InformationJean-Pierre Goullé *
INFORMATION
L’arsenic, un poison d’actualité
Jean-Pierre GOULLÉ *
Dans certaines régions du monde, l’eau des nappes phréatiques est naturellement contaminée par l’arsenic. Plus de soixante-dix pays seraient touchés par cette pollution. Parmi eux, le continent indien connaît la situation la plus critique. Selon une étude récente [1] au Bangladesh, un décès sur cinq est causé par l’arsenic et dans les populations exposées, le taux de mortalité est supérieur de 60 à 70 % à la normale. Richard Wilson (Harvard) ajoute : « la magnitude du problème est cinquante fois supérieure à celle de Tchernobyl, mais elle attire cinquante fois moins d’attention ».
La population rurale bangladaise s’approvisionne en eau dans des puits creusés par des organisations non gouvernementales dans les années 1970 pour lutter contre les épidémies. Malheureusement, l’eau de ces puits se charge progressivement en arsenic en traversant des couches géologiques riches en ce minéral toxique. Plus de deux millions de puits sont ainsi contaminés. Sur 145 millions de bangladais, 77 millions consomment une eau dont la concentration en arsenic dépasse le seuil retenu par l’OMS (10 μg/L). Cette pollution affecte la santé de millions d’habitants. L’OMS dénombre plus de 300 000 décès dûs à des cancers de la peau, du poumon et de la vessie. Il s’agit de la plus grande catastrophe écologique de tous les temps. Le plus difficile est de changer le comportement des villageois, habitués à consommer cette eau depuis des dizaines d’années et qui ont des difficultés à associer cet arsenicisme chronique à une maladie qui tue. Il est urgent d’éradiquer cette contamination :
— en traitant l’eau des puits contaminés avec des filtres spécialement conçus à cet effet, — en creusant des puits plus profonds dans des nappes aquifères non poluées.
[1] AHSAN and al. — Arsenic exposure from drinking water, and all-cause and chronic-disease mortalities in Banladesh (HEALS) : a prospective cohort study. Lancet, 2010, 376, 252-8 * Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, e-mail : jean-pierre.goulle@univ-rouen.fr
Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 8, 1629, séance du 30 novembre 2010