Communication scientifique
Session of 26 octobre 2010

La création d’une transplantation trachéale vascularisée

MOTS-CLÉS : tolérance immunitaire. trachée/transplantation. transplants
Tracheal allotransplantation after withdrawal of immuno-suppressive therapy

Pierre Delaere *, Jan Vrancks **, Geert Verleden **, Paul de Leyn **, Direk van Raemdonck **

Résumé

Cette conférence porte sur l’élaboration d’un programme clinique fondé sur la recherche. Le problème clinique que nous avons choisi d’étudier a été transféré au laboratoire, où la faisabilité de la transplantation trachéale a été démontrée, et nous sommes parvenus à répercuter les résultats sur le patient. Nos études ont abouti au premier cas d’allotransplantation trachéale vascularisée, qui a été publié cette année dans le ‘New England Journal of Medicine’. Nos travaux ont débuté en 1990 par l’identification d’anomalies laryngotrachéales qui étaient impossibles à réparer. Nous sommes partis de l’hypothèse que la solution à la réparation problématique des anomalies laryngo-trachéales peut être trouvée dans la nécessité de disposer de tissus de réparation présentant les caractéristiques combinées d’irrigation sanguine, de support cartilagineux et de revêtement muqueux. Ces caractéristiques des tissus résident également dans les voies respiratoires d’origine. La trachée est composée d’une trachée cartilagineuse de forme convexe et d’une trachée membraneuse postérieure aplatie. La trachée membraneuse contient le muscle trachéal, qui a pour fonction d’éviter un prolapsus de la trachée membraneuse dans le chenal respiratoire. La trachée cartilagineuse, qui forme le chenal respiratoire, est constituée d’anneaux cartilagineux incomplets. Les ligaments intercartilagineux sont nécessaires pour faire en sorte que le sang irrigue l’épithélium respiratoire. Le cartilage ne permet pas l’intégration des vaisseaux sanguins et est alimenté par diffusion à partir des vaisseaux sanguins environnants. Il s’agit de l’irrigation sanguine segmentaire de la trachée. Il est important de se rendre compte que les vaisseaux sanguins de la trachée sont trop petits pour l’anastomose microvasculaire, ce qui rend impossible la transplantation directe de la trachée avec une restauration de l’irrigation sanguine. Cet obstacle à la restauration de l’irrigation sanguine est un problème majeur. Nos travaux ont été axés sur des tentatives d’améliorer la vascularisation. Le premier domaine que nous avons pu étudier a été le concept de l’autotransplantation trachéale. L’autotransplantation trachéale est basée sur la revascularisation orthotopique de la paroi trachéale. L’autotransplantation trachéale peut être introduite dans la situation clinique pour réparer l’anomalie après la résection de la tumeur des cordes vocales. Les 4 cm supérieurs de la trachée cartilagineuse peuvent être utilisés pour réparer l’anomalie après la revascularisation orthotopique à l’aide d’un lambeau de fascia. Le tissu optimal pour l’enveloppe trachéale est fourni par le lambeau de l’avant-bras radial qui peut être transplanté vers le cou sur l’artère et la veine radiales. Le fascia peut alors être enveloppé autour des 4 cm supérieurs de la trachée cartilagineuse, et les vaisseaux radiaux peuvent être suturés sur les vaisseaux du cou par microchirurgie. Après deux semaines, le segment revascularisé de la trachée peut être utilisé pour restaurer l’anomalie laryngée complexe après ablation de la tumeur. L’autotransplantation trachéale s’est révélée possible sur le pédicule vasculaire nouvellement créé, qui est composé de l’artère et la veine radiales. Pour le moment, nous avons un groupe d’environ 60 patients qui ont subi une autotransplantation trachéale. Notre expérience en matière d’autotransplantation trachéale nous a conduits à effectuer des recherches dans le domaine de l’allotransplantation trachéale. Notre laboratoire a mené des expérimentations dans le domaine de l’allotransplantation trachéale. Nous avons découvert que les allogreffes trachéales pouvaient se revasculariser dans la position hétérotopique chez les lapins immunodéprimés. Dans l’allotransplantation, le segment transplanté est complètement avasculaire, et une revascularisation dans la position hétérotopique sera dès lors nécessaire. La revascularisation en dehors des voies aériennes est garantie parce que l’immobilité de la transplantation est extrêmement importante. Avec de tels antécédents expérimentaux, nous étions prêts à franchir le pas de l’allotransplantation clinique pour réparer les défauts trachéaux post-traumatiques de long segment. Le premier patient était une femme de 55 ans qui avait été impliquée dans un accident de voiture 25 ans avant la présentation. Nous avons tenté de revasculariser une allogreffe trachéale de 8 cm de long dans l’avant-bras de la receveuse. Toutefois, la trachée membraneuse a présenté une nécrose parce que le muscle trachéal n’a pas permis une revascularisation rapide de la muqueuse. La nécrose de la trachée membraneuse a été inattendue et s’est avéré être, à première vue, un événement décevant. Néanmoins, ce facteur est apparu comme une opportunité d’un retrait ultérieur de la médication immunosuppressive. De plus, la création d’une anomalie circonférentielle n’est pas nécessaire en cas de sténose d’un long segment. Après incision de la sténose, une partie postérieure demeure, de sorte que la transplantation de la trachée cartilagineuse est suffisante pour la restauration du chenal respiratoire. Ce concept de transplantation de la trachée cartilagineuse sera une opération sûre pour le patient et permettra de supprimer la médication immunosuppressive.

Summary

Reconstruction of long-segment tracheal defects requires a vascularized allograft. We report successful tracheal allotransplantation after indirect revascularization of the graft in a heterotopic position. Immunosuppressive therapy was administered before the operation, and the tracheal allograft was wrapped in the recipient’s forearm fascia. Once revascularization was achieved, the mucosal lining was replaced progressively with buccal mucosa from the recipient. At 4 months, the tracheal chimera was fully lined with mucosa, which consisted of respiratory epithelium from the donor and buccal mucosa from the recipient. After withdrawal of immunosuppressive therapy, the tracheal allograft was moved to its correct anatomical position with an intact blood supply. No treatment-limiting adverse effects occurred.

DISCUSSION

M. Bernard PESSAC

Quelles sont les cellules de la trachée qui expriment les antigènes de transplantation ?

Les chondrocytes n’expriment pas d’antigènes (protection par le matrix). Toutes les autres cellules expriment les antigènes de transplantation et surtout les cellules endothé- liales et epithéliales.

M. Alain LARCAN

Vos recherches semblent s’appliquer d’abord à des indications traumatiques et tumorales.

Envisagez-vous une extension éventuelle aux cas difficiles rencontrés en réanimation de sténoses post-trachéotomie et plus encore de trachéo-malacie sorte de chondrodysplasie acquise secondaire à des intubations prolongées et comportant obligatoirement une infection ? Dans ce dernier cas, l’atteinte peut porter sur la partie cartilagineuse ou seulement sur la partie membraneuse qui telle un rideau se colle à la paroi cartilagineuse en ne cédant qu’à une insufflation en pression positive.

L’allogreffe trachéale n’est indiquée en cas de trachéo-malacie

<p>* Otolaryngology and Head and Neck Surgery, University hospital Leuven — Belgique e-mail : Pierre.delaere@med.kuleuven.be ** Leuven tracheal transplant group Tirés à part : Professeur Pierre Delaere, meme adresse Article reçu et accepté le 26 octobre 2010</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 7, 1335-1337, séance du 26 octobre 2010