murale LVIDd : Diamètre diastolique du ventricule gauche LVIDs : Diamètre systolique du ventricule gauche FE : Fraction d’éjection également dans les deux groupes avec IM en comparaison avec les groupes C (p<0,05). La FE était plus basse dans le groupe DTU-IM en comparaison avec les groupes NDTU-IM et C.
Hormones thyroïdiennes
Les taux de T3 et T4 sont les mêmes dans tous les groupes, mais la fréquence cardiaque est diminuée chez les rats DTU-IM (p<0,05).
Expression des récepteurs à la thyroxine nucléaires myocardiques
Les expressions de TRα-1 et de TRβ-1 sont les mêmes entre C et DTU-C et entre C et NDTU-IM. L’expression de TRα-1 et de TRβ-1 nucléaire est respectivement 2,1 et 2,0 fois plus faible dans les cœurs DTU- IM (p<0,05) (Fig 1).
Isoformes de la myosine
Le rapport α-MHC/β-MHC est égal à 6/1 chez les C, et à 2/1 chez les cœurs DTU-C et NDTU-IM, (p<0.05), ce même rapport est égal à 1/1 dans les cœurs DTU-IM (p<0.05).
Activation des kinases intracellulaires
Les concentrations de phospho-Akt et de JNK- sont les même dans tous les groupes.
Dans les cœurs DTU-C le rapport p38 MAPK phosphorylée /totale était le même que chez les C. Dans les cœurs NDTU-IA, le même rapport était élevé 1, 9 fois comparé aux C, p<0,05. Dans le groupe DTU-IA, le rapport était diminué 2, 0 fois comparé à NDTU-IM, p<0,05, alors qu’est le même que celui du groupe DTU-C.
Le rapport de ERK 44 et 42 phosphorylée/totale était augmenté 1,8 et 2,0 fois dans le cœur NDTU-IA respectivement, comparé aux C, p<0,05. Ce rapport était le même dans les 3 groupes DTU-IM, NDTU-IM et DTU-C.
Les effets de l’HT sur les cœurs diabétiques après un infarctus aigu (Tableau 2)
Géométrie et fonction cardiaque
Le rapport poids du VG/poids du corps et le LVPW sont augmentés après l’administration d’HT, ce qui témoigne d’une hypertrophie adaptative.
Concentrations des HT, fréquence cardiaque et expression des récepteurs nucléaires thyroïdiens
Les concentrations plasmatiques en T3, la fréquence cardiaque et aussi l’expression de TRβ-1 (Fig. 1) sont augmenté dans le groupe traité par les HT (p<0,05).TRα-1 n’est pas augmenté.
Expression des isoformes de la myosine et activation des kinases intracellulaires
Le traitement thyroidien induit, comme cela est bien connu, l’expression de la forme α de la myosine et active l’expression de la phospho-p38 MAPK (x 2,0, p<0,05).
(Fig 2). Les kinases ERK phosphorylées 44 et 42 sont inchangées sous traitement.
DISCUSSION
La principale conclusion de cette étude c’est qu’un infarctus aigu produit une hypothyroïdie tissulaire plus prononcée chez les rats diabétiques [25, 26]. Chez les diabétiques les altérations de la géométrie et de la fonction cardiaque sont plus marquées que les animaux non-diabétiques. Ces altérations sont prévenues en partie par l’administration d’hormones thyroïdiennes très tôt après l’infarctus [15, 16].
L’IM expérimental produit une détérioration de la fonction cardiaque chez les rats non-diabétiques mais cette détérioration est plus prononcée chez les rats diabétiques. Nous avons observé une augmentation de : β-MHC chez les rats diabétiques qui pourrait contribuer au dysfonctionnement myocardique. Ces résultats sont en accord avec d’études précédentes qui ont toutes démontré que le cœur des diabé- tiques était profondément modifié en concernant le métabolisme, et la fonction mitochondriale [27, 28]. À la dysfonction mitochondriale décrite par Sena et al [28] on doit ajouter la fibrose interstitielle prononcée du diabète lui-même [22-24], qui favorise le remodelage post-infarctus.
Par ailleurs, nous avons observé une élévation du stress pariétal dans les myocardes diabétiques après un IA. Cette réponse peut être attribuée à une réduction de l’hypertrophie de la paroi postérieure et à une augmentation des dimensions de la cavité du VG. Après un infarctus les animaux CIRCO post-infarctus ont exprimé la même réponse, indiquant une exacerbation du remodelage cardiaque chez les diabétiques [27, 28].
L’augmentation de l’épaisseur de la paroi myocardique représente un mécanisme compensateur. L’augmentation du volume est en effet une réponse à l’élévation de la précharge, selon le mécanisme de Frank-Starling. En même temps, le stress global et régional (équation Laplace) s’élève, et l’hypertrophie normalise la contrainte parié- tale, même temporellement, en préservant la fonction cardiaque [29]. Cette réponse est médiée par plusieures kinases intracellulaires (ERK 1/2 et p38 MARK). Cette évolution devient finalement délétére et produit une hypertrophie maladaptative.
Les kinases ERK et p38 MAPK sont activées après un infarctus du myocarde [30-32].
Comme l’a déjà rapporté Naito et al. [33] nous avons retrouvé l’augmentation d’ERK chez les diabétiques à l’état basal, sans augmentation additionnelle après un infarctus.
Fig. 1. — Niveau d’expression protéique des récepteurs thyroidiens α1 (TRα1) (A), et β1 (TRβ1) B chez les rats contrôles (C), après un infarctus aigu sans diabéte (NDTU-IM), rats avec diabète avec IA (DTU-IM), et rats avec diabète post infarctus traités avec des hormones thyroïdiennes (DTU-IM-HT) à 2 semaines. Densitomètrie (Western blot, unités arbitraires) L’histone H3 sert à normaliser les résultats. Moyennefierreur standarde * p<0.05 vs C et DTU-C + p<0.05 vs et DTU-IM p<0.05 vs DTU-C
Fig. 2. — Rapport Kinase p38 MAPK phosphorylée /totale chez les rats contrôle (C), post-infarctus aigu sans diabète/totale (NDTU-IM) /totale, rats avec diabète opérés Contrôle, (DTU-C) rats avec diabète post — infarctus (DTU-IM), et rats avec diabète post-infarctus ayant reçu des hormones thyroïdiennes (DTU-IM+HT) à 2 semaines. Résultats densitométriques en unité arbitraires (Western blot) * p<0.05 vs C p<0.05 vs DTU-C et DTU-IM Il y existe une incertitude quant au rôle de ces kinases dans la genèse de l’hypertrophie cardiaque. Muñoz et al. [34] ont trouvé que l’ « insulin-like-growth factor-1,
IGF-1, qui est considéré comme un promoteur de l’hypertrophie physiologique du myocarde augmente aussi la p38 MARK. IGF préserve la structure et la fonction du myocarde post-infarctus selon Kotlyar et al. [35].
Dans les cœurs diabétiques, L’IA induit une hypothyroïdie tissulaire qui est corrigée par les HT
Après un infarctus, l’expression des récepteurs thyroidiens, TRα-1 et TRβ-1, est rapidement diminuée [25, 26]. Cette hypothyroïdie tissulaire peut être impliquée dans l’accélération du remodelage post ischémique qui est observée dans le diabète, ce que nous avons déjà observé. Le traitement thyroidien améliore la fonction myocardique, la biogenèse et le métabolisme mitochondrial, ainsi que la réponse au stress ischémique [36, 37] et prévient l’apoptose [38]. L’atrophie cardiaque, la dilatation des cavités cardiaques et l’augmentation de la β-MHC ont été observées dans l’hypothyroïdie profonde [39]. L’administration des HT qui réduit l’expression de β-MHC a réactivé l’expression de p38-MAPK, et amélioré la fonction cardiaque et l’hypertrophie adaptative chez les animaux diabétiques après IM.
CONCLUSION
Le cœur diabétique perd sa capacité à s’adapter après un IM expérimental. Ce déficit peut être attribué à l’hypothyroïdie tissulaire. Les HT, grâce à leurs actions sur la différentiation cellulaire et constituent un nouveau paradigme thérapeutique capable de restaurer les cœurs « brisés » [36].
BIBLIOGRAPHIE [1] Diez J., Ertl G.A. — Translational approach to myocardial remodelling.
Cardiovasc. Res ., 2009, 81 , 409-11.
[2] Hill J.A., Olsen E.N. — Cardiac plasticity.
N. Engl. J. Med., 2008, 358, 1370-80.
[3] Swynghedauw B. — Molecular mechanisms of myocardial remodelling.
Physiol. Rev ., 1999, 79 , 215-262.
[4] Dorn G.W. II, Robbins J., Sugden P.H. — Phenotyping hypertrophy: eschew obfuscation.
Circ. Res., 2003, 92 , 1171-1175.
[5] Swynghedaw B. — Phenotypic plasticity of adult myocardium. Molecular mechanisms.
J.
Exp. Biol ., 2006, 209, 2320-27.
[6] Cleniewski-Bernard C., Mulder P., Henry J.P. et al. — Proteomic analysis of left ventricular remodeling in an experimental model of heart failure.
J. Proteome Res ., 2008, 7 , 5004-16.
[7] Sarwar R., Copok S.A. — Genomic analysis of left ventricular remodelling.
Circulation, 2009 , 12 , 437-444.
[8] Burak M., Frangogiannis N.G. — The role of TGF-β signaling in myocardial infarction and cardiac remodeling. Cardiovascular Res., 2007, 74 , 184-195.
[9] Frey N., Olsen E.N. — Cardiac hypertrophy: the good, the bad and the ugly.
Annu Rev.
Physiol ., 2003, 65 , 45-79.
[10] Wemtzel J.J., Janssen E., Vos. J. et al. — Extension of increased atherosclerotic wall thickness into high shear stress regions is associated with loss of compensatory remodelling.
Circulation, 2003, 108 , 17-23.
[11] Savoye C., Equine O., Tricot O. et al . — Left ventricular remodelling after anterior wall acute myocardial infarction in modern clinical practice (from the Remodelage Ventriculaire [REVE] study group. Am. J. Cardiol. , 2006, 98, 1144-9.
[12] Papadopoulos C.E., Karvounis H.I., Giannakoulas G. et al. — Predictors of left ventricular remodelling after reperfused acute myocardial infarction.
Am. J. Cardiol ., 2007, 99, 1024-5.
[13] Miura T., Miki T. — Limitation of myocardial infarct size in the clinical setting: current status and challenges in translating animal experiments into clinical therapy. Basic Res. Cardiol ., 2008, 103 , 501-513.
[14] Ishii H., Amano T., Matsubara T. et al. — Pharmacological intervention for prevention of left ventricular remodeling and improving prognosis in myocardial infarction.
Circulation, 2008, 118 , 2710-18.
[15] Pantos C., Mourouzis I., Markakis K. et al . — Thyroid hormone attenuates cardiac remodeling and improves hemodynamics early after acute myocardial infarction in rats.
Eur. J.
Cardiothorac. Surg.,. 2007, 32 , 333-9.
[16] Pantos C., Mourouzis I., Markakis K. et al. — Long-term thyroid hormone administration re-shapes left ventricular chamber and improves cardiac function after myocardial infarction in rats. Basic Res. Cardiol ., 2008, 103 , 308-318.
[17] Pantos C., Mourouzis I., Tsagoulis N. et al . — Thyroid hormone at supra-physiological dose optimizes cardiac geometry and improves cardiac function in rats with old myocardial infarction. J. Physiology Pharmacol ., 2009, 60 , 49-56.
[18] Taegtmeyer H., Sharma S., Golfman L. et al . — Linking gene expression to function:
metabolic flexibility in normal and diseased heart.
Ann. N.Y. Acad. Sci., 2004, 1015 , 1-12.
[19] Stone P.H., Muffer J.E., Hartwell T. et al. — The effect of diabetes mellitus on prognosis and serial left ventricular function after acute myocardial infarction: contribution of both coronary disease and diastolic left ventricular dysfunction to the adverse prognosis. The MILIS Study Group. J.Am. Coll. Cardiol ., 1989, 14 , 49-57.
[20] Abbott R.D., Donahul R.P., Kannell W.B. et al. — The impact of diabetes on survival following myocardial infarction in men vs women. The Framingham study
J.A.M.A ., 1988, 260 , 3456-60.
[21] Poornima I.G., Parikh P., Shannon R.P. — Diabetic Cardiomyopathy. The search of a unifying hypothesis. Circ. Res ., 2006, 98 , 596-605.
[22] Boudin S., Abel E.D. — Diabetic cardiomyopathy revisited.
Circulation , 2007, 115 , 3213-23.
[23] Landau D., Chayat C., Zucker N. et al. — Early blood pressure-independent cardiac changes in diabetic rats.
J. Endocrinol., 2008, 197, 75-83.
[24] Van Linthout S., Seeland U., Riad A. et al. — Reduced MMP-2 activity contributes to cardiac fibrosis in experimental diabetic cardiomyopathy.
Basic Res. Cardiol., 2008, 103 , 319- 327.
[25] Pantos C., Mourouzis I., Xinaris C. et al. — Time-dependent changes in the expression of thyroid hormone receptor (alpha)1 in the myocardium after acute myocardial infarction:
possible implications in cardiac remodelling. Eur. J. Endocrinol., 2007, 156 , 415-424.
[26] Pantos C., Mourouzis I., Saranteas T. et al. — Thyroid hormone receptors alpha1 and beta1 are downregulated in the post-infarcted rat heart: consequences on the response to ischaemiareperfusion. Basic Res. Cardiol., 2005, 100, 422 -432.
[27] Martin J.H., Connelly K.A., Boyle A. et al. — Effect of atorvastatin on cardiac remodelling and mortality in rats following hyperglycemia and myocardial infarction.
Int. J. Cardiol., 2009.
(E pub ahead of print).
[28] Sena S., Hu P., Zhang D., Wang X. et al. — Impaired insulin signaling accelerates cardiac mitochondrial dysfunction after myocardial infarction.
J. Mol. Cell. Cardiol. , 2009, 46 , 910-918.
[29] Pantos C., Mourouzis I., Xinaris C. et al. — Thyroid hormone and ‘‘ cardiac metamorphosis ’’: Potential therapeutic implications.
Pharmacol. Ther., 2008, 118 , 277-294.
[30] Komuro I., Kudo S., Yamazaki T. et al. — Mechanical stretch activates the stress-activated protein kinases in cardiac myocytes . Faseb, J., 1996, 10 , 631-636.
[31] Kumphune S., Bassi R., Jacquet S. et al. — A chemical genetic approach reveals p38 alpha
MAPK activation by diphosphorylation aggravates myocardial infarction and is prevented by the direct binding of SB203580. J. Biol. Chem., 2010 , 285, 2968-75.
[32] Kompa A.R., See F., Lewis D.A. et al. — Long-term but not short-term p38 mitogen-activated protein kinase inhibition improves cardiac function and reduces cardiac remodeling post —myocardial infarction. J. Pharmacol. Exp. Ther . 2008, 325 , 741-50.
[33] Naito Z., Takashi W., Xu G. et al. — Different influences of hyperglucemic duration on phosphorylated extracellular signal-regulated Kinase 1/2 in rat heart.
Exp. Mol. Pathol ., 2003 , 74, 23-32.
[34] Mugoz J.P., Collao A., Chiong M. et al. — The transcriptum factor MEF2C mediates cardiomyocyte hypertrophy induced by IGF-1 signaling.
Biochem. Biophysic. Res. Comm., 2009, 388, 155-60.
[35] Kotlyar A-A., Vered Z., Goldberg I. et al. — Insulin-like growth factor I and II preserve myocardial structure in post infarct swine.
Heart , 2001, 86, 693-700.
[36] Pantos C., Mourouzis I., Cokkinos D.V. — Rebuilding the post-infarcted myocardium by activating ‘physiologic’ hypertrophic signaling pathways: the thyroid hormone paradigm.
Heart. Fail. Rev ., 2010, 15, 143-154.
[37] Pantos C., Mourouzis I., Cokkinos D.V. — Thyroid hormone as a therapeutic option for treating ischaemic heart disease: From early reperfusion to late remodelling. Vascul. Pharmacol .
(in press).
[38] Cokkinos D., Pantos C. — Les hormones thyroïdiennes, action sur le myocarde. Bull. Acad.
Natle Méd., 2009, 193 , 327-338.
[39] Tang YD, Kuzman JA, Said S. et al. — Low thyroid function leads to cardiac atrophy with chamber dilatation, impaired myocardial blood flow, loss of arterioles, and severe systolic dysfunction. Circulation, 2005, 112, 3122-3130.
DISCUSSION
M. Jean-Paul BOUNHOURE
Chez le rat, après ligature coronaire et au cours d’un diabète expérimental, le traitement par hormones thyroïdiennes réduit le remodelage ventriculaire et améliore la performance myocardique. Le traitement a des effets délétères en augmentant la fréquence cardiaque et la consommation d’O2. Peut-on réduire ces effets délétères et augmenter l’efficacité du traitement en l’associant aux bêta bloquants, aux IEC ? En dehors des infarctus expérimentaux, le traitement hormonal a-t-il des effets bénéfiques après banding aortique, ou dans les cardiomyopathies primitives ?
En effet, Degens et al. ont démontré que si l’administration de T3 à doses très fortes chez le rat est prolongée jusqu’ à vingt-huit jours on peut constater une diminution de la fonction cardiaque et une augmentation du facteur natriurétique pathologique. Ces auteurs ont constaté que l’hypertrophie pourrait être due á un état circulatoire hyperdynamique. Nous avons aussi trouvé que le propranolol et l’irbesartane peuvent prévenir l’hypertrophie produite par les hormones thyroïdiennes sans diminuer leurs effets cardioprotecteurs. (Pantos Cokkinos). L’ivabradine pourrait aussi se montrer efficace.
Concernant les cardiomyopathies primitives Kuzman et al . ont trouvé que T3 peut diminuer la fibronécrose chez le cobaye cardiomyopathique. HT améliorent la surcharge de calcium observée après banding chez le rat, (Chang). Finalement, Ranasinghe et al ont constaté que T3 peut améliorer la fonction cardiaque quand elle est administrée pendant la chirurgie cardiaque.(Ranasinghe) M. André VACHERON
Dans la cardiomyopathie diabétique qui survient chez des patients à coronaires saines et pression artérielle normale et qui est due à une fibrose interstitielle avec hypertrophie myocardique, les hormones thyroïdiennes pourraient-elles avoir un effet favorable sur la dysfonction diastolique ?
En effet, le diabète, même sans atteinte des artères coronaires, est caractérisé par une fibrose cardiaque exagérée et une résistance à l’insuline. Une action dominante des HT est la diminution de la fibrose (Yao et Eghbali). Le diabète produit aussi un phénotype fœtal, renversé par T3, (Young, Mc Nulty, Taegtmeyer). La relation entre les HT et la résistance à l’insuline est complexe. Ambrosi et al et Chen et al ont trouvé une relation inverse, tandis que Lambadiari et al . une relation positive. Bien récemment, Lin et Sun ont démontré que les HT augmentent l’utilisation de glucose par les adipocytes via la phosphorylation de Akt.
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 1, 151-165, séance du 11 janvier 2011