Communication scientifique
Séance du 4 avril 2023

La lèpre aujourd’hui : de gros progrès mais des résistances

MOTS-CLÉS : Lèpre, Mycobactéries non tuberculeuses, Résistance microbienne aux médicaments, Protocoles de polychimiothérapie anti-infectieuse, Organisation mondiale de la santé
Fight against Leprosy: Some improvements, but why is it so difficult?
KEY-WORDS : Leprosy, Nontuberculous mycobacteria, Antimicrobial resistance, Microbial, Combined chemotherapy protocols, World Health Organization

Emmanuelle Cambau*

E. Cambau est membre du Technical advisory group de l'OMS pour la stratégie de lutte contre la lèprev, et membre du conseil scientifique de ILEP. Elle a reçu plusieurs subventions de recherche de la fondation Raoul Follereau, et une subvention annuelle de Santé publique France pour la diagnostic et alertes épidémiques concernant la lèpre.

Résumé

La lèpre, causée par Mycobacterium leprae, est une maladie ancienne transmissible que nous connaissons encore mal. Depuis 1982, une polychimiothérapie standardisée assure la guérison et évite l’isolement des patients. Malgré cela, environ 200 000 nouveaux cas sont rapportés annuellement à l’OMS. Plusieurs problèmes expliquent cette stagnation. La résistance aux antibiotiques est rapportée autour de 10 % mais le plus souvent elle n’est pas diagnostiquée car M. leprae ne cultive pas in vitro et un diagnostic moléculaire est nécessaire. Malgré le séquençage du génome réalisé en 2001, la lèpre reste une maladie « négligée » pour la recherche. On ne connait pas encore vraiment ni les voies de transmission, ni la physiopathologie de la lèpre. En 2018, les guidelines OMS, utilisant des données factuelles, ont montré qu’il n’existait pas de test diagnostique simple ni pour la maladie ni pour l’infection. La réponse immunologique est encore incomprise, alors qu’elle est déterminante pour les atteintes cutanées et neurologiques observées en fonction de la forme clinique de lèpre et des « réactions » lépreuses. Le vaccin BCG protège en partie contre la lèpre. La découverte de l’espèce M. lepromatosis et de la présence de M. leprae chez certains animaux, n’a pas eu pour l’instant de conséquences épidémiologiques. La recherche clinique a repris en partie grâce au sujet de la chimioprophylaxie, maintenant recommandée, mais insuffisante pour prévenir tous les cas secondaires. L’objectif de « zéro cas de lèpre » parait optimiste à cause de (i) la résistance des pays à améliorer leur organisation sanitaire en faisant un dépistage passif plutôt qu’actif et à combattre la stigmatisation attachée à cette maladie, (ii) la résistance des industriels à développer des tests diagnostiques et des nouveaux traitements, et (iii) la résistance des institutions à investir dans cette recherche dite de niche.

Summary

Leprosy, due to Mycobacterium leprae infection, is an old transmissible disease, still unknown in many aspects. Although it is cured by a standardized multi-drug therapy, about 200,000 new cases are reported annually without marked decrease in incidence. This might be due to several problems. Antimicrobial resistance was recently measured at about 10%, but it is not routinely determined since M. leprae does not grow in vitro and molecular detection of resistance is the only tool available, usually not done in endemic countries. Although genome sequencing was achieved in 2001, leprosy appears as a disease neglected by researchers, stakeholders, professionals, and governments. Transmission routes and physiopathology are still mainly unknown in 2023. The WHO systematic review, conducted in 2018, concluded that there were still no biological diagnostic tests neither for the leprosy disease nor the M. leprae infection. The immune response is not elucidated, although it is fundamental for explaining the clinical forms of leprosy and the leprosy reactions that cause the nerve damage and sequelæ. Fortunately, BCG vaccine gives some protection also for leprosy, because there are no specific vaccines available so far. Recently, M. lepromatosis was also involved in leprosy and M. leprae was found in wild animals. “Zero leprosy” is the new objective of WHO and non-governmental organizations. It seems optimistic since (i) governments are not significantly improving health access leading to delayed diagnostic of leprosy cases with disabilities, (ii) some others refuse to annul the stigma laws discriminating leprosy patients, (iii) companies and industrials do not produce diagnostic tests and promote new treatments, (iv) institutional funding agencies do not grant research on leprosy.

Accès sur le site Science Direct : https://doi.org/10.1016/j.banm.2023.04.017

Accès sur le site EM Consulte

*Service de mycobactériologie spécialisée et de référence, université de Paris Cité, Inserm UMR1137 IAME, AP–HP-GHU Nord site Bichat, 16, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France

Bull Acad Natl Med 2023;207:1053-63. Doi : 10.1016/j.banm.2023.05.003