Communication scientifique
Séance du 17 mai 2011

Facteurs de risque emboliques et traitement antithrombotique pour la fibrillation atriale

MOTS-CLÉS : anticoagulants.. embolie intracranienne. fibrillation auriculaire
Thrombotic risk factors and antithrombotic treatment in atrial fibrillation
KEY-WORDS : anticoagulants. antithrombins. atrial fibrillation. intracranial embolism

Jean-Paul Bounhoure

Résumé

La fibrillation atriale (FA) d’incidence croissante avec le vieillissement s’accompagne d’une importante morbi-mortalité cardiovasculaire. Son apparition marque un tournant évolutif dans l’évolution d’une cardiopathie avec des complications thromboemboliques et l’apparition de l’insuffisance cardiaque. Le risque d’embolie cérébrale est multiplié par 5,6 en cas de fibrillation non rhumatismale et par 17,6 en cas de FA rhumatismale. Le pronostic des accidents cérébraux emboliques chez les patients en FA est médiocre avec une forte mortalité ou de lourdes séquelles. Le risque relatif est le même que la FA soit paroxystique ou permanente. Les accidents emboliques sont la conséquence de la migration de thrombus issus de l’oreillette gauche et la détection d’un thrombus dans l’auricule gauche multiplie par trois le risque embolique. Les facteurs de risque validés au cours d’une FA sont des antécédents d’accident thromboembolique, un âge > 75 ans, l’insuffisance cardiaque, les valvulopathies rhumatismales, les prothèses valvulaires mécaniques, l’hypertension arté- rielle et le diabète. Les cardiopathies ischémiques, le sexe féminin, une atteinte vasculaire, représentent des risques intermédiaires. Les antivitamines K, avec un INR entre deux et trois réduisent de 62 % les accidents vasculaires cérébraux au cours de la FA avec un risque hémorragique d’1,4 à 3,6 %. L’aspirine (75/300mg/j) réduit le risque d’AVC de 21 %. Il est recommandé de traiter par antivitamines K ou par un nouvel agent anticoagulant, le dabigatran, les patients ayant un score de risque CHAD2 D-VASc égal ou supérieur à 2. Pour les patients ayant un score à 0 on peut envisager soit l’aspirine soit l’abstention thérapeutique. Pour les patients ayant un score à 1 le choix est possible entre une antivitamine K et l’aspirine. De nouveaux antithrombotiques, antithrombine ou antiXa, sont à l’étude et modifieront probablement notre attitude actuelle.

Summary

Atrial fibrillation (AF) is the most common form of cardiac arrhythmia, and its incidence is rising as the population ages. AF is therefore a growing source of cardiovascular morbidity and mortality due to thromboembolic complications and heart failure. The risk of embolic stroke is multiplied by about 5.6-fold in non rheumatic AF and by 17.6-fold in rheumatic AF. Strokes due to AF are often fatal or disabling. Paroxysmal and permanent fibrillation are associated with a similar thromboembolic risk. Embolic complications arise from the left atrium or the left atrial appendage. Known risk factors in patients with AF include a history of thromboembolism or stroke, age >75 years, heart failure, rheumatic valve disease, mechanical prosthetic valves, arterial hypertension and diabetes mellitus. Ischemic cardiomyopathy, female gender and atherosclerotic vascular disease are associated with an intermediate risk of thromboembolism. Vitamin K antagonist therapy targeting an INR of 2 to 3 reduces the risk of stroke by two-thirds in patients with AF, and causes bleeding in 1.4 % to 3.6 % of patients. The bleeding risk can be evaluated with the CHADS2 scale. Aspirin (75/300 mg per day) reduces the risk of cerebral thromboembolism by about 21 %. Current guidelines recommend vitamin K antagonist or dabigatran anticoagulation for patients with a CHADS2 score of 2. Patients with a score of 0 should receive either aspirin or no drug therapy, while patients with a score of 1 may receive either a vitamin K antagonist or aspirin. After successful AF ablation, the existing antithrombotic strategy should be pursued. New strategies based on antithrombin or anti-Xa medications will probably have a better risk-benefit ratio.

La fibrillation atriale, d’incidence croissante avec le vieillissement de la population, est associée à une importante morbi-mortalité cardiovasculaire avec au premier plan, les complications thromboemboliques. Cette arythmie est un facteur de risque indépendant d’infarctus cérébral et d’accident ischémique cérébral transitoire [1].

Elle favorise la formation de thrombus dans l’oreillette et l’auricule gauche et elle multiplie par cinq le risque d’infarctus cérébral embolique. Les accidents cérébraux survenant au cours de la fibrillation auriculaire (FA) sont caractérisés par leur pronostic médiocre, et une mortalité élevée. La FA entraîne une surmortalité indépendamment des co-morbidités ou des lésions cardiaques qui peuvent lui être associées. Au fil des ans de nombreux essais cliniques avec plusieurs médicaments antithrombotiques ont été réalisés pour réduire ce risque embolique. Le traitement de la FA est complexe vu l’hétérogénéité des patients atteints, le risque variable en fonction du terrain, des différences d’âge des patients, des comorbidités associées et du degré plus ou moins important de la dysfonction ventriculaire. Les indications du traitement antithrombotique en prévention du risque embolique, plusieurs fois révisées, sont fondées sur l’évaluation du risque défini par les dernières recommandations de la Société Européenne de Cardiologie [2]. La prévention des complications emboliques est un des objectifs majeurs du traitement de la FA.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Les relations entre la FA et les accidents vasculaires cérébraux ont été bien étudiées dans la cohorte de Framingham. Le risque est multiplié par 5,6 en cas de FA non rhumatismale et par 17,6 en cas de FA rhumatismale. L’intervalle médian entre la FA et l’accident cérébral était de trente-neuf mois [3]. Le risque embolique cérébral et la mortalité augmentent en fonction de l’âge, du sexe, de l’état cardiaque et vasculaire du patient. Le risque relatif de décès au cours d’une embolie cérébrale chez les patients en fibrillation est deux à trois fois supérieur à celui des accidents vasculaires cérébraux survenant chez les patients en rythme sinusal. Dans l’étude SPAF, leur taux annuel au cours d’un traitement par l’aspirine est similaire que la FA soit paroxystique ou permanente. Son incidence est respectivement de vingt-six et vingt-neuf pour mille patients /années, [p= 0, 54] [4]. Le risque est identique, même après correction tenant compte des autres facteurs thrombogènes et du traitement prophylactique par l’aspirine.

Le risque d’embolie cérébrale est majeur au cours des maladies valvulaires rhumatismales, rétrécissement et maladie mitrale et chez les patients ayant une prothèse en position mitrale (dans ce cas, malgré le traitement anticoagulant, ce risque varie d’1,5 à 3 % par an). L’âge est un facteur de risque reconnu 0,9 % par an pour les sujets de moins de soixante-cinq ans, 2,6 % par an pour ceux qui ont entre soixante et soixante-quinze ans sans facteur de risque, 7 % par an en moyenne pour ceux qui ont plus de soixante-quinze ans, 23 % pour les patients de plus de quatre-vingt ans avec des antécédents d’accident ischémique cérébral, présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche ou de diabète [1-3]. Les diverses étiologies ont été traitées dans l’article de Jean-Yves Le Heuzey inclus dans la même revue et évaluées comme facteur de risque embolique. Il faut souligner qu’un antécédent embolique cérébral constitue le facteur de risque majeur : les patients ayant déjà présenté un accident embolique cérébral ou un AIT ont un taux de récidive élevé de 10 à 12 % par an, même quand ils sont traités par l’aspirine. Les migrations emboliques cérébrales ou dans la circulation périphérique sont quelquefois en rapport de très brefs accès de FA paroxystique, le rythme sinusal s’étant spontanément rétabli lors de l’entrée du patient à l’hôpital. La pratique de plus en plus répandue de l’échographie transoesophagienne apporte des informations majeures : la détection d’un thrombus est associée à un risque relatif de 2,5 (p=0,04) [3, 4].

PHYSIOPATHOLOGIE DES ACCIDENTS THROMBOEMBOLIQUES

Les trois facteurs classiques de la triade de Virchow sont impliqués dans la formation de thrombus intra-auriculaire gauche : la stase intra cavitaire, la dysfonction endothéliale et un état hypercoagulable [5]. La stase sanguine intra-auriculaire gauche résulte de la dilatation auriculaire gauche, de la perte de sa fonction mécanique pour le remplissage ventriculaire. L’écho-doppler trans-oesophagien est une technique sensible et spécifique pour évaluer l’état de l’oreillette gauche et de l’auricule, leur dilatation, la présence de thrombus. La réduction de la vitesse de vidange de l’auricule au-dessous de 20 cm/sec est un signe important (RR= 1,7, p< 0,01). La présence d’un contraste spontané plus ou moins intense dans l’oreillette gauche, en rapport avec l’agrégation d’érythrocytes fibrinogène-dépendante, est un marqueur fiable de la stase intra-auriculaire. La détection d’un thrombus dans l’auricule gauche multiplie par trois le risque embolique. Une fibrose pariétale et des lésions endocardiques favorisent la thrombose. La FA est fréquemment associée à une dysfonction endothéliale atriale démontrée par l’expression diminuée de la NO synthase endothéliale et de la thrombomoduline dans l’oreillette gauche. [6]. Les facteurs thrombogènes sont augmentés dans la circulation systémique. Dans des prélèvements sanguins au niveau de l’oreillette gauche au cours des cathétérismes transseptaux, on a constaté une augmentation du fibrinopeptide A, du facteur 4 plaquettaire, des D-dimères de la fibrine, une réduction des taux d’antithromnbine III [4, 5, 7]. Un état inflammatoire chronique est fréquemment retrouvé chez les patients en FA avec des taux pathologiques de CRP et de fibrinogène.

Quoique les complications emboliques de la FA soient le plus souvent attribuées à la migration d’un thrombus issu de l’oreillette ou de l’auricule gauche, la pathogénie des accidents neurologiques chez le sujet âgé est complexe. En effet, le mécanisme des accidents cérébraux chez les patients âgés en arythmie complète est souvent difficile à préciser en raison de la coexistence fréquente de plusieurs causes possibles d’embolies [5]. Plus de 25 % des infarctus cérébraux chez les patients atteints d’une FA peuvent être dus à la migration d’un embole issu d’une plaque athéromateuse ulcérée de l’aorte proximale ou carotidienne ou à une atteinte vasculaire cérébrale intrinsèque. Dans le registre Lausannois des AVC portant sur 159 patients ayant une FA et un infarctus cérébral, 56 % avaient des lésions carotidiennes, plaque ou sténose supérieures à 50 %, ayant pu être une source emboligène [7].

LES FACTEURS DE RISQUES EMBOLIQUES

Des facteurs de risque ont été définis par des études soit observationnelles, soit comparant l’efficacité des traitements par l’aspirine et les antivitamines K versus placébo. Les résultats d’études déjà anciennes ont été confirmés dans la cohorte de l’étude ATRIA comportant 5 809 patients ne prenant pas d’antivitamines K [8].

Les facteurs de haut risque suivants ont été retrouvés comme facteurs indépendants :

— un antécédent thrombo embolique est le facteur de sur-risque majeur, avec un risque relatif de 2,5 à 3 et un taux d’évènements emboliques variant de 6,4 à 11 ,9 % par an ;

— un âge supérieur à soixante-quinze ans est associé à un risque absolu de 10,4 % avec une augmentation linéaire du risque au-delà de ce seuil, et un RR d’1,8 par décennie. Plus les patients sont âgés, plus ils sont candidats à une diminution importante du risque par un traitement anticoagulant, contrairement à une idée encore largement répandue ;

— l’hypertension artérielle (TA> 160/90 mmHg) est associée à un risque relatif d’1,6 à 2,3 avec un risque d’embolique cérébral de 5,6 à 7,6 % par an. Il y a une corrélation linéaire entre le risque thromboembolique et les chiffres tensionnels, indépendante de l’âge et des autres facteurs de risque. Mais une hypertension bien contrôlée par un traitement comporte un risque plus faible ;

— l’insuffisance cardiaque patente ou une dysfonction ventriculaire gauche systolique avec une FE inférieure à 40 %. Une dysfonction ventriculaire gauche systolique détectée à l’échocardiographie bidimensionnelle trans-thoracique est un facteur indépendant de risque embolique cérébral, en étude multivariée ;

— les valvulopathies rhumatismales, les prothèses valvulaires mécaniques ;

— des plaques aortiques athéromateuses, une artériopathie périphérique, des anté- cédents d’infarctus du myocarde sont considérés dans la plupart des études comme des facteurs de risque emboliques ;

— le diabète est associé à un risque relatif variant de 1,7 à 8 % par an d’évènement thromboembolique et le sexe féminin un risque d’1,6 (IC : 95 % : 1,3-1,9) ;

— les patients atteints d’une thyréotoxicose ont un risque embolique augmenté mais cette menace parait variable en fonction de la présence ou de l’absence d’autres facteurs de risque ;

— une protéinurie et un taux de filtration glomérulaire inférieurs à 45 ml /min sont associés à un risque relatif d’1,54, (IC 95 % 1,3-1,85).

ÉVALUATION DU RISQUE

De nombreux schémas de stratification du risque ont été établis pour aider les cliniciens à choisir le traitement préventif antithrombotique le plus approprié. Le plus utilisé est le score CHADS2 publié en 2001 après un travail reprenant les cohortes des études Atrial Fibrillation Investigators 1 et SPAF sur 2 121 patients /années. Ce schéma classait les patients en trois catégories, risque bas, intermédiaire et élevé selon le score 0, 1-2, >3, après évaluation du danger embolique cérébral (Tableau I). Beaucoup de patients se situaient alors dans le groupe intermédiaire.

Les dernières recommandations de la « Task Force » Société Européenne de Cardiologie- ont réévalué ces facteurs pour les patients avec une atteinte non valvulaire, avec l’acronyme CHA2DS2- VASc [2]. Le risque est un continuum. Ce nouveau score stratifie mieux les patients dits à risque « intermédiaire » dont le pourcentage se situe autour de 16 % alors qu’il dépassait 60 % avec le score CHADS antérieur.

Tableau 1. — Score CHADS 2 et taux d’embolies cérébrales Score

Patients % annuel d’évènements

N = 1773 %/ an IC 95 % 0 120 1 ,9 (1,2-3,0) 1 463 2,8 (2-3,8) 2 523 4,0 (3,1-5,1) 3 337 5,9 (4,6-7,3) 4 220 8,5 (6,3-11,1) 5 65 12,5 (8,2-17,5) 6 5 18,2 (10-27,4) Ce score CHA2 DS 2-VASc attribue deux points pour un facteur majeur et un point pour les autres facteurs (Tableau II) Tableau 2. — Évaluation du risque embolique prenant en compte le score CHA 2DS2-VASc Facteur de risque Score IC / dysfonction VG 1 Hypertension 1 Âge > 75 ans 2 Diabète 1 AVC/AIT / embolie systémique 2 Atteinte vasculaire 1 Âge 65-74 1 Sexe féminin 1 • Les facteurs majeurs (autrefois haut risque) sont des antécédents d’infarctus cérébral, d’AIT, ou d’embolie distale, un âge supérieur à soixante-quinze ans, (deux points chacun) • Les facteurs de risque significatifs, non majeurs, sont une dysfonction ventriculaire systolique avec une fraction d’éjection < 40 %, un âge entre 65 et 74 ans, le sexe féminin, une HTA ou un diabète, des antécédents coronariens, la présence d’athé- rome aortique, carotidien ou d’artériopathie périphérique (1 point chacun).

RISQUE HÉMORRAGIQUE

Il ne doit pas être minimisé vu l’âge avancé de la majorité des patients qui seront traités par des antithrombotiques. L’insuffisance rénale, les antécédents digestifs, la prise d’anti-inflammatoires non stéroidiens, le cumul de nombreuses médications en association aux antithrombotiques, chez les patients âgés sont des facteurs de saignement. Le risque hémorragique a été récemment défini par le score HASBLED* dans lequel sont pris en compte, (1 point), la présence d’une fonction rénale ou hépatique anormale, des antécédents hémorragiques, un INR spontanément instable, un âge supérieur à soixante-cinq ans, la prise de médicaments antiinflammatoires, ou la présence d’alcoolisme [9]. Un score > 3 est alarmant et contre-indique un traitement oral par antivitamine K.

Avant une tentative de réduction, si on a des doutes sur la qualité de l’observance du traitement anticoagulant, ou si on a noté des variations importantes de l’INR, la pratique d’une échographie trans-oesophagienne est conseillée : elle peut détecter la présence de thrombus dans l’oreillette et l’auricule gauche, une dilatation de ces cavités, un contraste spontané intra auriculaire.

RECOMMANDATIONS

Il est recommandé, en présence d’un facteur de risque majeur, (score >2) de prescrire une anticoagulation orale au long cours, par des antivitamines K (préférentiellement la warfarine) en l’absence de contre indication . La cible thérapeutique est un INR entre 2 et 3, préférentiellement 2 ,5. Un contrôle régulier de l’INR, si possible tous les quinze jours, est indispensable. Le médecin doit s’assurer que le patient accepte de se soumettre à une surveillance clinique et biologique régulière et que celle-ci est possible. La réévaluation au fil des mois du risque thrombotique et hémorragique du patient est recommandée.

Chez un patient présentant un seul facteur de risque non majeur , on peut proposer soit un traitement anticoagulant par voie orale au long cours, en l’absence de contre-indication, soit un traitement par l’aspirine aux doses variant de 75-325 mg/jour. Le traitement anticoagulant sera préféré à condition que le patient accepte et puisse se soumettre à une surveillance clinique et biologique régulière.

En l’absence de facteur de risque embolique, (score 0), chez un sujet âgé de moins de 65 ans, atteint d’une FA sur cœur sain, on a le choix entre soit un traitement par l’aspirine à une dose variant de 75 à 300 mg/jour, soit l’absence de traitement antithrombotique.

Ces recommandations sont valables pour les patients ayant présenté un flutter auriculaire.

Cas particuliers • Après un syndrome coronarien aigu, quel que soit son type, les patients traités par angioplastie, porteurs d’un stent métallique ou actif, sont traités au long cours par l’association d’aspirine, de clopidogrel ou de prasugrel. La survenue d’une FA justifie un traitement supplémentaire par antivitamine K . Des études randomisées montrent que la tri-thérapie antithrombotique n’augmente pas le risque hémorragique de manière excessive pour cette indication. (Il varie de 2 ,6 à 4 ,6 % à trois mois et de 7 à 10 % à un an). Mais l’association d’antivitamines K aux agents anti plaquettaires, en l’absence de contre indication, justifie une surveillance accrue de l’INR, avec pour objectif un taux d’INR plus bas entre 2 et 2 ,5.

• Les patients atteints d’une maladie coronaire stable, (ceux qui n’ont pas présenté un syndrome coronarien aigu ou subit l’implantation de stent depuis au moins un an) atteints de FA, ayant des facteurs de risque emboliques, peuvent être seulement traités au long cours par les antivitamines K, en l’absence de contre indication. Chez un coronarien stable, porteur d’un stent, ce traitement est aussi efficace qu’un traitement par anti agrégant plaquettaire L’association aux agents antiagrégants plaquettaires augmenterait le risque hémorragique sans accroître la protection anti-ischémique.

• Chez un patient atteint de FA et présentant un accident cérébral embolique, une imagerie des lésions cérébrales par scanner doit être effectuée en urgence pour un bilan lésionnel. En l’absence d’hémorragie cérébrale, un traitement anticoagulant doit être prescrit après un délai d’au moins deux semaines . Après un AIT, le traitement anticoagulant doit commencer le plus tôt possible, en l’absence à l’imagerie cérébrale, d’infarctus ou d’hémorragie cérébrale.

• Le risque embolique est élevé dans les jours qui suivent une réduction par choc électrique ou ablation. La sidération de l’oreillette accroît le risque de formation de thrombus intra-auriculaire. Le traitement anticoagulant doit être poursuivi dans ces circonstances au moins un mois, délai à prolonger si nécessaire en fonction des facteurs de risque.

LES TRAITEMENTS ANTITHROMBOTIQUES

De nombreux essais cliniques ont évalué le traitement préventif des accidents thromboemboliques au cours de la FA.

Antiagrégants plaquettaires

La méta-analyse de Hart et al des essais évaluant l’aspirine vs placebo montre une réduction du risque d’AVC de 22 % d’accident cérébral hémorragique et ischémique (IC 95 % 2-38 %). La réduction absolue du risque d’AVC est d’1 ,9 % par an en prévention primaire et de 2 ,5 % par an en prévention secondaire [11]. L’aspirine ne prévient qu’un accident cérébral sur cinq. Par rapport à l’aspirine, la warfarine réduit le risque d’AVC de 36 % (IC 95 %, 14-53 %).

L’étude ACTIVE W menée chez 6 706 patients a évalué la sécurité et l’efficacité de l’association clopidogrel-aspirine vs la warfarine. L’essai a été arrêté prématuré- ment, l’association d’anti-agrégants étant associée à une augmentation significative

Tableau 3. — Traitement préventif antithrombotique pour les patients en FA Niveau de risque

CHA2DS2-VASc

Traitement recommandé

Score un risque majeur > ou= 2 Traitement anticoagulant ou>deux facteurs cliniques significatifs par voie orale un facteur de risque significatif non majeur 1 soit AVK soit Aspirine 75/325 mg/j Pas de facteur de risque 0 soit Aspirine 75/325 mg/j soit pas de Traitement de 29,8 % du risque annuel de survenue d’un évènement embolique cérébral ou vasculaire périphérique. Dans l’étude ACTVE A l’association clopidogrel 75 mg par jour-aspirine 100 mg/j vs aspirine seule 100 mg/j réduit de 11 % (p=0,014) le critère principal, infarctus, embolie systémique d’AVC.

Antivitamines K

Le niveau de preuve en prévention primaire et secondaire est important : comparée au placebo, la warfarine prévient de manière efficace les accidents emboliques.

La principale méta-analyse des essais évaluant son action préventive, pour un INR entre 2 et 3, montre que, comparée au placebo, cette antivitamine K réduit le risque d’AVC de 62 % (IC, 95 % 48-72 %) dans la méta analyse de Hart et 65 % dans celle des Atrial Fibrillation Investigators [11-12]. Avec un suivi moyen de 1,6 an, le risque embolique diminue de 2 ,7 % /an en prévention primaire et de 8,4 % an en prévention secondaire. Le taux d’accident cérébral hémorragique est de 0,3 % /an pour la warfarine et de 0,1 % par an pour les patients sous placebo. La warfarine à dose adéquate réduit la mortalité globale de 26 %.

Comparée à l’aspirine, la warfarine permet d’éviter quarante-huit accidents céré- braux emboliques pour mille patients traités en prévention secondaire (antécédent d’AVC), vingt-quatre en prévention primaire si le risque est élevé, quatorze si le risque est jugé modéré et quatre si le risque est faible. Par contre le risque hémorragique augmente avec l’âge et le niveau de l’anti-coagulation. Chez les patients âgés de plus de soixante-quinze ans les recommandations internationales jugent acceptable une hypocoagulabilité moins forte : INR entre 1 ,6 et 2,5.

Les recommandations communes aux sociétés savantes de l’ACC, l’AHA et de l’ESC permettent d’orienter le choix thérapeutique selon le niveau de risque embolique :

— en l’absence de risque embolique (Score 0) on a le choix entre soit la prescription d’aspirine à une posologie comprise entre 80 et 325 mg /J soit l’absence de traitement, — pour un risque non majeur mais significatif, la dernière mise au point laisse le choix entre aspirine et anti-coagulant oral mais préconise celui ci avec un INR 2- 3, cible 2,5 [3], — un facteur de risque majeur ou plus d’un facteur de risque modéré implique la prescription de warfarine (INR 2-3 cible 2,5).

Il faut souligner que les études et les recommandations internationales préconisent la warfarine sans évaluer les autres antivitamines K disponibles. Les recommandations actuelles privilégient la prescription des anticoagulants oraux et réduisent les indications de l’aspirine.

Ces recommandations sont bien suivies en France comme l’atteste l’étude FALSTAF menée chez les cardiologues libéraux, plus de 85 % des cardiologues interrogés respectant les recommandations [13]. La nécessité de contrôles réguliers de l’INR et du respect de la cible 2-3 est démontrée par les résultats de l’étude AFFIRM : 72 % des 157 patients ayant présenté un AVC ischémique avaient un INR< 2 lors de cette complication.

L’aspect intermittent ou chronique de la FA n’influence pas l’emploi et les modalités du traitement antithrombotique : en fonction du risque, le traitement par antivitamine K est recommandé.

NOUVEAUX ANTITHROMBOTIQUES

Inhibiteurs de la thrombine

Plusieurs inhibiteurs directs de la thrombine, actifs par voie orale, ont été évalués dans la prévention des accidents thrombœmboliques :

Le dabigatran, nouvelle antithrombine directe, prodrogue d’action rapide, actif par voie orale, a une demie-vie de 12 à 17 heures. L’étude RELY, étude ouverte, a été menée chez 18 113 patients qui avaient une FA à haut risque (Score CHADS > 2).

Elle a évalué par rapport à la warfarine, deux doses de dabigatran : 110 mg x 2/j ou 150 mg × 2/j. À la posologie de 110 mg × 2/j le dabigatran ne s’est pas montré inférieur à la warfarine (INR cible 2 à 3) en prévention du critère principal (AVC ou embolie systémique) avec un taux annuel moindre d’hémorragies graves (p=0,003).

À la posologie de 150 mg × 2/j le dabigatran s’est montré supérieur à la warfarine sur ce même critère (p<0,001) pour les 3 types de Fa, avec un risque hémorragique comparable (hémorragies graves : 3,11 % vs 3,36 % (p=0,31 NS). Sa tolérance hépatique parait satisfaisante [14].

Inhibiteurs directs du facteur Xa

Dans l’essai AVERROES, l’apixaban, a été évalué contre l’aspirine [15]. Cette étude comportait 5 600 patients âgés en moyenne de soixante-dix ans avec un risque embolique évalué sur le score CHADS2 moyen de 2. L’étude a été interrompue prématurément. En prise orale biquotidienne de 5 mg, comparé à l’aspirine, l’apixaban s’est montré plus efficace que l’aspirine (80 à 325 mg/j) : on constate une réduction significative de 57 % de l’incidence annuelle du critère principal, AVC et embolies systémiques (p< 0 ,0004).

Le rivaroxaban a été évalué dans l’étude de non infériorité ROCKET-AF vs la warfarine. 14 260 patients ont été inclus, âgés en moyenne de soixante-treize ans, au cours d’une FA non valvulaire avec un score CHADS2 >3, 55 % des patients ayant eu un accident embolique [16]. À la dose de 20mg /j per os cette molécule ne s’est pas montrée inférieure à la warfarine en prévention des accidents emboliques : 2,12 vs 2,42 évènements pour 100 patients/année. Le risque hémorragique est comparable, 3,60 pour 3, 40 pour 100 patients année (p=0 ,576) avec un taux moindre d’hémorragies intra crâniennes : 0,49, vs 0,74 sous warfarine pour cent/patients par an.

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DISCUSSION

M. Yves GROSGOGEAT

Pendant des décennies on a surveillé étroitement les tests (TP-INR) permettant d’équilibrer le traitement pour AVK. Comment ne pas être surpris (et déçus aussi) par l’usage de produits nouveaux qui — bien qu’ils comportent le même risque hémorragique — ne bénéficient d’aucune surveillance biologique ?

Beaucoup de médecins et de patients s’étonnent en effet de la facilité de prescription et de l’absence de contrôle régulier de l’efficacité des nouveaux anticoagulants oraux, en particulier de l’antithrombine directe, le dabigatran, qui a un effet puissant compétitif, réversible avec une demi-vie d’élimination de dix à douze heures. Cette molécule a des avantages en particulier pour les patients dont le traitement par AVK est difficile à équilibrer, avec des taux d’INR très instables. La surveillance biologique des inhibiteurs directs de la thrombine citée dans les différents travaux paraît difficile : on conseille le temps de thrombine qui mesure la conversion de fibrinogène en fibrine, le temps de thromboplastine activé partiel (aPTT) qui témoigne quand il est allongé d’une activité anticoagulante excessive. Le temps de prothrombine est prolongé mais moins sensible que le temps de thrombine et que le temps de coagulation ecarin, cité par les biologistes mais dont j’ignore la faisabilité. En fait le dabigatran n’a actuellement l’AMM que pour les thromboses veineuses et pour les patients en FA, dont l’INR est stable sous antivitamines K, quand les contrôles sont possibles, pourquoi changer de stratégie ?

M. Jacques CAEN

Je suis surpris du manque de contrôle de la soi-disant hypercoagulabilité, hyper thrombogenèse locale : activation du facteur X ? De la thrombine ? Pour rationaliser les traitements actuels non contrôlés des anti-X alpha, des antithrombines sans contrôle biologique ? Au cours du vieillissement l’endothélium change de fonction. Adoptez-vous un traitement anticoagulant aux mêmes doses au cours du vieillissement ?

De nombreuses études, certaines très récentes publiées dans Lancet et CHEST confirment l’hyper thrombogenèse dans la FA. Tous les éléments de la triade de Virchow sont présents, ralentissement du flux intra-auriculaire, atteinte inflammatoire de l’endocarde et de l’endothélium vasculaire, hypercoagulabilité, particulièrement chez les patients avec antécédents emboliques. On constate une augmentation du fibrinogène, des D dimères de la fibrine, des fragments 1 et 2 de la prothrombine, du complexe thrombineantithrombine III, ce dernier indicateur de la genèse augmentée de la thrombine. Lip a constaté dans une série de patients en FA une augmentation des taux de thrombomoduline et du facteur Von Willebrand. Ariel Cohen a publié la présence anormale de fragments plaquettaires et une activation plaquettaire. L’activation plaquettaire est un fait confirmé. L’hypercoagulabilité d’origine complexe paraît prouvée, largement publiée. Les contrôles biologiques ne sont pas recommandés avec les antithrombines après les larges études présentées, mais comme je l’ai déjà dit, certains proposent le temps de thrombine, le temps de thromboplastine partiel activé et le temps de coagulation ecarine. Je n’ai pas d’information sur l’effet de l’âge sur l’hypercoagulabilité des patients en FA mais dans la mesure ou vieillissement est accompagné d’une augmentation des taux de créatinine, une réduction des doses avec l’âge parait raisonnable.

M. Dennis COKKINOS

Concernant les patients âgés plus de soixante-quinze ans ainsi que ceux qui prennent l’amiodarone, doit-on utiliser une dose inférieure, comme 75 mg deux fois par jour, ou insister avec la forte dose de 150 mg dix fois par jour ? De même une dose de 110 mg dix fois par jour serait-elle un choix alternatif .

Bien sûr l’amiodarone potentialise les effets des antivitamines K et justifie une réduction de leur posologie. Pour le dabigatran, avec la prescription conjointe d’amiodarone, on propose une diminution de la posologie quotidienne, soit 150 mg une fois par jour seulement, soit 110 mg, deux fois par jour. Chez les patients âgés avec un risque d’insuffisance rénale la Food and Drug administration conseille 75mg , deux fois par jour dose qui n’a jamais été évaluée. Il paraît logique avec l’amiodarone donc de réduire la posologie. Il faut signaler qu’avec la dronaderone, si cette molécule a l’AMM et n’est pas hépato-toxique, il n’y a pas de potentialisation des anticoagulants ce qui pourrait faciliter les traitements.

M. Daniel LOISANCE

Vous avez souligné la responsabilité de l’oreillette gauche et de l’auriculaire gauche dans la genèse des épisodes emboliques. Les chirurgiens interviennent chez des coronariens ou des patients dont la pathologie mitrale présente des épisodes de fibrillation auriculaire paroxystique, ou une fibrillation auriculaire permanente. Ils proposent l’exclusion (par clip) ou l’excision de l’auricule gauche. Qu’en pensez-vous ?

Si la FA est associée à une lésion valvulaire justifiant une intervention chirurgicale, je pense qu’il est logique de demander au chirurgien l’excision ou la suture de l’auricule gauche, siège électif de thrombus. Beaucoup d’équipes recommandent cette technique et nous l’avons fait pratiquer avec succès. Il paraît actuellement s’étendre la fermeture de l’auricule par mise en place, par voie transseptale, d’un dispositif fermant l’auricule, pour les FA non valvulaires, ou quand il y a une contre indication aux antivitamines K. Ces systèmes d’occlusion de l’auricule, soit Amplatzer, PLAATO ou WATCHMAN donnent lieu à des essais qui sont en cours versus antivitamines K. Ces techniques en évaluation sont séduisantes si elles ne justifient pas une anticoagulation associée.

M. Yves LOGEAIS

Vous avez peu envisagé la méthode d’auto-mesure de la coagulabilité qui continue pourtant à être un important problème, en particulier sur le plan économique. Pouvez-vous nous renseigner sur le développement de cette technique qui paraît avoir un réel succès à l’étranger ?

L’auto-contrôle de la coagulation par un patient éduqué, soucieux de son état, paraît une méthode remarquable, efficace. Des essais autocontrôle versus surveillance de l’INR mensuel par les laboratoires montrent la supériorité de l’auto-contrôle hebdomadaire, avec moins de complications emboliques ou hémorragiques. Il y a eu plusieurs essais randomisés chez des porteurs de prothèses valvulaires, dont une étude française, positive en faveur du self contrôle. Le self management du traitement anticoagulant paraît donc un progrès chez un patient capable de manipuler l’appareillage correctement. L’appareillage le plus utilisé est le COAGUCHECK de Roche mais d’autres dispositifs sont utilisés à l’étranger. Il suffit d’une petite ponction capillaire mais il faut un entraînement pour l’utilisation de l’appareillage. On saisit mal les raisons de la faible diffusion de cette méthode en France.

M. Gilles CRÉPIN

Quelle recommandation préconisez-vous lorsqu’une intervention chirurgicale d’urgence est nécessaire chez une patiente sous déshydratation ou autre anticoagulant nouveau pour lesquels il n’y a pas de test de contrôle ni antidote ?

On manque vraiment d’informations sur ce point important. Le dabigatran a une demi-vie environ de douze heures et la dernière dose, doit être donnée trois à quatre jours avant la chirurgie. Ce qui correspond à quatre à cinq demi-vies d’élimination pour éviter tout risque hémorragique. D’autres auteurs conseillent un délai plus long ! Il n’y a pas d’antidote au dabigatran en cas d’hémorragie grave et on conseille soit du plasma frais congelé, soit une perfusion (15 ml/kg) d’un concentré de complexe prothrombinique. On cite aussi des injections de facteur plaquettaire VII activé. On souligne aussi que pour des actes de petite chirurgie on peut s’en tenir à l’arrêt du dabigatran quarante-huit heures avant l’intervention, mais on s’étonne de ces incertitudes. Il est bien évident que des travaux doivent préciser ces données.

M. Patrice QUENEAU

Lorsque le malade est porteur d’une fibrillation atriale bien contrôlée depuis des années (par l’amiodorone par exemple), quelle est la justification exacte du traitement antiagrégant ou anticoagulant ? Est-ce le risque de récidive de la fibrillation atriale, même sans symptôme clinique, y compris chez les malades qui affirment ressentir nettement leur passage en arythmie lorsqu’il survient ? Ou est-ce par le fait que, même bien contrôlée depuis des années — ce qui semble fréquent — il existe des risques de thrombose en l’absence de réapparition d’un trouble rythmique ? En corollaire, un malade qui ressent sa fibrillation comme étant bien contrôlée avec en outre des contrôles électriques réguliers en plus du holter, quel est son risque de régresser en fibrillation de façon asymptomatique avec dès lors un risque de thrombose renouvelé ?

Il est bien démontré qu’il y a de nombreux accès de récidives de FA asymptomatiques, même chez les patients qui se sentent bien équilibrés par un antiarythmique, cordarone ou autre médicament. Des études par doppler transcrânien permettent de repérer des signaux emboliques chez plus de 35 % des patients asymptomatiques après réduction d’une FA. La FA asymptomatique s’avère aussi grave que la FA symptomatique. Elle justifie je pense la poursuite d’un traitement anticoagulant selon le niveau de risque embolique. A partir de soixante-cinq ou soixante-dix ans, il faut appliquer les recommandations de la Société européenne.

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine, e-mail : jean-paul.bounhoure@wanadoo.fr Tirés à part : Professeur Jean-Paul Bounhoure, même adresse Article reçu le 4 avril 2011, accepté le 16 mai 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, nos 4 et 5, 963-977, séance du 17 mai 2011