Résumé
L’hypertension artérielle essentielle est une pathologie multifactorielle dont le déterminisme associe des facteurs environnementaux et génétiques. On estime qu’environ 30 % de la variance de la pression artérielle est génétiquement déterminée. Schématiquement, trois grandes approches sont utilisées pour tenter d’identifier les gènes de susceptibilité à l’hypertension artérielle humaine. La première consiste à analyser les gènes dits ‘‘ candidats ’’, gènes qui codent pour des protéines dont la fonction est connue et susceptible d’influencer le niveau de pression artérielle. Au cours des dix dernières années, de nombreux gènes candidats ont été analysés avec des résultats souvent controversés. Les résultats les plus intéressants concernent les gènes du système rénine angiotensine, les gènes codant pour les sous-unités de l’adducine, la sous-unité β 3 d’une protéine G, et les récepteurs adrénergiques. La seconde approche consiste à effectuer, sans a priori , un criblage complet du génome par les moyens techniques actuellement disponibles, en particulier un grand nombre de marqueurs polymorphes répartis sur l’ensemble du génome humain. Ces études plus récentes ont donné également des résultats contradictoires. Cependant, la région du chromosome 17q12-21 paraît particulièrement intéressante. La troisième approche a été pour le moment la plus fructueuse et consiste en l’étude de formes rares monogéniques d’hypertension artérielle. Cette stratégie a permis d’identifier les gènes responsables du syndrome de Liddle, de l’hyperaldostéronisme sensible à la dexaméthasone, du syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïdes et de mettre en valeur l’homéostasie du bilan sodé dans son rôle de régulation de la pression artérielle.
Summary
Human arterial hypertension is a complex trait, partly determined by genetic factors. From the analysis of familial studies, it has been estimated that approximately 30 % of the blood pressure variance within a population was of genetic origin. Three main types of human studies have been undertaken to try to identify susceptibility genes to hypertension. The first one corresponds to the systematic analysis of the so-called candidate genes, i.e. genes encoding proteins, enzymes, receptors, which are known to belong to pathways controlling blood pressure. Up to now, the more interesting results have been obtained on genes encoding the renin angiotensin system, the α adducin, the G protein subunit β 3, and adrenergic receptors. The genome wide scan approach corresponds to a systematic analysis of evenly spaced markers throughout the genome in sibling pairs or in more complex families. This second strategy has shown that there was not a single locus that was regularly found by several studies, but rather several possible loci which most often have not been replicated from one study to another one. Among those, the long arm of the human chromosome 17 (17q12-q21) is in synteny with a blood pressure locus found in spontaneously hypertensive rats. The third approach, up to now the most successful, corresponds to the identification of major genes involved in rare mendelian forms of hypertension. For example, genes responsible for Liddle syndrome, glucocorticoid remediable aldosteronism, apparent mineralocorticoid excess have been characterized and have demonstrated the importance of sodium and water homeostasis in blood pressure control.
INTRODUCTION
L’existence d’un contrôle génétique du niveau de pression artérielle (PA) a été démontrée par de nombreuses études biométriques familiales. Ces études montrent qu’environ 30 % de la variance de la PA est génétiquement déterminée [1]. Elles montrent aussi l’influence du patrimoine génétique et de l’environnement commun (alimentation en particulier) sur le niveau de PA des individus d’une même famille.
Le niveau de PA d’un individu résulte donc d’interactions complexes entre gènes et environnement. Trois grandes approches sont utilisées pour tenter d’identifier les gènes de susceptibilité à l’hypertension artérielle (HTA).
APPROCHE 1 : STRATÉGIE DITE DES ‘‘ GÈNES CANDIDATS ’’
L’objectif est ici d’analyser les gènes codant pour des protéines (enzymes, récepteurs, etc) appartenant à des voies physiopathologiques intervenant dans le contrôle de la PA (Tableau 1).
Les gènes candidats du système rénine-angiotensine (SRA)
Le rôle important du SRA dans la régulation du tonus vasculaire et du bilan hydro-électrolytique, désigne les gènes correspondants comme autant de gènes
TABLEAU 1. — Candidats les plus étudiés dans l’hypertension artérielle essentielle candidats dans l’HTA. L’ensemble des gènes de cette cascade enzymatique ont été clonés et localisés : il s’agit des gènes de l’angiotensinogène ( AGT , chromosome 1q42), de la rénine (
REN , chromosome 1q32), de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I (
ECA , chromosome 17q23), et du récepteur de type 1 de l’angiotensine II (
AT1R , chromosome 3). Des marqueurs génétiques polymorphes situés sur ces différents loci ont été isolés, permettant des analyses de liaison génétique sur des familles avec incidence élevée d’HTA.
Bien que le gène REN semble associé à certaines hypertensions animales, la majeure partie des études n’a pas retrouvé d’association ou de liaison entre le locus rénine et l’hypertension humaine [2].
L’enzyme de conversion de l’angiotensine I (ECA) est la seconde enzyme clé du SRA, permettant de générer l’octapeptide actif angiotensine II à partir du décapeptide angiotensine I. Elle inactive aussi la bradykinine vasodilatatrice, ce qui renforce son rôle potentiel dans le tonus vasculaire, comme le démontre l’efficacité des inhibiteurs de l’enzyme de conversion dans le traitement de l’HTA. Des études de ségrégation ont montré l’héritabilité de la concentration plasmatique d’ECA, avec des corrélations de l’ordre de 0,30 entre parents et enfants, dont la variabilité interindividuelle semble au mieux expliquée par l’effet d’un gène majeur [3]. Le polymorphisme I/D du gène de l’ECA, marqué par la présence ou l’absence d’un fragment intronique de 287 pb (séquence ALU), pourrait expliquer 30 à 40 % de la variance du taux plasmatique d’ECA [4]. Cependant, plusieurs études n’ont pas montré d’association entre ce polymorphisme et le niveau de PA ou la présence d’une HTA. Son association avec un excès de risque d’événement cardiovasculaire et/ou d’insuffisance rénale en cas d’HTA a été soulignée par de nombreuses études [5].
L’angiotensinogène (AGT) est le substrat unique et spécifique du système rénineangiotensine. Plusieurs arguments supportent l’hypothèse d’un rôle important de
l’AGT dans la génération d’angiotensine II et en conséquence dans la régulation de la pression artérielle [pour revue, voir 6]. Plusieurs études ont suggéré le rôle du gène de l’angiotensinogène sur la PA [6-7], mais d’autres n’ont pas retrouvé de liaison génétique [8]. Un polymorphisme siégeant dans la séquence codante M235T est associé à une élévation de 10 à 20 % de la concentration plasmatique d’AGT. Une méta-analyse reprenant 27 906 sujets génotypés pour le polymorphisme M235T a montré que l’excès de risque de présenter une HTA est de 27 % pour un homozygote TT et de 8 % pour un hétérozygote MT comparé à un homozygote MM [9]. Ce polymorphisme représente le type même d’un allèle de susceptibilité à l’HTA essentielle, très commun dans la population générale mais n’entraînant qu’une élévation modeste de la PA de l’ordre de 3 à 5 mmHg. Il n’est cependant pas exclu que certains sous-groupes d’individus soient plus sensibles à cette prédisposition génétique.
Le dernier gène candidat du SRA dans l’HTA est le gène codant pour le récepteur de type 1 de l’angiotensine II (AT1R). Ce récepteur à sept domaines transmembranaires couplé aux protéines G, est impliqué dans la plupart des fonctions principales de l’angiotensine II dans l’organisme. L’hypothèse de mutations activatrices de ce récepteur dans l’HTA n’a pas pu être démontrée. Un polymorphisme en aval du récepteur (A1166C) pourrait être associé à une fréquence accrue d’HTA essentielle [10, 11].
Gènes pouvant favoriser la rétention hydrosodée
Le gène de l’adducine
C’est au groupe italien de G. Bianchi que l’on doit un travail approfondi sur l’adducine et son rôle potentiel dans l’hypertension artérielle [12, 13].
L’adducine est une protéine appartenant au cytosquelette membranaire, qui favorise l’association entre spectrine et actine mais peut aussi se lier directement à l’actine. Il s’agit d’une protéine hétérodimérique faite de sous-unités α, β et γ. Il existe des différences d’assemblage (quantitatives et qualitatives), spécifiques d’organes, entre les sous-unités α et β. Par son rôle d’interaction entre les filaments d’actine et de spectrine, l’adducine joue un rôle important dans l’architecture membranaire et donc potentiellement sur les récepteurs, canaux et enzymes qui sont rattachés à cette membrane. Des variations de l’adducine pourraient ainsi entraîner des variations d’activité de certains canaux, en particulier du cotransport Na-K-Cl dans les membranes de la branche ascendante de Henlé et de la Na-K-ATPase dans le tubule distal, une variation d’activité de ces transporteurs pouvant modifier le flux transcellulaire de Na+ et donc favoriser l’accumulation de sel dans l’organisme.
Plusieurs études sont maintenant concordantes pour montrer une relation entre le gène de l’adducine et l’élévation de la pression artérielle, même si son effet reste faible au niveau de la population [14]. Le polymorphisme G460W pourrait prédiposer à une sensibilité particulière au sel et à la sensibilité aux diurétiques thiazidiques [14, 15].
La sous-unité β 3 d’une protéine G
Plusieurs études ont suggéré chez environ 50 % des sujets hypertendus, une augmentation de l’activité d’un transporteur cellulaire Na/H impliqué dans la régulation du pH intracellulaire mesurée sur des lymphocytes. Les équipes travaillant dans le domaine n’ont pas retrouvé de modification de l’expression ou de la structure de l’échangeur Na/H, suggérant ainsi la possibilité d’une anomalie en aval, c’est-à-dire de la transmission du signal émis par ce transporteur et possiblement des protéines G impliquées dans la transmission du signal de nombreux récepteurs. Ces protéines sont constituées d’une association entre plusieurs sous-unités α, β et γ. Après avoir exclu des mutations sur plusieurs de ces gènes, Siffert et coll. ont retrouvé une variation génétique sur la sous-unité β3 (C825T) de la protéine G aboutissant à une protéine amputée en son milieu de 41 acides aminés. L’expression de la protéine mutée dans des cellules d’insectes montre une augmentation de sa réactivité à des activateurs pharmacologiques, établissant ainsi un lien avec ce qui avait été observé sur les lymphocytes. Enfin, dans cette étude princeps, le variant C825T apparaît plus fréquent chez 426 hypertendus (0,31) que chez 427 normotendus (0,25) confirmant la possibilité d’un rôle de cette variation génétique dans l’HTA essentielle [16]. Cette association reste cependant controversée.
Les sous-unités du canal sodium épithélial (ENaC)
La présence de mutations avec gain de fonction dans la maladie de Liddle (voir paragraphe HTA monogéniques) soulève l’hypothèse de l’existence possible de mutations moins sévères de ce canal (ENaC) dans l’HTA essentielle, en particulier en cas de rénine basse. Plusieurs équipes ont effectué une recherche systématique de polymorphismes sur les trois sous-unités α, β et γ [17, 18]. La fréquence des mutations de la sous-unité β est rare dans la population hypertendue caucasienne mais plus fréquente parmi les sujets d’origine africaine. La mesure fonctionnelle in vitro de ces mutations (P. Barbry, Sophia Antipolis) par expression en œufs de xénopes et patch-clamp, n’a montré qu’une élévation très modeste du courant Na+ sensible à l’amiloride. L’étude de la fréquence du polymorphisme T574M de βENaC dans une population londonienne suggère un rôle possible mais controversé de cette variation dans l’hypertension artérielle du sujet d’origine africaine [19].
L’ensemble des résultats mentionnés dans la littérature sur les sous-unités γ et α n’est pas en faveur de leur implication dans l’HTA essentielle [20, 21].
D’autres gènes codant pour des protéines impliquées dans la régulation du tonus vasculaire sont testés dans de larges études cas-témoins et des études de fratries en relation avec l’HTA humaine. Nous ne pouvons ici rapporter les multiples résultats publiés chaque mois. Aucun d’entre eux n’a pour l’instant fait la preuve de son implication formelle dans l’HTA essentielle.
APPROCHE 2 : CRIBLAGE DU GÉNOME DANS L’HTA ESSENTIELLE
Malgré un nombre très important d’études effectuées ces dernières années, aucun des gènes candidats analysés à ce jour ne semble présenter des variations génétiques ayant un effet important sur les variations de pression artérielle dans la population.
Compte tenu des progrès techniques majeurs réalisés ces dernières années et des connaissances accumulées sur le génome humain, il est maintenant possible de tenter d’identifier, sans a priori , des régions chromosomiques liées à l’hypertension artérielle. Une fois les régions identifiées, les données de la carte génétique et physique du génome humain peuvent aboutir à l’identification de nouveaux gènes voire de nouveaux mécanismes d’élévation de la pression artérielle. Cette approche dite de ‘‘ criblage du génome ’’, a maintenant été effectuée dans plusieurs études avec des résultats très intéressants bien que parfois contradictoires. Les principaux résultats obtenus sur plusieurs populations d’origine européenne sont indiqués dans le Tableau 2.
Ils montrent différentes régions dont la plupart n’a pas été reproduite d’une étude à l’autre. Trois régions de susceptibilité à l’HTA méritent cependant plus d’attention.
Il s’agit de la région 5q33, mise en évidence par l’équipe du Dr Boerwinkle [22], contenant le récepteur dopaminergique, le récepteur α adrénergique, et le récep1B teur β adrénergique. Un des polymorphismes (Arg16Gly) du récepteur β adréner2 2 gique semble associé à des modifications mineures (2 à 3 mm Hg) mais significatives de la pression artérielle.
L’héritabilité de la PA dans ces familles était de 0,23 pour la PA systolique et de 0,29 pour la PA diastolique, chiffres conformes à ceux observés auparavant dans la littérature. La seule région chromosomique liée sans ambiguïté à la PA dans cette population est située en 2q31-34 avec des lod scores de 1,64 pour la PA systolique et de 3,36 pour la PA diastolique. Cette région correspond, entre autres, à la localisation retrouvée pour le gène responsable de l’hypertension artérielle pulmonaire primitive, celui-ci n’étant pas encore identifié.
La dernière région d’intérêt est localisée sur le chromosome 17 et a en particulier été mise en évidence par une étude de la population de Framingham [23]. La région en 17q12-21 est particulièrement intéressante en raison de la valeur de la liaison génétique (lodscore à 3,8). Elle correspond de plus à une région du chromosome 10 chez le rat liée à la PA chez la souche de rat spontanément hypertendue (SHR). La même région avait été aussi montrée comme associée à la PA chez des familles françaises et anglaises [24].
APPROCHE 3 : ÉTUDE DES FORMES RARES MENDÉLIENNES D’HTA
Bien qu’elles ne représentent qu’un pourcentage faible des hypertendus, il est important de connaître certaines formes mendéliennes d’HTA. Leur transmission
TABLEAU 2. — Criblage du génome dans l’HTA essentielle ou chez des populations normales.
TABLEAU 3. — HTA à transmission mendélienne, dites « monogéniques »
peut être dominante (transmission de parent atteint à enfant dans une proportion de 50 % des cas) comme dans l’hyperaldostéronisme dexaméthasone sensible et le syndrome de Liddle, ou récessive (transmission à partir de 2 parents porteurs non atteints à 1/4 des enfants atteints) comme dans le syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïdes. Outre leur implication clinique et thérapeutique pour les familles atteintes, ces formes d’HTA constituent des modèles d’étude de l’HTA essentielle [25].
Hyperaldostéronisme sensible à la dexaméthasone (HSD)
L’hyperaldostéronisme suppressible par la dexaméthasone (HSD) est caractérisée par une HTA précoce, souvent apparue avant l’âge de 20 ans, et sévère associée à un tableau biologique d’hyperaldostéronisme primaire (hypokaliémie, rénine plasmatique basse, aldostérone plasmatique et urinaire élevées) d’intensité variable. Elle se distingue des autres hyperaldostéronismes primaires par son caractère familial, sa transmission autosomique dominante, par l’importante production de stéroïdes 18-hydroxylés et par la normalisation de l’aldostérone et de la pression artérielle (PA) par de faibles doses de dexaméthasone. La découverte du défaut moléculaire responsable de l’HSD en 1992 a transformé la stratégie diagnostique de cette maladie. Chez l’homme, les deux gènes CYP11B1 (codant pour la 11β hydroxylase) et
CYP11B2 (codant pour l’aldostérone synthase) possèdent une très forte homologie de séquence (93 % en acides aminés) et sont situés très proches l’un de l’autre sur le bras long du chromosome 8. La pathologie est liée à une duplication-fusion entre les deux gènes [26], ce qui aboutit à la présence d’un gène chimère, dont l’activité est celle de l’aldostérone synthase mais dont la spécificité tissulaire et la régulation sont celles de la 11β hydroxylase. Un des intérêts majeurs de la connaissance de cette pathologie est la possibilité d’un traitement spécifique basé sur de petites doses de dexaméthasone associé à un anti-aldostérone.
Le syndrome de Liddle
Il s’agit également d’une maladie autosomale dominante caractérisée par une hypertension artérielle sévère s’accompagnant d’une hypokaliémie avec alcalose métabolique. Il existe une expansion volémique non liée à une production excessive d’aldostérone ou d’autres minéralocorticoïdes comme le montrent les niveaux bas de rénine et d’aldostérone plasmatiques. La maladie est liée à des mutations avec gain de fonction du canal sodium épithélial amiloride-sensible (ENaC). Celui-ci est composé de 3 sous-unités homologues codées par 3 gènes différents : la sous-unité α constitue l’essentiel de la structure du canal alors que les sous-unités β et γ semblent jouer un rôle essentiellement régulateur. Les mutations impliquées dans la maladie siègent toutes sur la région riche en proline (motif PY) de l’extrémité C-terminale intracytoplasmique de la sous-unité β ou de la sous-unité γ de ENaC [27]. Dans tous les cas, le défaut moléculaire entraîne une activation basale de ENaC, c’est-à-dire une réabsorption de sel permanente et non régulée, expliquant l’hypervolémie et
l’HTA des sujets atteints. Cette activation du canal semble liée à une augmentation du nombre de canaux exprimés à la surface cellulaire. En effet, le motif PY intervient dans le routage intracellulaire du canal via son interaction avec la protéine
Nedd4. Dans le syndrome de Liddle, ce domaine est altéré ou délité ce qui empêche la fixation normale de Nedd4 et la dégradation du canal par le protéasome [28]. La sensibilité extrême de ce canal à l’amiloride permet une normalisation tensionnelle sous ce traitement spécifique.
Syndrome d’Ulick ou syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïdes
Le syndrome d’excès apparent en minéralocorticoïdes est un syndrome rare responsable chez l’enfant d’une HTA sévère avec hypokaliémie et d’un tableau biologique d’hyporéninisme-hypoaldostéronisme [29]. Ce syndrome, transmis selon le mode autosomique récessif, est secondaire à un déficit en 11β hydroxystéroïde déshydrogénase de type 2 (11βHSD2). Cette enzyme catalyse la conversion du cortisol en cortisone et de la corticostérone en 11-déhydrocorticostérone au niveau du tubule rénal.
Des mutations du gène codant pour la 11β HSD2 à l’état homozygote ou hétérozygote combiné, ont été montrées chez les personnes atteintes [30]. Le déficit enzymatique aboutit à des concentrations intra tissulaires importantes de cortisol et de corticostérone, qui sont de puissants agonistes pour le récepteur minéralocorticoïde. Malgré une cortisolémie normale, il en résulte donc un rapport cortisol/cortisone très élevé dans le plasma et les urines, et une HTA mimant celle produite par un hyperaldostéronisme.
Syndrome de Gordon
Le pseudohypoaldostéronisme de type 2 (PHA2) ou syndrome de Gordon est une forme autosomique dominante d’HTA, caractérisée par un tableau biologique très particulier associant hyperkaliémie, acidose métabolique et hyperchlorémie en l’absence de toute insuffisance rénale [31]. Les concentrations plasmatiques anormalement basses de rénine et d’aldostérone, la très grande efficacité des diurétiques thiazidiques suggèrent une anomalie primaire du tubule rénal.
Les études génétiques ont permis de progresser dans sa compréhension. Trois loci ont été identifiés, PHAIIA (1q32-q41), PHAIIB (17p11-q21), PHAIIC (12p13.3) [32, 33] et notre équipe a montré une hétérogénéité génétique encore plus grande suggérant l’existence d’au moins un 4e locus à l’origine de la maladie [34]. Récemment, en collaboration avec une équipe américaine, notre équipe a identifié deux gènes inattendus, WNK1 et WNK4, correspondant au loci PHA2C et PHA2B [35].
Ces gènes appartiennent à une nouvelle famille de sérine/thréonine kinases (With No lysine(K) kinase). Ces kinases pourraient intervenir dans une voie de régulation du transport des ions potassium, chlore, sodium à travers le tubule contourné distal rénal.
Autres cas rares d’HTA mendélienne
Une forme rare d’hypertension artérielle, avec bradydactylie et petite taille, de transmission autosomique dominante a été rapportée chez 3 familles : une grande famille d’origine turque, une famille canadienne et une famille américaine [36]. Le gène responsable a été localisé, après criblage du génome, sur le bras court du chromosome 12 mais n’a toujours pas été identifié.
Une forme de pseudo-hyperaldostéronisme a été récemment rapportée dans une famille [37]. Elle se caractérise par une HTA sévère associée à un tableau d’hyporé- ninisme hypoaldostéronisme. Elle est due à une mutation activatrice du récepteur minéralocorticoïde qui substitue une sérine en leucine en position 810. Cette mutation se situe sur le domaine de liaison à l’hormone et altère la spécificité de liaison hormone-récepteur. Le récepteur muté est activé de façon constitutive en l’absence d’aldostérone, mais aussi de façon paradoxale par la progestérone en particulier pendant la grossesse.
L’ensemble de ces formes rares d’hypertension artérielle confirme l’importance de l’homéostasie hydrosodée dans la régulation de la pression artérielle. Cependant, aucun des gènes en cause n’a montré pour le moment une correspondance avec l’hypertension artérielle commune, dans le sens où n’ont pas été retrouvés sur ces gènes des mutations fréquentes ou des polymorphismes responsables d’une élévation de la pression artérielle dans la population. Elles constituent néanmoins des modèles riches d’enseignements pour la physiopathologie de l’hypertension.
CONCLUSION
Le développement des outils de génétique moléculaire permet de progresser dans la compréhension de l’hypertension artérielle essentielle. L’évaluation de la contribution de tel ou tel gène dans l’HTA essentielle devrait permettre de démembrer différentes formes cliniques selon les gènes impliqués, voire selon les mutations découvertes. Il est probable que les données du risque génétique permettront d’orienter le choix thérapeutique (pharmacogénétique) et d’aboutir, à terme, à une individualisation moléculaire du traitement.
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[32] MANSFIELD T.A., SIMON D.B., FARFEL Z. et al. — Multilocus linkage of familial hyperkalaemia and hypertension, pseudohypoaldosteronism type II, to chromosomes 1q31-42 and 17p11-q21.
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[33] DISSE-NICODÈME S., ACHARD J.M., DESITTER I. et al. — A new locus on chromosome 12p13.3 for pseudohypoaldosteronism type II, an autosomal dominant form of hypertension.
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[35] WILSON F.H., DISSE-NICODÈME S., CHOATE K.A., et al. — Human hypertension caused by mutations in WNK kinases.
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Science , 2000, 289 , 119-123
DISCUSSION
M. Raymond ARDAILLOU
Quel est l’apport de l’étude génétique de lignées de rats ou de souris sur l’identification de gène de susceptibilité à l’hypertension artérielle ?
Les lignées de rats spontanément hypertendus, ainsi que de rats et de souris génétiquement modifiés, ont fait l’objet d’études très nombreuses depuis ces 15 dernières années.
Très schématiquement, elles ont permis, pour ces rongeurs, d’identifier plus de 10 localisations chromosomiques responsables d’une élévation de pression artérielle, sans toutefois permettre pour le moment l’identification précise des gènes en question. Ceci devrait être possible par les nouvelles techniques que sont la modification très ponctuelle de portion chromosomique limitée (lignée congénique). Il n’a pas été établi, pour le moment, de véritable parallélisme entre les gènes de prédisposition à l’élévation tensionnelle chez le rat et les gènes de prédisposition à l’élévation tensionnelle chez l’homme. Les lignées transgéniques, et en particulier les inactivations ou les duplications géniques effectuées chez les souris, ont permis de démontrer des liens de causalité entre la dysfonction d’un gène unique et la régulation de la pression artérielle. Pratiquement tous les gènes inactivés montraient le rôle primordial des systèmes de conservation de l’eau et du sel dans la régulation de la pression artérielle : il s’agit en particulier des gènes du système rénine-angiotensine, des transporteurs ioniques, des récepteurs adrénergiques et dopaminergiques, des gènes du système natriurétique. Les progrès technologiques effectués ces dernières années sur les inactivations conditionnelles à un tissu ou conditionnelles dans le temps devraient permettre de progresser encore dans les mécanismes fins de régulation moléculaire de la pression artérielle chez ces animaux. Cependant, il n’y a pas, à ce jour, d’implication clinique humaine de ces travaux.
M. André VACHERON
Le polymorphisme I/D du gène de l’enzyme de conversion de l’angiotensine I est-il particulièrement délétère dans la maladie coronaire ? Quelle application peut-on en faire ?
Le polymorphisme I/D du gène de l’enzyme de conversion est extrêmement populaire depuis pratiquement dix ans et ce pour deux raisons : d’une part l’influence de ce polymorphisme sur la concentration plasmatique d’enzyme de conversion, les sujets avec génotype DD ayant pratiquement un taux d’enzyme de conversion double de ceux avec le génotype II ; d’autre part, le rôle majeur du système rénine-angiotensine dans le contrôle de l’homéostasie hydrosodée de la pression artérielle attesté par l’efficacité des bloqueurs de ce système sur la morbi-mortalité cardiovasculaire. En fait, de nombreuses études ont été effectuées pour tester l’association entre le polymorphisme I/D du gène de l’ACE et l’infarctus du myocarde, la sténose coronaire avant ou après angioplastie, la morbimortabilité cardiovasculaire. En fait, l’ensemble de ces études a montré un sur risque faible associé au génotype DD qui, bien qu’intéressant sur le plan épidémiologique, n’a pas de valeur dans la prise en charge individuelle des patients coronariens.
M. Claude JAFFIOL
L’hypertension artérielle est une affection multifactorielle où interviennent de multiples facteurs génétiques et d’environnement. Existe-t-il de nombreuses anomalies monogéniques ou polygéniques ? Quel est le rôle de la restriction sodée en fonction de ces anomalies génétiques ?
Comme vous le signalez, il existe plusieurs formes monogéniques d’hypertension arté- rielle dont pratiquement toutes sont liées à des défauts sur des gènes codant pour des protéines impliquées dans le métabolisme de l’eau et du sel : c’est le cas des gènes de l’aldostérone synthase, du récepteur minéralo-corticoïde, ou du canal sodium épithélial dans le cadre du syndrome de Liddle. Ces hypertensions sont bien entendu très dépen-
dantes de la teneur en sodium du régime alimentaire avec le plus souvent une nette amélioration sous régime désodé strict. Ceci n’est cependant pas suffisant pour traiter efficacement ces formes d’hypertension artérielle qui nécessitent le plus souvent un traitement spécifique. Dans le cadre de l’hypertension artérielle commune, il existe également des polymorphismes génétiques qui ont été suspectés soit sur le système rénine-angiotensine, soit sur un certain nombre de transporteurs, comme responsables d’une élévation de la pression artérielle. Leur interaction avec la teneur en sodium du régime alimentaire est plus difficile à établir, mais il est probable qu’il existe des combinaisons de gènes de susceptibilité qui pourraient orienter vers ce type de prise en charge chez les sujets hypertendus.
M. Jean Daniel SRAER
Dans le cadre du syndrome de Gordon où il existe une activation d’une nouvelle famille de sérine-thréonine-kinases, connaît-on le mécanisme exact de la pathologie ?
Deux gènes nouveaux, appelés WNK1 et WNK4, ont effectivement été identifiés au cours de l’année 2001 comme responsables d’une partie des sujets avec syndrome de Gordon, cette forme très particulière d’hypertension avec hyperkaliémie. Nous savons que ces gènes sont exprimés en particulier au niveau du tubule rénal distal et qu’ils interagissent probablement in fine avec des transporteurs ioniques et/ou avec le transfert de chlore transtubulaire. Cependant, on ne sait pas encore quels sont les substrats de ces kinases et quels en sont les partenaires. Une recherche active est actuellement effectuée dans différents laboratoires dans ce sens.
M. Claude DREUX
Comment peut-on expliquer l’intervention du récepteur de type 4 de l’angiotensine II sur l’apprentissage de la mémoire ? Est-ce un effet direct de l’angiotensine ou s’agit-il d’un effet qui passe par une autre protéine ?
Les effets du système rénine-angiotensine cérébral sur différentes activités dont la régulation de la pression artérielle et la soif sont connus depuis maintenant plusieurs années. En revanche, l’effet potentiel de l’angiotensine sur les activités d’apprentissage est plus récent. L’identification du récepteur de l’angiotensine 4, aussi appelé IRAP, est très récente. Nous ne connaissons pas les mécanismes moléculaires impliqués dans cet apprentissage. Il est cependant important de noter qu’une étude récente a montré des mutations du récepteur de type 2 de l’angiotensine II, gène porté par le chromosome X, chez des sujets masculins avec retard mental lié à l’X. Les mécanismes moléculaires en cause ne sont pas encore connus.
M. Pierre GODEAU
L’observation d’hypertension artérielle difficile à traiter et particulièrement sensible à la restriction sodée chez des sujets d’origine africaine a-t-elle un substratum génétique ?
Il existe effectivement des polymorphismes génétiques sur différents transporteurs ioniques, en particulier le canal sodium épithélial, qui ont été bien mis en évidence et sont plus fréquents chez les sujets d’origine africaine. Cependant, leur impact fonctionnel reste encore à déterminer. Il est important de noter que les sujets africains sont euxmêmes très variables sur le plan génétique et que la fréquence de certains gènes n’est pas
la même si l’on parle de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique de l’Est ou de l’Afrique du Sud.
L’interaction entre restriction sodée, baisse de la pression artérielle et polymorphisme génétique en fonction des populations, est donc encore à analyser.
M. Maurice TUBIANA
Comment l’âge affecte-t-il la régulation de la pression artérielle sur le plan génétique ?
On sait que l’âge est un des facteurs importants de l’élévation de la pression artérielle, en particulier systolique. Cette élévation est probablement liée à des modifications de rigidité vasculaire et/ou d’association à de l’athérome, possiblement conditionnée par des modifications sur des gènes codant pour des protéines de la matrice extracellulaire et/ou des gènes impliqués dans l’athérosclérose. Il est donc probable que les susceptibilités génétiques impliquées dans l’hypertension du sujet âgé sont différentes des susceptibilités génétiques impliquées chez l’enfant et/ou l’adulte jeune. Toutes ces différences entre gènes initiateurs et gènes modificateurs à plus long terme nécessitent, pour leur identification, l’analyse de classes homogènes de populations non seulement en fonction de l’âge mais probablement aussi en séparant hommes et femmes pour lesquels les interactions gènes/pression artérielle sont souvent différentes.
Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, n° 9, 1595-1609, séance du 3 décembre 2002