Résumé
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune spécifique d’organe dont la cible est la myéline du système nerveux central. Son évolution clinique est le résultat de l’interaction de deux acteurs cliniques, les poussées neurologiques et la progression du handicap irréversible. Les premières reflètent l’apparition d’une nouvelle lésion focale aigüe ou la réactivation d’une lésion ancienne. A l’opposé, la progression correspond à la dégéné- rescence diffuse chronique et progressive du système nerveux central qui caractérise la SEP dès son début à côté des lésions focales. Selon la conception auto-immune, la succession des poussées cliniques et, plus encore, infracliniques aboutirait à l’accumulation du handicap irréversible au même titre que l’accumulation des lésions focales aboutirait à la neurodégé- nérescence diffuse. La réalité n’est pas aussi simple ni exclusive. Aussi bien à l’échelon d’un individu qu’à celui d’une population de malades analysés statistiquement, il est possible de montrer que, contrairement à l’intuition naturelle, les poussées ne contribuent que faiblement à l’accumulation du handicap neurologique irréversible. On en arrive au même type de conclusion en IRM à propos de l’influence des lésions focales sur la neurodégénérescence diffuse. Enfin, la suppression des poussées et de l’activité IRM à l’aide des traitements immuno-actifs actuellement disponibles n’enraye habituellement pas la poursuite de la progression neurologique et de l’atrophie cérébrale. Ainsi, jusqu’à ces toutes dernières années, notre vision de la physiopathologie de la SEP a été en quelque sorte frappée de myopie. Au même titre qu’un seul arbre peut cacher une forêt entière, l’accent a trop longtemps été mis sur les lésions focales inflammatoires aiguës et les poussées. A côté de ce premier couple clinico-biologique, il en existe un second, celui de la progression et de la neurodégénérescence diffuse chronique. Celui-ci, longtemps resté dans l’ombre est, en réalité, essentiel. Tout se passe comme s’il évoluait de façon autonome, indépendante des poussées et des lésions focales. Faut-il, dès lors, en arriver à considérer la SEP comme une maladie non plus primitivement auto-immune mais primitivement dégénérative avec autoimmunisation secondaire ? C’est sans doute aller trop loin. Les études anatomopathologiques récentes montrent bien la présence de cellules inflammatoires activées, de type microglial, diffusément dans le système nerveux central, qui pourraient être à l’origine de processus inflammatoires délétères, même si ceux-ci ne sont pas véritablement autoimmuns, à la différence de ceux qui opèrent dans les lésions aiguës. Si l’on admet ce schéma physiopathologique de la maladie, nos stratégies thérapeutiques doivent évoluer. Il ne suffit plus de traiter la composante inflammatoire focale aigüe de la maladie, ce que l’on sait faire avec les moyens actuels. Il faut s’attaquer aussi à la composante inflammatoire diffuse qui est sanctuarisée dans le système nerveux central au-delà de la barrière hémato-encéphalique et qui évolue chroniquement à bas bruit. C’est la nouvelle frontière dans le traitement de la SEP.
Summary
Multiple sclerosis (MS) is an organ-specific autoimmune disease targeting central nervous system myelin. The clinical course results from an interplay between relapses and progression. Relapses are the clinical counterpart of acute focal inflammation of the central nervous system, whereas progression is due to chronic diffuse neurodegeneration. According to the autoimmune theory, successive clinical and especially subclinical relapses eventually lead to irreversible disability, while the accumulation of focal lesions explains the diffuse neurodegeneration. Things are not that simple, however. Relapses are not the main contributor to irreversible disability, as shown both in individual patients and at the population level. Likewise, MRI studies show that focal lesions are not entirely responsible for the diffuse neurodegeneration. Relapse prevention with disease-modifying drugs does not markedly influence the onset of irreversible disability or the progression of cerebral atrophy. In fact, acute inflammatory focal lesions and relapses may be the ‘‘ tree that hides the forest ’’. Indeed, clinical progression and chronic diffuse neurodegeneration both play a key role, developing independently of relapses and focal lesions. Should MS therefore be considered a primary degenerative disorder rather than a primary autoimmune disease ? Not yet : recent pathological studies clearly demonstrate the presence of disseminated activated microglial-like inflammatory cells in the central nervous system. These could lead to a deleterious inflammatory process, even if not specifically autoimmune, unlike the inflammation occurring in acute lesions. If this pathogenetic picture of the disease is correct, then it has implications for therapeutic strategies. Indeed, treating the acute focal inflammation, as we successfully do nowadays, will not be enough. It will also be necessary to extinguish the slow-burning diffuse inflammation nested in the central nervous system behind the bloodbrain barrier. This is the new therapeutic challenge in MS.
La sclérose en plaques (SEP) est l’affection neurologique chronique évolutive invalidante d’origine non traumatique la plus fréquente chez l’adulte jeune en France [1].
Elle touche environ une personne sur mille, soit 65 000 français, dont deux mille à trois mille nouveaux chaque année. Il s’agit d’une femme deux fois plus souvent que d’un homme. Aussi surprenant que ceci puisse paraître en 2007, la définition de la SEP reste anatomopathologique. Aucun autre type de test diagnostique spécifique n’est encore disponible. Ainsi, la SEP correspond à une inflammation et à une
démyélinisation sélectives et chroniques du système nerveux central, avec un respect habituel de la substance grise et du système nerveux périphérique.
Son évolution globale est polymorphe mais obéit à certaines règles [1]. Elle est le reflet de l’interaction de deux acteurs cliniques, les poussées et la progression. Une poussée se définit par l’apparition de nouveaux symptômes, la réapparition d’anciens symptômes ou l’aggravation de symptômes pré-existants. Elle se développe de manière subaiguë, en quelques heures à quelques jours, jusqu’à une phase de plateau suivie d’une récupération plus ou moins complète. Elle dure un minimum de vingt-quatre heures. La progression est définie par une aggravation continue des symptômes neurologiques sur une période d’au moins six mois. Une fois amorcée, elle ne s’interrompt plus. Selon que l’un ou l’autre ou ces deux types d’évènements cliniques sont observés chez un malade, trois formes évolutives de la maladie peuvent être définies (Figure 1). Les formes récurrentes-rémittentes sont marquées exclusivement par les poussées. Celles-ci peuvent laisser des séquelles neurologiques définitives mais qui, par définition, resteront stables dans l’intervalle des poussées. Il n’y a donc pas de progression associée. Les formes secondairement progressives correspondent à des malades qui ont atteint la progression après avoir connu une période purement récurrente-rémittente de la maladie. En effet, et ceci est à bien comprendre, la majorité des formes récurrentes-rémittentes se transforme, au fil du temps, en des formes secondairement progressives. Quant aux formes progressives d’emblée, elles sont marquées dès le début de la maladie par la progression. Dans près de 40 % des cas, des poussées se surajoutent à la progression et cela est vrai aussi bien pour les formes secondairement progressives que pour les formes progressives d’emblée.
La maladie débute en moyenne à trente ans, sur un mode rémittent dans 85 % des cas et progressif dans les 15 % restants [1]. Elle le fait par une atteinte isolée ou associée des fibres longues du système nerveux central, du tronc cérébral ou d’un nerf optique dans, respectivement, 70 %, 20 % et 25 % des cas. Les poussées surviennent, en moyenne, tous les deux ans. A la suite d’un début rémittent, la progression secondaire s’installe en moyenne dix-neuf ans plus tard. Tous malades confondus, c’est au terme moyen de huit ans, vingt ans et trente ans, respectivement, que ceux-ci deviennent définitivement limités dans leur marche, doivent s’aider d’une canne ou deviennent tributaires d’un fauteuil roulant. En fait, cette vitesse d’accumulation du handicap irréversible est très variable selon les individus, même si elle semble relativement fixe chez un même individu. Tous les intermédiaires existent entre des formes malignes rapidement mortelles et des formes bénignes qui restent compatibles avec une vie finalement normale. Ces formes bénignes représentent environ 30 % des cas. Il existe même des formes asymptomatiques. Les facteurs prédictifs cliniques et paracliniques bien connus dont nous disposons désormais ont une valeur statistique indé- niable. Ainsi, un âge de début précoce, le sexe féminin, un début rémittent, une névrite optique inaugurale, un intervalle supérieur à deux ans entre les deux premiè- res poussées, un liquide céphalo-rachidien non inflammatoire, une absence ou un faible nombre de lésions sur l’examen d’imagerie par résonance magnétique (IRM) de l’encéphale sont autant de facteurs pronostiques favorables. Malheureusement,
FIG. 1. — Classification des types évolutifs de la sclérose en plaques.
A : les trois types principaux.
B : les cinq types détaillés.
ces prévisions, aussi exactes qu’elles soient, manquent de précision et se révèlent d’un secours illusoire face à un malade.
Ces dernières décennies, tout particulièrement depuis le début des années 90, ont vu le développement des bases de données et la constitution de grandes cohortes de malades représentatives de la SEP [2]. Ces efforts continus ont permis de vraies avancées dans des domaines cliniques de la maladie qui restaient méconnus, comme
l’influence de la grossesse sur le cours évolutif de la maladie [3], le risque de survenue de poussée après une vaccination [4], ou les particularités des SEP débutant dans l’enfance [5]. Mais c’est probablement l’évaluation du poids respectif des poussées et de la progression dans l’accumulation du handicap irréversible qui mérite le plus d’attention. Elle aboutit en effet à de nouveaux concepts pathogéniques et thérapeutiques [6].
Il existe désormais un niveau de preuve élevé selon lequel les poussées sont le reflet clinique de l’apparition d’une nouvelle lésion aigüe focale inflammatoire démyélinisante ou de la réactivation d’une lésion ancienne dans le système nerveux central [1]. A l’opposé, la progression reflète, selon toute vraisemblance, la dégénérescence diffuse chronique et progressive du système nerveux central qui caractérise la SEP dès son début à côté des lésions focales [1]. Classiquement, on considère donc que la SEP est une maladie auto-immune spécifique d’organe et que l’inflammation est la source de la neurodégénérescence. La succession des poussées finirait par conduire à l’accumulation du handicap et la progression serait le résultat de poussées infracliniques. De plus, il est désormais bien démontré que les axones peuvent se trouver sectionnés au sein même des lésions aigües focales inflammatoires [7]. Cela étant, une série d’observations viennent remettre en question ce schéma classique de la pré-éminence des poussées et des lésions focales dans l’accumulation du handicap irréversible de la SEP.
Il y a d’abord eu, dans les années 70, les travaux basés sur des examens neurologiques quantifiés réalisés successivement pendant plusieurs années chez les mêmes malades.
Ils montrent clairement que l’accumulation des anomalies neurologiques à l’échelon individuel se fait de façon progressive, soit linéaire, soit exponentielle mais alors avec une inflexion faible, dès le tout début de la maladie, et cela que les poussées soient manifestes ou non durant l’évolution de la maladie [8,9]. Plus récemment, des résultat similaires ont été observés à l’échelon de groupes de malades, principalement dans la cohorte lyonnaise de patients atteints de SEP [6]. Ainsi, l’analyse de l’accumulation du handicap irréversible une fois qu’un premier seuil de handicap irréversible a été atteint, par exemple le moment à partir duquel le malade commence à éprouver une certaine limitation dans sa marche, permet de montrer que l’accumulation ultérieure du handicap, au-delà de ce premier niveau, devient similaire que l’évolution initiale de la maladie air été rémittente ou progressive [6,10]. D’une manière plus générale, l’ensemble des facteurs cliniques qui ont pu être identifiés comme ayant une valeur prédictive à compter du début de la maladie et qui ont été mentionnés plus haut perdent toute influence sur la vitesse d’accumulation du handicap une fois atteint un premier niveau de handicap fixé (Figure 2) [11]. Tout se passe comme si l’évolution de la maladie était devenue amnésique des évènements initiaux, en particulier du mode de début (rémittent, et alors précoce aux alentours de trente ans, vs progressif et alors plus tardif aux alentours de quarante ans) [11], et comme s’il existait une véritable dissociation entre les poussées et la progression du handicap [6]. Ce concept se trouve renforcé par la démonstration que la vitesse d’accumulation globale du handicap n’est pas influencée non plus par la présence ou l’absence de poussées surajoutées
FIG. 2. — Schéma récapitulatif des médianes de délai de survenue du handicap irréversible, pour les formes à début rémittent et les formes progressives d’emblée, parmi les 1844 patients de la cohorte lyonnaise de patients atteints de sclérose en plaques. (D’après référence 6) DSS 4 : périmètre de marche limité, mais supérieur à 500 mètres sans aide et d’une traite.
DSS 6 : marche avec une canne et périmètre de marche inférieur à 100 mètres d’une traite.
DSS 7 : marche limitée à quelques pas au domicile, avec l’aide des meubles ou des murs.
à la phase progressive de la maladie, que celle-ci soit primitive ou secondaire [6].
Enfin, le phénotype clinique de la SEP et les étapes du handicap fonctionnel sont essentiellement rythmées par l’âge du malade (Figure 3) [12,13]. Qu’il s’agisse du début de la phase récurrente-rémittente, de celui de la phase progressive ou de l’atteinte des différents niveaux de handicap irréversible, la distribution des malades selon leur âge au moment de la survenue de ces différents évènements est similaire, que le début de la maladie ait été rémittent ou progressif. Ce sont, bien entendu, des vérités statistiques qui souffrent tous les écarts possibles à l’échelon individuel.
Par ailleurs, la suppression des poussées et de l’activité IRM à l’aide des traitements immuno-actifs appropriés n’enraye habituellement pas la poursuite de la progression neurologique et de l’atrophie cérébrale [14]. Les interferons béta, traitement de référence actuel de première ligne dans la SEP, aboutissent à une reduction de 30 % de la fréquence des poussées et de 50 % de l’activité IRM. Malgré cela, leur effet sur le handicap est, au mieux, marginal [14]. L’administration d’alemtuzumab, un anti-
FIG. 3. — Schéma récapitulatif des médianes d’âge de survenue du handicap irréversible, pour les formes à début rémittent et les formes progressives d’emblée, parmi les 1844 patients de la cohorte lyonnaise de patients atteints de sclérose en plaques [12].
DSS 4 : périmètre de marche limité, mais supérieur à 500 mètres sans aide et d’une traite.
DSS 6 : marche avec une canne et périmètre de marche inférieur à 100 mètres d’une traite.
DSS 7 : marche limitée à quelques pas au domicile, avec l’aide des meubles ou des murs.
corps monoclonal antilymphocytaire particulièrement puissant, à des malades atteints de SEP très évolutive en termes de fréquence des poussées, de vitesse d’accumulation du handicap et d’activité IRM, permet d’obtenir une lymphopénie profonde et prolongée et la quasi suppression des poussées et de l’activité IRM.
Pourtant, l’accumulation du handicap et l’atrophie cérébrale se poursuivent [15].
Les mêmes constatations ont été faites avec la cladribine, la mitoxantrone, le cyclophosphamide, et l’autogreffe de moëlle osseuse [14].
Ainsi, jusqu’à ces toutes dernières années, notre vision de la physiopathologie de la SEP a été en quelque sorte frappée de myopie [1]. Au même titre qu’un seul arbre peut cacher une forêt entière, l’accent a trop longtemps été mis sur les lésions focales aigües d’inflammation et de démyélinisation disséminées dans l’ensemble du système nerveux central avec leur corollaire clinique, les poussées neurologiques. En réalité, et cela est confirmé par les études en IRM sur la volumétrie cérébrale, celles
avec les techniques d’IRM avancées sur la substance blanche dite d’apparence normale en IRM conventionnelle, et celles en anatomopathologie sur l’ensemble de l’encéphale, à côté de ce premier couple clinico-biologique, il en existe un second, celui de la progression du handicap neurologique et de la neurodégénérescence diffuse chronique (Figure 4). Ce second couple longtemps resté dans l’ombre est, en réalité, essentiel. En effet, contrairement à l’intuition naturelle, les poussées ne contribuent que faiblement à l’accumulation du handicap neurologique irréversible dans la SEP [1,6]. On en arrive au même type de conclusion à propos de l’influence des lésions focales sur la neurodégénérescence diffuse en IRM. Tout se passe comme si le couple progression/dégénérescence évoluait de façon autonome, indépendante des poussées et des lésions focales — nouvel exemple de ‘‘ dissociation ’’ dans la SEP. Faut-il en arriver à considérer la SEP comme une maladie non plus primitivement auto-immune mais primitivement dégénérative avec auto-immunisation secondaire ? C’est sans doute aller trop loin. Les études anatomopathologiques ré- centes montrent bien la présence de cellules inflammatoires activées, de type microglial, diffusément dans le système nerveux central [16,17]. Autrement dit, la dégéné- rescence diffuse est probablement liée à des processus inflammatoires, même si ceuxci ne sont pas proprement auto-immuns, à la différence de ceux qui opèrent dans les lésions aiguës. Si l’on admet ce schéma physiopathologique de la maladie, nos straté- gies thérapeutiques doivent évoluer. Il ne suffit plus de traiter la composante inflammatoire focale aigüe de la maladie, ce que l’on sait faire avec les moyens actuels. Il faut s’attaquer aussi à la composante inflammatoire diffuse qui est sanctuarisée dans le système nerveux central au-delà de la barrière hémato-encéphalique et qui évolue chroniquement à bas bruit. C’est la nouvelle frontière dans le traitement de la SEP.
FIG. 4. — Schéma physiopathologique de la sclérose en plaques.
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p. 557-99.
DISCUSSION
M. Pierre RONDOT
Que penser des formes asymptomatiques de SEP, découvertes à l’examen neuropathologique ? N’est-ce pas l’illusion de la difficulté à fixer le début de la maladie ?
L’existence de formes totalement asymptomatiques de SEP est effectivement connue depuis la pratique des vérifications anatomiques. A l’heure actuelle, il n’est pas exceptionnel d’en découvrir de façon fortuite à l’occasion de la réalisation d’un examen IRM de l’encéphale dans des circonstances tout à fait étrangères à la SEP. Cela permet de rappeler l’extrême hétérogénéité de la vitesse de l’évolution neurologique ou, si vous préférez, de l’accumulation du handicap selon les individus dans la SEP. Tous les intermédiaires existent entre les formes bénignes, se manifestant par UN ou quelques épisodes neurologiques sans séquelles durant toute la vie, et donc compatibles avec une vie normale, et à l’inverse des formes malignes rapidement handicapantes, même mortelles en quelques semaines ou quelques mois. Cette notion doit être gardée à l’esprit. En effet, les données que j’ai présentées proviennent essentiellement d’analyses statistiques de cohortes de malades. Elles donnent l’impression d’une uniformité d’évolution des malades. Cela est vrai d’un point de vue statistique mais absolument pas à l’échelon individuel.
M. Bernard PESSAC
Quelles sont les investigations effectuées chez les jumeaux ‘‘ sains ’’ homozygotes ?
D’une manière générale, toutes les équipes qui se sont intéressées à la problématique des jumeaux dans la SEP concluent que, en présence d’un jumeau homozygote frappé par la maladie, la probabilité que l’autre jumeau soit lui-même atteint est d’environ 30 %. Cela étant, chez les jumeaux présumés sains et ne présentant donc pas de symptômes de SEP, il est parfois possible de détecter à l’imagerie cérébrale ou à l’analyse de la ponction lombaire des anomalies évocatrices d’une forme infraclinique de la maladie. Il est difficile d’en donner la fréquence tant ces études, par nature, ne portent que sur de faibles nombres de personnes.
M. Jean-Jacques HAUW
L’hypothèse d’une maladie dégénérative permet-elle d’expliquer le caractère focal bien limité de la lésion de démyélinisation ?
Bien entendu, a priori, le caractère focal des lésions inflammatoires aiguës de la SEP ne correspond pas typiquement à l’idée que l’on peut se faire d’une maladie primitivement dégénérative. Cela n’est pas impossible cependant. Il suffit de se rappeler certains cas d’adrénomyéloneuropathies ou de maladie de Leber. Il s’agit de maladies à déterminisme génétique. Elles peuvent donner lieu à des lésions inflammatoires, éventuellement focales, et même à des poussées cliniques. Cela dit, l’interprétation que j’ai proposée dans ma présentation est que la SEP est une maladie à déterminisme auto-immun mais que, d’un
point de vue clinique mais aussi anatomo-pathologique, elle adopte un comportement de type dégénératif qui, au terme d’un certain temps d’évolution de la maladie, ou parfois dès le début de celle-ci, arrive au premier plan de la scène.
M. Claude DREUX
Il est classique de dire que, dans les formes de SEP progressives d’emblée sans poussée, les traitements par interféron sont inutiles. Existe-t-il un traitement de la dégénérescence axonale ?
Il est malheureusement exact que nous ne disposons pas, à l’heure actuelle, d’un traitement efficace, et en tout cas d’efficacité prouvée, sur l’élément progressif de la SEP. Il y a même eu un essai de la Copaxone dans les formes progressives d’emblée sans poussée surajoutée. Il a été interrompu prématurément du fait de l’absence complète de différences entre les deux groupes à l’étude, c’est-à-dire le groupe traité et le groupe sous placebo.
Dans ces conditions, il faut reconnaître que, à l’heure actuelle, nous ne disposons pas de traitement de la dégénerescence axonale de la SEP. Malgré tout, en présence d’un malade avec des poussées surajoutées à la progression, les traitements de fond actuellement disponibles peuvent être proposés. Ils permettent habituellement de contrôler les poussées de la même façon qu’aux autres stades de la maladie. Enfin, certains malades qui en sont à un stade progressif sans aucune poussée surajoutée, ont parfois l’impression que les traitements de fond actuels, type interféron, permettent de stopper l’évolution de la maladie et que ce résultat est utile pour eux.
* Service de Neurologie A et Centre de Coordination EDMUS sur la sclérose en plaques, INSERM Unité 842, Hospices Civils de Lyon, Université Lyon 1, Hôpital Neurologique Pierre Wertheimer, 59 boulevard Pinel — 69677 Lyon-Bron cedex, e-mail : christian.confavreux@chu-lyon.fr Tirés à part : Professeur Christian CONFAVREUX, même adresse
Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 3, 483-493, séance du 4 mars 2008