Communication scientifique
Séance du 27 juin 2006

La maîtrise de la propreté de l’air des locaux opératoires : intérêt des mesures en activité et des examens microbiologiques

Air cleanliness in operating rooms : on-site controls and biological testing

Philippe Vichard, Daniel Talon, Thomas Schoenleber, Laurent Obert

Summary

Air cleanliness control in operating rooms is based on air filtration, and targets the lowest density of particules and bacteria. Legally, the equipment must be periodically verified during periods of inactivity. Most airborne bacteria are of human origin. There is no fixed ratio between the particle count and the level of bacterial contamination. A study of different types of operating room at Besançon Medical Center reached the following conclusions : — Controls are also required during periods of activity. — Bacteriological testing is crucial. — Unidirectional air flow, especially of the horizontal type, is superior to other forms of isolation. The authors propose a ‘‘ Functionality index ’’, calculated as follows : bacterial count during use of the room minus bacterial count during non use/the number of people in the room. Efficient equipment would have a low index, which would be unmodified by the number of persons present.

Après intervention, l’infection du site opératoire (ISO) reconnaît trois origines éventuelles : le patient, l’équipe chirurgicale, l’air ambiant. En matière d’aérobiocontamination, la maitrise de la propreté de cet air s’appuye sur son filtrage et son soufflage.

La sélection du dispositif à retenir pour ces opérations doit se faire, avant tout, sur des critères scientifiques seuls envisagés ici. Et les chirurgiens doivent se sentir concernés par ce choix, fruit d’une concertation avec, notamment les hygiènistes.

Ainsi, le présent travail résulte de la collaboration du service de chirurgie orthopé- dique, traumatologique et plastique d’une part, et du service d’hygiène hospitalière d’autre part, au sein du CHU de Besançon.

HISTORIQUE ET PROBLÉMATIQUE 1967 est une date importante de l’histoire de la prophylaxie de l’aérobiocontamination : le chirurgien anglais John Charnley, exerçant alors au Wrightington Hospital de Manchester (GB) prouve que les progrès dans le filtrage de l’air des blocs opératoires font chuter le taux des infections post-opératoires qui, dans certaines statistiques orthopédiques, atteignait alors plus de 10 %. [1]. Il utilise personnellement, au sein d’une cabine de verre, un courant vertical d’air filtré, permettant son échappement, grâce à une interruption des parois, à distance du sol (Fig 1) .

FIG. 1. — La « Serre » de J. Charnley. On notera les parois de verre n’atteignant pas le sol, pour permettre l’échappement de l’air.

Par ailleurs, il insiste sur la relation existant entre les particules vivantes de l’air ambiant, et les unités formant colonies (UFC/m3) : pas de particule, pas de microbe.

Enfin, il analyse parfaitement l’origine humaine de la plupart des particules, préconisant une tenue étanche (non tissée) des opérateurs, assurant, par ailleurs, l’évacuation des particules, à partir des surfaces émettrices du corps (téguments d’une part, voies digestives et respiratoires d’autre part). C’est son célèbre « scaphandre » (Fig 2). D’où, après mise en service de ce dernier, une nouvelle chute du taux des infections des environs de 2 % (où l’avait fait parvenir l’ultra- filtration des particules) à moins de 1 %, et à des valeurs qui n’ont guère baissé depuis.

Charnley est parvenu à ces conclusions grâce a une méthodologie rigoureuse : en ne modifiant que séparément et progressivement, les paramètres susceptibles de faire

FIG. 2. — Le « scaphandre » de J. Charnley. C’est une tenue étanche, non tissée, avec reprise de l’air sous jacent, et des particules émises par le chirurgien.

chuter le taux des infections du site opératoire (ISO). Parallèlement, toute antibiothérapie était bannie.

Après la corrélation, établie par Charnley, entre le filtrage et le taux des ISO, d’autres auteurs ont cherché à établir des relations entre le type de ventilation et le taux particulaire, microbien, voire la fréquence des ISO.

Parallèlement, les hygiénistes hospitaliers, les équipementiers sanitaires adoptaient des normes européennes, internationales ou françaises. Ces normes ne sont pas des lois, mais des références scientifiques ou techniques qui facilitent les échanges.

Cependant, leur connaissance et leur respect constituent de précieux atouts, en cas de procédure contentieuse.

FIG. 3. — La norme AFNOR NF S 90-351 (Juin 2003).

Le terme « classes ISO » désigne les catégories de salles, correspondant à des « fourchettes » de taux particulaires identiques.

La norme NF S 90-351 de Juin 2003 [2] a le mérite de rappeler les normes antérieures précisant les classes de propreté particulaire de l’air (Fig 3). Elle donne connaissance des classes de propreté bactériologique (Fig 4), du taux de brassage, de la cinétique de dépoussiérage et des classes correspondantes (Fig 5 et 6), du niveau souhaitable de surpression (15Pa), par rapport au voisinage, précise les zones hospitalières correspondant aux différentes spécialités dans les établissements de santé (Fig 7), les performances requises pour une zone donnée, le type d’installation éventuellement recommandé.

On peut reprocher à cette norme, que tous les taux souhaités, et exprimés par des « fourchettes », correspondent à des salles hors présence humaine, et hors fonctionnement, autrement dit d’exclure les situations où la production de particules dangereuses, émises par l’homme, est majeure.

Certes, pour la première fois, est introduit le concept de cinétique de dépoussiérage, c’est-à-dire le temps nécessaire pour ramener, à un taux jugé licite (90 % du chiffre souhaité) un local, qui a été, volontairement, empoussiéré. Et les classes correspondantes de cette cinétique ont été définies. Cette vitesse de dépoussiérage s’avère, bien sûr capitale, car les particules, et donc les germes, qui proviennent avant tout du personnel occupant la salle (de son nombre et de son activité) resteraient à un taux illicite, compte tenu des entrées, sorties des malades et du personnel, si la cinétique n’était pas extrêmement rapide. Mais, malgré l’introduction officielle de ce paramè- tre, la norme continue à évoquer des locaux hors occupation.

FIG. 4. — Les classes bactériologiques (dites B). Elles regroupent les salles d’opérations aux concentrations bactériennes, comprises entre des valeurs identiques (exprimées en unités formant colonie par mètre cube d’air).

FIG. 5. — La cinétique de décontamination. C’ est le temps mis, par une installation de traitement de l’air d’une salle d’opérations, pour ramener le taux particulaire de cette salle, à 90 % de sa valeur habituelle, lorsqu’elle a été volontairement réempoussiérée. En abscisse, figure le temps en minutes, en ordonnée, la concentration particulaire (CP).

Si le taux particulaire chute verticalement avec le temps, la cinétique est rapide, l’installation efficace.

Les différentes courbes matérialisent les résultats obtenus en différentes salles.

FIG. 6. — Les classes de cinétique de décontamination. Elles regroupent les salles d’opérations, aux résultats compris dans des fourchettes de temps identiques.

FIG. 7. — Tableau des zones hospitalières, classées selon le risque infectieux. Quatre zones (à risque croissant) ont été retenues. Figurent en face les spécialités correspondantes.

FIG. 8. — Rappel des valeurs requises par la norme de Juin 2003, et concernant différents paramètres retenus pour les locaux, ressortissant aux zones, définies dans la figure 7.

D’où notre travail… Nous souhaitons dégager :

— Les conséquences particulaires de la présence humaine et de l’activité — Les conséquences bactériologiques, dans les mêmes conditions.

En effet, on n’a pas jusqu’ici établi de relation mathématique entre le taux de particules et celui des colonies microbiennes, même si on sait que ces deux variables évoluent dans le même sens. Par ailleurs, il est logique de penser que la contamination bactérienne de l’air serait fortement majorée par la présence humaine et l’activité. Enfin, seule la bactériologie, peut nous informer, d’une part sur le caractère pathogène des germes, les résistances, d’autre part sur les relations de cause à effet entre la composition microbienne de l’air et l’ISO, sur les contaminations croisées, en typant les bactéries.

— Comme nous utilisons, à Besançon, des installations très diverses, il devrait être possible de comparer leur efficacité respective.

MATÉRIEL

Au niveau du Centre hospitalier régional (CHR) de Besançon, nous avons retenu :

— Une salle dite 1, caractérisée par un flux unidirectionnel, horizontal, intégral, avec reprise. L’espace protégé est considérable (110 m3). L’émission de l’air est réalisée au niveau d’une des quatre parois verticales de la salle, avec reprise du côté opposé. Il s’agit, dans le cas particulier, d’un flux intégral, où toute la salle d’opérations est balayée par le flux. Mais il pourrait s’agir d’un flux partiel, avec cabine centrale, entourée d’un espace non protégé.

— Une salle 2, avec un flux unidirectionnel, vertical, partiel, avec reprise. L’espace protégé y est beaucoup plus réduit (27 m3). Un flux vertical ne peut être que partiel, car la reprise de l’air ne peut être réalisée, au niveau du sol ; elle doit être latérale.

— Une salle 3, une salle 4, qui bénéficient d’un flux turbulent et dont les caracté- ristiques sont identiques : L’émission se fait par des bouches situées à proximité du plafond. La reprise, qui n’est pas obligatoire (certaines salles, comme les nôtres, ne permettent pas le recyclage), peut être réalisée par d’autres bouches, dont la disposition est laissée à l’appréciation du concepteur. Ces deux salles sont à vocation aseptique.

— Une salle 5, à flux dit stabilisé. Le plafond d’émission est relativement grand (3m, 300 × 3m, 220), mais la vitesse est limitée à 0,25 mètres/seconde. Le but des concepteurs était de compenser un investissement relativement lourd (approximativement 3 fois celui d’un flux unidirectionnel) par des frais de fonctionnement moins importants. Ce flux stabilisé a donc la faveur de certaines administrations hospitalières.

— Une salle 6, à flux turbulent, ayant les mêmes caractéristiques que les salles 3 et 4, mais à vocation septique.

MÉTHODES

Hors activité

Dans chaque salle, le service d’hygiène hospitalière, utilisant le compteur BIOTEST APC PLUS, a effectué trois comptages particulaires de une minute chacun, au niveau de cinq points définis de la zone, où sont réalisées les interventions (particules de 0,3 microns, de 0,5 microns et 1 micron), de façon à situer la classe de la salle, dans l’échelle ISO de la norme NF S 90-351.

Parallèlement, ont été systématiquement déterminés la température, le degré d’hygrométrie, le taux de brassage, la cinétique de dépoussiérage, la vitesse du flux (si unidirectionnel).

Le différentiel de pression a été apprécié qualitativement, avec la poire à fumée, mais la mesure précise n’a pas été systématique.

Les bactéries ont fait l’objet de prélèvements, grâce à un BIO impactor 100/08 de Air stratégie. Les cultures ont été faites sur gélose Mueller-Hinton (tryptican-soja) 72 heures à 30° C. Les cultures mycosiques ont demandé 48 heures de plus à température ambiante. Les cinq sites, déjà retenus pour la détermination des taux particulaires, ont été choisis. Au niveau de chacun d’entres eux, il a été prélevé, chaque fois, l × 250 litres, soit un total supérieur à un m3.

En activité , les comptages particulaires ont été réalisés en continu.

Quant aux mesurages bactériologiques, ils ont concerné dix interventions, toujours au même endroit, dans un périmètre de 1,50 mètre autour la table d’opérations, à TO et à T30. Chaque fois, ont été réalisés des prélèvements de 2×100 litres. Les valeurs obtenues ont été rapprochées de celles obtenues hors activité.

Il s’agit donc de prélèvements d’air par aspiration, qui, ont été réalisés par un seul opérateur, utilisant toujours le même appareil. Des prélèvements multicentriques, dans l’état actuel des techniques et des matériels, ne pourraient être considérés comme reproductibles, la méthode etant trop opérateur-dépendante.

Il faut préciser que les chiffres, retenus au sujet des bactéries, correspondent à la moyenne des résultats des différents prélèvements.

RÉSULTATS

Hors activité

Au plan particulaire, seules les salles à flux unidirectionnel émergent, avec, nettement derrière, mais « dans les temps » la salle à flux stabilisé, qui est donc ISO 5, de ce point de vue (tableau no 1).

TABLEAU 1. — Les taux particulaires, relevés dans nos 6 salles, et les classes iso correspondantes.

Au plan bactérien, les salles à flux unidirectionnel font mieux que la norme, mais toutes les autres, y compris le flux stabilisé, sont classées B 100 (tableau no 2).

Enfin, l’étude de la cinétique de dépoussiérage identifie un hiatus entre les flux unidirectionnels et les autres (tableau no 3).

Le tableau no 4 résume les résultats des différentes salles, hors activité. Le taux de brassage laisse apparaître une supériorité écrasante du flux unidirectionnel horizontal intégral, tandis que le vertical partiel et le stabilisé obtiennent des résultats très voisins. Toutefois, l’unidirectionnel vertical est, des deux, le seul recommandé par la norme pour équiper une salle de zone 4, car le flux stabilisé est crédité d’un taux de brassage horaire inférieur à cinquante certes, mais aussi d’un taux microbien médiocre (B 100).

En activité

On doit préciser que les valeurs trouvées ne concernent que des particules de plus de 0,5 microns, comme le stipulent les normes. Le tableau no 5 permet d’affiner la comparaison flux unidirectionnel — flux stabilisé. Il montre en effet que des événements intercurrents (comme la mise en route du bistouri électrique, ou l’agitation du personnel) sont suivis d’une « normalisation » beaucoup plus lente, pour le stabilisé. Ce phénomène est encore plus explicite, en ce qui concerne les flux turbulents, sur le tableau 6, qui concerne ces derniers.

Quant au tableau no 7 il prouve la médiocrité des flux turbulents dans le domaine bactériologique : à tout moment, on observe un gradient devenu considérable entre les flux non unidirectionnels, où le taux microbien est toujours supérieur à 50 UFC/m3, et peut atteindre environ 400 UFC/m3, et les flux unidirectionnels, qui se cantonnent en dessous de 50 UFC/m3.

Les résultats bactériologiques des prélèvements accentuent le hiatus existant déjà en matière particulaire : cette fois le flux stabilisé rejoint la cohorte des flux turbulents.

Tableau 2. — Les taux bactériens relevés dans nos 6 salles, et les classes B correspondantes.

TABLEAU 3. — Les cinétiques de dépoussiérage, relevées dans nos 6 salles.

TABLEAU 4. — Les principales performances de nos 6 salles, au repos, précédées d’un rappel des exigences correspondantes de la zone 4. Des couleurs soulignent les catégories (flux unidirectionnel par exemple), dans lesquelles figurent les différentes salles.

TABLEAU 5. — Il affine la comparaison flux unidirectionnel-flux stabilisé, en prenant en considération l’évolution du taux particulaire, sous l’effet d’un incident (ici le bistouri électrique).

TABLEAU 6. — Il montre que l’évolution du taux particulaire est encore plus lente sous flux turbulent classique (non stabilisé).

TABLEAU 7. — Le taux bactérien (en ordonnée) des 6 salles en activité a été déterminé au cours de 10 interventions, matérialisées en abscisse. On notera le hiatus existant entre les valeurs, correspondant aux flux unidirectionnels d’une part, et aux turbulents d’autre part. Ce hiatus rappelle celui observé au repos (figure no 2), mais ici le gradient est devenu considérable.

DISCUSSION

Interprétation des résultats

Non seulement les MESURAGES PARTICULAIRES en activité confirment les résultats hors activité, mais ils les amplifient, compte tenu des paramètres actuellement incontournables, que constituent le taux de brassage , et la cinétique de dépoussiérage .

Le taux de brassage est le produit de la surface d’émission et de la vitesse du flux.

C’est la clé d’une cinétique rapide de dépoussiérage , sans laquelle toutes les perturbations particulaires se combinent et se perpétuent. En salle no 1, un taux de brassage horaire de 207 autorise l’enchaînement des interventions, la présence de personnels multiples, sans retentissement sur le taux particulaire.

Cependant, il s’en faut que le taux de brassage élevé suffise à réduire le temps de dépoussiérage de la salle. Pour s’en convaincre il suffit de revenir sur la comparaison des salles 2 et 5. Elles bénéficient de taux de brassage voisins, alors que la cinétique de dépoussiérage de la salle 2 est très supérieure. C’est que la salle 5 compense sa vitesse lente, génératrice « d’économies de fonctionnement », par une plus importante surface d’émission, source d’un investissement plus élevé… Il est probable que le paramètre « débit » a majoré la cinétique de la salle 5, mais pas au point de lui donner un avantage suffisant, vis à vis du flux unidirectionnel de la salle 2. Pour parler comme naguère, le caractère « laminaire » a joué un rôle spécifique décisif.

On peut même détailler ce qui se passe, en salle 5 : la vitesse réduite, et l’absence de séparation physique, entre la zone protégée et la périphérie de la salle, autorise un mixage de leurs fluides, tandis que le soufflage plus concentré que celui d’une salle turbulente classique crée des courts circuits, de sorte que l’épuration de l’air, pollué par la présence humaine, se réalise trop progressivement, au terme d’une dilution.

Alors qu’avec un flux unidirectionnel,l’espace protégé est méthodiquement « lavé », sans recevoir d’air pollué, compte-tenu des différences de pression. Certes, le flux stabilisé s’inspire du dispositif primitif de Charnley, mais le chirurgien britannique avait conservé cette barrière physique, dont certains ont cru pouvoir se débarrasser (Fig 1).

Dés qu’on a recours à des MESURAGES BACTERIENS, la disparité entre les types d’installation devient caricaturale. C’est que l’activité humaine est la cause d’une inondation bactérienne, au moins partiellement pathogène, voire résistante, que les mesurages particulaires ne permettent pas d’apprécier .

Indice de fonctionnalité

L’un d’entre nous, Thomas Schoenleber, a eu le mérite de proposer la définition d’un indice de fonctionnalité (IF), qui mettrait en lumière le rôle péjoratif, quant à la
pollution bactérienne, du nombre de personnes présentes dans le local opératoire :

en effet, en activité, on ne peut comparer, équitablement, une salle où il y a cinq personnes, et une autre, où s’entassent quinze personnes….

Cet Indice de Fonctionnalité se définirait ainsi : IF= Taux bactérien en activité Taux bactérien hors activité/Nombre de personnes présentes au mètre cube. Il s’exprimerait en UFC par mètre cube et par personne. On éliminerait ainsi les paramètres étrangers au traitement de l’air.

Si on prend en compte la fiabilité des prévisions, on obtient un intervalle de confiance à 95 %.

Toute une série de constatations confirme l’importance du facteur humain.

Le tableau no 8 compare les taux bactériens hors activité, puis en activité à T0 et T30 dans chaque salle. Ainsi les flux unidirectionnels « tolèrent » l’activité, bien mieux que les autres.

Le même tableau no 8 montre qu’après trente minutes, la « tempête » microbienne, qui éclate au début de l’intervention, en flux turbulent, tend à s’apaiser.

Enfin le tableau no 9 fournit le taux bactérien, en fonction du nombre de personnes, et ceci dans chaque salle d’opérations. Et on constate que la salle no 1, où l’état d’occupation est le plus élevé, est celle où le taux bactérien est le plus faible (8 UFC/m3).

Enfin, le tableau no 10 met en lumière les indices de fonctionnalité des différentes salles. Plus l’indice est faible et plus est réduite la plage où se situent les résultats, meilleur est le dispositif de ventilation.

Comparaison scientifique des installations

Les mesurages hors activité sont donc utiles, pour tester les installations au départ, ou, à l’inverse à intervalles réguliers, pour vérifier leur bonne marche. Ils sont à réaliser par le personnel du bloc correspondant qu’ils instruisent et motivent. Il s’agit d’un travail simple, et d’autant plus rapide que les résultats peuvent actuellement, pour la plupart, s’afficher, en temps réel.

Mais pour choisir un appareillage, surveiller étroitement son fonctionnement, comparer diverses installations, rien ne remplace une étude fonctionnelle, à la fois particulaire et bactérienne, avec le concours des hygiénistes. Il serait intéressant que des indices, du type de celui proposé par l’un d’entre nous, et caractéristiques d’une installation donnée, servent à la sélection des dispositifs les plus efficaces.

Il ressort de notre étude personnelle, qu’en zone 4, le haut débit est nécessaire à l’obtention d’une cinétique de dépoussiérage satisfaisante, laquelle est la clé de bons résultats fonctionnels et bactériens, mais il n’est pas suffisant : il faut utiliser un dispositif unidirectionnel, ainsi que le soulignait déjà la norme de Juin 2003.

TABLEAU 8. — Comparaison des taux bactériens des 6 salles au repos, à T0, et à T30 (heures). Les valeurs obtenues avec les flux unidirectionnels restent toujours basses. Il est loin d’en être de même pour les valeurs correspondant aux flux turbulents.

Toutes ces valeurs sont exprimées en UFC/m3.

TABLEAU 9. — Mêmes informations que celles du tableau 8, mais figure en plus le nombre de personnes, présentes dans la salle (à droite des histogrammes).

TABLEAU 10. — L’indice de fonctionnalité des 6 salles, et celui des zones 3 et 4. Ce dernier est calculé d’après les recommandations de l’Association pour la Prévention et l’Etude de la Contamination (ASPEC).

En apparence les salles 1 et 2 obtiennent des résultats voisins avec un avantage à la salle 1. C’est d’autant plus vrai qu’il il faut également tenir compte des dimensions des zones protégées : 110 m3 pour la salle 1 et 27 m3 pour la salle 2 ! …L’indice de fonctionnalité ne tient pas compte du service rendu…

Avantages théoriques des comptages bactériens

On a déjà insisté sur l’intérêt pratique de ces comptages bactériens, notamment pour les enquêtes épidémiologiques intra-hospitalières, mais ils ont aussi une portée intellectuelle, plus générale.

On observera, tout d’abord, que contrairement à d’autres [3-7], nous n’avons pas cherché à corréler, directement, le type de ventilation et le taux d’infections du site opératoire, car on se heurterait ainsi à une trop grande quantité de biais, au premier rang desquels figure l’antibiothérapie prophylactique. Il faut serrer les problèmes de plus près, par la bactériologie [8-12].

Certes, on a vu que des taux bactériens bas, dans l’air, correspondaient à des dispositifs unidirectionnels très performants (haut débit, cinétique de dépoussiérage ultra-rapide), mais, tant qu’on aura pas démontré, sur une grande échelle, la similitude des microbes du site opératoire et de l’air, on ne pourra pas préciser,
consécutivement la part de responsabilité de celui-ci, par rapport à l’ensemble chirurgical (équipe + matériel), ou bien encore, par rapport à l’opéré. Cette dernière preuve, cruciale, n’a été qu’exceptionnellement administrée [12]. Et, même sans recourir au typage des bactéries, on peut déjà vérifier la part occupée dans l’air, par les microbes pathogènes, et les saprophytes.

Il faut donc s’engager dans la voie d’une multiplication des examens microbiologiques.

CONCLUSION — C’est une erreur de se limiter aux mesurages, hors activité, des performances des locaux opératoires, même si la cinétique de dépoussiérage, voire déjà le taux de brassage donne une première idée, approximative, du comportement fonctionnel d’un local.

— Bien plus, en activité, il ne faut pas se limiter aux contrôles particulaires, mais recourir aux examens bactériologiques, qui accentuent les différences de performances entre les installations, ce qui est logique, compte tenu de l’origine souvent humaine des particules collectées dans ces circonstances précises. De plus la bactériologie, seule, permet l’identification du caractère pathogène ou résistant des germes, et de mener à bien les enquêtes épidémiologiques.

— Contrairement à ce qui est parfois affirmé, toutes les installations ne se valent pas, au plan strictement scientifique. Il est donc nécessaire qu’indépendamment des prises de positions techniques ou comptables, pas envisagées ici, les mesurages hors activité, et surtout fonctionnels, se multiplient.

Il nous est ainsi apparu qu’en zone 4 les flux unidirectionnels étaient, non pas souhaitables mais irremplaçables et que, dans cette catégorie, le flux horizontal, intégral avec reprise s’imposait, par rapport au vertical partiel.

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[2] Norme NF S 391. Établissements de santé. Salles propres et environnements apparentés.

Exigences relatives pour la maîtrise de la contamination aéroportée (Juin 2003).

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DISCUSSION

M. François DUBOIS

Quels sont les sites de prélèvements dans la salle d’opération ? Que faites-vous pour éviter la prolifération bactérienne dans les filtres et les canalisations ?

Les coffres de traitement d’air sont ouverts, une fois par an, à l’occasion du changement des pré filtres. Il s’agit d’un nettoyage purement mécanique par aspiration. Dans une installation uni-directionnelle, le changement des ultra filtres a lieu, lui, tous les cinq ans, ou à la demande, lorsque certains d’entre eux s’avèrent précocément encrassés : le même geste est alors réalisé. Par contre, lorsqu’on utilise un flux turbulent, le changement de ces derniers filtres s’impose plus fréquemment, en moyenne tous les deux ans.

M. Claude MOLINA

Cet intéressant travail pose le problème du conditionnement de l’air en milieu hospitalier protégé (salle d’opération). Un certain nombre de normes sont bien établies comme les auteurs le confirment : nécessité de filtres de très haute efficacité, flux unidirectionnel horizontal, taux de renouvellement et recyclage de l’air… La présence humaine responsable de la contamination bactérienne (avec correspondance entre le comptage particulaire et l’identification bactérienne). L’auteur peut-il nous dire si les paramètres biochimiques (CO2, CO, gaz anesthésiant) ont été pris en considération ? Si le confort du chirurgien est en rapport avec la concentration bactériologique ? Quels types de germes ont été isolés ?

Je n’ai envisagé que les caractères bactériologiques et physiques de l’air insufflé dans les salles d’opérations, mais je vous précise que le recyclage qui est le plus important possible, dans les installations modernes, ne doit pas excéder 80 % pour des raisons physiologiques évidentes. Les variations du taux bactérien ne s’accompagnent d’aucune manifestation fonctionnelle. Par contre, les modifications physiques de l’air insufflé (humidité et surtout température) sont, bien sûr, très perceptibles. Et je vous rappelle que les coffres de traitement d’air conditionnent, en même temps, tous les caractères de l’air insufflé. Ainsi, dans les installations à très haut débit, le traitemnet thermique est rapidement très efficace. Nos deux salles à flux horizontal (dont la salle dite no 1 de l’expérimentation décrite) fonctionnent en continu, depuis 1985, sans que nous ayons observé une pathologie particulière du personnel médical et auxilliaire, qui leur sont affectés. Concernant les germes mis en évidence, nous n’avons pas fait d’identification systématique, et il faudrait un très grand nombre d’examens (que je réclame dans ma conclusion), pour pouvoir faire état de pourcentages précis. Mais les identifications qui ont été réalisées ont montré des staphylocoques dorés souvent résistants (SARM), des staphylocoques blancs coagulase négative, dont on sait qu’ils ont souvent contaminé le matériel profond, et des saprophytes.

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 6, 1189-1208, séance du 27 juin 2006