Face aux déserts médicaux : un Service médical citoyen
Communiqué de l’Académie nationale de médecine (*)
Dans les zones médicalement sous-denses (dites « déserts médicaux ») la pénurie de médecins soignants en équivalent d’exercice temps plein atteint un niveau critique. Le nombre des médecins généralistes a diminué de 11% entre 2010 et 2022. Compte-tenu de la pyramide des âges et du départ à la retraite des médecins âgés aujourd’hui de 55 à 65 ans, cette pénurie s’accentuera « jusqu’en 2024 » avec « rétablissement de la densité médicale seulement d’ici 2033 » selon le récent rapport du Sénat. Elle est d’autant plus grave qu’elle ne touche pas seulement les régions rurales mais concerne la quasi-totalité du territoire français, y compris les zones périurbaines et même urbaines.
Pour tenter de pallier les conséquences de cette pénurie, en grande partie liée à l’abaissement excessif du nombre de médecins formés (numerus clausus) pendant un quart de siècle, de nombreuses mesures ont été proposées depuis des années. La dernière en date consistait à imposer aux internes de médecine générale d’effectuer une quatrième année dans les zones sous-médicalisées, mesure ayant déclenché une farouche opposition des internes concernés.
Selon un récent rapport du Sénat (29 mars 2022), cette pénurie de médecins se traduit par le fait que :
« – 30 % de la population française vit dans un « désert médical »
– 1,6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux
– 11% des français de plus de 17 ans n’ont pas de médecin traitant »
Souhaitant que la liberté d’installation et le choix éclairé du parcours professionnel des jeunes médecins soient respectés, l’Académie nationale de médecine recommande :
L’instauration d’un Service médical citoyen d’un an pour les médecins nouvellement diplômés dans le cadre limité d’un engagement contractuel. Ce Service médical citoyen permettrait de renforcer la médicalisation des zones sous-denses et d’éclairer le choix de carrière des jeunes médecins par une expérience de terrain.
Ce Service médical citoyen sera organisé :
– dans les territoires, de manière conjointe par l’ARS, la ou les facultés de médecine, les médecins et les élus, en fonction des besoins locaux ;
– dans le cadre d’un salariat, calqué sur la grille indiciaire des praticiens hospitaliers ;
– en utilisant une infrastructure professionnelle (locaux et frais de fonctionnement, frais de déplacements…) à la charge des collectivités locales, qui offriront en outre au médecin et à sa famille une aide logistique (logement, inscription prioritaire des enfants en crèche et à l’école, éventuellement aide à l’emploi du conjoint…) ;
– en visant principalement le milieu ambulatoire, mais aussi les établissements de santé publics ou privés.
- La mise en place de mesures favorisant le cumul emploi-retraite des médecins récemment retraités tout en permettant à leurs cotisations de générer des droits supplémentaires
- La sensibilisation de la population au bon usage de la médecine, incluant le respect des rendez-vous pris auprès des médecins et autres soignants, et la reconnaissance du service rendu par le système de santé français eu égard à sa complexité, son coût et ses difficultés d’exercice.
(*) L’Académie a adopté le texte de ce communiqué par 52 voix pour, 13 voix contre et 10 abstentions.
Bull Acad Natl Med 2023;207:236-7. Doi : https://doi.org/10.1016/j.banm.2023.01.016