Communication scientifique
Session of 29 avril 2003

Épidémiologie des cancers de l’enfant

MOTS-CLÉS : enfant. environnement.. epidemiologie. genetique. tumeurs
Epidemiology of cancer in childhood
KEY-WORDS : child. environment.. epidemiology. genetics. neoplasms

D. Sommelet, B. Lacour, J. Clavel

Résumé

Les connaissances épidémiologiques des cancers de l’enfant reposent sur une méthodologie stricte basée sur l’activation de registres de population spécifiques et des études cas témoins et de cohortes. L’épidémiologie descriptive est un outil de surveillance et de santé publique, tandis que l’épidémiologie analytique contribue à préciser le rôle des facteurs génétiques et environnementaux, ainsi que leur interaction. Les données recueillies concourent indirectement à améliorer la prise en charge de l’enfant malade et à une meilleure compréhension de la cancérogenèse.

Summary

The knowledge of the epidemiology of cancer in childhood is relevant of a strict methodology allowed by the activation of population-based specific registries, case-control and cohort studies. Descriptive epidemiology is a mean of survey and of public health, while analytic epidemiology contributes to precise the role of genetic and environmental factors, along with their interaction. The collected data help indirectly to improve the care of the child with cancer and to a better understanding of the cancerogenesis

INTRODUCTION

Les cancers de l’enfant sont caractérisés par leur faible incidence (1 % de l’ensemble des cancers), l’hétérogénéité de leurs sites primaires et de leurs types histologiques, *

CHU, Onco-hématologie pédiatrique — 54511 Vandœuvre les Nancy cedex.


l’amélioration considérable de leur taux de guérison, passé de 25 % avant 1970 à plus de 70 % en 2002 dans les pays industrialisés ; ceci s’explique par les progrès thérapeutiques, le mode de prise en charge des malades par des équipes pluridisciplinaires travaillant en réseau et le développement, dès les années 70, d’essais thérapeutiques multicentriques incluant plus de 70 % des patients ; les études des marqueurs cytogénétiques et génomiques des cellules tumorales permettent en outre d’affiner les facteurs pronostiques, d’évaluer la qualité de la réponse au traitement et d’envisager le développement de nouvelles approches thérapeutiques.

Les connaissances épidémiologiques acquises dans ces vingt dernières années reposent sur les données des registres et les études menées par les groupes coopératifs, en liaison avec les infrastructures de recherche clinique et biologique.

OBJECTIFS ET MÉTHODES

L’épidémiologie des cancers de l’enfant répond, comme chez l’adulte, à trois objectifs :

— disposer d’un outil de surveillance sanitaire (épidémiologie descriptive) permettant de suivre l’incidence globale et la distribution par sites et types histologiques, les fluctuations temporelles et spatiales, les taux de survie, les taux et les causes de mortalité ;

— promouvoir la recherche étiologique (épidémiologie analytique) grâce à des études écologiques, des études de cohortes et des études cas-témoins portant sur le rôle des facteurs génétiques et environnementaux, ainsi que leur interaction ;

— participer à des actions de santé publique : évaluation de la qualité des soins, des séquelles, de la qualité de la vie et des conséquences socio-familiales, études médico-économiques.

Les sources épidémiologiques les plus fiables sont représentées par les registres cancérologiques de population. Un tel registre est défini comme une structure épidémiologique réalisant l’enregistrement continu et exhaustif des cas de cancers dans une région géographique donnée, quel que soit le lieu de prise en charge des malades, et ce à des fins de surveillance et de recherche ; c’est un outil de production de connaissances, d’expertise scientifique et de formation ; il doit répondre à des critères de qualité régulièrement évalués.

Il est apparu rapidement la nécessité d’activer des registres spécifiques des cancers de l’enfant, en liaison avec les registres généraux du cancer, nationaux ou régionaux. Ils sont justifiés par une meilleure exhaustivité et la qualité des informations recueillies, l’utilisation d’une classification basée à la fois sur les types histologiques et les sites primaires ( International Classification of Childhood Cancer [1]), la nécessité d’un suivi à long terme d’un nombre élevé de malades « guéris ».

Au Royaume-Uni, le premier registre pédiatrique, créé en 1953 à Manchester, a servi de modèle à d’autres registres régionaux dont les données sont transmises à un
registre général national. En Scandinavie, les données pédiatriques sont exploitées à partir des registres généraux. L’Allemagne possède un registre national spécifique.

Aux Pays-Bas, il existe d’une part un registre national général constitué d’un regroupement de 9 registres régionaux, et d’autre part un groupe national d’étude des leucémies de l’enfant. L’Italie et l’Espagne disposent chacune seulement d’un registre régional. Aux États-Unis, le Greater Delaware Valley Pediatric Tumour Registry , créé en 1972, est basé sur les données hospitalières et les certificats de décès ; le programme SEER (Surveillance, Epidemiology, End Results, 1972) lié au National Cancer Institute, couvre 14 % de la population (5 états et 4 mégapoles). En Australie, le Registre National du Queensland est enrichi par les données pédiatriques hospitalières (Tableau 1).

En France et dans les DOM-TOM, nous disposons de 13 registres généraux départementaux du cancer et de 9 registres spécialisés, qualifiés par le Comité National des Registres. En 1983, nous avions pris l’initiative en Lorraine de créer le premier registre pédiatrique de population, suivi par Provence-Alpes-Côte d’AzurCorse, Rhône-Alpes, Auvergne-Limousin, Bretagne, couvrant ainsi 30 % de la population d’enfants de 0 à 14 ans. La nécessité de disposer de données nationales et la précarité de ces structures régionales ont conduit à l’activation d’un enregistrement national basé sur deux structures complémentaires : le Registre National des Leucémies et Lymphomes de l’Enfant (1995, responsable : Dr J. Clavel, INSERM U170, Villejuif), puis le Registre National des Tumeurs Solides de l’Enfant (1999, responsable : Dr B. Lacour, CHU, Nancy). Ils s’inscrivent dans une politique de soutien financier pluriannuel de fonctionnement, émanant de l’Institut de Veille Sanitaire et de l’INSERM. Ces registres s’appuient sur les cinq registres pédiatriques régionaux précités, sur l’équipe de recherche INSERM U170 et sur le réseau des équipes de référence en cancérologie pédiatrique. L’enregistrement national des cas de cancers de l’enfant de 0 à 14 ans résidant en France métropolitaine repose sur la recherche active des cas dans les centres de cancérologie pédiatrique, sur les données issues des protocoles thérapeutiques, du Service des Causes Médicales de Décès (INSERM-CepiDc), des Départements d’Information Médicale des hôpitaux, des laboratoires d’anatomie pathologique (en règle, 2 à 3 sources par patient) ;

l’exhaustivité est évaluée en liaison avec le réseau FRANCIM.

ÉPIDÉMIOLOGIE DESCRIPTIVE

Incidence

Données françaises

Le taux standardisé d’incidence annuelle est estimé à 135 par million d’enfants de 0 à 14 ans (132,7 en Lorraine) [2]. Sur une population de 10,5 millions, soit 18 % de la population, le risque de cancer pour un enfant de moins de 15 ans est de 1/500. Le nombre attendu est de 1 360 nouveaux cas par an. Le sex-ratio est de 1,2 garçon pour

TABLEAU 1. — Enregistrement international des cancers de l’enfant (0-14 ans) Date Population Type d’enregistrement de d’enfants création Régional National Pédiatrique Général Pédiatrique Général EUROPE

GRANDEBRETAGNE — Manchester + + 1 000 000 1953 — North + 750 000 1968 — Autres régions + + 11 100 000 1962 — UKCCSG + (études, essais) ITALIE — Turin + 500 000 1967 ESPAGNE — Valence + 450 000 1983 ALLEMAGNE — Ex-RFA + 10 000 000 1980 — Ex-RDA + 3 400 000 1991 — Société + Allemande (études, essais) d’Oncologie pédiatrique PAYS-BAS — Netherlands + 2 700 000 1984 Cancer Registry (9) — Dutch Child+ 2 700 000 1983 hood Leukemia Study Group DANEMARK + 1 000 000 1942 FINLANDE + 1 000 000 1952 NORVÈGE + 1 000 000 1952 SUÈDE + (6) + + 1 600 000 1958 France + (5) + (13) 3 200 000 de 83 à 91 1 500 000 de 78 à 98 + (Leucémies) 10 500 000 1995 + (T. solides) 10 500 000 1999 USA

Greater Delaware + 2 200 000 1972 Valley SEER Program + + 4 500 000 1972 10 % pop USA 4 500 000 1972 Cancer Children Group + Pediatric Études analytiques cas-témoins Oncology Group AUSTRALIE

Queensland + + 600 000 1977
1 fille. La répartition par tranches d’âge, conditionnée par les types histologiques, est la suivante : 45 % de 0 à 4 ans, 27 % de 5 à 9 ans, 28 % de 10 à 14 ans.

L’incidence et la distribution par types histologiques sont indiquées dans le Tableau 2, les cancers les plus fréquents étant les leucémies et les lymphomes (44 %), les tumeurs cérébrales (23 %) et les tumeurs embryonnaires (20 %). L’incidence des leucémies est précisée par le registre national spécifique : 42,3 par million par an dont 34,1 de leucémies aiguës lymphoblastiques (pic d’âge : 2-3 ans).

Variations internationales, temporelles et spatiales [3-6]

Le taux standardisé d’incidence annuelle est estimé en Europe à 130,8 par million d’enfants de 0 à 14 ans et à 160 aux États-Unis. S’il n’y a pas de variation notable des taux d’incidence et de distribution par types histologiques en Europe, on note cependant des variations intercontinentales à l’origine d’hypothèses sur le rôle de facteurs génétiques et environnementaux. Citons chez les Noirs aux États-Unis et en Afrique, l’incidence plus faible des leucémies aiguës lymphoblastiques (sans pic d’âge), ainsi que des tumeurs d’Ewing et des tumeurs cérébrales et, au contraire, l’incidence majeure des lymphomes de Burkitt en Afrique subtropicale (80 par million d’enfants), au Moyen-Orient et en Amérique Latine, ainsi que des rétinoblastomes chez les Noirs d’Amérique, d’Afrique et d’Amérique Latine. On connaît aussi, pour des raisons d’exposition, l’incidence élevée des hépatocarcinomes en Asie et en Afrique, des sarcomes de Kaposi en Afrique, des cancers de la thyroïde en Biélorussie et en Ukraine, des carcinomes nasopharyngés en Afrique du Nord et en Asie ; à noter que dans certains pays, le sex-ratio rapporté peut être de 1,5 à 2 garçons pour 1 fille, évoquant la relation possible entre le sexe masculin et une meilleure accessibilité aux soins [7].

Des données récentes confirment la stabilité de l’incidence des cancers de l’enfant, en dépit de fluctuations non significatives concernant les leucémies, les lymphomes et les tumeurs cérébrales. Le repérage d’agrégats (clusters : incidence anormale de cancers dans une région géographique définie) ou la constatation de l’augmentation globale d’incidence de tumeurs rares, sont à l’origine d’études analytiques permettant d’établir la relation éventuelle avec un facteur étiologique (exemples : agrégat de cancers dans l’école Franklin Roosevelt de Vincennes, cancers du vagin et exposition in utero au diéthylstilbostrol).

Taux de survie

En 2002, le taux de survie à 5 ans dans les pays industrialisés est estimé à 70-75 % [8-10]. En 2010, un adulte sur 800, âgé de 20 à 45 ans (soit environ 25 000 en France), aura été traité pour un cancer dans l’enfance. En Lorraine, le taux de survie pour la période 1983-1997 est de 71 % à 5 ans et 68 % à 10 ans.

Les progrès considérables sont illustrés par les données du registre régional du nord de l’Angleterre, montrant que le taux de survie à 5 ans est passé de 42 % en 1968-77

TABLEAU 2. — Données du Registre Lorrain des Cancers de l’Enfant (1983-1999).

Taux d’incidence par million brut, standardisé et cumulé.

Types histologiques

Nombre

Taux d’incidence de cas brut ajusté cumulé I-

Leucémies 333 40,6 43,0 616,4

Ia — Leucémie lymphoïde 256 31,2 33,0 473,5

Ib — Leucémie aiguë non lymphoblastique 57 7,0 7,4 105,8

Ic — Leucémie myéloïde chronique 12 1,5 1,6 22,3

Id — Autres leucémies précisées 1 0,1 0,1 1,8

Ie — Leucémies non précisées 7 0,9 0,9 13,0

II-

Lymphomes et Tumeurs RE 140 17,1 16,4 254,1

IIa — Maladie de Hodgkin 55 6,7 6,1 98,7

IIb — Lymphome non-Hodgkinien 43 5,2 5,1 78,1

IIc — Lymphome de Burkitt 32 3,9 3,8 58,3

IId — Tumeurs lymphoréticulaires diverses 10 1,2 1,4 19,0

IIe — Lymphome non précisé 0 0,0 0,0 0,0

III-

Tumeurs SNC 252 30,7 31,2 462,7

IIIa — Ependymome 26 3,2 3,5 48,6

IIIb — Astrocytome 114 13,9 13,8 207,9

IIIc — Tumeurs neuroectodermiques primitives 42 5,1 5,4 77,9

IIId — Autres gliomes 38 4,6 4,7 69,9

IIIe — Autres tumeurs spinales et intracrâniennes 28 3,4 3,3 50,9 précisées IIIf — Tumeurs spinales et intracrâniennes non pré- 4 0,5 0,5 7,4 cisées IV-

Tumeurs du système nerveux sympathique 80 9,8 11,6 152,5

IVa — Neuroblastome et ganglioneuroblastome 78 9,5 11,3 148,8

IVb — Autres tumeurs du système nerveux sympathi2 0,2 0,2 3,7 que V-

Rétinoblastomes 23 2,8 3,3 43,8

VI-

Tumeurs rénales 57 7,0 7,9 107,3

Via — Tumeur de Wilms, sarcome rhabdoïde et à 53 6,5 7,3 99,9 cellules claires VIb — Carcinome rénal 3 0,4 0,4 5,5

VIc — Tumeurs malignes rénales non précisées 1 0,1 0,1 1,9

VII- Tumeurs hépatiques 15 1,8 2,1 28,3

VIIa — Hépatoblastome 11 1,3 1,6 20,9

VIIb — Carcinome hépatique 4 0,5 0,5 7,4

VIIc — Tumeur non précisée 0 0,0 0,0 0,0

VIII- Tumeurs osseuses 54 6,6 6,0 96,5

VIIIa — Ostéosarcome 29 3,5 3,1 51,3

VIIIb — Chondrosarcome 2 0,2 0,2 3,5

VIIIc — Sarcome d’Ewing 21 2,6 2,5 38,1

VIIId — Autres tumeurs malignes des os précisées 1 0,1 0,1 1,8

VIIIe — Autres tumeurs malignes des os NP 1 0,1 0,1 1,8

IX-

Sarcomes des tissus mous 66 8,0 8,2 121,2

IXa — Rhabdomyosarcome et sarcome embryon35 4,3 4,5 64,7 naire IXb — Fibrosarcome, neurofibrosarcome et autres 6 0,7 0,7 10,8

IXc — Sarcome de Kaposi 0 0,0 0,0 0,0

IXd — Autres sarcomes des tissus mous précisés 17 2,1 2,1 31,2

IXe — Sarcomes des tissus mous non précisés 8 1,0 0,9 14,5

X-

Tumeurs germinales 30 3,7 3,8 55,0

Xa — T germinales intracrâniennes et spinales 6 0,7 0,7 10,9

Xb — T germinales non gonadiques autres et NP 10 1,2 1,5 19,1

Xc — Tumeurs germinales gonadiques 10 1,2 1,1 17,8

Xd — Carcinomes gonadiques 1 0,1 0,1 1,8

Xe — T malignes gonadiques autres et NP 3 0,4 0,4 5,4

XI-

Carcinomes 35 4,3 3,9 62,7

XIa — Carcinome corticosurrénalien 3 0,4 0,4 5,7

XIb — Carcinome thyroïdien 9 1,1 1,0 16,0

XIc — Carcinome nasopharyngien 2 0,2 0,2 3,5

XId — Mélanome malin 11 1,3 1,2 19,6

XIe — Carcinome cutané 7 0,9 0,8 12,5

XIf — Carcinomes autres et non précisés 3 0,4 0,3 5,3

XII- Autres tumeurs malignes 1 0,1 0,1 1,8

Tous cancers confondus 1 086 132,4 137,5 2 002,2 à 57 % en 1978-87 et à 71 % en 1988-95 (IC 95 % 67-95). L’amélioration du pronostic a concerné avant tout les leucémies aiguës lymphoblastiques (80 %), les néphroblastomes (90 %), les lymphomes (plus de 80 %) puis les sarcomes des tissus mous (70 %) et les tumeurs germinales (plus de 80 %) tandis que les neuroblastomes et les tumeurs cérébrales demeurent un problème préoccupant.

Dans une étude portant sur la période 1985-89, les résultats sont globalement similaires en Europe de l’Ouest et aux États-Unis (taux de survie à 5 ans : 65 à 75 %), mais nettement inférieurs en Europe de l’Est (55 %), témoignant des difficultés d’accès aux soins [11]. Ceci est majoré dans les pays en voie de développement où le taux de survie peut ne pas dépasser 20 à 25 %.

Mortalité

La mortalité par cancer a diminué dans toutes les tranches d’âge, de 2 à 3,2 % par an, correspondant à un déclin global de plus de 40 % entre 1975 et 1995, date à laquelle le taux annuel de décès par cancer de 0 à 20 ans aux États-Unis était de 30 par million [12]. Les leucémies et les tumeurs cérébrales représentent 57 % des causes de décès.

Les cancers demeurent néanmoins en France la deuxième cause de mortalité chez l’enfant de 1 à 14 ans.

Grâce aux registres et aux grandes études coopératives, le suivi à long terme des patients permet d’évaluer le risque cumulé de mortalité tardive, évalué respectivement à 10 % et 14 % 15 ans et 25 ans après le diagnostic, ce qui demeure faible. Dans près de 70 % de cas, le décès est dû à une récidive du cancer initial (surtout après leucémie, tumeur cérébrale ou osseuse), dans 10-12 % à un second cancer, dans 10 % à des complications iatrogènes et dans 10 % à d’autres causes [13, 14].

Problèmes en suspens

L’adoption d’une classification spécifique a permis d’homogénéiser les enregistrements ; toutefois, des affections de malignité intermédiaire ou d’évolution potentiellement grave (exemples : tumeurs desmoïdes, histiocytoses langerhansiennes, tumeurs vasculaires…) devraient faire l’objet d’une inclusion simultanée pour en faciliter les études.

La limite d’âge supérieure adoptée conventionnellement par tous les registres pédiatriques mériterait d’être remise en question pour améliorer les connaissances épidémiologiques chez les adolescents de 15 à 19 ans.

ÉPIDÉMIOLOGIE ANALYTIQUE

Il importe de pouvoir répondre aux questions rapidement posées par les parents sur les causes possibles du cancer de leur enfant, exprimant leur inévitable sentiment de responsabilité dans la transmission éventuelle d’un facteur génétique ou l’exposition à un facteur cancérigène. Nous nous limiterons volontairement à quelques exemples choisis soit parce qu’ils servent de modèles, soit parce qu’ils correspondent aux questions les plus fréquentes des familles [15].

Facteurs génétiques

Le repérage de cancers familiaux et d’affections constitutionnelles prédisposant au(x) cancer(s), transmissibles ou non, a permis, en liaison avec la cytogénétique et la génomique descriptive, de contribuer non seulement à une surveillance plus ciblée et à un diagnostic plus précoce, éventuellement prénatal, mais aussi à la connaissance des oncogènes et des gènes suppresseurs impliqués dans la cancérogenèse et
par là même dans le fonctionnement de la cellule normale [16]. Les progrès de la génomique fonctionnelle conditionnent le développement de nouvelles approches thérapeutiques.

Malgré leur survenue précoce, le rôle de facteurs génétiques n’est retrouvé que dans 5 % des cancers de l’enfant [17]. Le pédiatre doit connaître ces situations à risque et les référer à un oncopédiatre dont le rôle est d’ailleurs, devant tout cancer, d’approfondir l’enquête familiale en liaison éventuelle avec une consultation d’oncogénétique, interface avec les laboratoires de cytogénétique et de génétique moléculaire.

Les situations les plus à risque

Ce sont les cancers héréditaires et les syndromes de prédisposition autosomiques dominants à pénétrance élevée de cancers ayant une spécificité d’expression cellulaire. Citons : le rétinoblastome, le syndrome de Li et Fraumeni, les néoplasies endocrines multiples, les carcinomes médullaires familiaux, les polyposes familiales.

Le rétinoblastome (RB)

Il constitue un modèle ayant servi de base à l’hypothèse de la cancérogenèse en deux mutations de Knudson [18] et conduit au premier exemple de gène suppresseur cloné localisé sur le chromosome 13q14 codant pour la protéine Rb impliquée dans la régulation du cycle cellulaire. Quarante pour cent des RB sont des formes transmissibles (10 % familiales, 30 % de néomutations) : bilatérales et/ou multifocales, de survenue précoce (première année), de pénétrance élevée (> 90 %), exposant à des seconds cancers (sarcomes, leucémies) ; 60 % des RB sont sporadiques et en règle unilatéraux, unifocaux, de survenue plus tardive (moyenne d’âge : 25 mois). La consultation d’oncogénétique doit s’adresser à tous les nouveaux patients et leurs parents, ainsi qu’aux anciens patients traités. La probabilité d’une prédisposition génétique diffère selon le caractère unique ou multiple du RB, l’âge au diagnostic, l’arbre généalogique, l’examen ophtalmologique des parents ; elle est en effet de 50 % chez les descendants d’un patient porteur d’un RB multifocal (que la mutation soit ou non identifiée) ; de 5 % chez les descendants d’un patient ayant un RB unifocal non familial ou dans la fratrie d’un patient ayant un RB multifocal non familial ; de 0,5 à 0,025 % dans la fratrie d’un patient ayant un RB unifocal non familial, chez les cousins germains d’un RB multifocal non familial, les neveux d’un RB uni ou multifocal non familial. On conçoit, après information et accord écrit de la famille, l’intérêt de la recherche d’une mutation constitutionnelle dans tous le cas de RB et d’une étude familiale indirecte en cas d’échec. Celle-ci permet de proposer le test aux apparentés et d’adapter la surveillance ophtalmologique, fondée sur l’estimation précitée du risque et l’âge de l’enfant [19, 20].

Le syndrome des cancers familiaux multiples de Li et Fraumeni [21, 22]

Il peut être évoqué dès l’enfance du fait des antécédents familiaux et/ou du type de cancer. Classiquement, le proposant présente un sarcome avant 45 ans et un apparenté du premier degré atteint de cancer avant 45 ans et un apparenté du
premier ou deuxième degré atteint de cancer dans la même tranche d’âge ou d’un sarcome avant 45 ans. Les cancers les plus fréquents sont les suivants : sarcomes des tissus mous, ostéosarcomes, cancers du sein, leucémies, tumeurs cérébrales (notamment carcinomes des plexus choroïdes), corticosurrénalomes. L’association sarcome de l’enfant et cancer du sein chez la mère en constitue une variante, ainsi que la survenue d’autres tumeurs (tumeurs germinales, lymphomes, cancers gastriques et colorectaux). Ce syndrome est lié à une mutation germinale d’un gène suppresseur situé en 17p13 codant pour la protéine p53, gardienne de l’intégrité cellulaire ;

cette mutation est de transmission autosomique dominante ou peut survenir de novo ; touchant 0,1 % des sujets atteints de cancer, l’inactivation de ce facteur de transcription comporte un risque élevé de cancers (50 % à 30 ans). L’étude génomique mérite d’être proposée dans les situations précitées, ainsi que dans les cas de corticosurrénalomes même isolés de l’enfant, de tumeurs multifocales primitives (os, système nerveux central) et de secondes tumeurs. L’intérêt théorique individuel (éviter la radiothérapie) et familial (information, dépistage, éviction d’agents cancérigènes) doit cependant être mis en balance avec la variabilité d’expression de la maladie et l’inquiétude générée par un tel diagnostic [23, 24].

Cancers compliquant inconstamment une affection héréditaire prédisposante

Il s’agit de syndromes de transmission autosomique dominante ou récessive, d’expression clinique variable. Ce groupe comprend les phacomatoses, la naevomatose basocellulaire, le Xeroderma pigmentosum , les syndromes d’instabilité chromosomique et les déficits immunitaires congénitaux. Nous en donnerons deux exemples.

La neurofibromatose de type 1 (NF1)

Affection monogénique dominante la plus fréquente, touchant 1 sujet sur 3 000, son diagnostic repose sur des critères internationaux récemment révisés [25], elle est fréquemment prise en charge par les oncopédiatres dans le cadre de consultations multidisciplinaires reliées au Réseau Neurofibromatoses France [26]. C’est le cas à Nancy où sont suivis 150 enfants et adolescents. Le risque relatif de cancer est estimé à 2,1 dans l’étude de Sorensen [27]. Les tumeurs cérébrales, et surtout les gliomes des voies optiques, peuvent toucher 15 à 20 % des patients (âge moyen : 5 ans) ; leur évolution est en règle lente et même parfois spontanément régressive, justifiant des règles de surveillance basées sur des examens ophtalmologiques répétés et l’indication adaptée des IRM de dépistage et de surveillance [28]. Les autres cancers sont représentés par les tumeurs malignes des gaines nerveuses (5 %), les leucémies myéloblastiques et myélomonocytaires et les myélodysplasies avec monosomie 7 (1 %), les tumeurs embryonnaires, les cancers secondaires (ostéosarcomes, leucé- mies). Le gène de la NF1, localisé en 17q11.2 [29], code pour la neurofibromine régulant négativement l’activité de l’oncogène RAS impliqué dans la différenciation et la prolifération des cellules nerveuses et hématopoïétiques. La recherche directe des mutations n’est pas jusqu’alors accessible en routine du fait de la taille du gène (350 Kb, 60 exons) et du nombre élevé de mutations privées, 50 % de NF1 survenant
de novo ; l’étude du polymorphisme de restriction intra ou juxta-génique pourrait permettre, dans les formes familiales, un éventuel diagnostic présymptomatique ou prénatal, d’intérêt cependant limité par la variabilité d’expression phénotypique de la maladie ; la corrélation phénotype/génotype devrait être établie par les études en cours dans le cadre du réseau français.

L’ataxie télangiectasie

Touchant un nouveau-né sur 40 000, elle associe des anomalies cliniques (télangiectasies conjonctivales, ataxie cérébelleuse, syndrome extrapyramidal, retard mental, aplasie des ovaires), un déficit immunitaire combiné partiel avec déficit en IgA et IgG2 et un syndrome d’instabilité chromosomique. L’étude du caryotype, qui permet le diagnostic, met en évidence des fractures spontanées et des réarrangements dans les lymphocytes T [inv7, inv14, t(7 ; 14), t(7 ; 7), t(14 ; 14)], responsables d’hyper-recombinaisons illégitimes entre les gènes des immunoglobulines ; des anomalies de régulation de la p53 leur sont associées. De transmission autosomique récessive, cette affection comporte 4 groupes de complémentation et un seul gène localisé en 11q23, le gène ATM codant pour une protéine impliquée dans le contrôle des phases de transition du cycle cellulaire, en liaison avec p53 et BRCA1, de la réparation de certaines cassures, de l’intégrité des télomères [30, 31]. Comme dans le modèle murin, le risque de cancer affecte 10 à 40 % des sujets homozygotes :

essentiellement des lymphomes et des leucémies, précédés parfois pendant plusieurs années de l’apparition d’un clone de lymphocyte T porteur par exemple de l’inversion 14. Leur pronostic est très péjoratif en raison des difficultés thérapeutiques liées aux risques infectieux et à la sensibilité accrue aux radiations et aux agents alkylants [32]. Les hétérozygotes, dont l’incidence dans la population est de 2 %, ont aussi un risque accru de cancer (sein). La recherche des mutations, actuellement réalisée par méthode indirecte, permet le diagnostic prénatal et celui des hétérozygotes.

Syndromes malformatifs

L’incidence des malformations chez les enfants atteints de cancer est de 10 % versus 4 % dans la population générale [33]. Leur association préférentielle à certains cancers a permis de localiser le ou les gène(s) responsable(s) à la fois des anomalies du développement et de la cancérogenèse, tout en précisant leur rôle au cours de l’embryogenèse normale. Nous en donnerons deux exemples.

Le syndrome de Down

Il est connu de longue date pour son risque élevé (multiplié par 10 à 20) de leucémies, survenant surtout avant 20 ans : 60 % de leucémies aiguës lymphoblastiques et 40 % de leucémies aiguës non lymphoblastiques. Parmi ces dernières, on note 30 % de leucémies mégacaryoblastiques M7 (risque multiplié par 500), de meilleur pronostic que chez les non trisomiques 21. Les syndromes myéloprolifératifs observés dans les six premiers mois de la vie sont néanmoins beaucoup plus fréquents que les leucémies (10 % des trisomiques 21) ; en règle transitoire, ils peuvent être bénins ou
sévères, nécessitant alors un traitement, tandis que certains évoluent vers une myélodysplasie ou une leucémie M7 [34]. Les acquisitions récentes en biologie moléculaire devraient permettre de préciser le rôle du surdosage de certains gènes portés par le chromosome 21 dans la leucémogenèse [35, 36], de mieux définir les syndromes myéloprolifératifs et leur capacité de régression (activité télomérase accrue dans les formes graves), s’apparentant peut-être aux phénomènes de régression observés dans les neuroblastomes. Contrastant avec les leucémies, les tumeurs solides sont rares chez le trisomique 21 (moins de 5 % dans le registre danois) et sont essentiellement des tumeurs germinales [37-39]. L’incidence faible ou nulle des neuroblastomes [40] et des néphroblastomes permet de s’interroger sur le rôle protecteur de la surexpression de certaines protéines telles que la protéine S100b, connue in vitro pour induire la différenciation des cellules neurales et inhiber leur prolifération ; le rôle d’une exposition différente des trisomiques 21 à certains facteurs de l’environnement n’est cependant pas exclu.

Néphroblastome, syndrome WAGR, syndrome de Denys Drash, syndrome de Wiedemann Beckwith

Deux à 5 % des néphroblastomes sont associés à un syndrome malformatif. Ces syndromes de prédisposition ont l’intérêt de conduire à la détection précoce des complications tumorales par échographie abdominale tous les 4 mois jusqu’à 5 à 6 ans, en fonction de l’importance du risque établi sur le contexte clinique et les données de la génétique moléculaire [41] ; celles-ci permettent en outre un éventuel conseil génétique familial. Ces syndromes prédisposent à des formes bilatérales et multifocales à partir de résidus néphrogéniques blastémateux.

Dans le syndrome WAGR (Wilms, aniridie, anomalies génito-urinaires, retard mental), en règle sporadique, d’expression clinique plus ou moins complète, le risque de tumeur de Wilms est de 30 %. La mise en évidence en cytogénétique d’une délétion constitutionnelle de novo en 11p13 de taille variable a conduit à reconnaître le rôle d’au moins deux gènes dont la perte conjointe est à l’origine de ce syndrome à gènes contigus : le gène PAX6 à l’origine de l’aniridie [42] et le gène suppresseur WT1 [43] codant pour un facteur de transcription jouant un rôle central dans la différenciation rénale et gonadique ; une délétion hétérozygote de WT1 est à l’origine des malformations et de la prédisposition tumorale, le néphroblastome résultant d’une deuxième mutation ou d’une délétion sur l’autre allèle. En cas d’aniridie isolée, le risque de néphroblastome ne concerne que les patients présentant une délétion englobant WT1 [44].

Le syndrome de Denys-Drash associe des troubles de la différenciation sexuelle, une sclérose mésangiale précoce et un risque quasi constant de néphroblastome. Il est dû à une mutation constitutionnelle ponctuelle d’un des allèles du gène WT1 dont l’effet est donc « dominant-négatif ». Le pronostic très péjoratif de l’atteinte rénale et le risque tumoral conduisent à l’indication d’une binéphrectomie, puis d’une transplantation [45].

Le syndrome de Wiedemann-Beckwith associe une « hypercroissance » et/ou une hémihypertrophie, une viscéromégalie, une macroglossie, une hernie ombilicale, un hyperinsulinisme néonatal. Quinze pour cent des cas sont familiaux, de transmission dominante avec une pénétrance variable [46-48]. Cinq à 20 % des patients présentent un néphroblastome ou un hépatoblastome ou un corticosurrénalome.

Les anomalies cytogénétiques et la perte d’hétérozygotie des marqueurs polymorphes situés en 11p15 [48] ont permis de localiser à ce niveau un deuxième locus impliqué dans cette tumeur, WT2, avec plusieurs gènes candidats soumis à empreinte parentale ; parmi eux le gène codant pour l’IGF II ( insuline like growth factor II ) soumis à empreinte maternelle (seul le gène paternel s’exprime). La perte de l’hétérozygotie serait liée à la perte de l’allèle maternel inactif avec duplication de l’allèle actif paternel responsable d’une surexpression d’IGF II ; dans d’autres cas, il y aurait perte du phénomène d’empreinte parentale maternelle responsable de l’expression bi-allélique du gène d’IGF II.

À noter que WT1 et WT2 ne sont pas impliqués dans les rares cas de néphroblastomes familiaux (1 à 2 %), de même qu’ils sont loin d’expliquer à eux seuls la survenue des néphroblastomes sporadiques isolés. Le néphroblastome constitue donc un modèle de génétique constitutionnelle et somatique multigénique restant à préciser.

Concentrations familiales, risque de cancer dans la fratrie et chez les jumeaux

De nombreuses agrégations familiales d’hémopathies malignes ont été décrites chez l’adulte sans qu’un facteur environnemental commun n’apparaisse évident. Chez l’enfant, les études sont peu nombreuses [15]. Un lien entre ce risque et les antécé- dents familiaux de cancer des apparentés au premier et deuxième degrés a été noté dans une étude cas-témoins française, en dehors des syndromes de prédisposition connus [50].

Dans la fratrie, un risque modérément accru est observé dans plusieurs études, avec un risque relatif de 1,7 dans les registres scandinaves où 42 % toutefois des cancers s’expliquent par un syndrome de prédisposition génétique [51]. On peut donc, en règle, rassurer les parents.

En ce qui concerne la concordance d’atteinte des jumeaux, des études anciennes, portant sur les leucémies, ont noté un taux de 100 % chez des jumeaux monozygotes avec placenta monochorial, quand le diagnostic initial est porté avant l’âge d’un an, avec une diminution progressive du risque qui devient, après 5 à 10 ans, égal à celui de la population générale ; ce taux est vraisemblablement surestimé [52-54]. Le transfert de cellules leucémiques d’un jumeau à l’autre a été invoqué. Toutefois, sans nier le rôle possible de facteurs génétiques, la découverte d’une anomalie du gène MLL observée aussi bien chez les jumeaux que chez les enfants leucémiques non jumeaux de moins d’un an (anomalie détectable dès la naissance sur les buvards de dépistage néonatal avant le développement ultérieur du clone leucémique) permet d’évoquer, à l’origine d’un premier événement leucémogène survenant in utero , le rôle d’un facteur d’exposition responsable d’une altération génomique identique à
celle des leucémies secondaires à l’usage d’inhibiteurs de la topoisomérase II [55, 56]. Cette hypothèse a généré des études cas-témoins sur l’exposition des mères à des produits chimiques tels que les pesticides dans l’alimentation ou les insecticides inhalés [57-59]. Il ne faut pas méconnaître toutefois le rôle possible du polymorphisme des allèles codant pour les enzymes impliquées dans le métabolisme des agents génotoxiques.

Cancers chez les descendants de sujets guéris

Sur une cohorte de 42 277 enfants nés de 26 605 anciens malades, colligés par les cinq registres scandinaves, l’incidence de cancers ches les descendants est de 1,3 et devient égale à 1 si l’on exclut 42 familles connues pour leur prédisposition génétique.

Ajoutons qu’aucune étude n’a mis en évidence d’augmentation d’incidence des malformations congénitales induites par les traitements antérieurement reçus ; on relève seulement un excès de prématurité et d’avortements après traitement pour néphroblastome en cas de radiothérapie. Si on exclut les problèmes de stérilité, ces données permettent dans l’ensemble de rassurer les anciens malades sur leur descendance, tout en restant prudent dans les tumeurs comme le néphroblastome ou le neuroblastome où, en l’absence de marqueurs cliniques et/ou biologiques déterminants, on ne peut prévoir un risque de résurgence familiale se situant de 1 à 5 % selon les études [60].

Facteurs environnants

Radiations ionisantes

L’accident de Tchernobyl

Survenu le 26 avril 1986, il a entraîné d’importants rejets radioactifs (iode 131 et 133, Cesium 134 et 137, de demi-vies respectives de 8 jours, 2 heures, 2 ans et 30 ans), par voie directe et indirecte, alimentaire. Les zones les plus contaminées ont été le nord de l’Ukraine, le sud de la Biélorussie et les régions de Briansk et Kaluga en Russie ;

les doses reçues ont été de 2 000 msv au centre, 250 msv par les « liquidateurs » et, chez les habitants, de 40 msv à l’organisme et de 1 000 msv au niveau de la thyroïde des enfants. Le nuage radioactif s’est propagé sur une quinzaine de pays européens (dose : 0,01 à 0,7 msv). Les études ont porté sur deux types de cancers : les cancers de la thyroïde et les leucémies/lymphomes. Dans les zones à risque majeur, a été observée dans les 4 ans suivant l’accident une épidémie de cancers de la thyroïde frappant surtout les enfants de moins de 10 ans (et à un moindre degré l’adulte), dont le risque a été multiplié par 10 à 100, s’expliquant par la captation d’iode radioactif favorisée par la carence en iode des habitants de Tchernobyl et la sensibilité de la thyroïde des enfants à des doses aussi faibles que 100 msv [61]. Ces tumeurs sont particulières par leur agressivité, avec des métastases ganglionnaires dans 50 à 70 % des cas, par leur type histologique (carcinome papillaire) et la fréquence de réarrangements du gène RET/PTC3, indicateur de cancer radioinduit. En revanche, on ne note pas d’augmentation d’incidence dans les autres pays
européens, mis à part dans le nord-ouest de l’Angleterre [62], n’excluant pas un risque plus tardif lié à l’exposition à des doses faibles. En France, un dispositif de surveillance nationale des cancers de la thyroïde de 0 à 19 ans est activé pour répondre à cette question et évaluer l’impact éventuel des pratiques accrues de dépistage sur l’incidence observée, source de biais dans l’interprétation des liens avec l’accident de Tchernobyl.

En ce qui concerne les leucémies, seule une étude cas-témoins menée en Ukraine [63] note une incidence accrue chez l’enfant de leucémies aiguës lymphoblastiques pour la période 1993-97 et de leucémies aiguës myéloblastiques chez les garçons pour la période 1987-93 (dose supérieure à 10 msv). L’étude ECLIS (European Childhood Leukemia-Lymphoma Incidence Study) menée par le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) dans 23 pays européens [64], a montré une tendance à l’augmentation d’incidence des leucémies, sans lien évident avec Tchernobyl ; à noter cependant la constatation en Grèce [65] d’une incidence accrue de leucémies chez les enfants de moins d’un an exposés in utero ou dans le premier mois de vie (dose à 1 an : 0,2 msv).

Autres types d’exposition

Plusieurs études nordiques et anglaises [66, 67] ont signalé un risque accru de leucémies de l’enfant à proximité d’installations nucléaires (exposition directe, altération des gamètes paternels ?), mais d’autres facteurs (brassage de population et rôle d’infections ou de la pollution) sont plutôt invoqués. L’enquête cas-témoins menée de 1978 à 1998 autour de l’usine de retraitement de La Hague après signalement d’un agrégat de leucémies aiguës de l’enfant, suggérant une corrélation entre la fréquentation des plages et/ou une consommation de poissons et coquillages contaminés, a eu le mérite de souligner la difficulté d’éviter les biais de telles études quand elles ne s’appuient pas sur des registres de population ; l’excès de leucémies aiguës lymphoblastiques a été noté dans la tranche d’âge de 5 à 9 ans dans un rayon de 10 kilomètres autour de La Hague (taux d’incidence standardisé à 6,38 ; IC 95 % :

1,32-18,65), sans liaison formelle avec le risque incriminé [68].

La radiothérapie délivrée à titre thérapeutique favorise la survenue d’un second cancer.

Le rôle cancérigène du radon domestique et des radiations naturelles n’est pas démontré [69].

Radiations non ionisantes

Certains champs électromagnétiques accroîtraient le risque de leucémies et de tumeurs cérébrales de l’enfant ; ils sont actuellement classés par le CIRC au niveau 2B (cancérogènes possibles). En ce qui concerne l’exposition résidentielle à des champs de très basse fréquence (50-60 Hz), l’augmentation du risque relatif de leucémie existe mais est inférieur à 2 et ne concerne que les expositions élevées et prolongées (supérieures à 0,4 micro-Teslas sur 24 heures), or ce niveau d’exposition concerne à peine 1 % des foyers et le lien de causalité est difficile à établir en raison
de la faiblesse du risque et des difficultés méthodologiques rencontrées dans les études cas-témoins [70, 71]. La population peut donc être rassurée. Il en est de même, dans l’état actuel des connaissances, des risques allégués de tumeurs cérébrales liés à l’usage des téléphones portables [72].

Produits chimiques

Les expositions parentales et des enfants eux-mêmes aux solvants organiques, aux hydrocarbures polycycliques et aux pesticides sont mis en cause dans les tumeurs cérébrales et les leucémies [57-59]. On évoque l’absorption plus importante par l’enfant des pesticides organophosphorés et le rôle du polymorphisme des gènes de détoxication de ces substances. Il en est de même des nitrosamines.

La nécessité de disposer de structures épidémiologiques capables de répondre de façon fiable et rapide à des questions engageant des responsabilités collectives, est bien illustrée par l’analyse d’un agrégat de cancers dans l’école Franklin Roosevelt de Vincennes, étude à laquelle ont contribué les responsables des registres nationaux et régionaux des cancers de l’enfant, sous l’égide de l’INSERM et de l’InVS. En mai 2000, sont signalés trois cas de cancers (deux leucémies et un rhabdomyosarcome), diagnostiqués entre 1995 et 1999, suivis d’un nouveau cas en 2001, chez des enfants fréquentant cette école située sur la friche d’un ancien site industriel Kodak. Deux études épidémiologiques ont été réalisées sur une base géographique et temporelle, destinées à quantifier l’excès de cas et à déterminer ses limites dans le temps et dans l’espace, ce qui a imposé de constituer a posteriori un Registre des Cancers de l’Enfant en Val-de-Marne pour la période 1990-1999, dont les données ont été comparées à celles des registres régionaux des cancers pédiatriques. L’excès de cas a été confirmé pour la période d’alerte (1995-1999) mais aucun facteur de risque candidat n’a été repéré, ne permettant pas de faire la part du hasard et d’un facteur de risque inconnu ; les études environnementales et l’investigation de la période post-alerte (2000-2004) se poursuivent [73].

Médicaments

Pendant la grossesse, le rôle des barbituriques, antiépileptiques, antihistaminiques, diurétiques, analgésiques, antibiotiques est controversé. Le modèle de carcinogenèse et de tératogenèse par voie transplacentaire est celui du diéthylstilboestrol (Distilbène®), interdit aux États-Unis en 1971 après établissement d’un registre spécifique et d’une étude cas-témoins [74] établissant un risque d’adénocarcinome du vagin survenant entre 14 et 35 ans chez une fille sur 1 000 exposée in utero , surtout entre la 6e et la 17e semaine ; le cancer est précédé dans 30 à 60 % des cas d’une adénose cervico-vaginale évoluant soit vers la régression soit vers une dysplasie facilitée par une infection virale ; d’autres anomalies génitales ont été décrites chez 25 à 60 % des patientes, isolées ou associées à l’adénose et responsables d’hypoplasie utérine et tubaire, de stérilité, d’avortements et de grossesses à risque. En France, de 1955 à 1977, date de son interdiction, 200 000 femmes enceintes ont été traitées et 80 000 filles exposées au risque ; 80 cancers du vagin sont attendus jusqu’en 2010 ; à
noter que dans le modèle murin, le risque de cancer est transmissible à la deuxième génération.

Le risque de leucémie évoqué après fécondation in vitro a été récemment écarté.

Après la naissance, les médicaments cancérigènes sont essentiellement les alkylants et les épipodophyllotoxines, de même que les immunosuppresseurs prescrits pour une affection non maligne ou après greffe d’organe(s) ou de tissus (azathioprine, chlorambucil, ciclosporine…) provoquant des leucémies myéloblastiques et des syndromes lymphoprolifératifs poly et monoclonaux souvent favorisés par une infection à virus d’Epstein-Barr. Les androgènes favorisent la survenue d’adénomes et de carcinomes hépatiques, notamment dans la maladie de Fanconi. Il n’y a pas de relation prouvée entre un traitement par hormone de croissance et la reprise évolutive d’une tumeur cérébrale ou la survenue d’un cancer, malgré des doutes récents sur le risque de cancers colorectaux et de maladie de Hodgkin rapporté après usage d’hormone d’origine humaine : le rôle possible des récepteurs des cellules tumorales pour les facteurs de croissance IGF1 et IGF-binding protein 3, stimulés par l’hormone de croissance, est invoqué [75]. Enfin, le rôle cancérigène de la vitamine K prescrite au nouveau-né est écarté par les études récentes [76, 77].

Mode de vie des parents, caractéristiques périnatales

Les données concernant la relation entre tabagisme des parents et cancers de l’enfant ne sont pas concluantes [78-80]. Une association a été rapportée entre leucémies aiguës non lymphoblastiques et consommation maternelle de marijuana et d’alcool [81]. Le mode de vie et l’habitat rural ou urbain conditionnent l’exposition à des facteurs de risque divers : physiques, chimiques, infectieux [15].

Parmi les caractéristiques périnatales, aucune particularité de terme, de poids de naissance, de rang de naissance et d’âge parental ne semble se dégager [15,82-84].

Nous avons observé une relation inverse entre l’allaitement prolongé et le risque de leucémie aiguë de l’enfant [85], résultats cohérents avec la majorité des études publiées.

Infections

Il est inutile de rappeler le rôle bien connu de cofacteur joué par le virus d’EpsteinBarr (EBV) dans le lymphome de Burkitt africain, s’ajoutant aux désordres immunologiques liés aux parasitoses et à la malnutrition. Il en est de même des proliférations lymphoïdes EBV induites dans les déficits immunitaires congénitaux et acquis, notamment après greffe. Rappelons aussi la liaison EBV avec certaines maladies de Hodgkin et les carcinomes épidermoïdes indifférenciés du nasopharynx, ainsi que le rôle du virus de l’hépatite B dans l’hépatocarcinome et celui du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) dans les sarcomes de Kaposi et des lymphomes chez l’enfant, notamment en Afrique.

Dans les leucémies, à côté du rôle du rétrovirus HTLV1 dans les leucémies et lymphomes T, la responsabilité des infections virales du jeune enfant a donné lieu à
2 hypothèses. Greaves [86] suggère un modèle de leucémogenèse en 2 étapes avec une première mutation in utero et une deuxième mutation au cours d’un stress immunitaire induit par des infections virales lors de la petite enfance, expliquant le pic d’âge des leucémies aiguës lymphoblastiques. Une exposition très précoce aux infections protégerait les enfants de ce stress immunitaire.

Plusieurs études semblent étayer cette hypothèse : âge et nombre des infections, mise en collectivité précoce, rôle protecteur de l’allaitement prolongé [79, 80, 87, 88].

Kinlen explique les clusters de leucémies par les modifications des stimulations immunitaires d’origine infectieuse, liées au brassage de population dans une zone géographique donnée ou le peuplement de régions rurales à la faveur d’installation d’usines et/ou de centrales nucléaires [89-91]. L’influence de la densité de population sur le risque de leucémies est cependant difficile à prouver, ainsi qu’en témoignent les problèmes d’interprétation de l’étude EUROCLUS [92], malgré sa taille importante (17 pays, 1980-89).

Interaction de facteurs génétiques et environnants : les seconds cancers

Un second cancer est défini par la survenue d’un cancer de type histologique différent du premier, en règle plus d’un an après celui-ci. L’incidence globale est de 4 à 12 % dans les 20 ans selon les séries publiées ; elle dépend du type de premier cancer, du traitement suivi, de l’âge au diagnostic et de l’existence de facteurs génétiques de prédisposition (risque multiplié par 5 à 15 par rapport à la population générale) [13, 14, 93].

Les situations les plus à risque sont : le rétinoblastome multifocal, la maladie de Hodgkin, les tumeurs cérébrales, les leucémies, les tumeurs d’Ewing ; parmi les seconds cancers sont notés des leucémies et des lymphomes, des tumeurs cérébrales, des sarcomes, des cancers du sein, de la thyroïde et de la peau.

La radiothérapie induit un second cancer après un délai de 10 ans, sans plateau, mais parfois plus rapidement en cas de traitement alkylant associé. La chimiothé- rapie est surtout responsable de leucémies secondaires : elles sont de type non lymphoblastique dans 90 % des cas ; après alkylants (incidence : 1 à 6 %), elles surviennent dans un délai de 1 à 20 ans (moyenne : 5 ans), souvent précédées d’une myélodysplasie et associées à des délétions des chromosomes 5 et 7 ; après inhibiteurs de la topoisomérase II [94], le temps de latence est plus court (1 à 3 ans) et le gène MLL est en règle impliqué ; l’analyse française cas-témoins de 61 leucémies et myélodysplasies succédant à un premier cancer traité après 1980 a montré en analyse multivariée la corrélation avec le type de premier cancer (maladie de Hodgkin, ostéosarcome) et avec l’exposition à des doses d’anthracyclines supérieures à 170 mg/m2 et/ou d’épipodophyllotoxines au-dessus de 1,2 g/m2, en prescription continue ou semi-continue.

Après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques pour hémopathies, le risque cumulé de tumeurs solides (carcinomes de la langue, de la peau, de la thyroïde,
mélanomes, tumeurs cérébrales) dans les 15 ans est de 11 % dans l’étude de Socié [95], favorisé par le jeune âge (moins de 5 ans) et par l’irradiation corporelle totale.

Après rétinoblastome familial, l’ostéosarcome représente le tiers des seconds cancers dont l’incidence cumulée à 50 ans est de plus de 50 %, inconstamment liée à la radiothérapie locale [93]. Après maladie de Hodgkin, le risque actuariel de leucé- mies et de tumeurs solides (peau, sein, thyroïde, côlon, poumon) dépasse 20 % 25 ans après le diagnostic, imposant une surveillance attentive prolongée [96]. Après leucémie aiguë lymphoblastique, l’incidence est de 2,5 à 3,5 % dans les 15 ans, on note des leucémies myéloblastiques dans les 5 premières années puis, au-delà, des tumeurs cérébrales et des cancers de la thyroïde chez les malades ayant bénéficié d’une irradiation cérébrale [93].

L’ÉPIDÉMIOLOGIE, OUTIL DE SANTÉ PUBLIQUE

Nous avons déjà signalé la contribution de l’épidémiologie à l’étude des filières de soins et les études comparatives nationales et internationales des résultats thérapeutiques, témoins de l’accessibilité à des soins de qualité [97]. Nous souhaitons présenter quatre exemples supplémentaires.

Le cancer chez l’adolescent

Les études récemment publiées [98, 99] montrent que le taux d’incidence annuelle varie chez l’adolescent de 144 à 202 par million de sujets de 15 à 19 ans [100] et qu’il est en augmentation (183 en 1975-79 et 203,8 en 1990-95), soit plus de 30 % des cancers de 0 à 19 ans. En France où cette tranche d’âge représente 10 % de la population, une étude rétrospective menée par le Registre National des Tumeurs Solides, avec l’aide de 8 registres départementaux, observe une incidence de 175,4 par million d’adolescents de 15 à 19 ans et une augmentation de l’incidence annuelle de 3 % en 10 ans (1988-97). Le nombre annuel attendu de cancers dans cette population de 4 millions d’adolescents (recensement de 1999) est de 690, ce qui porterait à 2 050 le nombre annuel de nouveaux cancers de 0 à 19 ans. La distribution par types histologiques est plus proche de celle de l’enfant que de l’adulte : 90 % des diagnostics sont représentés par les lymphomes, les leucémies, les tumeurs cérébrales, les sarcomes, les tumeurs germinales, les cancers de la thyroïde et les mélanomes (à noter que ces derniers constituent 25 % des cancers de l’adolescent en Australie).

Si le taux de survie globale est satisfaisant (77 % dans le rapport SEER [100]), il demeure inférieur à 60 % pour les leucémies, les ostéosarcomes et les tumeurs d’Ewing. Ceci s’explique en partie par leur faible taux d’inclusion dans les essais thérapeutiques (moins de 10 %), lié à la variabilité de leur lieu de prise en charge. La philosophie elle-même de certains essais thérapeutiques pédiatriques peut donner des résultats supérieurs à ceux proposés pour les malades adultes, notamment dans les leucémies [101] ; en France, la comparaison de deux essais chez 77 adolescents atteints de leucémie aiguë lymphoblastique traités de juin 1993 à septembre 1994
montre que la différence de taux estimé de survie sans événement à 5 ans (67 % protocole FRALLE 93 enfants versus 41 % protocole LALA 94 adultes ;

p. < 0.0001) s’explique, en analyse multivariée, par le protocole lui-même et le taux initial de globules blancs [102].

La prise en charge des adolescents atteints de cancer doit donc faire l’objet d’une réflexion entre oncopédiatres et cancérologues pour leur assurer les meilleures chances de guérison, tout en respectant leur choix et leur droit à un environnement psychologique adapté [103].

L’évaluation de la qualité de la guérison

Elle constitue une réelle préoccupation pour les oncopédiatres en raison du taux élevé de guérison ; elle repose non seulement sur la description des complications et des séquelles, mais aussi sur la détermination précise de leur incidence en fonction de l’évolution des protocoles thérapeutiques et de la qualité de la prise en charge.

L’étude à long terme de cohortes de patients guéris, facilitée par les registres [13,14,104], impose une réflexion sur la méthodologie de suivi ; celle-ci doit être assurée en collaboration avec les spécialistes d’adultes avertis des problèmes que peuvent rencontrer des patients par ailleurs bien informés par écrit de leurs antécé- dents, des traitements reçus et des risques potentiels. La création de « polycliniques » répondant à cet objectif doit être vivement encouragée. Elle permet de ne pas méconnaître les complications très tardives (cardiaques, seconds cancers), de poursuivre la prise en charge des séquelles physiques (orthopédiques, rénales, neurosensorielles, endocriniennes) et psychologiques déjà connues et de répondre aux questions sur la fertilité, la descendance, la vie socio-professionnelle.

Il convient d’insister particulièrement sur les complications cardiaques tardives pouvant survenir au-delà de 10 à 15 ans après la fin d’un traitement par anthracyclines, associé ou non à une irradiation thoracique ou à d’autres agents cardiotoxiques (cyclophosphamide, mitoxantrone) [105-106]. Nous avons ainsi pu mener une étude transversale portant sur 249 patients traités par anthracyclines (dose médiane : 243 mg/m2, 57 à 875 mg/m2) à Nancy entre 1970 et 1990 ; ils ont été évalués par échographie bidimensionnelle couplée à un Doppler. L’atteinte myocardique que nous avons notée chez 84 patients (33 %) était sévère chez 8 d’entre eux, soit 4 % (1 patiente greffée, 2 en attente), modérée chez 13 (fraction de raccourcissement : 24 à 29, fraction d’éjection : 50 à 55, tension pariétale du ventricule gauche [ wall stress ] supérieure à 80 g/cm2), réduite à une élévation isolée du wall stress chez 61 patients. Cette étude a été avant tout un service rendu permettant de rassurer la majorité des patients, mais aussi de découvrir que 15 sujets étaient porteurs d’anomalies infracliniques relevant d’un traitement et, bien entendu, de conseils hygiéno-diététiques ; ces derniers s’appliquent également aux 61 patients présentant une anomalie isolée du wall stress . Ces mesures doivent permettre d’éviter les décompensations brutales que l’on peut observer lors d’une grossesse ou d’un entraînement sportif intense [107].

Dépistage et prévention

En dehors des examens proposés régulièrement dans le cadre des prédispositions génétiques, les examens de dépistage ne s’appliquent guère aux cancers de l’enfant en raison de l’extrême rareté des situations infracliniques. Néanmoins, au Japon dès les années 1970, il a été proposé de mettre en place le dépistage du neuroblastome par dosage, à l’âge de 6 mois, des métabolites des catécholamines, dans le but d’en réduire l’extension métastatique et la mortalité. Cependant, les études épidémiologiques menées ensuite en France (département du Rhône), au Québec, en Allemagne (dépistage à 3 semaines, 4 mois, 6 mois, 1 an) ont été décevantes : nombreux faux positifs et faux négatifs, coût élevé, pas de réduction des stades IV ni de la mortalité ;

le dépistage biologique détecte en fait des neuroblastomes qui auraient régressé spontanément ou dont le pronostic est favorable compte tenu de leurs caractères biologiques particuliers à cet âge [108,109] Les pédiatres doivent contribuer à mener des actions de prévention primaire et secondaire, institutionnelles et individuelles. Parmi les actions de prévention primaire, citons la prévention de l’exposition au soleil dans l’enfance alors que le risque de mélanomes et d’épithéliomas cutanés ne cesse d’augmenter. Il en est de même de la nutrition, du tabagisme et autres formes de toxicomanie. L’éducation de la famille est primordiale, ainsi que celle de l’enfant en milieu scolaire. Elle doit renforcer sur le terrain les campagnes d’information collective. Ce rôle dans la prévention repose non seulement sur une formation spécifique des médecins et du personnel paramé- dical, mais aussi sur une valorisation des actions menées.

Information

La survenue d’un cancer chez un enfant ou un adolescent, son traitement et sa surveillance prolongée soulèvent de nombreuses questions sur ses causes, son traitement et son évolution, et ont des conséquences psychologiques, scolaires, financières et socio-professionnelles responsables d’un profond bouleversement de la vie familiale. Améliorer la transmission d’une information continue, claire et adaptée, est une préoccupation constante des équipes soignantes, au même titre que l’assurance d’une prise en charge thérapeutique de qualité. Pour répondre à ce besoin, un livret d’information intitulé « Votre enfant a un cancer : comment vous aider ? » a été conçu à Nancy par un groupe de travail pluridisciplinaire incluant des parents. En se basant sur les données et l’expérience méthodologique du Registre Lorrain des Cancers de l’Enfant, une enquête préliminaire par questionnaire et entretien a permis à 288 familles d’exprimer leurs besoins dans les domaines suivants : le cancer de leur enfant, les problèmes psychologiques, la scolarité, la protection sanitaire et sociale. Une première version a été testée par questionnaire auprès de 100 familles et du personnel soignant d’une dizaine d’équipes de cancé- rologie pédiatrique ; la version définitive, illustrée de photos et de dessins d’enfants malades, éditée en 2001, constitue un outil national d’information des familles et un
document utile à l’enseignement du personnel infirmier, des psychologues, travailleurs sociaux et intervenants extérieurs.

CONCLUSION

L’épidémiologie des cancers de l’enfant repose sur une étroite collaboration entre des structures spécialisées, les registres de population, les équipes soignantes et les laboratoires de recherche. L’existence d’un tel réseau et sa pérennité sont les garants d’une épidémiologie descriptive de qualité, du développement de la recherche sur les facteurs de risque et la cancérogenèse, et d’une aide à l’organisation des soins, de l’information et de l’évaluation.

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[104] ROBISON L.L., MERTENS A.C., BOICE J.D. et al . — Study design and cohort characteristics of the Childhood Cancer Survivor Study : a multi-institutional collaborative project.

Med.

Pediatr. Oncol. , 2002, 38 , 229-39.

[105] KRISCHER J.P., EPSTEIN S., CUTHBERTSON D.D., GOORIN A.M., EPSTEIN M.L., LIPSHULTZ S.E.

— Clinical cardiotoxicity following anthracycline treatment for childhood cancer : the Pediatric Oncology Group experience. J. Clin. Oncol. , 1997, 15 , 1544-52.

[106] GRENIER M.A., LIPSHULTZ S.E. — Epidemiology of anthracycline cardiotoxicity in children and adults. Semin. Oncol. , 1998, 25, 72-85.

[107] GEBHARD F., LETHOR J.P., SOMMELET D. — Epidemiological study of early and late anthracycline (A) induced cardiotoxicity in 161 patients treated in a single center with a mean follow-up of 14 years 9 months from the end of therapy. Med. Pediatr. Oncol. , 1999, 33, 162.

[108] SCHILLING F.H., SPIX C., BERTHOLD F. et al . — Neuroblastoma screening at one year of age. N.

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[109] PHILIP T. — Early detection of neuroblastoma in infants : Research ? Yes. Routine Screening ?

No. Med. Pediatr. Oncol. , 1999, 33 , 355-6.

DISCUSSION

M. Géraud LASFARGUES

Quelles sont vos propositions concernant l’organisation future de l’épidémiologie du cancer de l’enfant en France ?

La couverture nationale des cancers de l’enfant par les Registres Nationaux des Leucémies/Lymphomes et des Tumeurs Solides de l’Enfant permet de disposer d’un outil d’épidémiologie descriptive (incidence, distribution, fluctuations, apparition d’agrégats de cancers faisant suspecter le rôle possible d’un agent environnant, taux de survie). Leur exhaustivité est facilitée par l’organisation des centres de Cancérologie pédiatrique sur le territoire et le croisement avec le réseau FRANCIM (13 registres généraux de population et 6 autres registres spécialisés). Leur fonctionnement est maintenant, après validation par le Comité National des Registres, assuré par l’Institut de Veille Sanitaire (InVS) et l’INSERM. Le développement de l’épidémiologie analytique (promotion de la recherche étiologique, études de suivi, évaluation de l’accessibilité à des soins de qualité) est financé sur des projets de recherche. La pérennité des registres doit être espérée grâce au Plan Cancer. Les registres pédiatriques s’intègrent dans le programme de travail de l’InVS :

étude en cours sur l’utilisation plus facile des données médico-administratives (affections de longue durée, données du PMSI) et le renforcement de la surveillance, notamment des cancers de la thyroïde. Par ailleurs, notons d’ores et déjà la publication d’études de corrélation entre leucémies et cancers familiaux, maladies auto-immunes, infections virales précoces, allaitement maternel ; les cancers de l’adolescent ; la contribution à l’étude des agrégats de cancers (école Franklin Roosevelt de Vincennes). Soulignons la participation des registres français des cancers de l’enfant au réseau européen des registres des cancers et au programme spécifique ACCIS ( Automated Childhood Cancer Information System ).

M. Roger NORDMANN

Il convient de souhaiter que ces données concernant l’effet Tchernobyl soient largement reprises par les médias qui continuent à diffuser des informations alarmantes et inexactes concernant cet effet en France. Qu’en est-il de la radioactivité naturelle ? A-t-elle une incidence prouvée sur la prévalence des cancers de l’enfant ? Dispose-t-on de données permettant de comparer l’incidence de ces cancers dans des zones granitiques telles que la Bretagne, comportant de ce fait un taux élevé de radiations ionisantes naturelles, et les autres zones ? La prévalence des cancers de l’enfant est-elle plus élevée en Bretagne qu’en Lorraine ?

Il n’a jamais été démontré d’incidence accrue des cancers de l’enfant en rapport avec les radiations naturelles, de l’ordre de 1,5 à 6 mSv par an. Le Registre régional des Cancers de l’Enfant de Bretagne le confirme. Rappelons que les doses reçues par la population de l’est de la France exposée au nuage radioactif après l’accident de Tchernobyl, sont estimées de 0,1 à 0,7 mSv.

M. Christian NEZELOFF

Y a-t-il une explication à la remarquable stabilité de certains cancers de l’enfant tels que le néphroblastome, le neuroblastome, le médulloblastome. D’autre part, il est important de souligner que les cancers épithéliaux de l’adulte, tels les cancers de la peau, du poumon, ne s’observent pratiquement pas chez l’enfant. À ce titre, les cancers de l’enfant représentent, chez l’homme, un modèle remarquable pour étudier le rôle des facteurs génétiques.

L’incidence du néphroblastome est en effet considérée comme stable dans le monde.

Quelques fluctuations sont néanmoins observées pour le neuroblastome et le médulloblastome, sans cause explicite. La survenue précoce d’un cancer (chez un enfant) et l’absence de types histologiques relevant chez l’adulte d’une exposition à des facteurs environnants connus (tabac, alcool, soleil) font évoquer le rôle de facteurs génétiques.

Ceux-ci ne sont actuellement repérés que dans 5 % des cas. Le rôle de mutations pré-conceptionnelles ou post-zygotiques, en cas d’exposition des parents à un agent cancérogène, est possible ; un premier événement in utero paraît expliquer la survenue de leucémies chez l’enfant de moins d’un an et même de leucémies diagnostiquées au-delà de la première année ; la preuve est apportée par la constatation dès la naissance (sur le buvard de dépistage néonatal) d’anomalies génomiques spécifiques, avant même que ne se développe le clone tumoral. Par ailleurs, l’association de syndromes malformatifs et de cancers constitue d’excellents modèles pour étudier le rôle de gènes mutés à l’origine des dysplasies tissulaires et de la prédisposition aux cancers.

M. Gabriel BLANCHER

La répartition des différentes formes de cancer est très différente selon qu’il s’agit de l’enfant ou de l’adulte. Une explication de ce fait a-t-elle été donnée, ou du moins des hypothèses ont-elles été formulées ?

On s’attendrait à trouver une incidence plus élevée de facteurs génétiques, mais ils n’ont jusqu’à présent été mis en évidence que dans 5 % des cas. L’exposition aux facteurs environnants classiquement relevés chez l’adulte (tabac, alcool, maladies professionnelles…) n’existe pas chez l’enfant. L’exposition au soleil durant les dix premières années de vie explique l’augmentation d’incidence récente des mélanomes chez l’adolescent. Parmi les leucémies, la prépondérance chez le jeune enfant de leucémies aiguës lymphoblastiques serait liée à une stimulation immunitaire anormale d’origine virale [virus non documenté(s)], tandis que les leucémies myéloblastiques sont plutôt corrélées à l’exposition à des produits chimiques ou médicamenteux, ainsi qu’en témoigne leur fréquence en tant que second cancer.

Mme Jeanne BRUGÈRE-PICOUX

Il est souvent rapporté que les tumeurs cérébrales sont plus fréquentes chez les agriculteurs du fait de l’emploi des pesticides. Étant donné le grand nombre de tumeurs cérébrales observées chez les enfants, avez-vous noté une corrélation avec la vie en milieu rural et/ou l’emploi des pesticides ?

Quelques études ont en effet montré une relation entre tumeurs cérébrales et exposition aux pesticides. Il en est de même du risque d’exposition in utero des enfants présentant
une leucémie avant l’âge d’un an, de type surtout myéloblastique, avec remaniement du gène MLL en 11q23. Ce type d’anomalie étant aussi observé en cas de leucémie secondaire à l’usage d’inhibiteurs de la topo isomérase II, une étude visant à rechercher l’exposition des mères de ces enfants à un agent cancérigène exerçant ce type d’action, a établi une corrélation avec l’exposition alimentaire des mères aux pesticides pendant la grossesse.

Le rôle du polymorphisme des gènes de détoxification de ces produits est aussi évoqué.

M. Jacques-Louis BINET

Vous avez parlé des registres chez les enfants. Où en est-on dans le domaine des registres de l’adulte ? Pour mieux illustrer les relations entre les leucémies et les malformations, pouvez-vous développer les problèmes posés par les leucémies aiguës chez les trisomiques ?

Il n’existe pas de Registre National des Cancers de l’Adulte, mais 13 registres généraux départementaux et 6 registres spécialisés. L’ensemble constitue le réseau FRANCIM.

Les données nationales d’incidence sont estimées à partir de ces 19 registres. Le taux de mortalité est fourni par le service Cepi-DC de l’INSERM et le taux de survie est calculé à partir des registres généraux. La trisomie 21 comporte un risque élevé de leucémies (multiplié par 10 à 20), survenant surtout avant 20 ans ; 40 % sont des leucémies aiguës myéloblastiques et, parmi elles, 30 % sont de type M7, de pronostic en règle plus favorable que chez les sujets non trisomiques 21. Dans les premiers mois de vie, 10 % des trisomiques 21 présentent un syndrome myéloprolifératif dont l’évolution est classiquement favorable sans traitement ; certains ont cependant une présentation clinique sévère et/ou sont suivis d’une myélodysplasie, puis d’une leucémie. Des études sont en cours sur le rôle du surdosage génique du chromosome 21 sur la leucémogenèse et les mécanismes de régression des syndromes myéloprolifératifs. Contrastant avec le risque accru de leucémies, les tumeurs solides sont rares : les néphroblastomes et les neuroblastomes sont quasi inexistants.

M. Jean-Daniel SRAER

L’épidémiologie des cancers de l’enfant est-elle la même au Japon qu’en Europe et aux États-Unis ?

Il existe bien entendu des fluctuations d’incidence et de répartition histologique des cancers de l’enfant liées aux facteurs suivants : géographiques, ethniques, environnementaux et génétiques. On ne constate pas de différences dans la survie des enfants atteints de cancers traités dans l’ensemble des pays industrialisés, notamment aux États-Unis et en Europe. La distribution par types histologiques au Japon met en évidence une incidence plus faible des maladies de Hodgkin et des tumeurs d’Ewing, alors qu’elle est plus élevée qu’en Europe et aux États-Unis pour les tumeurs germinales et les tumeurs de la région pinéale.

M. Denys PELLERIN

Vous avez indiqué la place importante prise par la génomique dans la connaissance des tumeurs de l’enfant. Pensez-vous que l’extension des connaissances résultant de l’exploitation des registres et des biothèques dédiées à ces tumeurs permette encore de progresser dans leur prévention, leur détection ou leur traitement ?

La progression des connaissances sur les facteurs génétiques et environnementaux doit impérativement s’appuyer sur une relation étroite entre les structures épidémiologiques (registres) et les biothèques (ADN constitutionnel et tumorothèques). Certaines leucé- mies du jeune enfant ont déjà bénéficié du rapprochement entre les remaniements génomiques observés et l’exposition de la mère à des inhibiteurs de la topo isomérase II.

Par ailleurs, il est important de rappeler à titre d’exemple l’avancée des connaissances génétiques sur les dysplasies tissulaires et la prédisposition à certains cancers dans le cadre du syndrome WAGR (Wilms, aniridie, anomalies génito-urinaires, retard mental) lié à une mutation bi-allélique du gène WT1 (et du gène PAX6 voisin expliquant l’aniridie) ; du syndrome de Denys-Drash lié à une mutation dominante du gène WT1 et du syndrome de Wiedemann-Beckwith dû à une anomalie de l’empreinte maternelle des gènes codant pour des facteurs de croissance, tels que IGF2 et H19.

M. Pierre PÈNE

La prévalence de la maladie de Burkitt est particulièrement élevée chez l’enfant en Afrique subsaharienne. Avec 1 500 nouveaux cas de cancer de l’enfant dans notre pays, a-t-on dépisté parmi ceux-ci des maladies de Burkitt chez des enfants de race Noire ?

L’incidence très élevée des lymphomes de Burkitt en Afrique subtropicale s’explique par l’association de cofacteurs : le virus d’Epstein-Barr dans 97 % des cas, la malnutrition et les maladies parasitaires (paludisme), responsables de dérèglement immunitaire. Ces conditions n’étant pas réunies en Europe, les enfants de race Noire ne sont pas exposés à un risque supérieur à celui du reste de la population. A noter que le virus d’Epstein-Barr n’est noté en Europe que dans 10 à 20 % des cas de lymphome de Burkitt.

M. Louis HOLLENDER

À propos de l’influence du nuage de Tchernobyl sur les cancers de la thyroïde et les leucémies de l’enfant, vous avez employé deux qualificatifs : « non prouvé » et « non démontré » en Europe de l’Ouest. Pourriez-vous préciser votre pensée sur ce point ?

Les variations d’incidence du cancer de la thyroïde chez l’enfant sont difficiles à démontrer en l’absence d’un enregistrement national systématique exhaustif, ce qui est le cas pour la période précédant et suivant immédiatement l’accident de Tchernobyl (pour rappel : dans les pays les plus contaminés, l’épidémie de cancers de la thyroïde a été notée dès 1991, soit 5 ans après, surtout chez les enfants âgés de moins de 10 ans en 1986).

L’Institut de Veille Sanitaire vient de mettre en place un système de surveillance nationale prospective des cancers de la thyroïde, car on a noté une augmentation d’incidence chez l’adulte dès 1975, donc sans lien avec Tchernobyl, mais peut-être en rapport avec l’amélioration des conditions de diagnostic. En ce qui concerne les leucémies et les lymphomes de l’enfant, le programme ECLIS (European Chilhood LeukemiaLymphoma Incidence Study) mené par le CIRC, a mis en évidence une tendance à l’augmentation de leur incidence en Europe de l’Ouest, mais n’a pas prouvé de lien avec Tchernobyl .


** INSERM U170 — 94807 Villejuif cedex. Tirés-à-part : Professeur Danièle SOMMELET, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 23 décembre 2002, accepté le 3 février 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2003, 187, n° 4, 711-741, séance du 29 avril 2003