Résumé
La prévalence de la fibrillation atriale (FA) en fonction de l’âge, les facteurs de risque, la mortalité toute cause, cardiovasculaire et cérébrovasculaire ont été analysés dans une vaste cohorte francilienne. Cette cohorte est composée de 98 961 hommes et 55 109 femmes, âgés de plus de 30 ans, ayant eu un examen de santé gratuit au Centre IPC (Investigations Préventives et Cliniques). Lors de l’électrocardiogramme systématique, une FA a été enregistrée chez 235 hommes (âge moyen 60,2 fi 10,3 ans) et 63 femmes (âge moyen 62,5
Summary
We examined the prevalence of atrial fibrillation (AF) in a large French population according to age, risk factors, all-cause mortality, and cardiovascular and cerebrovascular mortality. The study population was composed of 98 961 men and 55 109 women over 30 years of age who had a free medical checkup at the IPC Center (Centre d’Investigations Préventives et Cliniques). Routine electrocardiograms revealed the presence of AF in 235 men (mean age 60.2 fi 10.3 years) and 63 women (mean age 62.5 fi 9.1 years). Mean follow-up was 15.2 years. The relative risk of death [Hazard Ratio (95 % CI)] was determined with a Cox regression model. The prevalence of AF increased strongly with age in both genders and was higher among men. Before 50 years of age, AF was present in 0.05 % of men and 0.01 % of women, compared to 6.5 % and 5.2 %, respectively, in over-80s. After adjustment for age, factors significantly associated with AF were cardiopathy [Odds Ratio (OR)=3.2 (2.3-4.5) among men and 4.9 (2.5-9.5) among women], hypertension [OR=1.4 (1.1-1.9) in men and 2.2 (1.2-3.9) in women], overweight [OR=2.2 (1.4-3.2) in men and 2.3 (1.0-5.1) in women], ventilatory failure [OR=1.4 (0.9-2.2) in men and 4.9 (2.4-10) in women], diabetes [OR=1.7 (1.1-2.5) in men] and alcohol consumption [OR=1.7 (1.2- 2.4) in men]. The relative risk of death was then adjusted for age, cardiopathy, left venticular hypertrophy, blood pressure, cholesterol, glycemia, body mass index, smoking, alcohol, and vital capacity. The HR of all-cause mortality was 1.5 (1.0-2.0) in men and 1.8 (1.0-3.3) in women. The HR of cardiovascular mortality was 2.2 (1.2-3.1) in men and 3.4 (1.5-7.7) in women, while for stroke-related mortality it was 2.0 (0.7-4.3) in men and 4.5 (1.3-16) in women. No association was found between AF and non-cardiovascular mortality in either men or women. The risk of death among men without cardiopathy or hypertension, after adjustment for the other risk factors, was not significantly increased (overall mortality 1.1 (0.5-2.0), cardiovascular mortality 1.4 (0.6-2.9)). In contrast, men with cardiopathy or hypertension had an adjusted HR of 1.7 (1.1-2.8) for overall mortality and 2.6 (1.3-5.3) for cardiovascular mortality. In conclusion, after adjustment for all risk factors, the AF-related relative risk of overall mortality and of cardiovascular mortality was higher among women than among men, especially for cerebrovascular mortality. AF was not an independent risk factor for death among men free of cardiopathy and hypertension.
INTRODUCTION
La fibrillation auriculaire (FA), ou plus précisément atriale car elle ne concerne pas seulement les auricules, est le trouble du rythme cardiaque soutenu le plus fréquent [1-4]. Son incidence et sa prévalence augmentent fortement avec l’âge [5-7]. La fréquence des FA est en progression, en raison de l’accroissement de la longévité et de la réduction de la létalité de certaines pathologies causales, telles les cardiopathies ischémiques, l’hypertension artérielle et l’insuffisance cardiaque [8, 9]. La FA entraîne un risque accru de morbidité et de mortalité cardiovasculaires, indépendant des pathologies causales ou des facteurs de risque associés. Elle est notamment responsable d’insuffisance cardiaque [10], mais, plus handicapant encore, d’accidents vasculaires cérébraux et de détérioration des fonctions cognitives [11, 12]. Le risque de mortalité lié à la FA est presque doublé [1-3, 13]. Les données françaises sont limitées à l’Etude Prospective Parisienne I, sur la mortalité liée à la FA idiopathique [14], et à l’étude ALFA, concernant la caractérisation des différents types de FA vus en activité libérale en France [15]. La première étude n’analysant qu’un faible nombre de FA d’une cohorte spécifique et la deuxième étant observationnelle en pratique clinique, il a paru intéressant d’étudier la FA dans une vaste cohorte française, étendue en âge et proche de la population générale ; le but étant d’en estimer la prévalence, les facteurs de risque et la mortalité toute cause, cardiovasculaire et plus spécifiquement coronaire ou cérébrale.
MATÉRIEL ET MÉTHODES
Population
La population étudiée concerne des sujets, vivant dans la région parisienne (en Ile-de-France dont 25 % à Paris), qui ont eu un bilan de santé pluridisciplinaire standardisé au Centre IPC (Investigations Préventives et Cliniques, Paris). Ce centre, conventionné par la Sécurité Sociale (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés et Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Paris), propose aux adultes assurés et ayant droit, de toutes catégories socio-économiques, un bilan de santé gratuit tous les cinq ans.
Tous les sujets âgés de plus de 30 ans, examinés de 1972 à 1988, ont été retenus pour cette étude, soit 98 961 hommes et 55 109 femmes.
Lors de l’électrocardiogramme systématique, une FA a été enregistrée chez 235 hommes (âge moyen 60,2 fi 10,3 ans) et 63 femmes (âge moyen 62,5 fi 9,1 ans).
Paramètres étudiés
Les données concernant le statut socio-économique, le mode de vie, les antécédents médicaux, l’état de santé, les prises de médicaments, ont été enregistrées par auto questionnaire validé. Des scores d’anxiété et de dépression ont été établis [16, 17].
La pression artérielle a été mesurée au bras droit en position couchée après dix minutes de repos ; la moyenne de trois mesures a été prise en compte.
L’électrocardiogramme de repos, interprété par un cardiologue, a recherché, entre autres anomalies, une hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) par les indices de Sokolow et de Lewis. Des mesures biométriques, une radiophotographie thoracique et des tests ventilatoires (spiromètre ST200, Fukuda Sangyo) avec enregistrement de la capacité vitale et du volume expiratoire maximum par seconde (VEMS), mesurés/théoriques, ont été réalisés.
Des analyses biologiques ont été effectuées à jeun, par méthode enzymatique (automate Hitachi 917) ou colorimétrique (ABX, Pentra 120).
Suivi de la population
Le suivi de l’ensemble de la population a été en moyenne de 15,2 ans (9 à 25 ans).
Pour tous les sujets, le statut vital a été établi à partir des données de l’Institut National de Statistiques et d’Etudes Economiques (INSEE). Les causes de mortalité ont été obtenues à partir des certificats de décès, codifiées selon la Classification Internationale des Maladies par l’Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM, Unité SC8).
Analyses statistiques
Les facteurs de risque associés à la FA ont été étudiés à l’aide d’analyses de variance incluant l’âge pour les paramètres quantitatifs et de tests χ2 pour les variables qualitatives. Les associations avec des paramètres qualitatifs ont été par ailleurs étudiées en utilisant des modèles de régression logistique incluant l’âge : Odds Ratio.
Les risques relatifs de mortalité liés à la FA ont été estimés par des modèles de Cox [Hazard Ratio HR (intervalle de confiance 95 %)], ajustés sur l’âge, les cardiopathies, l’hypertrophie ventriculaire gauche, la pression artérielle, le cholestérol, la glycémie, l’indice de masse corporelle, le tabac, l’alcool, la capacité vitale respiratoire. Des courbes de survie ont été établies par la méthode de Kaplan-Meier.
Toutes les analyses statistiques ont été réalisées avec le logiciel SAS version 8,02 (Statistical Analysis System, Cary, North Carolina, USA).
Le centre IPC a reçu l’autorisation du Comité National d’Informatique et de Liberté (CNIL) pour, avec l’accord des sujets, analyser les données et le devenir.
FIG. 1. — Prévalence de la fibrillation atriale en fonction du sexe et de l’âge.
RÉSULTATS
Prévalence
La prévalence de la FA, prépondérante chez les hommes, augmente fortement avec l’âge dans les deux sexes : avant l’âge de 50 ans, elle est de 0,05 % chez les hommes et de 0,01 % chez les femmes ; à 80 ans et plus, elle est respectivement de 6,5 % et 5,2 % (figure 1).
Facteurs de risque associés
Les caractéristiques de la population et les paramètres associés à la FA, ajustés sur l’âge, sont donnés dans le tableau I .
Le poids, l’indice de masse corporelle (IMC = Poids/Taille2), la pression artérielle diastolique, l’uricémie, les gamma GT, les globulines, sont significativement plus élevés chez les hommes et les femmes qui ont une FA. La glycémie est significative chez les hommes. Les taux de cholestérol, d’albumine sérique sont abaissés en cas de FA. Il en est de même de la capacité vitale respiratoire et du VEMS. Les buveurs réguliers de boissons alcoolisées sont plus fréquents chez les hommes avec FA, avec une même tendance chez les femmes.
Chez les femmes avec FA, la pression artérielle systolique, la fréquence de l’hypertrophie ventriculaire gauche, les scores d’anxiété et de dépression sont significativement plus élevés.
TABLEAU I. — Caractéristiques des sujets sans fibrillation atriale (FA —) ou avec fibrillation atriale (FA +). Toutes les moyennes (SEM) ont été ajustées sur l’âge.
Hommes
Femmes
Paramètres
FA-
FA+ p
FA-
FA+ p
N (%) 98726 235 (0,24 %) – 55046 63 (0,11 %) – Age (ans) 51,0 (8,5) 60,2 (10,3) 50,3 (9,6) 62,5 (9,1) Poids (Kg) 73,9 (0,03) 78,6 (0,7) 0,0005 58,4 (0,03) 62,2 (1,4) 0,02 Taille (cm) 173,5 (0,02) 175,4 (0,5) 0,001 160,4 (0,02) 161,8 (0,8) 0,14 IMC (P/T2) 24,6 (0,03) 25,6 (0,6) 0,001 22,7 (0,04) 23,8 (0,5) 0,03 PAS (mmHg) 135,6 (0,06) 134,0 (1,1) 0,15 130,5 (0,08) 139,9 (2,3) 0,0001 PAD (mmHg) 82,0 (0,04) 85,4 (0,7) 0,0001 77,3 (0,05) 83,8 (1,4) 0,0001 Pression pulsée (mmHg) 53,4 (0,04) 48,6 (0,8) 0,0001 53,3 (0,05) 54,4 (1,5) 0,45 Fréquence card. (bt/m) 63,4 (0,03) 84,9 (0,66) 0,0001 65,7 (0,05) 85,9 (1,3) 0,0001 Cholestérol (g/l) 2,20 (0,001) 2,05 (0,03) 0,001 2,16 (0,002) 2,01 (0,05) 0,002 Triglycérides (g/l) 1,21 (0,002) 1,20 (0,005) ns 0,89 (0,003) 1,03 (0,009) 0,11 Glycémie (g/l) 1,02 (0,001) 1,10 (0,02) 0,001 0,95 (0,001) 0,99 (0,002) 0,09 Uricémie (mg/l) 58,5 (0,04) 61,1 (0,7) 0,0001 43,4 (0,05) 50,7 (1,4) 0,0001 Gamma-GT (UI/l) 42,4 (0,2) 58,9 (3,4) 0,0001 24,1 (0,2) 59,3 (6,5) 0,0001 Serum-albumine (g/l) 43,6 (0,008) 43,06 (0,2) 0,001 42,7 (0,01) 41,9 (0,3) 0,02 Globulines (g/l) 24,8 (0,09) 25,7 (0,2) 0,0002 25,6 (0,01) 26,7 (0,47) 0,04 Capacité Vitale (mes/th) 0,90 (0,001) 0,84 (0,01) 0,0001 1,02 (0,001) 0,90 (0,02) 0,001 VEMS (mes/th) 0,99 (0,001) 0,84 (0,01) 0,0005 1,16 (0,001) 1,04 (0,03)) 0,001 Buveurs réguliers (%) 39,2 52,4 0,005 21,4 27,7 0,3 Fumeurs >10 cig/j (%) 22,2 34,1 0,01 22,2 6,98 0,06 Hypertrophie VG (%) 2,28 3,98 0,13 0,38 4,65 0,001 Score d’anxiété 3,57 (0,01) 3,49 (0,19) 0,65 4,68 (0,01) 6,38 (0,4) 0,0001 Score de dépression 1,32 (0,005) 1,44 (0,17) 0,47 2,45 (0,01) 3,61 (0,33) 0,0005 Les Odds Ratio des principaux facteurs de risque associés à la FA sont précisés dans le tableau II . Parmi les cardiopathies, la cardiopathie ischémique est la cause principale chez les hommes, alors que ce sont les autres cardiopathies (hypertensives, valvulaires…) qui sont plus souvent en cause chez les femmes. L’hypertension artérielle (pression artérielle > 140/90 mmHg et/ou sujets traités) apparaît plus marquée chez les femmes que chez les hommes. La surcharge pondérale (IMC >27 Kg/m2) est significative dans les deux sexes. Le diabète et la consommation de plus d’1 litre de vin par jour le sont chez les hommes. L’insuffisance ventilatoire (capacité vitale mesurée /théorique <0,90) est nette chez les femmes.
Risque de mortalité
Afin d’estimer les risques relatifs de mortalité spécifiquement liés à la FA, ceux-ci ont été ajustés sur l’âge, les cardiopathies, l’hypertrophie ventriculaire gauche, la pression artérielle, le cholestérol, la glycémie, l’indice de masse corporelle, le tabac, l’alcool, la capacité vitale respiratoire ( tableau III ).
TABLEAU II. — Facteurs associés à la fibrillation atriale. Odds Ratio (intervalles de confiance 95 %) ajustés sur l’âge.
Hommes
Femmes
Cardiopathie 3,2 (2,3-4,5) 4,9 (2,5-9,5) Cardiopathie ischémique 3,2 (2,0-4,9) 1,8 (0,7-4,6) Hypertension artérielle *
1,4 (1,1-1,9) 2,2 (1,2-3,9) IMC (P/T2) >27 Kg/m2 2,2 (1,4-3,2) 2,3 (1,0-5,1) Diabète déclaré 1,7 (1,1-2,5) 1,1 (0,5-2,6) Alcool (>1 l de vin/j) 1,7 (1,2-2,4) 0,8 (0,2-3,5) Insuffisance ventilatoire **
1,4 (0,9-2,2) 4,9 (2,4-10) * pression artérielle >140/90 mmHg et/ou traitement ** capacité vitale mesurée/théorique <0,90 TABLEAU III. — Risques relatifs de mortalité liés à la présence de fibrillation atriale. Hazard Ratio (intervalle de confiance 95 %) ajusté sur l’âge, la présence de cardiopathie, d’hypertrophie ventriculaire gauche, la pression artérielle, la cholestérolémie, la glycémie, l’indice de masse corporelle, le tabac, l’alcool, la capacité vitale respiratoire.
Mortalité Totale CV*
Coronaire AVC**
non CV*
Hommes 1,5 2,2 2,3 2,0 1,1 (1,0-2,0) (1,2-3,1) (1,2-3,9) (0,7-4,3) (0,8-1,7) Femmes 1,8 3,4 4,5 1,0 (1,0-3,3) (1,5-7,7) – (1,3-16) (0,4-2,6) * cardiovasculaire, ** accident vasculaire cérébral.
Le risque de mortalité toute cause apparaît un peu plus élevé chez les femmes [HR=1,8 (1,0-3,3)] que chez les hommes [HR=1,5 (1,0-2,0)]. Le risque de mortalité cardiovasculaire l’est sensiblement plus : [HR=3,4 (1,5-7,7)] chez les femmes, [HR=2,2 (1,2-3,1)] chez les hommes. Le risque de mortalité coronaire est significatif chez les hommes [HR=2,3 (1,2-3,9)], non calculable chez les femmes en raison d’insuffisance d’événements. Le risque de mortalité par accident vasculaire cérébral est significatif chez les femmes [HR=4,5 (1,3-16)], avec une tendance chez les hommes [HR=2,0 (0,7-4,3)].
Il n’y a pas de surmortalité non cardiovasculaire.
Chez les hommes, où les effectifs étaient suffisants, une étude complémentaire a été effectuée. Lorsqu’il n’y avait ni cardiopathie ni hypertension artérielle, le risque de mortalité ajusté sur les autres facteurs de risque n’est pas significatif : mortalité totale [HR=1,1 (0,5-2,0)], mortalité cardiovasculaire [HR=1,4 (0,6-2,9)]. En revanche, en présence de cardiopathie ou d’hypertension artérielle, le risque ajusté est
FIG. 2. — Courbes de survie (
Kaplan-Meier ), chez les hommes (en haut) et chez les femmes (en bas), en fonction de la présence de fibrillation atriale (courbes en trait plein) ou de l’absence de fibrillation atriale(courbes en trait pointillé).
augmenté : mortalité totale [HR=1,7 (1,1-2,8)], mortalité cardiovasculaire [HR= 2,6 (1,3-5,3)].
Les courbes de survie, en fonction de la présence ou de l’absence de FA, d’une part chez les hommes et d’autre part chez les femmes, sont présentées sur la figure 2 . On remarque que les courbes divergent plus rapidement chez les hommes que chez les femmes, mais s’écartent finalement plus chez celles-ci (risque relatif plus marqué).
Les risques absolus de mortalité sont plus importants chez les hommes que chez les femmes.
DISCUSSION
Prévalence
Les taux de prévalence de la FA observés dans cette étude ont les mêmes caracté- ristiques que dans d’autres études : prévalence plus forte chez les hommes que chez les femmes avec un rapport proche de 1,5 et très forte progression avec l’âge et atténuation de ce gradient chez les plus âgés [2-6]. Toutefois, ces taux apparaissent globalement légèrement inférieurs à ceux d’autres études où l’on estime la prévalence entre 0,4 % et 1 % dans la population générale et de 8 % ou plus chez les sujets de plus de 80 ans [4, 5]. Plutôt que de conclure à une prévalence de la FA en France inférieure à celle d’autres pays, on peut avancer une explication : la population étudiée étant composée de sujets volontaires pour un examen de santé (gratuit), il est probable que les sujets suivis pour FA, comme pour d’autres pathologies, soient sous-représentés. Par ailleurs, s’agissant dans notre étude d’un enregistrement électrocardiographique occasionnel, on ne prend pas en compte un certain nombre de cas de FA paroxystiques.
Facteurs de risque
Les facteurs de risque classiques, cardiopathies, hypertension artérielle, diabète, surcharge pondérale, sont retrouvés associés à la FA dans cette étude comme ailleurs [3, 6, 18]. Il existe cependant quelques nuances en fonction du sexe, tel le caractère non significatif chez les femmes de la glycémie et du diabète, alors que l’Odds Ratio est de 1,6 dans l’étude de Framingham [18]. Mais le nombre de FA est ici relativement modeste chez les femmes (63 cas) et il ne s’agit pas d’une étude prospective d’incidence de la FA. Ainsi encore, la pression artérielle pulsée élevée, facteur de risque de FA récemment mis en évidence [19], n’apparaît pas augmentée dans notre analyse transversale ; la cadence ventriculaire moyenne, ici nettement plus élevée en cas de FA, peut interférer avec la relation entre la pression pulsée et la FA. En revanche, le rôle de la consommation régulière de boissons alcoolisés en excès est net chez les hommes, plus que dans l’étude de Framingham [18]. L’augmentation des gamma GT peut en être en partie rapprochée (elle est aussi présente chez les femmes) et va de pair avec l’abaissement de l’albumine sérique et l’augmentation des globulines. On note par ailleurs que la relation avec le cholestérol est négative, comme dans l’Etude Prospective Parisienne I [14]. La surcharge pondérale est un facteur de risque marqué dans notre étude, observé dans d’autres études [3, 20, 21].
L’association de la FA avec le syndrome métabolique vient d’être mise en évidence [22]. Les scores d’anxiété et de dépression sont augmentés chez les femmes en FA ;
ceux-ci sont aussi corrélés au syndrome métabolique [23, 24]. La diminution de la capacité vitale respiratoire et du VEMS peut être cause ou en partie conséquence de la FA. On peut en faire le lien avec l’obésité et le syndrome d’apnée du sommeil qui est un facteur de risque de FA [25].
Mortalité
Le risque létal spécifiquement lié à la FA a été parfois surestimé pour n’avoir pas suffisamment pris en compte les facteurs confondants associés. La mortalité est proche du double de celle des sujets en rythme sinusal et, dans certaines études mais pas dans toutes, elle est liée à la sévérité de la maladie cardiaque sous-jacente [1- 3, 13]. Dans notre étude, le risque relatif de mortalité toute cause à 15 ans, ajusté sur de nombreuses variables (Cf. tableau III), est de 1,5 chez les hommes et de 1,8 chez les femmes. Ces estimations sont tout à fait proches de celles réévaluées dans l’étude de Framingham : le risque à 10 ans (ajusté sur âge, hypertension artérielle, tabac, diabète, hypertrophie ventriculaire gauche, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque, valvulopathie, accident vasculaire cérébral) est de 1,5 (1,2-1,8) chez les hommes (296 cas) et de 1,9 (1,5-2,2) chez les femmes (325 cas) [13].
Il est particulièrement intéressant dans notre étude de remarquer la différence de mortalité (ajustée, chez les hommes) qui existe selon que les sujets ont une cardiopathie ou une hypertension artérielle confirmée [HR=1,7] ou n’ont pas ces pathologies [HR=1,1]. Cette observation est en contradiction relative avec le risque de mortalité toute cause de la FA idiopathique (ajusté sur âge, pression artérielle systolique, cholestérol, indice de masse corporelle et tabac) observé dans l’Etude Prospective Parisienne I qui trouve un risque relatif de mortalité de 1,95, mais le nombre de FA est faible (25 cas, suivi moyen de 23 ans) [14]. En revanche, elle va dans le même sens que l’étude DIAMOND qui conclut que, parmi les sujets qui ont une insuffisance cardiaque, la FA est associée à une augmentation de mortalité seulement chez ceux qui ont une cardiopathie ischémique [26].
Les causes de décès sont essentiellement cardiovasculaires, avec un risque relatif plus marqué chez les femmes [HR=3,4] que chez les hommes [HR=2,2], en relation avec un risque de mortalité par accident vasculaire cérébral accru [HR=4,5 chez les femmes versus 2,0 chez les hommes]. Le risque d’accidents vasculaires cérébraux prépondérant chez les femmes a été trouvé dans d’autres études [27, 28]. Il n’a malheureusement pas été possible, dans notre étude, de différencier les accidents emboliques des accidents hémorragiques, éventuellement liés à un traitement anticoagulant. Mais cette distinction n’est pas toujours possible et les facteurs de risque sont souvent intriqués, y compris la vulnérabilité en rapport avec l’hypertension artérielle qui a le risque attribuable de FA le plus élevé (14 %) parmi toutes les causes ou facteurs de risque [29]. Chez les hommes, il est important de constater que la différence du risque de mortalité cardiovasculaire est bien nette selon qu’il y a [HR=2,6] ou qu’il n’y a pas [HR=1,4 ns] de cardiopathie ou d’hypertension arté- rielle, là encore en discordance avec la mortalité cardiovasculaire observée dans l’Etude Prospective Parisienne dans la FA idiopathique (risque relatif =4,3) [14].
CONCLUSION
La prévalence de la FA augmente très fortement avec l’âge, comme dans toutes les études épidémiologiques, prospectives ou observationnelles. La prépondérance de la prévalence masculine s’atténue avec l’âge.
Les facteurs de risque sont, ici comme ailleurs, dominés par les cardiopathies et l’hypertension artérielle. Mais l’influence de la surcharge pondérale, ainsi que celle de la consommation alcoolique chez les hommes, sont marquées.
Le risque de mortalité totale et cardiovasculaire lié à la FA, ajusté sur l’ensemble des facteurs de risque ou de confusion, est plus élevé chez les femmes que chez les hommes, notamment le risque cérébrovasculaire. Chez les hommes, en l’absence de cardiopathie et d’hypertension artérielle, il n’y a pas de surmortalité significative indépendante des autres facteurs de risque. Alors que la présence de ces deux causes s’accompagne d’une augmentation franche du risque de mortalité toute cause et cardiovasculaire.
Cela plaide en faveur de l’utilisation, dans le traitement des FA avec cardiopathie ou hypertension artérielle, d’un antagoniste du système rénine-angiotensine-aldosté- rone (inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine, antagonistes des récepteurs de l’angiotensine ou anti-aldostérone) et d’un bêta-bloquant, médicaments qui ont démontré leur intérêt, d’une part dans la réduction de l’incidence de FA et d’autre part dans la réduction du risque létal [30-35].
REMERCIEMENTS
Cette étude a été réalisée avec l’aide de la CNAMTS (Caisse Nationale d’Assurance Maladie des Travailleurs Salariés, France) et de la CPAMP (Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Paris, France).
BIBLIOGRAPHIE [1] ACC/AHA/ESC 2006 guidelines for the management of patients with atrial fibrillationexecutive summary. Eur. Heart J., 2006, 27 , 1979-2030.
[2] RYDER K.M., BENJAMIN E.J. — Epidemiology and significance of atrial fibrillation.
Am. J.
Cardiol ., 1999, 84 , 131R-138R.
[3] KRAHN A.D., MANFREDA J., TATE R.B., MATHEWSON F.A.L., CUDDY T.E. — The Natural History of Atrial Fibrillation : Incidence, Risk Factors, and Prognosis in the Manitoba Follow-up Study. Am. J. Med., 1995, 98 , 476-484.
[4] GO A.S., HYLEK E.M., MANOLIO T.A. — Prevalence of diagnosed atrial fibrillation in adults :
national implications for rhythm management and stroke prevention : the AnTicoagulation and Risk Factors in Atrial Fibrillation (ATRIA) Study. JAMA 2001, 285 , 2370-2375.
[5] FURBERG C.D., PSATY B.M., MANOLIO T.A., GARDIN J.M., SMITH V.E., RAUTAHARJU P.M., for the CHS Collaborative Research Group. — Prevalence of atrial fibrillation in elderly subjects (the Cardiovascular Health Study). Am. J. Cardiol., 1994, 74 , 236-241.
[6] PSATY B.M., MANOLIO T.A., KULLER L.H. et al. — Incidence of and risk factors for atrial fibrillation in older adults.
Circulation, 1997, 96 , 2455-2461.
[7] GUIZE L., PIOT O., LAVERGNE T. LE HEUZEY J-Y. — Les troubles du rythme cardiaque du sujet âgé. Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190 , 827-841.
[8] WOLF P.A., BENJAMIN E.J., BELANGER A.J., KANNEL W.B., LEVY D., D’AGOSTINO R.B. — Secular trends in the prevalence of atrial fibrillation. The Framingham Study. Am. Heart J., 1996, 131 , 790-795.
[9] FRIBERG J., BUCH P., SCHARLING H. et al. — Rising rates of hospital admissions for atrial fibrillation.
Epidemiology , 2003, 14 , 666-672.
[10] WANG T.J., LARSON M.G., LEVY D. et al . — Temporal relations of atrial fibrillation and congestive heart failure and their joint influence on mortality : the Framingham Heart Study.
Circulation, 2003, 107 , 2920-2905.
[11] Atrial Fibrillation Investigators. — Risk factors for stoke and efficacy of antithrombotic therapy in atrial fibrillation. Analysis of pooled data from five randomized controlled trials.
Arch. Intern. Med., 1994, 154 , 1449-1457. [erratum p. 2254].
[12] LIN H.J., WOLF P.A., KELLY-HAYES M. et al. — Stroke severity in atrial fibrillation. The
Framingham Study.
Stroke , 1996, 27 , 1760-1764.
[13] BENJAMIN E., WOLF P.A., D’AGOSTINO R.B., SILBERSHATZ H., KANNEL W.B., LEVY D. — Impact of Atrial Fibrillation on the Risk of Death. The Framingham Heart Study. Circulation, 1998, 98 , 946-952.
[14] JOUVEN X., DESNOS M., GUÉROT C., DUCIMETIÈRE P. — Idiopathic atrial fibrillation as a risk factor for mortality. The Paris Prospective Study I. Eur. Heart J., 1999, 20 , 896-899.
[15] LÉVY S., MAAREK M., COUMEL P., GUIZE L., LEKIEFFRE J., MEDVEDOWSKY J.L., on behalf of the College of French Cardiologists. — Characterization of different subsets of atrial fibrillation in general practice in France : the ALFA Study. Circulation, 1999, 99 , 3028-3035.
[16] BECK A.T., RIAL W.Y., RICKELS K. — Short form of depression inventory : cross-validation.
Psychol Rep ., 1974, 34 , 1184-1186.
[17] PICHOT P., BOYER P., PULL C.B., REIN W., SIMON M., THIBAULT A. — Un questionnaire d’autoévaluation de la symptomatologie dépressive. Le questionnaire QD2, forme abrégée QD2A. Revue de psychologie appliquée, 1984, 34 , 323-340.
[18] BENJAMIN E.J., LEVY D., VAZARI S.M., D’AGOSTINO R.B., BELANGER A.J., WOLF P.A. — Independent Risk Factors for Atrial Fibrillation in a Population-Based Cohort. The Framingham Heart Study. JAMA, 1994, 271 , 840-844.
[19] MITCHELL G.F., VASAN R.S., KEYES M.J. et al. — Pulse pressure and risk of new-onset atrial fibrillation.
JAMA , 2007, 297 , 709-715.
[20] WANG T.J., PARISE H., LEVY D. et al. — Obesity and the risk of new-onset atrial fibrillation.
JAMA , 2004, 292 , 2471-2477.
[21] DUBLIN S., FRENCH B., GLAZER N.L. et al. — Risk of new-onset atrial fibrillation in relation to body mass index.
Arch. Intern. Med. , 2006, 166 , 2322-2328.
[22] UMETANI K., KODAMA Y., NAKAMURA T. et al . — High prevalence of paroxysmal atrial fibrillation and/or atrial flutter in metabolic syndrome.
Circ. J ., 2007, 71 , 252-255.
[23] PANNIER B., THOMAS F., ESCHWEGE E. et al . — Cardiovascular risk markers associated with the metabolic syndrome in a large French population : the ‘‘ SYMFONIE ’’ study.
Diabetes Metab., 2006, 32 , 467-474.
[24] GUIZE L, THOMAS F, PANNIER B, BEAN K, DANCHIN N, BENETOS A. — Syndrome métabolique :
prévalence, marqueurs de risque associés et mortalité dans une population française de 62 000 sujets. Bull. Acad. Natle Med. 2006, 190 , 685-700.
[25] GAMI A.S., HODGE D.E., HERGES R.M. et al. — Obstructive sleep apnea, obesity, and the risk of incident atrial fibrillation.
J. Am. Coll. Cardiol . , 2007, 49 , 565-571.
[26] PEDERSEN O.D., SONDERGAARD P., NIELSEN T. et al. on behalf of the DIAMOND study group investigators. — Atrial fibrillation, ischaemic heart disease, and the risk of death in patients with heart failure. Eur. Heart J ., 2006, 27 , 2866-2870.
[27] STEWART S., HART C.L., HOLE D.J., et al. — A population-based study of the long-term risks associated with atrial fibrillation : 20-year follow-up of the Renfrew/Paised study.
Am. J. Med ., 2002, 113 , 359-364.
[28] FANG M.C., SINGER D.E., CHANG Y. et al . — Gender differences in the risk of ischemic stroke and peripheral embolism in atrial fibrillation. The AnTicoagulation and Risk Factors in Atrial Fibrillation (ATRIA) Study. Circulation , 2005, 112 , 1687-1691.
[29] LIP G.Y., FRISON L., GRIND M. — Effect of hypertension on anticoagulated patients with atrial fibrillation. Eur. Heart J ., 2007, 28 , 752-759.
[30] HEALEY J.S., BARANCHUK A., CRYSTAL E., et al. — Prevention of atrial fibrillation with angiotensin-converting enzyme inhibitors and angiotensin receptor blockers : a meta-analysis.
J. Am. Coll. Cardiol. , 2005, 45 , 1832-1839.
[31] PITT B., ZANNAD F., REMME W. et al. — The effect of spironolactone on morbidity and mortality in patients with severe heart failure. Randomized Aldactone Evaluation Study Investigators. N Engl J Med., 1999, 341 ,709-717.
[32] PITT B., REMME W., ZANNAD F. et al. — Eplerenone, a selective aldosterone blocker, in patients with left ventricular dysfunction after myocardial infarction.
N. Engl. J. Med., 2003, 348 , 1309-1321.
[33] PAZIAUD O., PIOT O., ROUSSEAU J. et al. — Critères prédictifs de récidive précoce d’un trouble du rythme atrial après réduction par choc électrique externe.
Arch. Mal. Cœur, 2003, 96 , 1169-1174.
[34] NATTEL S. — Aldosterone antagonism and atrial fibrillation : time for clinical assessment. Eur.
Heart J. , 2005, 26 , 2079-2080.
[35] NASR I.A., BOUZAMONDO A., HULOT J.S., DUBOURG O., LE HEUZEY J.Y., LECHAT P. — Prevention of atrial fibrillation onset by beta-blocker treatment in heart failure : a meta-analysis. Eur.
Heart J., 2007, 28 , 457-462.
DISCUSSION
M. Raymond ARDAILLOU
La fibrillation auriculaire a-t-elle une incidence sur la qualité de vie ?
La qualité de vie peut en effet être altérée par la présence de fibrillation auriculaire, mais pas toujours. Cela dépend, d’une part de la cadence ventriculaire et de sa variabilité au repos et plus encore en activité, d’autre part de la fonction cardiaque sous-jacente. Les cadences ventriculaires élevées peuvent être à l’origine d’une insuffisance cardiaque congestive voire d’une véritable cardiomyopathie rythmique. Mais les bêta-bloquants freinent habituellement bien les accélérations ventriculaires à l’effort, contrairement à la digoxine dont l’effet se manifeste essentiellement au repos ; les antagonistes calciques bradycardisant ayant un effet ralentisseur équilibré. Les sujets avec cardiopathie et altération de la compliance ventriculaire gauche (cardiopathie hypertrophique notam-
ment) ou obstacle valvulaire (rétrécissement mitral, aortique, tricuspide ou pulmonaire) tolèrent mal la fibrillation atriale. Dans notre étude, la fréquence cardiaque moyenne de repos est trop rapide : 84,9 fi 0,66 battements par minute chez les hommes et 85,9 fi 1,3 chez les femmes. Cela est à rapprocher de la réduction de la capacité vitale respiratoire, corrélée à la dyspnée d’effort. Il faut noter que les scores d’anxiété et de dépression sont augmentés en cas de fibrillation chez les femmes, mais pas chez les hommes. Les arythmies paroxystiques sont souvent plus mal tolérées que les arythmies permanentes, tel que cela a été constaté dans les études qui comparent le contrôle de la fréquence cardiaque à celui du rythme cardiaque. En cas de nécessité, l’ablation de la fibrillation atriale ou celle du nœud atrio-ventriculaire associée à un stimulateur ventriculaire sont des options à considérer.
M. Claude JAFFIOL
Quelle est la prévalence de l’hyperthyroïdie dans la population de sujets porteurs de fibrillation versus les témoins normaux ? Avez-vous observé une corrélation entre le taux de fibrillation et la TSH plasmatique ? Quelle est la fréquence des hyperthyroïdies subchimiques chez les patients en fibrillation ?
Nous n’avons malheureusement pas pu mesurer, dans notre étude, ces paramètres pourtant fondamentaux. En revanche, dans l’étude ALFA à laquelle nous avons participé à la même période et qui concerne 756 cas de fibrillation atriale [15], nous avons pu constater que l’hyperthyroïdie, clinique ou plus fréquemment purement biologique, était une cause favorisante ou déclenchante dans 3,5 % des fibrillations atriales paroxystiques, dans 2,3 % des fibrillations atriales chroniques et dans 4,5 % des fibrillations atriales d’apparition récente. La tachyarythmie complète des ventricules se ralentit habituellement avec le contrôle de l’hyperthyroïdie, mais la réduction de la fibrillation atriale nécessite souvent la prescription d’un antiarythmique ou l’application d’un choc électrique de défibrillation. Une rechute de l’arythmie est souvent observée malgré le retour à l’euthyroïdie, suggérant que l’hyperthyroïdie n’était qu’un des facteurs de la fibrillation atriale parmi d’autres substrats. Par ailleurs, durant le suivi de 8,6 fi 3,7 mois, une hyperthyroïdie est survenue dans 6 cas, représentant 2,5 % des traitements par amiodarone. Cette complication iatrogène est un facteur fréquent de rechute de l’arythmie.
M. Claude-Pierre GIUDICELLI
Avez-vous pu, dans cette immense cohorte, établir une relation entre le traitement anticoagulant et les accidents vasculaires cérébraux ?
Malencontreusement non, car nous n’avons pas pu établir un suivi thérapeutique et de morbidité systématique. Par ailleurs, les renseignements obtenus sur les circonstances et causes précises des décès par accident vasculaire cérébral n’ont pas toujours été exhaustifs et suffisamment explicites. Cependant, durant la même période d’étude, là encore l’étude ALFA (Cf. ci-dessus) nous a permis d’analyser cette relation. Durant les six à vingt-deux mois de suivi de cette cohorte, vingt-huit patients sont décédés ; six d’entre eux d’un accident vasculaire cérébral, dont cinq par accident embolique et un par accident hémorragique. Un accident vasculaire cérébral non létal est survenu chez douze autres patients, dont dix accidents sûrement emboliques et les deux autres de mécanisme incertain. Près de la moitié des sujets prenaient des anticoagulants, l’autre moitié des antiagrégants plaquettaires. Comme dans l’ensemble des études, le rapport bénéfice/
risque thérapeutique est très en faveur des anticoagulants. Les recommandations [1] sont précises à ce sujet, indiquant la prise d’antivitamine K dès la présence d’un et formellement de deux facteurs de risque modéré (âge J75 ans voire 65 ans, hypertension artérielle, insuffisance cardiaque, fraction d’éjection ventriculaire gauche I35 %, diabète) ou d’un facteur de risque majeur (antécédent embolique cérébral ou autre, sténose mitrale, prothèse valvulaire cardiaque).
* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine ** Centre Investigations Préventives et Cliniques (IPC) — Paris Tirés-à-part : Professeur Louis GUIZE, Cardiologie A, Hôpital Européen Georges Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris
Bull. Acad. Natle Méd., 2007, 191, nos 4-5, 791-805, séance du 15 mai 2007