Le 19 février 2002 l’Académie nationale de médecine a consacré une séance au thème « Drogues illicites d’aujourd’hui et santé ». Elle a pris acte, avec une grande inquiétude, de l’évolution actuelle de l’usage de cannabis (début à un âge de plus en plus précoce ; accroissement considérable du nombre de consommateurs réguliers ou intensifs ; apparition de produits dont la teneur en principe actif est beaucoup plus élevée qu’autrefois, cause accrue de toxicité et de dépendance ; association habituelle à l’alcool, au tabac et parfois à d’autres drogues illicites). Ces modifications de la consommation de cannabis favorisent l’apparition d’importantes anomalies comportementales (pouvant aboutir à la désinsertion sociale), de manifestations psychotiques ainsi que d’altérations organiques. De plus les recherches neurobiologiques ont permis de mettre en évidence l’existence de liens entre les récepteurs cérébraux aux cannabinoïdes et aux opioïdes, ainsi que l’augmentation de l’appétence envers l’alcool provoquée par la stimulation des récepteurs aux cannabinoïdes.
L’Académie note d’autre part l’augmentation de la consommation de certaines drogues (ecstasy, crack), l’apparition de drogues de synthèse nouvelles, ainsi que le développement de l’utilisation simultanée de plusieurs drogues. Elle remarque enfin que l’évocation d’un éventuel effet thérapeutique du cannabis ne repose à l’heure actuelle sur aucune méthodologie probante.
Ces constatations conduisent l’Académie à émettre les recommandations suivantes :
— mettre en garde contre toute banalisation du cannabis
La tendance actuelle à sa banalisation résulte, en effet, d’une information tronquée ou partiale, occultant les sévères altérations de la santé que favorisent largement les changements récents portant aussi bien sur les modalités de consommation du cannabis que sur les produits utilisés et leur concentration en principe actif ;
— utiliser toutes mesures susceptibles de réduire l’offre de cannabis et autres drogues illicites, en particulier dans les établissements scolaires et lors des réunions festives (telles que les rave parties). À cet effet, maintenir l’ensemble des moyens de lutte, y compris légaux ou judiciaires, toute adaptation de ces moyens impliquant préalablement le rejet de pressions éventuelles lesquelles, sous prétexte d’extension de la liberté individuelle, pourraient favoriser l’usage de drogues ;
— préconiser la détection de l’usage de drogues (à l’aide d’un dialogue non culpabilisant) ainsi que la prise en charge précoce des consommateurs (en développant les structures médico-sociales adaptées).
Étendre cette détection à tous les accidents corporels de la circulation ou du travail, aux actes de violence, ainsi que lors de toute manifestation psychiatrique aiguë ;
— développer la recherche sur les déterminants psychosociaux de la consommation de drogues, les facteurs de vulnérabilité individuelle, ainsi que sur les altérations neurobiologiques consécutives à la prise de ces substances isolées ou en association.
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L’Académie, saisie dans sa séance du 19 février 2002, a adopté le texte de ce communiqué (1 voix contre, 2 abstentions).
* Président de la Commission V.
Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 2, 571-572, séance du 19 février 2002