Communication scientifique
Session of 3 décembre 2002

Évolution récente des recommandations pour le dépistage et le traitement de l’hypertension artérielle

MOTS-CLÉS : antihypertenseurs. hypertension artérielle. mesure pression sanguine.. pression sanguine. prevention
Current recommendations on detection and treatment of hypertension
KEY-WORDS : antihypertensive agents. blood pressure. blood pressure determination.. hypertension. primary prevention

P.F. Plouin, G. Bobrie Académie nationale de médecine

Résumé

L’hypertension artérielle est une situation fréquente qui, seule ou associée à divers facteurs de risque comme l’exposition au tabac, l’hypercholestérolémie et le diabète, peut conduire à des accidents cérébraux ou coronaires fatals ou non fatals. Son dépistage est assuré par la mesure de la pression artérielle à chaque consultation médicale. Son diagnostic repose sur la répétition des mesures, nécessaire pour surmonter la variabilité spontanée de la pression artérielle et affirmer que l’hypertension est permanente. Dans les cas d’hypertension permanente, le traitement antihypertenseur réduit le risque de complication cardiovasculaire. Toutefois, seule une minorité des patients hypertendus non traités font effectivement un infarctus cérébral ou myocardique, et quelques patients traités dont la pression artérielle est bien contrôlée peuvent être frappés de telles complications. La fréquence spontanée des complications et le rendement de prévention par le traitement antihypertenseur sont plus élevés chez les hommes que chez les femmes et augmentent avec l’âge. Avant de décider de prescrire un traitement antihypertenseur indéfini, le médecin doit s’assurer que l’élévation tensionnelle n’est pas le symptôme d’une maladie sous-jacente (hypertension secondaire), qu’elle est permanente, qu’un traitement est justifié par le niveau de la pression artérielle et/ou la présence de co-facteurs de risques, et que les mesures de prévention prennent en compte l’ensemble des facteurs de risque modifiables.

Summary

Hypertension is a very prevalent condition which alone, or in association with various risk factors including smoking, hypercholesterolemia and diabetes mellitus, may lead to fatal or non-fatal stroke or myocardial infarction. Antihypertensive treatment is effective at preventing cardiovascular events. However, only a minority of patients with hypertension ever experience a stroke or myocardial infarction and a few patients with well-controlled hypertension may suffer such events. Before committing a patient to lifelong treatment, the physician should ensure that high blood pressure is not a symptom of an underlying correctable disease, that hypertension is persistent and requires medication, and that prevention measures take into account all correctable risk factors.

INTRODUCTION

L’hypertension artérielle comme facteur de risque modifiable

L’hypertension artérielle (HTA) est la situation des personnes qui ont habituellement une pression artérielle (PA) élevée. Cette situation a été associée à un haut risque cardiovasculaire par les travaux d’un médecin libéral de la fin du XIXe siècle ;

elle a été identifiée comme la première « maladie quantitative » à la suite des relevés de morbimortalité d’une société américaine d’assurance, montrant une relation statistique entre le niveau initial de PA et le risque incident d’accident vasculaire cérébral, d’insuffisance cardiaque et d’infarctus du myocarde [1]. Les essais contrô- lés contemporains ont montré que le risque cardiovasculaire associé à l’HTA est en grande partie réversible par le traitement [2] : la PA est un indicateur de risque et un facteur de risque modifiable.

Prévalence de l’HTA

Les études de cohortes montrent que le risque de complication cardiovasculaire est d’autant plus élevé que la PA est plus haute et d’autant plus réduit qu’elle est plus basse : l’évolution du risque est une fonction continue de la PA. En conséquence, il est artificiel de distinguer une population « hypertendue » d’une population « normotendue » puisque ces deux populations sont en continuité. Cet artifice est néanmoins nécessaire à la pratique clinique qui s’adresse à des individus et non à des groupes. Les recommandations américaines et de l’Organisation Mondiale de la Santé ont tenté d’atténuer cette dichotomie en créant 9 catégories de statut tensionnel [3, 4] (Tableau 1). Cette segmentation complexe n’a pas été retenue par la recommandation française [5].

Comme pour toute maladie quantitative, dont un autre exemple est l’hypercholestérolémie, la prévalence de l’HTA dépend de la méthode de mesure et du seuil diagnostique adopté. La méthode de référence pour mesurer la PA est actuellement la mesure clinique, mesure obtenue par un médecin ou par une infirmière utilisant un manomètre à mercure ou un moniteur automatique validé [6, 7]. Une mesure unique expose à une réaction d’alarme qui élève transitoirement la PA et surestime

TABLEAU 1. — Les 9 catégories de statut tensionnel selon les recommandations américaines [3] et de l’Organisation Mondiale de la Santé [4] les chiffres d’un individu [8], et pourrait donc conduire à surestimer la prévalence de l’HTA dans la population. Les recommandations contemporaines soulignent la nécessité de mesures répétées de la PA au cours de plusieurs consultations espacées de quelques mois (cas où la première mesure trouve une systolique et une diastolique dans les fourchettes 140-179 mmHg et 90-109 mmHg, respectivement) ou de quelques jours (cas plus rares où la systolique et/ou la diastolique atteignent ou dépassent 180 et 110 mmHg respectivement) [3-5]. Une alternative à ces mesures cliniques répétées est l’usage de méthodes indépendantes de l’observateur : automesure tensionnelle ou mesure ambulatoire par un appareil automatique [9]. Ces méthodes prometteuses ne sont pas recommandées en routine car elles manquent encore de seuils diagnostiques et décisionnels validés [3-5].

L’artifice mentionné plus haut, qui consiste à fixer un seuil convenu de PA pour porter le diagnostic d’HTA, a une influence directe sur la prévalence de l’HTA diagnostiquée. Il y a 20 ans, ce seuil était de 160/95 mm Hg. Ce seuil conventionnel d’HTA est désormais une moyenne de PA, établie à partir de mesures cliniques répétées, atteignant ou dépassant 140/90 mm Hg (systolique/diastolique) [3-5].

L’adoption de ce nouveau seuil a mécaniquement élevé la prévalence de l’HTA diagnostiquée. Dans la population américaine de l’enquête NHANES III, la prévalence de l’HTA chez les hommes de 18 à 74 ans était de 14,7 % ou de 22,8 % selon qu’on utilisait les seuils de 160/95 ou de 140/90 mm Hg, seuils qui avaient été modifiés au cours de l’enquête [10]. Dans le cadre des conventions actuelles, la prévalence de l’HTA dans la population adulte occidentale est élevée, de l’ordre de 20 % . Elle dépasse 30 % chez les patients de plus de 60 ans. La réduction du seuil diagnostique d’HTA et l’augmentation apparente de sa prévalence ne sont pas la conséquence d’une inflation arbitraire. Elles sont justifiées par la démonstration d’un bénéfice du traitement antihypertenseur en termes de prévention cardiovasculaire, au moins dans certains sousgroupes de patients, dès le seuil de 140/90 mmHg [2] (Tableau 2).

TABLEAU 2. — Classification du risque en fonction du niveau de la pression artérielle et des cofacteurs de risque [3-5] L’HTA comme signe d’une maladie sous-jacente

Une minorité des HTA est le signe d’une maladie sous-jacente rénale, rénovasculaire ou surrénale, ou la conséquence de l’exposition à un agent presseur (alcool, estroprogestatifs à destinée contraceptive, réglisse etc.). La fréquence de ces HTA secondaires n’est connue qu’à partir de séries hospitalières. Ces séries sont biaisées par le fait qu’on adresse spécifiquement aux services spécialisés les patients chez lesquels on soupçonne une HTA secondaire : leur proportion est donc surestimée.

La proportion des HTA secondaires est probablement inférieure à 5 %, dont la moitié est curable. Une HTA secondaire n’est pas nécessairement curable en effet, car certaines étiologies ne se prêtent pas à un geste curateur (HTA associées aux glomérulopathies ou aux malformations rénales, par exemple), et parce que les HTA accessibles à un geste ne sont pas nécessairement guéries par l’intervention. C’est le cas des HTA associées aux sténoses de l’artère rénale d’origine athéroscléreuse, dont une minorité seulement est réversible après correction de la sténose par la chirurgie ou une dilatation endoluminale [11].

LE DÉPISTAGE DE L’HYPERTENSION

Moyens et circonstances

Le moyen et les circonstances du dépistage sont simples : c’est la mesure de la PA lors de toute consultation, qu’il s’agisse d’une consultation à l’initiative du patient ou d’une consultation systématique. Entrent dans ce deuxième cadre les visites de
médecine du travail et de médecine scolaire, ou les consultations systématiques de surveillance de la grossesse et de la contraception. Le dépistage en médecine du travail est particulièrement important car les personnes de catégorie socioprofessionnelle défavorisée, peu intégrées au système libéral de santé, ne consultent que tardivement pour une HTA symptomatique et sévère [12]. Dans la mesure où il existe une ressemblance familiale de la PA, il est utile qu’un médecin de famille surveille attentivement la PA des enfants de parents hypertendus.

Si la PA est inférieure à 140/90 mmHg, cette mesure systématique n’appelle pas de commentaire. Si la PA dépasse ce seuil, il faut obtenir une seconde mesure, et si nécessaire conseiller au patient des mesures complémentaires lors de consultations ultérieures avant de parler d’HTA. Un « étiquetage » prématuré, consistant à déclarer un sujet hypertendu devant une simple élévation transitoire de la PA, peut en effet entraîner une anxiété injustifiée, voire un absentéisme [13].

Objectifs : prévention de l’hypertension ou de ses complications

L’objectif lointain de ce dépistage est la mise en place de mesures de prévention.

Chez les patients dont la PA est dans les valeurs « normales hautes », c’est-à-dire dans la fourchette 130-139 et 85-89 mm Hg [3, 4] (Tableau 1), la probabilité de développer une hypertension sur une période de 4 ans est élevée [14] et l’on peut théoriquement envisager une prévention primaire de l’HTA par un traitement non médicamenteux. Cependant la valeur d’une telle prévention n’est pas démontrée en termes de bénéfice clinique et cette attitude exposerait aux risques mentionnés plus haut d’un « étiquetage » prématuré [13]. Il paraît plus sage de demander seulement à ces patients une nouvelle consultation à un an [14]. En fait la meilleure prévention primaire de l’HTA reposerait sur une intervention sur l’ensemble de la population, via la réduction de l’apport en sel des aliments industriels par exemple, ce qui aurait l’avantage de ne pas « étiqueter » de façon abusive une sous-population à PA « normale haute » dont le surcroît cardiovasculaire de risque est mineur. Une approche universelle est en théorie plus payante à long terme que la prise en charge des seuls patients à PA « normale haute » mais n’a pas fait non plus l’objet d’une validation à grande échelle [15].

Chez les patients dont la PA habituelle et les cofacteurs de risque le justifient (voir plus loin), le traitement de l’HTA vise une prévention cardiovasculaire primaire dont l’efficacité est bien documentée [2-5]. La décision de traiter est fondée sur des critères tensionnels et non tensionnels soigneusement délimités par les recommandations contemporaines [3-5] (Tableau 2).

Le dépistage des HTA secondaires

Il vise à détecter la minorité de cas où l’HTA est le signe d’une maladie rénale, rénovasculaire ou surrénale sous-jacente. Les recommandations en vigueur propo-

FIG. 1. — Diagramme pour la recherche des hypertensions secondaires IEC, inhibiteur de l’enzyme de conversion ; antagonistes AT1 : antagonistes du récepteur AT1 de l’angiotensine II ; aldo, aldostérone ; IRM, imagerie de résonance magnétique (adapté de [26]).

sent un dépistage en deux temps [3-5]. Dans un premier temps, ce dépistage repose sur la présence à l’examen initial de signes d’appel vers une HTA secondaire. Ces signes d’appel sont tirés de l’interrogatoire, de l’examen clinique et d’un bilan biologique élémentaire, préalable à la prescription de tout médicament antihypertenseur, qui inclut la mesure de la kaliémie et de la créatininémie et le dépistage d’une protéinurie ou d’une hématurie par les bandelettes réactives. Des antécédents uro-néphrologiques, une élévation de la créatininémie ou la présence d’anomalies du sédiment urinaire justifient une enquête rénale ; la présence d’un souffle paraombilical ou d’une athérosclérose symptomatique dans d’autres lits vasculaires oriente vers une cause rénovasculaire ; la présence d’un hypokaliémie suggère un hyperaldostéronisme primaire. Ces signes d’appel ont une médiocre sensibilité et peuvent ignorer quelques cas d’HTA potentiellement curables. Ceci justifie une reprise d’enquête en cas de résistance à un traitement bien conduit. Ce deuxième temps d’enquête s’adresse alors à une minorité des HTA, parmi les plus sévères, où une exploration hormonale et d’imagerie devient médicalement et financièrement rentable. La Figure propose un diagramme de décision pour ces deux temps de l’enquête étiologique.

TABLEAU 3. — Les principaux facteurs de risque rencontrés chez un hypertendu. Il sont classés de haut en bas par ordre décroissant de réponse au traitement : par exemple il existe des médicaments efficaces de l’hypercholestérolémie mais pas de médicaments limitant les effets cardiovasculaires de l’âge.

LA DÉCISION DE TRAITER

Seuils décisionnels

Les recommandations récentes conseillent de traiter par des médicaments antihypertenseurs, après quelques jours de surveillance visant à confirmer la réalité de chiffres élevés, les personnes dont la PA est de 180/110 mm Hg ou plus. Dans les autres cas, un traitement non médicamenteux d’attente est mis en place et une surveillance de 3 mois à un an permet de définir le niveau habituel de la PA et de faire le point des éventuels facteurs de risque associés (les principaux facteurs de risque figurent au Tableau 3). Au terme de cette période de surveillance, la décision de traiter est fondée sur la combinaison de critères tensionnels et non tensionnels comme indiqué au Tableau 2. Un traitement s’impose sans délai chez les patients à risque élevé ; il est nécessaire si l’HTA se montre permanente après quelques mois de surveillance chez les sujets à risque moyen ; une surveillance régulière et un traitement non médicamenteux sont généralement suffisants chez les patients à risque faible [3-5].

La PA prise en compte est la systolique ou la diastolique, et pas nécessairement la combinaison d’une systolique et d’une diastolique élevées. Le bien-fondé du traitement de l’HTA systolique isolée (définie par une systolique dépassant 159 mm Hg avec une diastolique de moins de 90 mm Hg) a été parfaitement documenté par de nombreux essais contrôlés [16]. Cette forme d’HTA est la plus fréquente après 50 ans [17].

Les facteurs de risque pris en compte peuvent relever d’un traitement propre comme l’hypercholestérolémie, ou d’une modification du mode de vie, comme l’exposition au tabac ou la réduction du poids, mais ils peuvent être également inaccessibles à une intervention, comme l’âge et le sexe masculin. Ces facteurs de risque sont néanmoins pris en compte pour la décision de traiter par un médicament antihypertenseur : par exemple un homme de plus de 60 ans, fumeur et dont la PA est en moyenne de 142/84 mm Hg, relève d’un traitement médicamenteux antihyperten-

TABLEAU 4. — Bénéfice tensionnel attendu des traitement non médicamenteux de l’hypertension artérielle [18, 19] seur. Ce traitement n’a pas d’effet bien entendu sur les conséquences de l’âge, du sexe masculin ou du tabagisme, mais ces facteurs de risque associés indiquent un haut risque vasculaire et la réduction du risque absolu est d’autant plus grande que le risque absolu est plus élevé.

Traitements non médicamenteux

Pendant la période de surveillance préalable à la décision de prescrire un traitement pharmacologique, un ou plusieurs traitements non médicamenteux sont institués en fonction des caractéristiques et des habitudes alimentaires de l’individu concerné :

réduction des apports en sel et en alcool, réduction du poids, augmentation de l’exercice physique ou recours à une technique de relaxation. Ces traitements n’ont qu’un effet modeste sur la PA (Tableau 4), notamment les deux derniers dont l’apport n’apparaît pas significatif dans les essais contrôlés publiés [18, 19]. Ils ont en revanche des avantages en termes de qualité de vie ou de prévention cardiovasculaire et permettent souvent d’alléger le traitement. Il faut donc encourager le patient à les poursuivre, même si la décision finale est de prescrire un traitement pharmacologique de l’HTA.

Traitement médicamenteux

Il y a en France plus de 100 spécialités pharmaceutiques, réparties en 6 classes principales, destinées au traitement médicamenteux de l’HTA. Dans l’ordre d’apparition sur le marché, ce sont les diurétiques, les antihypertenseurs centraux, les vasodilatateurs, les béta-bloquants, les antagonistes des canaux calciques et les antagonistes du système rénine-angiotensine. Leur mise sur le marché est précédée d’études de la relation dose-effet qui permet de les prescrire à des doses à peu près équivalentes en terme de leur capacité à réduire la PA. Ces médicaments sont donc équipotents sur le plan tensionnel. Sont-ils pour autant équipotents dans leur capacité à prévenir les complications cardiovasculaires de l’HTA ? Ceci fait l’objet d’un débat [20, 21] qui pourrait être bientôt tranché par les résultats d’un immense essai (42 448 participants) comparant l’efficacité en prévention cardiovasculaire

TABLEAU 5. — Eléments pour le choix de la première prescription d’un médicament antihypertenseur (adapté de [26]) d’un diurétique, d’un béta-bloquant, d’un antagoniste des canaux calciques, d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion et d’un alpha-bloquant [22].

Dans l’attente de ces résultats, les défenseurs d’une efficacité préventive directement liée à l’efficacité tensionnelle militent pour l’emploi des médicaments les plus anciens et donc les moins chers, les diurétiques et les béta-bloquants, les médicaments plus récents étant réservés aux contre-indications des premiers [20]. D’autres experts se prononcent pour les médicaments plus récents comme les antagonistes du système rénine-angiotensine, qui pourraient avoir une valeur préventive supplémentaire à effet antihypertenseur égal [21]. La recommandation la plus récente de l’Organisation Mondiale de la Santé ne prend pas position et suggère de choisir le traitement initial chez un patient donné en fonction de la présence de contreindications et de co-morbidités, comme indiqué au Tableau 5 [23].

L’adaptation ultérieure du traitement se fait sur une base empirique tenant compte de la réponse tensionnelle constatée et de l’apparition éventuelle d’effets indésirables. Ces ajustements permettent d’obtenir un contrôle correct de la PA au prix d’un traitement double ou triple chez la majorité des patients.

LES OBJECTIFS DU TRAITEMENT

Objectifs tensionnels

L’objectif du traitement est d’amener les patients hypertendus au-dessous du seuil qui définit l’HTA, c’est-à-dire à moins de 140 mm Hg pour la systolique et de 90 mm Hg pour la diastolique. Cet objectif est à moduler dans certains cas particuliers.

Dans l’HTA du sujet de plus de 65 ans, l’objectif pour la systolique est un peu plus modeste, inférieur à 150 mm Hg. Dans le cas des patients ayant une HTA et un diabète, l’objectif est au contraire plus strict, fixé par les recommandations de
l’ANAES à moins de 140 mm Hg pour la systolique et moins de 80 mm Hg pour la diastolique [5]. Enfin, dans le but de prévenir l’évolution vers l’insuffisance rénale terminale et l’hémodialyse, l’objectif est fixé à moins de 125/75 mm Hg dans le cas des insuffisants rénaux ayant une protéinurie de plus d’un gramme par jour [3-5]. Il faut signaler que ces objectifs sont difficiles à atteindre, les HTA des diabétiques étant souvent associées à une atteinte rénale avec protéinurie, et l’HTA des insuffisants rénaux étant souvent de contrôle difficile.

Constat : le statut tensionnel des hypertendus traités

La PA des hypertendus reste globalement mal contrôlée dans le monde, et la France ne fait pas exception [24]. En conséquence de ce mauvais contrôle, la mortalité des hypertendus traités reste deux fois supérieure à celle des personnes normotendues de même âge [25]. Dans le but d’améliorer le devenir des hypertendus traités, les recommandations contemporaines invitent à une grande rigueur dans le contrôle de la PA, mais aussi dans le contrôle des facteurs de risque associés.

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DISCUSSION

M. Jean-Baptiste PAOLAGGI

Les sources des connaissances scientifiques étant internationales, cela se traduit-il par des recommandations générales pour toutes les communautés médicales ou existe-t-il quand
même des variations de recommandations nationales ou régionales (au sens continental du terme) ?

Il y a quelques différences entre les recommandations américaines [3] et françaises [5], portant par exemple sur le rôle de l’obésité et du sodium alimentaire ou sur le risque rénal élevé pour les sujets d’origine africaine. Toutefois les différences entre recommandations nationales [3, 5] et internationales [4] sont plus liées à leur date de publication, et donc fonction de l’évolution des connaissances, qu’à la prise en compte de particularités géographiques ou ethniques.

M. Pierre GODEAU

Le contrôle de l’hypertension artérielle est évidemment un objectif souhaitable. Cependant, l’hypertension artérielle n’est sans doute que le reflet d’un processus artériel causal difficile à appréhender et à quantifier par les procédés d’exploration dont nous disposons. D’autre part, à chiffres comparables de tension artérielle obtenus par le traitement, l’efficacité sur les complications et leur prévention peut être différente selon la médication utilisée. Comment peut-on approcher l’étude de ces discordances ?

Le niveau de la pression artérielle n’est qu’un index du risque vasculaire. Certains antihypertenseurs sont également efficaces chez les sujets hypertendus ou normotendus (par exemple en prévention secondaire après infarctus myocardique ou cérébral). A baisse égale de pression artérielle, certains sont plus efficaces que d’autres en prévention primaire chez l’hypertendu. L’étude de ces discordances est un grand débat d’actualité [20-22]. Il est possible que la décision de traiter un hypertendu ou que le choix de son traitement soit modulé dans le futur par des index de morphologie vasculaire : masse ventriculaire gauche ou épaisseur carotidienne par exemple. Ces stratégies restent à valider à grande échelle.

M. Yves GROSGOGEAT

Que penser de l’automesure de la PA ? N’entraîne-t-elle pas une sorte de déploiement des mesures lié à des problèmes techniques et à l’entretien d’une anxiété voire d’une obsession chez le patient ?

L’automesure ne peut être envisagée qu’après une éducation adéquate sur la variabilité de la pression artérielle, avec des moniteurs validés, et sous le contrôle décisionnel d’un médecin. Ces aspects sont développés dans le site automesure.com que notre équipe a mis en place.

M. Pierre BÉGUÉ

Chez l’enfant, le dépistage est souvent difficile en raison de la multiplicité des appareils.

Avez-vous des normes établies, permettant un dépistage précoce de l’hypertension arté- rielle ? A quel âge et comment préconisez-vous le dépistage en médecine scolaire ?

Les appareils proposés à la vente sont en effet multiples, alors que seule une minorité a été validée. Il faut en outre disposer d’un jeu de brassards adaptés aux périmètres des bras d’enfants. Les valeurs de référence sont fonction de la taille de l’enfant et l’on dispose de
nomogrammes validés pour l’Europe, incorporant notamment les travaux de l’équipe de J.L. André à Nancy (de Man S.A., André J.L., Bachmann H., Grobbee D.E., Ibsen K.K., Laaser U., Lippert P., Hofman A. — Blood pressure in childhood : pooled findings of six European studies. J Hypertens ., 1991, 9 , 109-14). Le dépistage d’une pression artérielle trop élevée est fait lors des visites de médecine scolaire. Il est particulièrement indiqué chez les enfants en surpoids ou dont les parents sont hypertendus.


* Unité d’hypertension artérielle, Hôpital Européen Georges Pompidou — 75908 Paris cedex 15. Tirés-à-part : Professeur Pierre-François PLOUIN, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 26 septembre 2002, accepté le 14 octobre 2002.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, n° 9, 1611-1623, séance du 3 décembre 2002