Communication scientifique
Séance du 4 octobre 2011

Éducation thérapeutique du patient en France

MOTS-CLÉS : éducation du patient comme sujet. soins centrés sur le patient.
Patient education in France
KEY-WORDS : patient-centered care.. patient education as topic

Dominique Bertrand *

Résumé

L’éducation thérapeutique du patient (ETP) prend une part de plus en plus privilégiée dans la stratégie thérapeutique médicale, dans les maladies chroniques. Or, les affections de longue durée (ALD) représentent environ 12 % de la population et augmenteront dans les prochaines années. L’ETP a pour objectif de responsabiliser et de solliciter la participation active du patient au processus de soins afin d’améliorer la prise en charge de sa maladie et sa qualité de vie. L’article 84 de la Loi HPST votée en 2009 a pour la première fois inscrit l’ETP dans le Code de la Santé publique en différenciant l’éducation thérapeutique personnalisée, les actions d’accompagnement et les programmes d’apprentissage. Cet article prévoit que le lien direct entre le patient et toute entreprise de biens médicaux est interdit. Toutefois, la notion d’accompagnement des patients, les modalités d’évaluation des actions d’ETP et les sources de financement ainsi que les modalités pratiques, restent à préciser.

Summary

Patient education is an increasingly important component of therapeutic strategies, especially for chronic illnesses, which currently affect about 12 % of the French population and will undoubtedly increase in coming years. Patient education aims to enhance patients’ personal responsibility and participation in their therapeutic management and quality of life. Article 84 of French health legislation passed in 2009 inscribes patient education in the Public Health Code for the first time. It distinguishes personalized therapeutic education, patient accompaniment, and learning programs. Direct links between patients and drug companies are prohibited. However, the notion of patient accompaniment remains to be defined, along with the evaluation of patient education, funding sources and practical modalities.

INTRODUCTION

L’éducation thérapeutique du patient est considérée comme indispensable et complémentaire à la prise en charge clinique. Pourtant, elle n’a été inscrite dans le Code de la Santé Publique qu’en 2009 par la loi portant la réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST).

Un rapport préliminaire a été demandé à Dominique Bertrand, Christian Saout et Bernard Charbonel en 2008, par la Ministre chargée de la Santé [11].

Il comprend une rédaction des articles de la Loi, et vingt-quatre propositions qui ont pour la plupart servi la rédaction des textes réglementaires d’application [11].

L’éducation thérapeutique est devenue depuis dix ans, un enjeu majeur pour le système de soins pour deux raisons. La première concerne le développement des droits du patient en le rendant plus autonome, plus responsable, plus acteur de la décision en santé. Parallèlement, le rôle du médecin se transforme dans la première partie du xxe siècle, de médecin paternaliste proposant au patient le meilleur choix thérapeutique au médecin professionnel guidant le malade dans sa demande, lui apportant plus d’informations, de conseils en particulier dans les choix thérapeutiques alternatifs, afin de lui laisser la liberté de prendre la meilleure décision en fonction de ses aspirations (privilégier la qualité de vie, l’espérance de vie….).

La seconde est la part grandissante des maladies chroniques en France, impliquant simultanément un suivi long et une surveillance attentive ; la demande des associations d’usagers est de permettre au patient de comprendre la maladie, et de participer aux choix thérapeutiques.

Dans le plan qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques, quatre mesures sur quinze font référence à l’Education Thérapeutique [9].

Les maladies chroniques dans notre système de soins sont mieux prises en charge financièrement par l’Assurance Maladie Obligatoire, dans le cadre des Affections de longue durée (ALD). En 2010, environ 12 % des assurés sociaux sont en ALD dans le régime général ; le taux est supérieur à 25 % dans le régime agricole. Ces ALD chroniques augmentent en pourcentage pour de multiples raisons, vieillissement de la population, meilleurs soins, progrès technologique [1].

L’ETP présente trois particularités qui la rendent complexe : d’abord la définition de l’ETP, sous tendue par l’hétérogénéité des actions et des acteurs, ensuite la construction des programmes et leur réalisation en France, enfin les difficultés juridiques, économiques et évaluatives.

LES DÉFINITIONS DE L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE DU PATIENT

L’éducation pour la santé est proche de l’éducation thérapeutique mais distincte en raison d’un périmètre d’action plus large dans les thématiques abordées, ne touchant pas uniquement l’homme atteint d’une maladie mais servant l’homme sain pour éviter de devenir malade.

LA DÉFINITION DE L’OMS

La définition de l’OMS Europe de 1998 est la plus fréquemment utilisée

L’ETP consiste à « former le malade pour qu’il puisse acquérir un savoir faire adéquat, afin d’arriver à un équilibre entre sa vie et le contrôle optimal de sa maladie. L’éducation thérapeutique du patient est un processus continu qui fait partie intégrante des soins médicaux. Elle comprend la sensibilisation, l’information, l’apprentissage, tous liés à la maladie et au traitement. La formation doit aussi permettre au malade et à sa famille de mieux collaborer avec les soignants ».

Les éléments conceptuels à retenir dans l’éducation thérapeutique du patient concernent [10] :

— l’information du patient (et éventuellement de son entourage pour comprendre la maladie, son évolution, les traitements entrepris, parfois à chaque stade de la maladie) ;

— l’organisation des soins, et les processus de soins tant à l’hôpital, qu’en médecine de ville, — l’éducation du malade à la collaboration aux soins, dont l’observance fait partie ;

— l’adaptation de ses comportements personnels pour améliorer son potentiel « santé ».

L’objectif est de permettre au patient, de garder ou de reconquérir son autonomie, et de modifier parfois l’utilisation des soins, par exemple de diminuer le nombre de séjours hospitaliers, le recours aux urgences, les consultations médicales non programmées, ou l’absentéisme au travail…

La réduction de la fréquence de certains soins, l’amélioration des contrôles biologiques et la moindre survenue de complications sont des indicateurs de qualité en aval de l’éducation thérapeutique du patient. Par contre, d’autres avantages sur la qualité de vie sont plus difficiles à mettre en évidence [3].

 

LA DÉFINITION DANS L’ARTICLE 84 DE LA LOI HPST

Le rapport remis au Ministre en juillet 2008 pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient proposait quatre articles à insérer dans la loi HPST, l’article 2 identifiait quatre éléments, servant à une définition législative :

— les principaux conseils de préventions adaptés à leur « pathologie » ;

— les actes de prévention ;

— un plan annuel rendant lisible l’ensemble de son parcours de soins ;

— l’identification des professionnels de soins pour la mise en œuvre du plan personnalisé de prévention et de soins coordonnés en concertation avec le médecin traitant.

L’article 3 rappelait le droit au libre choix des services ou de l’intervenant pour les actions et l’accompagnement, l’aide à l’observance ou l’éducation thérapeutique. Il n’y était fait mention d’aucune obligation pour l’individu de prestations d’ETP, ni de contrainte financière sur le remboursement des actes de soins nécessaires et entrepris, en l’absence d’ETP.

Le texte de loi publié au Journal Officiel [8] ne laisse que peu de traces des amendements votés dans l’une et l’autre des chambres parlementaires : ces amendements concernaient essentiellement le lien avec les entreprises du médicament ou des biens médicaux. Ils ont été en grande partie supprimés dans le vote final mais leurs traces rendent le texte plus complexe, ce qui a entraîné un rapport complémentaire en 2010, des mêmes rapporteurs, rendu au ministre chargée de la Santé cette même année [12].

Le texte indique :

« Art. L. 1161-1 — L’éducation thérapeutique s’inscrit dans le parcours de soins du patient. Elle a pour objectif de rendre le patient plus autonome en facilitant son adhésion aux traitements prescrits et en améliorant sa qualité de vie. Elle n’est pas opposable au malade et ne peut conditionner le taux de remboursement de ses actes et des médicaments afférents à sa maladie.

« Les compétences nécessaires pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient sont déterminées par décret.

« Dans le cadre des programmes ou actions définis aux articles L. 1161-2 et L. 1161-3, tout contact direct entre un malade et son entourage et une entreprise se livrant à l’exploitation d’un médicament ou une personne responsable de la mise sur le marché d’un dispositif médical, ou d’un dispositif médical de diagnostic in vitro est interdit »

Trois types d’action sont ainsi définis :

— les programmes d’éducation thérapeutique traditionnelle ;

— les actions d’accompagnement ;

— les programmes d’apprentissage.

 

LES ACTIONS PARTICIPANT À L’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

Cette segmentation correspond certes à un choix politique mais aussi à trois modalités opérationnelles différentes :

Les programmes d’éducation thérapeutique du patient de l’article L. 1161-2 dont l’approche est médicalisée : « les programmes sont proposés au malade par le médecin prescripteur et donnent lieu à l’élaboration d’un programme personnalisé.

Ces programmes sont évalués par la Haute Autorité de Santé » ;

Les actions d’accompagnement de l’article L. 1161-3 qui ont pour objet d’apporter une assistance et un soutien aux malades, ou à leur entourage, dans la prise en charge de la maladie ; elles sont conformes à un cahier des charges national ;

Les programmes d’apprentissage de l’article L.1161-5 qui ont pour objet l’appropriation par les patients des gestes techniques permettant l’utilisation d’un médicament ou d’un bien le nécessitant ; ils sont mis en œuvre par des professionnels de santé, intervenant pour le compte d’un opérateur.

Les actions d’accompagnement avaient été séparées dans le rapport sur l’ETP de 2008 [11] pour permettre à des associations de patients d’exercer sur un registre non médicalisé, mais très concerné par les problèmes de soutien, ou les difficultés ressenties par ces malades.

Les travaux préparatoires à la Loi, ont modifié la place des acteurs pour les trois catégories. En effet, les associations de patients peuvent agir pour la mise en œuvre de programmes d’éducation thérapeutique. De ce fait, la persistance de l’article L.

1161-3 dans le dispositif législatif correspond-elle à un besoin utile et réel ? Toutefois, la rédaction de l’article laisse le champ plus ouvert, à la fois dans les modalités d’action et dans les types d’acteurs d’assurance maladie, services de soins, société de service, etc.

C’est un véritable élargissement du champ initial ; l’éducation thérapeutique du patient devient donc très protéiforme.

L’ORGANISATION OPÉRATIONNELLE DE L’ET

UNE DÉMARCHE COMPLÉMENTAIRE AUX SOINS

L’éducation thérapeutique du patient participe à l’acquisition et au maintien de comportements adéquats face à la maladie afin de conserver au mieux le capital santé. Il s’agit d’un processus éducatif toujours participatif appréhendant la pathologie dans sa globalité, mais intégrant toutes les caractéristiques de l’individu qu’elles soient psychologiques, environnementales ou sociétales.

 

Le programme personnalisé

Les connaissances préalables du patient, sa volonté de participer au processus thérapeutique, ses capacités d’adaptation, sa réflexion et son analyse sur les situations de la vie quotidienne sont des éléments favorables à l’insertion dans un programme d’éducation thérapeutique du patient.

Cette aptitude peut être réalisée à tout âge , et à tous les stades d’une pathologie, parfois au début de la pathologie concomitamment au diagnostic. L’ETP peut être également initiée dans le cadre d’un suivi régulier, lors d’un changement de stratégie thérapeutique ou lors de l’émergence d’une phase difficile.

Les pathologies infectieuses type VIH nécessitent une information complémentaire sur la non-transmission du retrovirus.

L’apprentissage de gestes faits quotidiennement par l’individu comme le remplacement de poches de stomies ou l’entretien d’une trachéotomie, même s’ils ne sont pas identifiés dans l’analyse des charges de travail des personnels et par conséquent dans le financement des soins s’avèrent très utiles pour le patient ; des solutions de financement doivent être trouvées dans le cadre de l’article 6411-3 du code de Sécurité sociale.

Mais tout malade chronique peut, selon son état de santé, ne pas avoir besoin d’un programme éducatif . Des difficultés personnelles telles que la compréhension de la langue, l’handicap mental, les troubles cognitifs et les dégénérescences neurovégé- tatives limitent l’accès à l’ETP. Un niveau de revenu bas doit être pris en compte dans l’élaboration du programme. Les facultés de l’individu doivent être appréciées dans la phase initiale.

Un patient atteint d’une maladie chronique peut refuser le bénéfice d’un programme d’éducation thérapeutique. Un patient est en droit de ne pas accepter un programme ou une action qui lui est proposé, et aucune sanction financière ne peut être entreprise, par exemple l’augmentation du ticket modérateur.

LA CONSTRUCTION DES PROGRAMMES

La prise en charge par le médecin

Le médecin traitant peut être amené à prendre en charge lui-même l’éducation thérapeutique, en particulier dans la phase initiale, et par la suite en collaboration avec des professionnels spécialisés, cependant il peut, dès le début, décider de le faire prendre en charge complètement par une équipe d’ETP.

En effet, pour être en phase avec le patient, il est nécessaire d’avoir des compétences particulières. Les guides méthodologiques de l’HAS [14] rappellent les compétences nécessaires aux professionnels de santé pour la mise en œuvre de programmes multidisciplinaires et orientés vers l’acquisition et le maintien des connaissances :

— compétences relationnelles, c’est-à-dire empathie avec l’autre, écoute active, utilisation de mots adaptés au patient, recherche de sa participation au processus de soins, recherche de difficultés d’apprentissage. Soutenir la motivation du patient s’avère souvent difficile et nécessite une persuasion charismatique et permanente ;

— compétences pédagogiques par le choix de termes simples, d’une terminologie imagée pour faciliter la compréhension du patient ;

— compétences médicales au sens large c’est-à-dire physiopathologie, évolution des traitements, gradation des soins dans cette pathologie, par l’appréciation des situations de vulnérabilité tout au long du cursus.

Un enseignement spécifique de l’ETP doit être proposé pour acquérir ces compé- tences [14].

Le processus de l’ET

Le déroulement correspond aux différentes phases suivantes :

— l’élaboration d’une stratégie éducative lors du diagnostic ;

— la définition de la formation selon les besoins à acquérir ;

— l’orientation du patient vers les ressources connues localement ;

— la vérification des connaissances du patient dans le processus de suivi médical et thérapeutique.

L’organisation administrative et réglementaire des programmes

L’architecture précisée par le rapport de 2008 comporte deux niveaux, un niveau local, de pratiques de l’ETP hospitalière ou ambulatoire finalisées selon des critères proposés par l’INPES, et un niveau régional, ou plurirégional d’une cellule dédiée à l’aide à la construction de programmes de l’action d’ETP pour les équipes effectrices.

Suite à un appel d’offre de l’ARS, l’autorisation des programmes d’ETP implique :

— une conformité au cahier des charges national établi par l’HAS [4] ;

— l’autorisation avant le 1er juin 2010 de tous les programmes existants précédant la publication de la Loi, [4] ;

— une validité pendant une durée de 4 ans ;

— la non attribution automatique de moyens financiers ;

— la présence obligatoire d’un médecin pour l’élaboration des programmes.

Les textes réglementaires du 2 août 2010 précisent les compétences nécessaires en ETP (40 heures de formations pour les personnes) et les conditions d’autorisation des programmes en application de l’article L. 1161-1 [4].

 

LE BILAN DES AUTORISATIONS DE PROGRAMMES D’ETP EN FRANCE EN JUIN 2011

L’HAS a défini un cadre méthodologique pour le cahier des charges défini par arrêté précisant :

— l’équipe constituant le programme ;

— la construction pédagogique et l’organisation ;

— la coordination ;

— les règles de confidentialité et de déontologie ;

— l’évaluation des programmes.

Le bilan quantitatif réalisé par la direction générale de l’organisation des soins

Le recensement des actions d’ETP a été effectué en deux vagues en mars et juin 2011 [5].

L’analyse de la seule première vague fait état de 2 508 dossiers déposés avec un taux de reconnaissance de l’ETP selon le cadre méthodologique de l’HAS de plus de 80 %.

Quatre-vingt-treize pour cent des dossiers présentés, préexistaient à la publication de la Loi du 21 juillet 2009, ce qui démontre que la Loi HPST a régularisé de nombreuses situations existantes ; élément souvent retrouvé lorsque la Loi correspond à un besoin légitime pour la société.

La localisation des programmes, correspond aux données présentées dans le rapport de 2008 :

— 74,5 % dans les hôpitaux publics et privés ;

— 8,7 % dans les centres de soins de suite et de réadaptation ;

— 4 % dans les maisons de santé pluridisciplinaires ou les centres de santé, — 0,5 % en hospitalisation à domicile.

Les pathologies les plus fréquentes dans les programmes sont :

— le diabète 30,5 % ;

— les maladies cardio-vasculaires telles que HTA, insuffisance coronarienne et insuffisance cardiaque 15,8 % ;

— les maladies respiratoires dont l’asthme est la pathologie la plus représentée 12 %.

Ces trois pathologies représentent la majeure partie des programmes : les résultats sont identiques, au niveau international, car ils sont considérés comme les plus efficaces et les plus efficientes.

Les autres ne représentent qu’un petit pourcentage : stomato-thérapie, insuffisance rénale chronique, VIH-SIDA, maladies rares…

 

L’obésité, recensée dans la seconde vague à plus de 8 %, monte en puissance en raison de l‘augmentation de la prévalence dans les pays développés.

Les causes de refus de reconnaissance d’une activité d’ETP correspond : à la non conformité au cahier des charges (75 %), à la non-conformité d’actions et des programmes (20 %) et 5 % de divers (dont 0,2 % conséquence d’une initiative directe du programme par un laboratoire pharmaceutique).

Les conseils nationaux de Formation Médicale Continue (FMC) avaient également éliminé environ 20 % des actions de FMC essentiellement pour la même raison c’est-à-dire la création par l’industrie pharmaceutique de ces actions donc avec un conflit d’intérêts potentiel important.

LES DIFFICULTÉS JURIDIQUES, FINANCIÈRES ET ÉVALUATIVES

LA DIVERSITÉ DES ACTIONS D’ACCOMPAGNEMENT : UNE DIFFICULTÉ JURIDIQUE

Le rapport complémentaire remis à la Ministre en juin 2010, un an après la parution de la loi répondait à la nécessité de clarifier les actions d’accompagnement.

L’accompagnement permettait aux associations de malades de s’insérer dans le dispositif lors du dépôt du projet de Loi du gouvernement : mais lors des travaux de la Loi au Parlement, les amendements déjà indiqués ont porté principalement sur l’absence de liens directs entre les entreprises de biens et services et les patients.

Classer les actions en grands types s’avère complexe et il est préférable de raisonner sur les acteurs :

— les actions de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO) ;

La CNAMTS a, par exemple, développé une plateforme de réponse téléphonique destinée aux patients diabétiques (Sophia).

— les actions des Assurances Maladies Complémentaires (AMC) ;

Elles proposent des actions allant de l’information (sur le coût des biens et services, sur la prise en charge d’une pathologie) à des conseils de soins ou de prise en charge personnalisée. Des sites internet ont été créés à cet effet.

Les actions des associations de patients destinées aux membres adhérents, mais aussi aux patients atteints de la même pathologie.

Elles offrent une riche palette d’intervention :

— information sur la maladie ;

— information sur la prévention secondaire ;

— formation aux traitements et aux effets secondaires ;

— renforcement des capacités de l’individu confronté à la maladie par des réunions entre patients, ….

— des moments de convivialité.

 

Les actions des entreprises de biens et services médicaux ont deux objectifs, d’une part chercher à diversifier les produits offerts, d’autre part informer sur la mise en place de certains matériels.

Ces deux exemples nécessitent une approche radicalement différente sur le mode de contrôle ou de régulation.

Des actions proposées par des groupes identifiés, parfois associatifs mais sans lien avec les patients peuvent apporter des conseils et avis qui ne sont ni examinés ni mis en cause, ni régulés. Le développement massif de l’utilisation d’internet en particulier peut être une base d’information au contenu non vérifié.

La véritable inquiétude des actions d’accompagnement dépend des auteurs et des messages délivrés, en d’autres termes, le risque est une dérive commerciale ou sectaire [12].

LE FINANCEMENT DES ACTIONS D’ÉDUCATION THÉRAPEUTIQUE

Mécanisme de financement actuel

L’ARS autorise les actions d’éducation thérapeutique, mais leur financement n’est pas assuré pour autant et de multiples sources de financement coexistent : Mission d’Intérêt Général et d’Aide à la Contractualisation, financement par la tarification à l’activité concomitamment avec d’autres prestations, fonds nationaux de prévention dont ceux des organismes d’Assurance Maladie Obligatoire, mais aussi des financements dans le cadre des expérimentations de l’article 44 dans la loi de financement de la sécurité sociale de 2008, proposant « de nouveaux modes de rémunération des professionnels de santé complétant le paiement à l’acte ou s’y substituant sur le fondement d’une évaluation quantitative et qualitative de leur activité ».

Cet ensemble très hétérogène fera l’objet d’enquêtes nationales par la Direction Générale de l’Offre de Soins (DGOS) pour préciser l’importance des sources de financement.

Les sources indiquées dans le rapport de 2008 étaient approximatives et les rapporteurs demandaient une clarification du champ, c’est-à-dire des acteurs, et de leur participation respective.

Les propositions retenues dans le rapport

Un financement adapté aux besoins : en effet l’éducation thérapeutique permet une amélioration de la vie. Or, la transition épidémiologique a modifié le profil de la morbi-mortalité en France par un contrôle des pathologies aigües d’origine infectieuse, et par l’émergence du vieillissement global de la population touchée par des affections chroniques. La responsabilité du patient devient un élément clé pour les soins.

 

Des moyens financiers clairement identifiés

Les propositions retenues par la mission concernent [11] :

— Un financement unique au niveau régional, l’ARS.

Le financement doit pouvoir identifier l’ensemble des prestations offertes, favoriser le développement de prestations encore inexistantes ou insuffisantes, mais aussi vérifier la qualité de cette prestation préalablement à leur couverture financière.

— Un financement des acteurs par le biais des prestations réalisées.

Le financement à l’activité devrait s’appuyer sur des tarifs de prestations couvrant l’ensemble des activités effectuées hors milieu hospitalier.

— Les sources de financement au niveau national.

Les financements actuels seraient préservés tels qu’ils existent mais un fonds avait la préférence de la mission, abondé par l’existant, auquel de nouvelles sources de financement pouvaient se joindre.

L’État lui-même peut l’abonder pour la prise en charge éducationnelle d’une pathologie ou d’un risque sanitaire inhabituel, devant une menace grave.

L’industrie du médicament et des autres biens médicaux peuvent contribuer à financer ce fonds national destiné à l’éducation thérapeutique. Cet « investissement » présente l’avantage de contribuer à l’adhésion du patient au projet de soins, en lui apprenant le mécanisme de certains soins complexes et en favorisant une meilleure observance. Un lien serait tissé entre l’efficacité et l’efficience. Les membres de la mission ont suggéré de diminuer le financement de la visite de l’industrie pharmaceutique au profit d’une contribution à ce fonds national.

Des taxes sur les produits de consommation aggravant certaines pathologies sont citées en particulier une taxe nutritionnelle Les collectivités locales ou régionales peuvent abonder le financement national.

Pour elles, un lien entre le financement et son affectation peut être accepté.

Les principes au niveau macro-économique

Le développement des programmes d’ETP est inéluctable mais en raison même de leur extension, les principes devront être :

— une régulation à la fois en fonction des besoins et de la qualité des prestations ;

— une homogénéité sur le plan national et une allocation à toutes les structures privées, publiques ou associatives ;

— une transparence pour les équipes ;

— une pérennité sur une durée de quatre à cinq ans.

Pour un séjour hospitalier de plus de vingt-quatre heures, deux options peuvent être utilisées.

 

D’une part, la création d’un Groupe Homogène de Séjour (GHS) spécifique pour les activités d’éducation thérapeutique en court séjour ou en Soins de Suite et de Réadaptation (SSR). Un lien entre équipes médicales du service de court séjour et du service de soins de suite devrait alors être renforcé.

D’autre part, la création d’un financement spécifique complémentaire à la facturation du séjour basée sur le coût des actions d’ETP.

Pour les programmes développés en ambulatoire la rémunération par séance et par patient serait plus favorable en cas de nombreux patients suivis dans une même structure (centre hospitalier local, maisons de soins pluridisciplinaires,…) et permettrait de recevoir d’autres patients ambulatoires, venant d’autres institutions ou isolés.

Une rémunération forfaitaire par programme et par patient : cette hypothèse implique une faible variabilité de la durée du programme. Ce type de rémunération pourrait être ajusté sur la gravité du stade de la maladie et sur la complexité de la situation du patient. Chaque programme bénéficierait d’un financement spécifique.

Par ailleurs, pour ce qui concerne les activités médicales conduisant au diagnostic éducatif et au suivi du programme d’ETP, activités auxquelles peut participer le médecin traitant, il est impératif que la classification des actes cliniques, (CCAM) en cours d’élaboration, puisse les valoriser.

UN SYSTÈME CONSTRUIT ET ÉVALUÉ

L’élaboration d’un référentiel de compétences par l’INPES pour des professionnels au service de l’ETP.

Ce référentiel définit les compétences nécessaires en proposant des énoncés clairs, partagés par tous, sans esprit partisan, utilisables par les professionnels et les unités de formation.

La mission différenciait deux niveaux de formation, des soignants éducateurs directement au contact du patient ou de sa famille, et un coordonnateur, pour concevoir le programme d’ETP. Une formation courte pour les premiers, plus longue pour les seconds paraissait souhaitable tout en reconnaissant qu’une validation des compétences déjà acquises soit possible de façon à ne pas obliger une redondance ou la non-reconnaissance d’un travail déjà réalisé.

Développer un nouveau métier d’éducateur en ETP apparaît inutile. Au contraire, comme l’ETP est intégré dans le parcours de soins d’un patient, ce sont les compé- tences de l’équipe soignante qui seront développées. Les qualités d’éducateur seront d’autant plus reconnues que l’exercice professionnel antérieur ou simultané à la fonction d’enseignant leur permettra de saisir les connaissances indispensables, compréhensibles et adaptées au patient.

 

La diversité des métiers permet ainsi de s’adapter à la formation d’ETP, et certains professionnels particulièrement à l’aise dans la relation interindividuelle et souhaitant avoir une activité mixte peuvent être sollicités.

L’évaluation des programmes d’ETP

Cette évaluation est dévolue à la HAS, pour une double mission, d’une part la création d’un guide méthodologique d’éducation thérapeutique du patient réalisé en 2007 et d’autre part les missions générales d’expertise de la HAS.

Actuellement, la HAS propose des méthodes et des outils (indicateurs simples pour l’autoévaluation annuelle) ; les modalités de l’évaluation quadriennale sont en élaboration, mais dès à présent une aide à l’évaluation de la demande d’autorisation a été proposée par la HAS aux ARS en 2010.

L’évaluation des programmes est nécessaire certainement de façon générale, tout en tenant compte des spécificités du domaine traité.

CONCLUSION

L’éducation thérapeutique se développe à tous les niveaux du système de soins. Elle correspond à un besoin, souhaité par les patients, mais aussi par les professionnels de santé qui la considèrent comme complémentaire aux soins, tout en espérant des ressources supplémentaires. A l’heure actuelle, le déséquilibre de l’Assurance Maladie rend ce financement aléatoire ce qui implique un élargissement des ressources.

Des actions et des programmes sont développés, évalués et pris en charge mais il est également indispensable de vérifier la bonne utilisation des moyens de façon à ne pas remplir des programmes d’ETP avec des personnes trop hétérogènes, en connaissances de la maladie ou en capacités d’apprentissage.

Efficacité, efficience et bonne utilisation sont comme partout dans le système de soins les clés d’un développement sain.

Toutefois l’ETP ne peut être une alternative à une diminution de la prise en charge financière par l’Assurance Maladie. Si un lien peut être fait entre les deux, ce n’est que par l’efficience de l’ETP qui permet de diminuer les complications et les soins inappropriés.

BIBLIOGRAPHIE [1] Assal J.P. — Traitement des maladies de longue durée : de la phase aiguë au stade de la chronicité : une autre gestion de la maladie, un autre processus de prise en charge. Encycl. Méd.

Chir. Thérapeutique, 1996, 25005-A10, 13-30.

[2] Assal J.P., Golay A. — Le suivi à long terme des patients chroniques : les nouvelles dimensions du temps thérapeutique. Rev. Méd. Suisse., 2001, 2353.

[3] Bartlett E.E. — Behavioral diagnosis : a practical approach to patient education.

Pat. Educ.

 

Couns. Healt Educ. 1982, 4(1) , 205-210.

[4] Décrets et arrêtés portant sur l’ETP paru au Journal Officiel le 4 juillet 2010 Décret no 2010-904 du 2 août 2010 relatif aux conditions d’autorisation des programmes d’éducation thérapeutique du patient. Décret no 2010-906 du 2 août 2010 relatif aux compétences requises pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient. Arrêté du 2 août 2010 relatif aux compétences requises pour dispenser l’éducation thérapeutique du patient. Arrêté du 2 août 2010 relatif au cahier des charges des programmes d’éducation thérapeutique du patient et à la composition du dossier de demande de leur autorisation.

[5] Développement des programmes d’éducation du patients, deux ans après la loi HPST : quel bilan dans le cadre du plan national pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques, Colloque du 29 juin 2011, ministère chargé de la santé.

[6] D’Ivernois J.F., Gagnayre R. — Apprendre à éduquer le patient. Approche pédagogique.

(Éditions Maloine, 2e edit.), 2004.

[7] Gagnayre R., Marchand C., Pinosa C., Brun MF., Billot D., Iguenane J. — Approche conceptuelle d’un dispositif d’évaluation pédagogique du patient. Pédagogie médicale , 7 , 31-42.

[8] Loi no 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relatives aux patients, à la santé et aux territoires. Journal Officiel de la République française, 22 juillet 2009.

[9] Plan pour l’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladies chroniques 2007-2011. — Ministère de la Santé et des Solidarités. Paris. 2007.

[10] Programmes de formation continue pour professionnels de soins dans le domaine de la prévention des maladies chroniques. — Organisation mondiale de la santé. Bureau Régional pour l’Europe. Copenhague, 1998.

[11] Saout C., Charbonnel B., Bertrand D., Cecchi Tenerini R., Geoffroy B. — Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient. Rapport remis à la ministre de la Santé, de la Jeunesse, des Sports et de la vie Associative, 2008.

[12] Saout C., Charbonnel B., Bertrand D., Verrier B. — Pour une politique nationale d’éducation thérapeutique du patient. Rapport complémentaire des actions d’accompagnement.

Rapport remis à Bachelot-Narquin, ministre chargée de la Santé. Juin 2010.

[13] Société française de santé publique, coordination : Bourdillon F., Collin JF. — Dix recommandations pour le développement des programmes d’ETP en France, 13 juin 2008.

[14] Structuration d’un programme d’éducation thérapeutique du patient dans le champ des maladies chroniques, Guide méthodologique HAS-INPES, Saint-Denis la plaine HAS, juin 2007.

DISCUSSION

M. Bernard CHARPENTIER

Comment peut-on gérer les informations, plus ou moins fausses, que les patients ont sur internet et google en particulier, connaissant le curriculum vitae du médecin et « tout » sur leur maladie avant de rentrer dans le boxe de consultation ? Et qui peut évaluer l’éducation thérapeutique ?

Les informations circulant sur internet peuvent provenir de nombreux sites. Certains sont contrôlés par l’initiateur du projet, d’autres juxtaposent des documents d’origine parfois incertaine avec peu ou pas de vérification. Mais outre l’absence de qualité, la crainte majeure concerne les dérives commerciales et sectaires qui peuvent hypothéquer la relation médecin-malade. La connaissance même correcte, issue d’articles de vulgarisation ou de sites compétents ne permet pas au patient, de connaître le traitement approprié et son utilisation optimale. L’expérience professionnelle du médecin pour chaque cas est la seule référence. Par contre, les informations connues préalablement peuvent nécessiter un temps d’explication et de rectification pour éliminer toute ambiguïté. Pour le VIH, c’est un élément de fond de la prise en charge du patient. Le curriculum vitae du médecin n’est que rarement disponible, mais cela peut engendrer une difficulté supplémentaire. L’évaluation de l’éducation thérapeutique doit être réalisée selon les méthodologies de l’HAS et vérifiée par les agences régionales de santé (ARS) lors de l’agrément.

M. Jean-Étienne TOUZE

Ne craignez-vous pas que l’éducation thérapeutique, qui doit être effectuée par le plus grand nombre d’établissements de santé, ne soit finalement réussie qu’à l’hôpital public qui récupère l’essentiel des moyens humain et financier… ?

L’éducation thérapeutique doit être partagée par l’ensemble du système de soins hospitaliers ou en médecine ambulatoire, sans aucune discrimination. Seules la qualité de la prestation, et son efficacité doivent être prises en compte. Le financement par action est probablement celui qui évite une hétérogénéité entre le secteur privé et le secteur public.

M. Charles-Joël MENKÈS

Nous avons l’expérience de l’éducation thérapeutique pour la polyarthrite, les arthroses, l’ostéoporose. Dans les années 80, grâce à Janine-Sophie Lequintrec-Giraudet, titulaire d’une maîtrise de communication, nous avons introduit l’éducation thérapeutique bénévolement et avec succès. L’évaluation a confirmé, par la suite, l’intérêt de l’éducation thérapeutique dans notre domaine.

En rhumatologie, dans les pathologies décrites, l’éducation thérapeutique apporte effectivement des éléments indispensables pour permettre la meilleure qualité de vie possible sur le long terme en améliorant l’observance, la prise en compte de l’environnement, et la diminution des incidents. Ceci a été démontré en particulier par votre médecin à l’hôpital Cochin, il y a déjà longtemps.

 

<p>* Conseiller Médical auprès de la Directrice Générale, Centre de Gestion des Praticiens Hospitaliers, des Personnels de Direction de la Fonction Publique Hospitalière, CNG Le Ponant B, 21 rue Leblanc — 75015 Paris, e-mail : veronique.ridolfi@sap.aphp.fr Tirés à part : Professeur Dominique Bertrand, même adresse Article reçu le 21 septembre 2011, accepté le 3 octobre 2011</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, no 7, 1491-1505, séance du 4 octobre 2011