Publié le 18 mars 2008
Éloge

Christian Chatelain*

Éloge de René KÜSS (1913-2006)

Christian CHATELAIN *

René Küss nous a quittés il y a déjà presque deux ans, le 20 juin 2006. Avec lui a disparu un grand maître de l’urologie moderne, un géant de la chirurgie de la seconde moitié du XXe siècle, un pionnier de la transplantation d’organes.

Nous n’entendrons plus sa voix, au timbre si particulier, s’élever, pour le plaisir de tous, au sein de nos discussions en cette salle, apportant toujours un point de vue original et critique, teinté d’un humour souvent bienveillant, parfois corrosif.

Membre de l’Académie nationale de médecine depuis le 13 février 1979, il avait été notre Président pour l’année 1987.

Présidence que l’on peut qualifier « de justesse ».

René Küss rappelait avec une certaine satisfaction qu’il n’avait été élu à la Vice présidence qu’avec une seule voix de majorité, et que le seul avant lui à réussir ce tour de force électoral avait été Louis Pasteur en 1873 pour son élection de membre titulaire.

Présidence animée et appréciée , présidence originale aussi, et je n’évoquerai que deux évènements qui l’attestent :

* Membre de l’Académie nationale de médecine

La coupole de notre salle de séances lui paraissant vide et triste, il décide de l’orner d’une fresque. Sans doute avait-il rêvé de voir surgir une sorte de Sixtine laïque, où le doigt de la Connaissance aurait touché celui du Médecin. L’œuvre de son Michel-Ange ne lui avait pas apporté une satisfaction exagérée.

À d’autres non plus d’ailleurs, car la fresque n’aura pas survécu à son vingtième anniversaire…

Le deuxième évènement fut son discours lors de la séance solennelle, dont le titre :

« L’homme et son urine » fut diversement apprécié, jugé par une fraction d’un auditoire en partie ministériel étonnant, audacieux, voire déplacé, contraire à la bienséance. Sujet pourtant bien naturel pour un urologue, qui tenta de convaincre que « l’urine c’est la vie ».

Et André Lemaire, notre regretté Secrétaire perpétuel, lui écrivait dès le lendemain, 9 décembre 1987 : « le titre de votre discours me donnait quelqu’inquiétude ; vous avez traité ce sujet scabreux avec réserve et bon ton, avec vérité et solides références historiques. Quel travail de documentation et de rédaction ! C’est un coup de maître ». Et il ajoutait dans cette même lettre : « votre présidence aura marqué l’histoire de notre Compagnie…La séance d’hier en est le parfait couronnement ; elle restera exemplaire et sans doute inimitable ».

René Küss n’aura pas été chirurgien par hasard. Une longue ascendance familiale le prédestinait à la médecine, depuis un lointain Georges Küss identifié en 1613, qui ne semble cependant pas avoir été barbier.

— Émile Küss (1815-1871) , son grand oncle, héroïque maire de Strasbourg mais aussi grand savant, puisqu’il découvrit avec Ludwig la fonction de réabsorption du tube urinifère. Il ne survécut pas à l’annonce de l’annexion de l’Alsace et la Lorraine en 1871.

— Georges Küss (1867-1936) , autre grand oncle, éminent phtisiologue et premier président des sanatoriums français, connu pour ses travaux sur le chancre pulmonaire et la mise au point du pneumothorax.

— Le troisième Georges Küss (1877-1966) fut son père. Chirurgien de la Pitié et champion de la prostatectomie par voie hypogastrique. Membre de l’Académie nationale de médecine, il présida l’Académie de chirurgie en 1949. Grand humaniste, grand lettré, mais quelque peu directif, il infléchira le désir de carrière médicale de son fils vers la chirurgie « René tu seras chirurgien », et lui fit découvrir la salle d’opération à l’âge de dix ans.

René Küss était donc né à Paris le 3 mai 1913, rue de Solferino, et gardait le souvenir d’une enfance heureuse, enrichie de nombreuses réceptions données par ses parents dans leur hôtel particulier de la rue du Général Clergerie, où se côtoyaient ministres, professeurs, médecins et écrivains, tels Georges Duhamel, Henri Mondor, Pasteur Vallery Radot, André Siegfried, et de nombreux artistes, mais endeuillée par la disparition beaucoup trop précoce, à quarante-deux ans, d’une mère tendre et affectueuse.

Après l’école alsacienne, puis le lycée Janson de Sailly, le baccalauréat latin-grec, René Küss commence ses études de médecine en 1931.

En 1932, son premier contact avec l’hôpital et les malades est assez éprouvant, dans le service de phtisiologie de Sergent, où il mesure les ravages de la tuberculose, avec son haut degré de mortalité de l’époque.

Il est nommé à l’Externat des Hôpitaux dès sa deuxième année, en 1933, et dès ce moment se dessine sa vocation urologique, après avoir entendu quelques cours de Bernard Fey, qui deviendra son Maître, pour lequel il gardera toujours grand respect et affection sincère.

Il est nommé à l’Internat des Hôpitaux de Paris en 1937, fait six mois de remplacement d’interne en gynécologie-obstétrique à Lariboisière chez Devraigne, et part au service militaire à l’automne 1938.

Son bon classement à l’internat lui permet de demander et d’obtenir son affectation à la Marine, et il fait ses premières armes de chirurgien à l’Hôpital militaire de Brest.

Arrivent septembre 1939 et la guerre. Maintenu en service, il est envoyé à Toulon où il exerce les fonctions de médecin major d’artillerie de la côte et de la DCA. Il demande à être embarqué sur le Mogador, « notre plus beau contre-torpilleur ». Il passe à Toulon quelques mois plutôt agréables, rencontre Charles Trenet et fredonne avec lui « le soleil a rendez-vous avec la lune », chanson dont il pense partager la paternité. Mais le drame n’est pas loin.

L’armistice signé en juin 1940, arrivent juillet et Mers El Kebir.

Parmi nos navires au mouillage, sous les obus et les bombes, il y a le Mogador. René Küss ne peut rester en place à l’infirmerie, à l’arrière du navire et demande un poste de canonnier à l’avant. Cette courageuse décision lui sauve la vie, un obus de 380 emportant peu après tout l’arrière du navire.

René Küss désincarcére et ampute les matelots emprisonnés dans la ferraille, plonge pour repêcher les hommes en difficulté dans les nappes de mazout enflammé.

Quelques côtes cassées par les ondes de choc l’expédient sur le navire hôpital « Le Sphinx », mais il n’y reste qu’une journée et revient à Mers El Kébir pour voir avec stupéfaction et colère les avions anglais torpiller « Le Dunkerque » ; de rage il se précipite sur son canon du Mogador encore intact et tire tant qu’il le peut, avant d’aller soigner sur le Dunkerque les nouveaux blessés.

Sa conduite à Mers El Kébir lui vaudra la Croix de guerre avec Palme et une proposition pour la Légion d’honneur. Mais la tragédie l’aura marqué, et bien sûr il n’oubliera jamais.

Il en gardera une répulsion violente et viscérale pour toute forme de mensonge, de compromission ou de traîtrise. Je n’ai pas besoin de vous décrire les sentiments qu’il a laissé exploser devant moi, le mot n’est pas trop fort, un jour de novembre 1998, où fut érigée à Paris la statue d’un certain Winston Churchill.

Démobilisé à la fin du mois de juillet 1940, il rentre à Paris et y effectue ses années d’Internat, chez son maître Bernard Fey bien sûr, puis chez Mondor, Quenu, Gosset, Brocq et Leveuf. Il y pratique toutes les formes de la chirurgie, alors dite générale, et plus spécifiquement viscérale.

Lauréat du concours de la Médaille d’Or, il fera une année chez Gaudart d’Allaines, avec qui il maintiendra toujours des rapports très cordiaux, et chez lequel, nous dit-il, il apprit la « grande chirurgie ».

Mais la guerre n’est pas finie.

René Küss participe à La libération de Paris et plus particulièrement la prise de l’École Militaire. Il opère jour et nuit à Cochin, en ce mois d’août 1944, les blessés des combats. Il s’engage comme médecin capitaine, chef d’équipe chirurgicale dans la 7e armée américaine du Général Patton. Il aura ainsi la joie de pénétrer en libérateur dans Metz « la ville de sa mère et des Noëls de son enfance », et de participer à la libération de la Lorraine et de l’Alsace. La capitulation allemande le trouvera en Gironde, en « nettoyage » d’une des dernières poches de l’Atlantique.

Vient enfin l’ère des concours et de la carrière hospitalière et universitaire.

Dès la fin des hostilités, il retourne à Cochin chez son maître Bernard Fey, qui est titulaire de la fameuse chaire de clinique urologique créée par Félix Guyon à Necker, transférée à Cochin et abandonnée par Chevassu durant l’occupation. C’est là qu’il gravira tous les échelons de la hiérarchie hospitalière et universitaire.

Adjuvat, Prosectorat, Clinicat, Assistanat des Hôpitaux en 1946, René Küss est Professeur agrégé à la Faculté de Médecine en 1949, chirurgien des Hôpitaux de Paris en 1950.

En 1953, il prend en charge, de plus, une unité d’urologie nouvellement créée à l’Hôpital Foch de Suresnes. Il y organisera un véritable service d’urologie avec Maurice Camey, et son centre de transplantation rénale avec Marcel Legrain.

En 1960 c’est l’heure de la retraite pour Bernard Fey. René Küss quitte Cochin pour prendre la direction du service d’Urologie de l’Hôpital Saint Louis. Il s’y organise avec ses collaborateurs et amis : André Siboulet pour les maladies vénériennes (qui font alors partie du service), François Mathieu pour l’endoscopie et la consultation, Jean Marie Brisset pour la chirurgie, et à partir de 1963 son premier chef de clinique, votre serviteur. Je ne le quitterai plus durant les quarante-trois années suivantes.

En 1972, René Küss reçoit le titre de Professeur de clinique urologique et prend la direction du tout neuf service d’urologie du CHU Pitié-Salpétrière. Avec l’aide d’Alain Jardin, de Philippe Thibault et de moi-même — les migrants de Saint Louis — il va en quelques années en faire le grand service que vous connaissez, avec l’organisation de tous les secteurs de l’urologie et la transplantation rénale, en connexion intime avec le service de néphrologie de Marcel Legrain, lui aussi « émigré » à la Pitié.

C’est ce service en pleine activité que mon maître René Küss me lèguera en 1983.

Mais pour lui l’heure de la retraite n’est pas celle de l’oisiveté. C’est le temps des articles, des études et des discours. C’est le temps des prix prestigieux, des présidences et des honneurs :

• Commandeur de la Légion d’honneur en 1992 • Grand officier de l’Ordre national du Mérite en 2001.

Mais au fil des années René Küss ressentait de plus en plus le poids d’une retraite qu’il jugeait trop longue.

« Le vent se lève …il faut tenter de vivre ! L’air immense ouvre et referme mon livre ».

Ces vers de Paul Valéry, à la fin de son Cimetière Marin, s’appliquent bien, à mon sens, aux dernières années de René Küss. Pour lui, il y avait toujours des pages brillantes, au milieu de ses élèves, dans des réunions ou congrès où il revivait, et d’autres plus sombres où perçaient la lassitude et l’ennui.

Il vit venir sa fin, chez lui, entouré de l’affection des siens, comme il l’avait toujours souhaité.

L’ŒUVRE CHIRURGICALE

Quelle a été l’œuvre chirurgicale de René Küss durant cette longue et prestigieuse carrière ?

Nul ici ne méconnaît qu’elle a été considérable. On peut certes la connaître à travers les centaines de publications, articles, livres ou communications, films, ouvrages pédagogiques, etc. dont la présentation, même exégétique, risquerait d’être quelque peu fastidieuse.

Je préfère essayer d’évoquer devant vous, aujourd’hui, l’esprit qui en a toujours été le moteur.

Tout réside en un refus constant de la conformité, une remise en cause permanente des connaissances établies, même érigées en vérité premières, — n’est-ce pas là le véritable doute scientifique ? — auquel s’ajoutait chez lui, on peut le dire, un certain goût à enfreindre les dogmes et violer les tabous, le tout allié à une curiosité insatiable et à une foi inébranlable dans les progrès de la chirurgie.

La contribution au progrès chirurgical de René Küss peut, à mon avis, tenir en trois mots, l’on peut dire trois clefs : reconstruction, préservation, remplacement.

Reconstruction

L’élève de Gaudart d’Allaines porte un œil chirurgical nouveau sur le rétropéritoine .

Là se trouve l’organe alors le plus redouté de tous les chirurgiens : l’uretère.

 

En ce milieu du siècle dernier était encore admise l’idée que toute plaie urétérale, même suturée, menait à la fistule urinaire ou à la sténose cicatricielle ou fonctionnelle, entraînant inévitablement la destruction du rein sus jacent par dilatation mécanique ou souvent pyonéphrose, comme semblaient le confirmer de multiples données cliniques, de même que quelques études expérimentales chez l’animal.

Toute blessure grave, ou a fortiori section de l’uretère, entraînait donc dogmatiquement la néphrectomie ou la dérivation externe par néphrostomie définitive, ou au mieux urétérostomie cutanée. Une telle attitude négative et mutilatrice horrifie René Küss. Il montre que la suture urétérale est non seulement possible mais efficace, et qu’elle permet une récupération totale de la fonction du rein sus jacent, que le péristaltisme normal réapparaît pour peu que l’on ait su maîtriser la période initiale transitoire d’atonie, de dilatation et de stase sus jacentes par des cathétérismes répétés ou une dérivation transitoire, et éviter ainsi les complications infectieuses.

Ses deux premières observations publiées en 1951 confortent son initiative, et il va mettre au point en quelques années toute une série d’interventions urétérales « princeps » : il prouve que la résection segmentaire de l’uretère est possible (et même la double ou triple résection), il traite des abouchements ectopiques par réimplantation urétéro-urétérale, effectue même des mutations urétérales totales par urétéro-urétérostomie croisée, réussit même la greffe urétérale libre.

Et bien sûr il ne manque pas de s’intéresser aux deux extrémités de l’uretère.

La jonction pyélo-urétérale et l’hydronéphrose, d’une part. Il porte un intérêt passionné à ce trouble physiologique de la jonction et en étudiera longuement la pathogénie, qu’il précisera plus tard après l’étude de plus de mille cas.

Mais d’emblée il en a mis au point le traitement chirurgical : la résection de la jonction pyélo-urétérale , qui deviendra le traitement « standard », très largement reconnu et employé.

Pour l’uretère pelvien , alors si souvent lésé ou même détruit, René Küss met au point et utilise le premier chez l’homme une technique d’urétéroplastie de remplacement par lambeau vésical tubulé, s’inspirant d’une étude purement expérimentale animale, faite au début du siècle par Boari et Casati. C’est l’opération de Boari-Küss , elle aussi, par la suite, largement répandue.

Aussi, lorsque René Küss, dès 1954, publie son livre intitulé « Chirurgie plastique et réparatrice de la voie excrétrice du rein. Indications et techniques opératoires », qui comporte de fait la description de toutes les techniques dont je viens de parler, il s’agit d’une véritable révolution dans les principes mêmes de la chirurgie du haut appareil, au point que René Küss rencontrera au début incrédulité et raillerie ; il y fera face avec sa vivacité habituelle ; et les critiques s’effaceront progressivement d’elles-mêmes lorsqu’il montrera les urographies postopératoires normales qui stupéfieront tout le monde chirurgical.

Parallèlement apparaît l’ère des entéroplasties urinaires. La chirurgie digestive n’ayant aucun secret pour René Küss, il sera parmi les premiers à utiliser et diffuser cette nouveauté chirurgicale, et à en affiner les techniques. C’est d’abord les entéro- cystoplasties d’agrandissement, qui supprimèrent l’infirmité des dérivations externes définitives chez tant de jeunes tuberculeux, puis les entérocystoplasties de remplacement pour cancer, avec Maurice Camey. Dès 1957 il préconise les iléourétéroplasties totales pour traiter les hydronéphroses géantes bilatérales, évitant ainsi la néphrostomie définitive qui guettait ces patients, intervention dont l’efficacité se maintient quarante ans plus tard, nous en avons maintenant la preuve.

Après avoir utilisé le greffon iléal, il utilise le colon sigmoïde, décrivant une technique originale de colocystoplastie (en 1958) et aussi le caecum avec Jean-Marie Brisset.

Il remplace l’uretère iléo-pelvien par l’appendice, l’uretère lombaire par un greffon iléal « suspendu ».

Et, en 1975, René Küss publie, avec votre serviteur, un livre intitulé « La chirurgie de l’uretère ». L’éditeur Springer Verlag lui avait demandé, pour son Encyclopédie internationale d’urologie, un chapitre sur ce sujet. Il lui donne un livre de 337 pages.

Un chapitre devenu un livre, quelle meilleure preuve du développement de cette chirurgie, jugée improbable, utopique et même inconcevable trente ans plus tôt.

Guérir sans mutiler était enfin devenu possible.

 

Préservation

À quoi sert d’aménager le lit du fleuve si l’on ne prend pas soin de sa source ?

La reconstruction de la voie excrétrice est le premier pas du respect du rein, mais cela ne suffit pas. La préservation de la « masse néphronique » ou du « capital néphronique » d’un individu — concept acquis très tôt grâce à l’amicale fréquentation de

Marcel Legrain — sera le souci constant de la chirurgie de René Küss. Réparatrice, elle est de fait conservatrice.

Déjà cette préoccupation était présente dans sa thèse en 1944 : « La place de la néphrectomie dans la tuberculose rénale », conçue chez Bernard Fey, soutenue sous la présidence d’Henri Mondor. Le dogme à l’époque était le début unilatéral des lésions tuberculeuses rénales, avec pour corollaire la néphrectomie précoce et systé- matique du rein jugé tuberculeux. René Küss démontre l’exagération mutilatrice d’une telle attitude et préconise une chirurgie mesurée, jamais hâtive, basée sur les données de l’évolution, et adoptera une attitude résolument conservatrice du parenchyme épargné par des lésions tuberculeuses en fait focales.

Il réintroduira ainsi la néphrectomie partielle , alors considérée avec méfiance en raison de ses dangers hémorragiques parfois mal maîtrisés, à sa juste place, avec des indications multiples : outre les lésions focales de la tuberculose, celles de la lithiase, des malformations, les lésions vasculaires, les traumatismes, les lésions kystiques compliquées, etc. Il en prouvera l’efficacité après en avoir rétabli la rigueur technique, et il publiera en 1979, avec ses élèves, une série coopératrice de quatre cent soixante-trois dossiers.

 

Il adaptera cette intervention à la chirurgie conservatrice des lésions néoplasiques rénales, et sera parmi les premiers à montrer qu’une telle chirurgie élective, et non plus seulement de nécessité pour les reins uniques ou restants, donne une sécurité carcinologique aussi grande que la néphrectomie élargie alors trop systématique. Il donnera d’ailleurs lecture de ses résultats ici même en 1976.

Quoi qu’il en soit, de la conjonction des techniques de réparation de la voie excrétrice et de la chirurgie rénale conservatrice, naît dans toute l’école de René Küss une chirurgie de l’insuffisance rénale chronique qui, dans la pathologie urologique du moins, va essayer de retarder ou même éviter l’évolution alors trop souvent inéluctable vers l’hémodialyse ou la transplantation.

Remplacement

Lorsqu’il n’y a plus rien à préserver, force est de remplacer.

Avec René Küss nous entrons dans la grande aventure de la greffe rénale, prélude à toutes les autres transplantations d’organes.

Il fait partie de ces jeunes chirurgiens qui, horrifiés de voir mourir enfants et adultes d’insuffisance rénale, sans recours alors, pensent que la solution est dans l’implantation d’un nouveau rein. Et il gardera une foi inébranlable, malgré les échecs des débuts, en la possibilité et l’efficacité de la greffe rénale.

René Küss animera donc avec Teinturier et Milliez l’une des trois équipes françaises qui en 1951 réaliseront les premières homogreffes rénales chez l’homme. Il en présentera cinq cas à l’Académie de chirurgie cette même année. Les reins étaient prélevés chez les suppliciés ou pour raisons thérapeutiques chez des sujets vivants, et sa première observation est vraisemblablement aussi la première transplantation rénale faite à partir d’un « donneur vivant ». Toutes seront bien entendu, comme toutes les autres à cette époque, suivies d’échec, mais René Küss va ainsi mettre au point une technique originale, présentée à l’Académie de chirurgie, qui sera par la suite quasi universellement adoptée.

Ainsi, lorsque la barrière immunologique sera franchie, l’accueil chirurgical du greffon sera prêt.

Le succès de la greffe rénale s’avère possible dans la gemellarité dès 1954, mais il faudra attendre 1959 pour la première tentative de suppression de la barrière immunologique par l’irradiation totale du receveur, avec la publication à Boston de Hume et Merril du premier succès d’homotransplantation entre faux jumeaux, et quelques mois plus tard un cas analogue rapporté par Jean Hamburger. Et en janvier 1960, René Küss effectue la première transplantation rénale en dehors de la gémellarité (de sœur à frère non jumeaux — survie cinq mois), puis en juin 1960 la première transplantation en dehors de tout lien de parenté (de beau frère à belle sœur) ; et en novembre une troisième transplantation. Ces deux dernières transplantations en dehors de tout lien de parenté ont une autre originalité : l’utilisation de l’immunosuppression chimique par la 6 mercaptopurine (suggérée par les travaux expérimentaux de Calne), dans la deuxième observation pour inverser un rejet, dans la troisième comme traitement complémentaire à l’irradiation, avec des survies de dix-sept et dix-huit mois.

Mais ce n’est qu’après 1963 que la suppression de l’irradiation et l’avènement de l’azathioprine sonneront l’heure du développement de la greffe rénale dans toutes les équipes, cet essor de la transplantation étant bientôt encore accéléré par les améliorations de la préparation et de la conservation du greffon, la découverte des groupes tissulaires par Jean Dausset, la définition du « coma dépassé ».

A Foch, l’équipe de Küss et Legrain travaille activement, mettant au point une technique d’inversion des rejets, affinant la chimiothérapie et l’utilisation de la cortisone, montrant les dangers de l’immunosuppression dans le développement des tumeurs malignes, contribuant à l’étude de la physiopathologie de la voie excrétrice du rein transplanté (1966), révélant les images urographiques du rejet (1971), ajoutant aussi de nouvelles techniques chirurgicales : la transplantation lombaire « in situ » utilisant l’artère splénique (1966), la transplantation « en bloc » de deux reins de petite taille.

En 1972, c’est, je l’ai dit, la création à la Pitié, avec Marcel Legrain et Philippe Thibault de cette unité de transplantation rénale qui ne fera que se développer par la suite, organisant de plus dans le service les prélèvements multi-organes devenus nécessaires en raison de l’avènement des autres transplantations d’organes, atteignant en 1978 soixante-quinze transplantations pour l’année, chiffre alors le plus élevé en France, et qui compte à l’heure actuelle près de deux mille transplantations.

Quel chemin parcouru depuis l’arrivée d’un jeune chirurgien courageux dans l’aube sinistre d’une cour de prison, le jour d’une exécution capitale, soutenu par sa conviction profonde et inébranlable que, malgré tous les obstacles, la mort de l’un pouvait et devait servir la vie de l’autre !

Cette contribution permanente au perfectionnement et à l’essor des transplantations d’organes vaudra à René Küss de très nombreuses invitations et conférences à l’étranger, et plusieurs prix, dont le prestigieux prix Medawar de la Société Internationale de Transplantation, qui récompense les personnalités les plus marquantes de la transplantation d’organes, qu’il reçut avec Georges Mathé et Joseph E. Murray en 2002. Invité à le recevoir à Miami, il partit avec Georges Mathé « comme deux collégiens en goguette » — ce sont ses propres paroles — reçurent leurs prix et parvinrent même à regagner notre Capitale malgré leur mépris des choses maté- rielles et des formalités administratives et les traquenards des grands aéroports internationaux.

Que dire de plus de l’œuvre chirurgicale de René Küss ? Qu’elle a touché tous les autres domaines de la spécialité urologique :

la cancérologie la lithiase l’endo-urologie la physiologie de la voie excrétrice avec le développement de l’urodynamique et des épreuves fonctionnelles, — les incidences urologiques des paraplégies , avec l’antenne neuro-urologique de l’Hôpital Raymond Poincaré à Garches créée par Michel Pascal Bitker, puis tous les types de vessie neurologique en collaboration avec l’Institut de neurologie de la Salpêtrière — les technologies thérapeutiques nouvelles de l’adénome prostatique, la chirurgie prothétique de l’arbre urinaire et le sphincter artificiel, — tous les aspects de la chirurgie de l’incontinence urinaire, féminine et masculine, — l’andrologie.

Mais l’ouverture d’esprit de René Küss était immense, et sa curiosité insatiable, souvent même pour des sujets jugés « peu fréquentables ». C’est ainsi qu’il abordera, au moins littérairement, mais aussi pratiquement avec Pierre Banzet, les problèmes du transsexualisme . Il s’attaquera même au sujet délicat de l’incidence sur la santé publique des maisons closes et des effets néfastes de leur disparition.

Tout ce que je viens de dire, toutes les activités exposées devant vous, sembleraient pouvoir occuper la totalité d’une vie. Pour René Küss, il y en avait bien d’autres.

Il y eut aussi bien sûr :

La vie universitaire et l’enseignement

C’était aussi sa fonction. Il n’y a point failli.

Mais à ses obligations universitaires, il ajouta, outre un enseignement clinique inégalable lors du staff du service, un enseignement théorique et opératoire de haut niveau, en créant, d’abord en 1962 les Journées Urologiques de l’Hôpital Saint Louis , qui regroupaient pendant deux jours, dans son service d’urologie de Saint Louis, des chirurgiens urologues installés, ou chirurgiens généralistes pratiquant l’urologie, comme c’était fréquent à l’époque, pour des conférences, exposés, discussions et démonstrations opératoires.

En 1975, dans le même esprit, il fonde « Les Séminaires d’Uro-Néphrologie de la Pitié-Salpêtrière » avec Marcel Legrain, Claude Jacobs et moi-même, avec une innovation de taille : l’unification uro-néphrologique. Le succès en sera considérable.

Un volume très utilisé par médecins et chirurgiens paraît chaque année, contenant toutes les mises au point. Nous en sommes à la 34e année ; « les séminaires » sont toujours vivaces.

À cela s’ajoutent bien entendu de nombreuses missions et conférences à l’étranger, la participation à diverses instances universitaires, dont le Conseil National des Universités.

Il sera élu Docteur Honoris Causa de plusieurs universités étrangères, dont Moscou, Pékin et Athènes.

Ce n’est pas tout. S’y ajoutait aussi une intense vie associative .

 

Bien entendu René Küss fut membre très tôt de :

— l’Association française d’urologie (1945) — la Société française d’urologie (1947) — puis progressivement membre de nombreuses sociétés d’urologie étrangères.

Mais il est deux domaines où il a particulièrement œuvré :

— La Société Internationale d’Urologie : René Küss en fut membre dès 1950 ; il en deviendra le Secrétaire général en 1952, et le restera jusqu’en 1979, en devenant alors le Président. Il en fut en quelque sorte le Secrétaire perpétuel, avec tout ce que cela implique de responsabilités, d’organisation et de décisions. Ainsi pendant plus de vingt-cinq ans René Küss aura « gouverné » cette société internationale, apportant partout dans le monde son enthousiasme pour les progrès de l’urologie, en langue française en particulier, établissant des contacts avec toutes les structures urologiques de la planète, organisant ses congrès alors tous les trois ans : Athènes, Tokyo, Amsterdam, Londres, Rio de Janeiro, Oslo, etc. Sa constante réélection, nous raconte-t-il, ne faisait pas que des heureux, un urologue américain lui ayant dit un jour avec rancœur : « Monsieur Küss, au football on change plus souvent le gardien de but ».

Cette activité internationale lui vaudra de nombreux prix et distinctions dont :

— Le prix Willy Gregoir de la Société Européenne d’Urologie en 2002.

— la première médaille Félix Guyon de la Société Internationale d’Urologie en 2005 à Honolulu.

Le second domaine est bien entendu celui de la transplantation. Il était membre de la Société internationale de transplantation pratiquement depuis sa naissance en 1966.

Il fut parmi les membres fondateurs de la Société française de transplantation en 1972, la première en Europe, dont le but était de réunir tous les spécialistes intéressés par la transplantation, et qui deviendra la Société francophone de Transplantation.

C’est là qu’en 1981, dans une commission de notre Académie et à la commission nationale d’hémodialyse et de transplantation, il défendra le principe d’une régionalisation de la transplantation en France , s’opposant ainsi à Jean Dausset et sa réglementation européenne de la distribution des greffons basée uniquement sur le système HLA, considérant que les conditions de prélèvement, conservation et transport du greffon étaient au moins aussi importantes que la compatibilité tissulaire, le système européen aboutissant parfois à l’arrivée sur le lieu de transplantation d’un greffon parfaitement compatible mais inutilisable.

Il fut aussi élu membre fondateur de l’ESOT, la société européenne de transplantation de langue anglaise. Il prit la parole lors de sa réunion de Genève en 2005, dans son anglais volontairement rudimentaire, devant sept mille personnes, et en reçut l’hommage par une « standing ovation ».

 

Mais ces deux domaines n’étaient bien sûr pas limitatifs. Il suffit pour s’en convaincre, de considérer les multiples présidences de René Küss, dont par exemple :

— celle du 60e congrès français d’urologie en 1966 (son invité d’honneur était André François Poncet) — celle du Congrès français de chirurgie de 1980 (son invité d’honneur était Georges Mathieu).

L’évocation de la personnalité de René Küss ne saurait se réduire à sa vie professionnelle, si riche qu’elle ait été.

D’autres choses ont beaucoup compté pour lui, et surtout, peut-on dire, d’importance croissante : les sports, les Arts et Honfleur, la famille.

Les sports

Ils n’ont occupé que très partiellement une longue jeunesse. René Küss a pratiqué le tennis, le football, la natation, mais aussi l’équitation (il faisait partie de l’Escadron Murat), le ski au temps où les remonte-pentes étaient des peaux de phoque…Il aimait la chasse, mais la perte accidentelle de son ami Pierre Delinotte refroidit sérieusement son enthousiasme.

Il aimait aussi les rallyes automobiles, et en 1954 arriva, avec son ami André Siboulet, en très bonne place au rallye de Monte Carlo, au prix, nous dit-il, d’un « coma…heureusement réversible ».

Les Arts

Etaient en fait son vrai domaine. Pas tellement la musique , bien qu’il ait fait, enfant, deux ans de violon sur un très beau violon du XVIIIe siècle offert à son père. Son art violonistique, nous dit-il, ayant culminé avec le « Chant indien » de Rimsky Korsakov, et « Les bateliers de la Volga », le violon fut tôt abandonné.

La peinture a par contre occupé une grande place dans sa vie. Son père, littérateur, bibliophile, mais épris aussi de peinture, a joué un grand rôle dans cette orientation.

Le jeune René hérita de lui quelques toiles mais il avait depuis longtemps commencé sa propre collection, courant en amateur éclairé les galeries et les salles de vente, toujours à l’affût d’une toile qui l’attirât.

Et ainsi, il transforma progressivement son appartement de l’avenue Niel en une suite d’exposition que bien des petits musées auraient pu lui envier.

Les visites qu’il aimait en faire à ses amis, ses élèves, ses collègues, les confrères étrangers, étaient étincelantes d’érudition et imprégnées d’amour de la peinture, laissant le visiteur ébloui.

Dès le hall d’entrée l’on était accueilli par Ricci, Pittoni, Pancini, Pater, Jeaurat, le Greco, Hubert Robert, Fragonard.

La porte du grand salon donnait accès à un monde merveilleux : Watteau, Tiepolo, Van Loo, Guardi, Gauguin, Renoir, Boudin, Jongkind.

 

Dans le petit salon, longtemps salle d’attente avant de devenir la pièce de travail de René Küss, éclatait la beauté de Monet, « l’entrée de Giverny sous la neige », un grand Gauguin de l’époque bretonne, remplacé ensuite par un très curieux Brispot, mais aussi Toulouse Lautrec, Forain, Sisley, Gernez.

Le visiteur était enfin admis dans le saint des saints, le bureau du maître, et l’émerveillement ne faisait que croître : là régnaient Van Ostade, Teniers, Philippe de Champaigne, Cranach, Wouverman, Van de Welde, Van Goyen, Rubens. Même les couloirs ménageaient de belles surprises : Lebourg, Van Dongen, Leonor Fini.

Sa collection débordait sur sa maison de Honfleur, ornée des peintres de l’Estuaire, mais où il avait ajouté quelques toiles personnelles, ne dédaignant pas de prendre lui-même le pinceau pour immortaliser en particulier sa petite famille. Et il était resté un jour admiratif du bon goût d’un cambrioleur, qui avait dérobé l’une de ses propres toiles, laissant en place, à côté, quelques toiles de maîtres….

Honfleur

Lié à la peinture fut son amour pour « le petit port médiéval de Normandie qu’était Honfleur », ville d’art fréquentée par écrivains et poètes.

Il ressentit, nous dit-il, un véritable choc en le découvrant en 1933. Il y rencontra surtout les « peintres de l’estuaire », attirés par l’atmosphère du fleuve et de la mer, du port, du vieux bassin : Dufy, Friesz, Saint Delis, Gernez, Herbo, Hambourg.

La plupart devinrent ses amis, Herbo en particulier, qui était propriétaire du « Bar des Artistes », où se retrouvaient tous les peintres, et où régnait une atmosphère extraordinaire.

Ces peintres créèrent en 1949 une « Société des Artistes honfleurais », qui organisait chaque année un salon dans les fameux greniers à sel. René Küss y participera pendant plus de vingt ans, d’abord comme Secrétaire général puis comme Président.

C’est lui qui organisera en 1992 la très belle exposition des œuvres d’Eugène Boudin, et l’année suivante « Les Ponts de la Seine de Paris à Honfleur » au musée Boudin, avec une préface de Julien Green et une illustration de Buffet et Carzou.

Honfleur lui remettra la médaille de la ville en 2003.

La famille

Mais Honfleur fut pour René Küss encore bien autre chose. C’est là en effet qu’il fonda sa famille.

Le dix-huitième jour du mois de juillet 1958, les parents et amis venus en week-end, en ballade marine, découvrirent avec grande surprise qu’ils étaient en fait venus aux noces de René et de Josette. Le marin célibataire endurci avait enfin trouvé son havre… Mariage sur le vieux bassin, puis fête à la ferme Saint Simeon, là même où se réunissaient les impressionnistes ; ce fut une journée historique.

Josette lui donnera, pour sa plus grande joie et fierté, trois charmantes filles, puis un garçon très attendu.

 

Il avait acquis sur le vieux bassin, sur le quai Sainte Catherine, non loin des galeries de peinture et du bistro de la Mère Angot, l’une de ces maisons de pêcheur, longiligne à cinq étages d’une seule pièce, qu’il avait remise au goût du XVIIe siècle.

Elle devint rapidement malcommode et même dangereuse pour les petits, avec ses escaliers raides et étroits. René Küss chercha donc et trouva un terrain sur le haut de la Côte Vassale, en face de la Côte de Grâce, d’où, nous dit-il, Turner avait peint ses vues plongeantes sur la Lieutenance et Sainte Catherine. Il y fit construire une maison à colombages et au fil des ans, acquérant parcelle après parcelle, finira par occuper tout le sommet de la colline, en faisant une vaste propriété familiale dominant l’estuaire, qui prendra les allures d’un petit paradis. C’est là que durant week-end ou vacances, au milieu de sa famille, qui s’agrandira ensuite de dix petits enfants, s’écouleront pour lui des jours heureux.

Notre maître a disparu mais nous tous, ses élèves, vivrons toujours avec son souvenir.

Souvenir si riche et si heureux.

L’art d’être chef de service, vous le savez, est un art bien difficile. Mais celui-là avait trouvé une sorte de pierre philosophale qui transformait ses ordres en désirs que chacun désirait satisfaire, les exigences d’un service hyperactif en évidences qu’aucun n’aurait songé à remettre en cause, ses initiatives en nécessité absolue de progresser, et ses remarques en encouragements. Et dans le service d’un Patron foncièrement autoritaire flottait le parfum de la liberté. Toute initiative chirurgicale était considérée avec bienveillance (sans doute se rappelait-il ses propres audaces ?) pourvu qu’elle soit dûment justifiée et réfléchie. Et ainsi chacun œuvrait dans le service avec enthousiasme et conscience de ses devoirs.

Par contre la bêtise, le laxisme ou le mensonge lui étaient insupportables et déchaî- naient de rares, mais violentes colères, ou au mieux une remarque d’un humour féroce.

Restant grand seigneur, il était pourtant proche de tous dans son service, même des plus humbles, qui appréciaient cette absence d’une barrière qu’ils avaient auparavant trop souvent rencontrée.

Il était aussi très attentionné pour ses opérés, qu’il allait toujours visiter le soir avant de quitter le service, attention dont ils se souvenaient longtemps. Cette illustration d’une opérée faisant don de son calcul à René Küss en est la preuve.

Quant à ses élèves et ses plus proches collaborateurs et collaboratrices, leurs sentiments évoluaient au fil du temps : le respect, la déférence, la considération faisaient place à l’admiration, puis à un amical dévouement, et pour beaucoup une réelle affection.

La perte pour nous tous n’en est que plus amère.

Mais son œuvre, elle, ne disparaîtra pas.

Et pour terminer, j’aurai l’audace de mettre dans la bouche de ce protestant intraitable une parole de Saint Augustin : « Ne pleurez pas si vous m’aimez… Ma tâche est accomplie ».