Au cours de la séance du 21 mars dernier, avait été présenté à l’Assemblée par le Président de la Commission XVII un projet de définition du mot drogue, en vue de lever des équivoques fâcheuses. En raison d’objections soulevées par plusieurs confrères, la discussion fut suspendue, en attendant de nouveaux éléments de réflexion. En voici.
Rappelons tout d’abord que les préoccupations prioritaires des membres de la Commission XVII concernent le bien de la santé publique, donc seulement les emplois médicaux du vocabulaire et la qualité du langage , en dehors des utilisations de nature littéraire, voire historique.
— L’emploi du mot drogue pour désigner une « matière première naturelle servant à la fabrication des médicaments » ne cesse de perdre de l’importance pratique en raison de l’évolution actuelle des officines pharmaceutiques.
— Précisément, la lecture des textes du Code de la santé publique, sous sa forme révisée (mai 1997), est instructive : elle fait apparaître que le mot drogue relève des deux acceptions différentes, ce qui est source d’équivoque. Le Code continue de parler de drogue au sens ancien de matière première destinée à la pratique pharmaceutique : articles L4211-1, L5121-1, L5125-24, L5424-6, R5112-1, R5125-60, mais plus nombreux sont les articles traitant des substances engendrant une toxicomanie : articles L3121-3, L3121-4, L3121-5, L3411-3, R1413-26, D3121-27, R3121-33-1, R3121-33-2, R3121-33-4, R3411-11, R3411-13, R5132-104, R5132-109 .
Au sens actualisé, il s’agit donc de mesures destinées à la lutte contre les effets toxicomanogènes, tandis que, dans le sens ancien, on continue de réglementer l’utilisation des matières premières surtout végétales en vue de la fabrication de médicaments à l’officine, opération qui n’est plus qu’exceptionnelle maintenant.
Pour désigner de telles matières premières, il suffirait de proposer des expressions telles que « partie de plante », comme cela fut déjà fait dans le passé. Ce rejet de l’emploi de drogue au sens ancien s’est déjà manifesté dans les monographies de la Pharmacopée française, puis européenne ainsi que dans les textes de l’Avis aux fabricants concernant les demandes d’autorisation de mise sur le marché pour les « médicaments à base de plantes » (et non de drogues !).
Est-il nécessaire de rappeler que plusieurs instances gouvernementales ont déjà adopté une attitude réaliste, en particulier la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les toxicomanies (MILDT) ?
Dans ces conditions, nous demandons à l’Assemblée d’adopter la définition suivante :
Drogue
Substance naturelle ou de synthèse dont les effets psychotropes suscitent des sensations apparentées au plaisir, incitant à un usage répétitif qui conduit à instaurer la permanence de cet effet et à prévenir les troubles psychiques (dépendance psychique), voire même physiques (dépendance physique), survenant à l’arrêt de cette consommation qui, de ce fait, s’est muée en besoin.
A un certain degré de ce besoin correspond un asservissement (une addiction) à la substance ; le drogué ou toxicomane concentre alors sur elle ses préoccupations, en négligeant les conséquences sanitaires et sociales de sa consommation compulsive.
En aucun cas le mot drogue ne doit être utilisé au sens de médicament ou de substance pharmacologiquement active.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 28 novembre 2006, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité.
* Membre de l’Académie nationale de médecine, Président de la Commission XVII.
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 8, 1831-1832, séance du 28 novembre 2006