Communication scientifique
Séance du 10 novembre 2009

Éthique en expérimentation animale

MOTS-CLÉS : animaux de laboratoire. expérimentation animale/éthique.
Ethical issue in animal experimentation
KEY-WORDS : animal experimentation/ethics. animals, laboratory

André-Laurent Parodi

Résumé

Dès les années 1970, sous l’effet de la pression d’une partie du corps social et à l’initiative de groupes de chercheurs, des comités pour l’amélioration des conditions d’utilisation des animaux de laboratoire ont été créés, d’abord en Amérique du Nord, puis en Europe. Ainsi a pris naissance et s’est constamment adaptée aux progrès scientifiques, une démarche éthique de l’expérimentation sur l’animal. Complétant la réglementation qui fixe les conditions légales de l’expérimentation et vise à réprimer les abus, la démarche éthique, dominée par la notion de l’animal — être sensible, s’efforce de fournir à l’expérimentateur les principes de respect et d’épargne de la souffrance animale. Toute expérimentation devrait recevoir, préalablement à sa mise en œuvre, l’avis d’un Comité d’éthique, interne pour les établissements privés, régional pour les établissements publics. Très récemment, sous l’égide et à l’initiative des ministères de la Recherche et de l’Agriculture, un Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale a publié la Charte nationale sur l’éthique de l’expérimentation animale. Celle-ci fixe les grands principes d’une utilisation morale et responsable de l’animal à des fins scientifiques. Elle normalise la composition et le fonctionnement des comités d’éthique. Inspirée par la communauté scientifique elle-même, la formalisation de la démarche éthique devrait, sans les faire totalement disparaître, apaiser les réticences voire l’hostilité d’une partie de l’opinion publique.

Summary

In the 1970s, under pressure from certain sections of society and thanks to initiatives by several scientific research teams, committees charged with improving the conditions of laboratory animals started to be created, first in the United States and subsequently in Europe. This led to the development of an ethical approach to animal experimentation, taking into account new scientific advances. In addition to the legislation designed to provide a legal framework for animal experimentation and to avoid abuses, this ethical approach, based on the concept that animals are sentient beings, encourages greater respect of laboratory animals and the implementation of measures designed to reduce their suffering. Now, all animal experiments must first receive ethical approval — from in-house committees in the private sector and from regional committees for public institutions. Very recently, under the impetus of the French ministries of research and agriculture, the National committee for ethical animal experimentation published a national ethical charter on animal experimentation, setting the basis for responsible use of animals for scientific research and providing guidelines for the composition and functioning of ethics committees. Inspired by the scientific community itself, this ethical standardization should help to assuage — but not eliminate — the reticence and hostility expressed by several sections of society.

INTRODUCTION

L’expérimentation sur l’animal demeure une voie obligée de la recherche biologique et médicale. En dépit de l’importance croissante qu’ont pris les animaux dans nos sociétés et malgré la persistance d’une certaine désinformation volontairement outrée, une majorité (56 %) de nos concitoyens reconnaît qu’elle est nécessaire [1].

Cette attitude n’est pas différente de celle observée dans d’autres pays.

Conscients de cette nécessité et de ces tensions, les pouvoirs publics ont conçu et mis en application un encadrement réglementaire rigoureux des pratiques de l’expérimentation animale. La règlementation se limite — ce qui n’est pas accessoire — à définir des principes visant à empêcher la cruauté vis-à-vis des animaux, à établir le cadre des autorisations à expérimenter, détenir et commercialiser les animaux dits de laboratoire, et à organiser un système de contrôle des établissements où sont élevés ces animaux et où se pratique l’expérimentation (tableau 1). Néanmoins, la rapide et foisonnante évolution des objectifs et des méthodes de la recherche déborde largement les conditions d’application de cette réglementation.

Face à d’inévitables lacunes, la communauté scientifique a pris, dès les années 1970, l’initiative de se doter de résolutions fixant les règles de conduite considérées comme morales, que chaque expérimentateur se devrait d’appliquer. Cet ensemble de règles, régulièrement révisé et adapté, représente la traduction d’une conduite éthique en expérimentation animale.

HISTORIQUE

Au début des années 70, des comités pour l’amélioration des conditions d’utilisation des animaux de laboratoire ont été créés aux Etats-Unis et au Canada. De tels comités existent désormais dans tous les pays développés et, en particulier, au sein de l’Union Européenne [2].

En France, les premiers comités d’éthique ont été installés dans les années 1980 et se sont multipliés (tableau 2). Il est significatif de noter que leur création résulte d’une démarche spontanée et volontaire des chercheurs eux-mêmes.

 

Tableau 1 Réglementation de la protection des animaux d’expérience

I — Les Instances européennes:

 

Le Conseil de l’Europe :

La Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à de fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques (31 Mai 1985).

Signée par la France le 2 Septembre 1987, elle est en vigueur depuis le 1er Décembre 2000.

L’annexe A révisée le 15 juin 2006, établit des lignes directrices relatives à l’hébergement et aux soins des animaux.

L’Union européenne :

 

La Directive 86-609/CEE du 28 Novembre 1986 du Conseil des Communautés européennes relative à la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques.

Modifiée par la Directive 2003-65/CE du 22 Juillet 2003 elle est actuellement en cours de révision.

II — La réglementation française:

 

Le Décret 87-848 du 19 Octobre 1987 : relatif aux expériences pratiquées sur les animaux ; il a été modifié par le Décret no 2001-464 du 29 Mai 2001 et par le Décret no 2007-409 du 23 Mars 2007 portant publication du protocole d’amendement à la Convention européenne sur la protection des animaux vertébrés utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques fait à Strasbourg le 22 Juin 1998.

C’est la transposition en Droit français de la Directive 86-609.

 

Le Code rural : Sous Section 3 : Expérimentation animale :

 

Paragraphe 1 : Art 214-87 à 214- 94 : Expériences.

 

Paragraphe 2 : Art 214-95 à 214-98 : Protection des animaux d’expérience.

 

Paragraphe 3 : Art 214-99 à 102 : Autorisation d’expérimenter.

 

Paragraphe 4 : Art 214-103 à 214-106 : Agrément des établissements d’expé- rimentation.

Paragraphe 5 : Art 214-107 à 214-109 : Agrément des établissements élevant des animaux destinés à l’expérimentation.

Paragraphe 6 : Art 214-110 à 214- 112 : Contrôle des établissements.

 

Paragraphe 7 : Art 214-113 à 214- 115 : Etablissements relevant de la défense nationale.

 

Tableau 2 Comités et Conseils ayant pour objet d’assurer la protection des animaux de laboratoire 1968 : Le Conseil canadien pour la protection des animaux demande la création de Comités de protection des animaux pour chaque établissement où sont utilisés des animaux aux fins de recherche, d’enseignement et d’essais.

http://www.ccac.ca 1971 : Les Institutional animals care and use Committees (Iacuc) du NIH (USA) sont rendus obligatoires dans tous les centres où on pratique l’expérimentation animale.

http://www.iacuc.org 1980 : Création, en France, des premiers Comités d’éthique dans l’industrie privée et l’armée.

http://gircor.net/question/grice presentation.php 2001 : Création, en France, des Comités régionaux d’éthique dans les établissements de recherche publiques.

http://ethique.ipbs.fr/sdv/ethique exp.html 2005 : Des comités d’éthique sont créés dans 20 pays de l’UE ; ils sont obligatoires dans 16 d’entre eux.

www.felasa.eu Deux catégories de comités d’éthique existent à ce jour dans notre pays : les comités internes et les comités régionaux.

Les premiers sont dûs à l’initiative de la recherche privée, pharmaceutique essentiellement, et de certains organismes publics, notamment militaires. Ils sont créés dans et par un établissement de recherche. Leur mission est de promouvoir la mise en œuvre des pratiques éthiques pour toutes les études conduites sur l’animal au sein de l’établissement [3, 4]. Ils sont constitués de personnels scientifiques et nonscientifiques. Peuvent y être associées des personnes extérieures à l’établissement. Au niveau national, ces comités sont réunis au sein du Groupe de Réflexion Interprofessionnel sur les Comités d’Ethique (GRICE) [3]. Le GRICE est lui-même une commission du Groupe Interprofessionnel de Réflexion et de Communication de la Recherche (GIRCOR) [5].

Les seconds, les comités régionaux d’éthique en expérimentation animale, ont été créés en 2001 au sein des établissements publics de recherche [6]. Ils sont au nombre de vingt, répartis sur l’ensemble du territoire. Chaque comité est composé de représentants des institutions concernées auxquels se joignent des représentants du corps social. Ils ont pour mission d’examiner les protocoles qui leur sont soumis, volontairement, par les chercheurs travaillant dans la zone géographique placée sous leur responsabilité.

La dispersion et le dualisme, au moins apparents, des deux catégories de comités d’éthique sont en cours d’effacement. En effet, par décret du 25 mars 2005, le Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale a été créé. Il est constitué de représentants des professionnels de l’expérimentation animale privée et publique (dont obligatoirement un médecin, un pharmacien et un vétérinaire), de représentants qualifiés de la société civile (sociologue, philosophe, juriste), de représentants d’associations de protection animale et de l’État (Ministère chargé de la Recherche et Ministère chargé de l’Agriculture). Au nombre de ses missions figure l’élaboration et la publication d’une Charte nationale portant sur la déontologie et l’éthique de l’expérimentation animale. Il est à noter que dans notre pays, le recours à un comité d’éthique n’est pas encore obligatoire même si, dans la pratique, cette démarche est devenue volontairement la règle.

L’éthique est apparue, ainsi, comme le complément indispensable de la réglementation. Plus proche du terrain que la réglementation, plus évolutive en fonction des avancées de la recherche ainsi que des attentes du public, elle exprime le souci des chercheurs de répondre, de manière délibérée, à deux sollicitations, contradictoires en apparence seulement : celle de poursuivre des travaux essentiels aux progrès de la médecine et, plus généralement, de la biologie ; celle de répondre à la demande du corps social de prendre en considération la souffrance animale.

Cette quête permanente peut se résumer sommairement à une règle simple dite des « 3 R » que l’on doit à deux chercheurs W.Russel et R. Burch [7]. Ceux-ci, dès 1959, publiaient dans « The principles of Human Experimental Techniques » des préconisations, oubliées jusqu’à la fin des années 1970, et se résumant à trois commandements :

« Replacement » pour substitution, — « Reduction » pour diminution (du nombre d’animaux), — « Refinement » pour optimisation.

Ces trois recommandations sont considérées comme si importantes par les auteurs anglophones qu’ils les confondent souvent sous le terme d’« alternative methods ».

Elles seront développées dans les interventions qui suivent.

On pourrait rajouter un quatrième R, celui de « Respect » pour respect ou considé- ration (pour l’animal). Il viendrait renforcer le sens de la démarche éthique en expérimentation animale.

 

LES GRANDS PRINCIPES DE L’ÉTHIQUE EN EXPÉRIMENTATION ANIMALE

Au fur et à mesure que se constituaient les comités d’éthique, les principes de l’éthique en expérimentation animale faisaient l’objet de la publication de Chartes telles que la « Charte du Grice » ou la « Charte pour une éthique de l’expérimentation animale » des comités régionaux. Cet ensemble de règles auxquelles adhèrent les chercheurs, venait compléter des chartes plus anciennes [8].

La plus récente, la « Charte Nationale sur l’éthique de l’expérimentation animale », élaborée par le Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale, adoptée au début de 2008, énonce les principes d’une conduite éthique de l’expérimentateur. Elle est complétée par une annexe portant sur les Comités d’éthique répondant en cela à la saisine figurant dans le décret fondateur du Comité National.

La Charte nationale sur l’éthique de l’expérimentation animale [10]

La charte est destinée à servir de référence aux expérimentateurs, aux institutions et aux comités d’éthique. Dès son préambule, il y est mentionné que « les animaux sont des être sensibles, capables de souffrir, dotés de capacités cognitives et émotionnelles ». Il est rappelé que « dans l’état actuel de la connaissance, le recours à l’usage d’animaux de laboratoire ne peut être évité ». L’expérimentateur, dans son action, doit s’efforcer d’aller au-delà de la seule application de la réglementation.

Les principes énoncés dans la Charte s’inscrivent sous plusieurs titres. Le premier d’entre eux constitue la pierre angulaire de la Charte. Il considère que le respect de l’animal constitue un devoir pour l’expérimentateur. Celui-ci, ainsi que toute personne intervenant, engage, dans sa pratique, sa responsabilité morale. Très logiquement, l’institution dans laquelle se déroule l’expérimentation est, par nature, co-responsable.

L’expérimentateur, ainsi que tout personnel impliqué, doivent posséder les compé- tences actualisées nécessaires à l’expérimentation, non seulement celles d’ordre réglementaire, mais également scientifiques et techniques. Une formation à l’éthique est demandée. Au titre de ses principes généraux, la Charte précise la nécessité de faire précéder tout démarche expérimentale par une réflexion sur le bien-fondé de l’expérience envisagée, tant du point de vue scientifique qu’éthique (éviter les redondances inutiles, justifier le choix du modèle et des méthodes, définir statistiquement le nombre d’animaux nécessaires, éviter toutes souffrances qui pourraient être évitables, s’efforcer d’optimiser les conditions de vie des animaux). Bien entendu, la régle des ‘‘3R’’ servira de fil conducteur. Fait notable car complémentaire de la réglementation : le « recours à l’avis d’un comité d’éthique » devient un préalable obligé. Il faut noter cependant que le Comité National d’éthique n’a pas recommandé aux comités d’éthique d’étendre leur intervention à d’autres responsabilités telles que le contrôle des unités d’expérimentation, le choix des fournisseurs ou la formation des personnels.

 

Enfin, et cet article de la Charte est novateur, tout comité d’éthique, qu’il ait été créé à l’initiative d’un organisme public ou privé, doit prendre en compte les avis et recommandations énoncés par la Charte nationale. Ce point est important car il implique une harmonisation de l’ensemble des comités d’éthique lesquels sont invités à adhérer formellement et volontairement aux principes de la Charte.

Les comités d’éthique

Le rôle fondamental d’un comité d’éthique en expérimentation animale est de délivrer un avis à tout chercheur, préalablement à l’expérimentation qu’il projette d’entreprendre sur l’animal.

La Charte précise que tout établissement d’expérimentation animale doit relever d’un et d’un seul comité. Ceci dans le but d’éviter des possibilités de choix et de « nomadisme ». Bien entendu, à l’inverse, plusieurs établissements peuvent s’associer pour dépendre d’un comité commun. De manière à garantir à tous les comités d’éthique leur indispensable fiabilité, l’annexe à la Charte fixe leur composition.

Chaque comité compte au moins cinq membres dont : un chercheur, une personne directement impliquée dans la réalisation des expériences, un personnel chargé de l’hébergement et des soins donnés aux animaux, un vétérinaire et une personne extérieure à l’établissement « témoignant d’un intérêt pour la protection animale ».

Bien entendu, les comités peuvent faire appel, chaque fois qu’ils le jugent nécessaire, à la compétence de personnalités extérieures.

Il est logiquement et formellement rappelé l’obligation pour chacun des membres du comité de respecter une stricte confidentialité, tant sur les projets examinés que sur la teneur des délibérations au sein du comité. Enfin, de manière à garantir leur indépendance et leur impartialité, tous les membres des comités sont volontaires et ne perçoivent aucune rétribution directement relative à cette fonction.

Le déroulement des travaux aboutissant à l’émission d’un avis est décrit par le menu.

Il revient à l’expérimentateur l’obligation de saisir le comité de son établissement en lui soumettant son projet. Celui-ci contient, au minimum, le ou les objectifs de l’expérience, le modèle animal choisi, le ou les protocoles expérimentaux et les résultats attendus. L’évaluation doit s’efforcer de vérifier d’un point de vue éthique l’acceptabilité du choix du modèle, du protocole et des techniques proposées, au regard du ou des objectifs à atteindre. Il est important de souligner que cette analyse, strictement fondée sur des référentiels scientifique et technique, ne doit pas empiéter sur le domaine de compétence des comités scientifiques de l’établissement.

Bien évidemment, l’évaluation éthique portera une attention particulière aux éventuelles agressions physiques ou comportamentales auxquelles seraient soumis les animaux. Lorsque celles-ci sont prévisibles, le comité examine — et éventuellement préconise — les mesures à prendre pour les supprimer ou les atténuer.

Les avis rendus par le comité d’éthique n’ont pas valeur contraignante. Il sont rendus à titre consultatif. Comme cela a été énoncé dans la Charte, les expérimen- tateurs et l’établissement dans lequel se déroulent les expérimentations sur l’animal conservent l’entière responsabilité de la mise en œuvre des protocoles et de leur suivi.

Ces avis conservent leur validité durant trois ans. Au terme de ce délai, le comité sera de nouveau consulté dans le cas où l’expérimentation se poursuivrait. Cette révision obligatoire a été prévue de manière à permettre aux comités d’introduire éventuellement, dans les protocoles, des améliorations méthodologiques survenues depuis la date du premier avis. Celles-ci pourraient permettre de réduire les contraintes imposées aux animaux, voire de les supprimer par la mise en œuvre de méthodes substitutives nouvellement validées.

Lorsque le comité d’éthique est commun à plusieurs établissements, il peut déléguer, dans des conditions précises, une partie de l’évaluation à une antenne de proximité. Celle-ci sera appelée à intervenir sur délégation formelle du comité (lettre de mission) précisant, en particulier, les limites et le champ de ses propres compétences sur des protocoles émanant de l’établissement dans lequel elle est établie.

Enfin, et c’est un rôle important, la Charte délègue aux comités d’éthique une mission de promotion des principes éthiques qu’elle a énoncés.

CONCLUSION

Parallèlement au développement des progrès scientifiques, notamment dans le domaine de la santé, régulièrement et souvent largement diffusés dans le public, la vision que nos sociétés modernes ont de l’animal a rapidement et parfois radicalement évolué. La notion légitime, tant du point de vue zoologique que phylogénique de l’animal — être sensible, s’est rapidement et définitivement imposée. Il en résulte une sorte de contradiction dans nos mentalités [9]. D’un côté, nous demandons — nous exigeons — le risque zéro en matière de prévention, de diagnostic et de sécurité thérapeutique tandis que, d’un autre côté, certains de nos contemporains s’opposent, parfois avec des méthodes d’un radicalisme proche du terrorisme, à l’expérimentation sur les animaux. Lucide, une majorité de nos concitoyens demeure consciente du fait que c’est grâce à ces recherches que tant de progrès médicaux ont été réalisés et qu’elles restent irremplaçables.

Aux dispositions règlementaires appliquées par les pouvoirs publics à la pratique de l’expérimentation sur l’animal, la communauté scientifique a ajouté, de sa propre initiative, des règles et attitudes éthiques.

Parce qu’elle se doit de refléter à la fois l’état de sensibilité du corps social et celui de la communauté scientifique et ce, à un moment donné, l’éthique évolue. Elle le fait en répondant aux mouvements de cette sensibilité comme en s’adaptant aux progrès de la démarche scientifique. Les principes éthiques d’une expérimentation respectueuse de l’animal, sont mis en application par les comités d’éthique dans leur travail d’évaluation, par les avis qu’ils émettent ainsi qu‘à travers leur mission de formation.

 

Certes, la généralisation de ces procédures ne suffira pas à effacer totalement la suspicion ou la réprobation d’une partie du corps social. Elle devrait, pour autant que l’on facilite l’information du public de la généralisation de la démarche éthique au sein des laboratoires, permettre à notre société d’apaiser ses inquiétudes voir sa réprobation vis-à-vis de l’expérimentation animale et de mieux concilier ses légitimes exigences en matière de progrès scientifique, notamment médical, avec l’acceptation de ces recherches.

BIBLIOGRAPHIE [1] Verschuere B. et Lachapelle F. — Résultats d’un sondage relatif l’expérimentation animale en France. Bull. Acad. Vét. France , 2008, 161 , 393-397.

[2] Felasa (Federation of European laboratory animals science associations). — Principles and practice in ethical review of animal experiments across Europe: summary of the report of a FELASA working group on ethical evaluation of animal experiments. Lab. Anim ., 2007, 41 , 143-160.

[3] Autissier C. — Les comités d’éthique dans la recherché privée. Bull. Acad. Vét. France , 2003, 156, 58-62.

[4] Verschuere B., Autissier C., Degryse A.D., Gallix P., Gotti B., Laurent J., Leinot M. and Peyclit I. — Ethics committee recommendations for Laboratory animals in private research in France. Lab. Anim ., 2000, 34 , 236-243.

[5] Gircor. — Guide de l’évaluation éthique des études sur animaux. Gircor, 2009, BoulogneBillancourt. http://gircor.net/questions/grice presentation.php [6] Laplace J.P. — Réflexion éthique et expérimentale animale au sein de la recherche publique.

Bull. Acad. Vét. France , 2003, 156 ,53-57.

[7] Russel W.M.S. and Burch R.L. — The principles of human experimental technique.

Methuen, London, 1959 (reprinted by UFAW, 1992 : 8 Hamilton Close, South Mimms, Potters Bar, Herts EN6 3 QD England. ISBN 0 900 767 78 2).

[8] Fondation Marcel Mérieux.1979.Centre Européen de la Tufts University, Talloire, France.

http://www2.vet-lyon.fr/ens/expa/docs/ethique Cl.Bernard.htlm [9] Chanteur J. — L’exigence éthique et la nécessité du recours à l’animal. In La Recherche Médicale à l’aube du xxie siècle : recherche médicale et modèle animal. Les Colloques de l’Institut Servier. Ed. Scientifiques et médicales, Elsevier Sas, Paris, 2002, pp 19-23.

[10] Charte nationale portant sur l’éthique de l’expérimentation animale. Comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale, 2008. www.enseignementsup-recherche.gouv.fr [11] Sites Journal Officiel de la République Française. 2005. Décret 2005-264 portant création d’un comité national de réflexion éthique sur l’expérimentation animale. http://gircor.net/recherche/ coderural.pdf [12] Journal officiel des Communautés européennes. 1986. Directive 86/609 sur la protection des animaux utilisés à des fins expérimentales ou à d’autres fins scientifiques.

http://eur-lex.europa.eu/LexUriserv/Lex UriServ.do ?uri=CELEX: 31986LO609:FR:NOT.

 

DISCUSSION

M. Jacques BATTIN

Faudra-t-il prendre les mêmes précautions et recueillir les avis des comités d’éthique à propos du poisson zèbre qui est si informatif à propos des gènes du développement ?

Le poisson zèbre étant un vertébré il entre dans le cadre des règlementations européenne et française sur la protection des animaux utilisés à des fins d’expé- rience. Toute expérimentation sur des poissons devra faire l’objet d’une demande préalable à un comité d’éthique pour avis.

M. Alain-Emmanuel CABANIS

Vous avez évoqué les directives européennes 86 609 (et 87 848) concernant la protection des animaux vertébrés. Si l’on rappelle que le règne animal comporte l’embranchement des vertébrés et celui des invertébrés, qu’en est-il de ce dernier, des insectes aux êtres unicellulaires ? N’ont-ils pas, eux aussi, capacité de sensibilité, de souffrance et de cognition, (même élémentaires) selon vos propres termes ?

Vous avez entièrement raison. Certes il peut être extrêmement difficile de projeter sur un insecte ou un nématode le même regard que celui que nous accordons à un mammifère surtout s’il s’agit d’un primate non-humain. Zoologues et spécialistes du comportement animal s’efforcent de clarifier cette question et l’on sait par exemple, que les céphalopodes (pieuvre) pourraient être particulièrement réceptifs non seulement à la douleur, bien évidemment, mais aussi à ce qu’il faut bien considérer comme des émotions. C’est la raison pour laquelle le projet de révision de la Directive 86/609 étend désormais son champ d’application non seulement aux vertébrés mais encore aux invertébrés et aussi aux embryons et fœtus de vertébrés.

M. Bernard SALLE

Les règles éthiques qui s’appliquent à l’animal, s’appliquent-elles également aux fœtus, lorsqu’on étudie la physiologie fœtale et les transferts placentaires ?

Oui, bien évidemment. Le cas particulier des fœtus et des embryons sera très certainement inclus dans le prochain dispositif réglementaire et les règles de l’éthique qui, pour l’instant, portent sur l’animal en général, devront être plus explicites sur leur extension aux stades embryonnaires et fœtaux.

 

<p>* Membre de l’Académie nationale de médecine Tirés à part : Professeur André-Laurent Parodi, même adresse et e-mail : alparodi@vet-alfort.fr Article reçu et accepté le 9 novembre 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 8, 1737-1746, séance du 10 novembre 2009