Communication scientifique
Séance du 15 janvier 2002

De l’assistance circulatoire au cœur artificiel

MOTS-CLÉS : insuffisance cardiaque. système assistance cardiocirculatoire.
From mechanical circulatory support to artificial heart
KEY-WORDS : heart-assist devices.. hearth failure, congestive

D. Loisance

Résumé

Divers systèmes d’assistance circulatoire sont désormais disponibles, systèmes paracorporels, ou systèmes implantables qui permettent un traitement efficace dans les situations aussi variées que l’insuffisance cardiaque terminale, échappant au contrôle médicamenteux, et le choc cardiogénique. Ces systèmes ont permis de supprimer les indications de la greffe cardiaque de sauvetage. Ils permettent soit l’attente de la greffe en dehors du milieu hospitalier pendant des mois, soit l’attente de la récupération de la fonction native, soit une vie prolongée du fait de leur implantation définitive. Ils ont considérablement réduit les indications du cœur artificiel qui serait la meilleure solution, dans des cas bien précis. De nombreuses questions, d’ordre technologique, clinique, financier et éthique doivent trouver une solution avant une diffusion très large de la méthode.

Summary

Various systems of mechanical circulatory support are now available : para-corporel devices, implantable ventricular assist devices, either portable or fully implantable. They allow treatment in a wide range of clinical indications, from untractable cardiac failure to cardiogenic shock. They are used in 3 different intention to treat : bridging to transplantation, bridging to recovery or definitive permanent implant. They are progressively becoming efficacious alternatives to cardiac transplantation. Their efficacy has reduced the actual need for a total artificial heart, which nevertheless keeps few indications. Various problems technological, clinical, economical and ethical have to be solved before a wide application of the method.

* Correspondant de l’Académie nationale de médecine .

Service de Chirurgie Thoracique et Cardiovasculaire, CNRS UMR 7054 — Association Claude Bernard, Hôpital Henri Mondor, 51 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny — 94010 Créteil.

Tél. 01 49 81 21 51 — Fax 01. 49 81 21 52. — E-mail : loisance@univ-paris12.fr.

Tirés-à-part : Professeur Daniel Loisance, à l’adresse ci-dessus.

Article reçu le 26 novembre 2001, accepté le 10 décembre 2001.

Le remplacement partiel ou complet de la fonction cardiaque a été imaginé dès le début du siècle. Carrel et Lindberg ont même évalué chez l’animal un prototype qui a permis une survie de quelques heures. Dans les années 50, Wilhem Kolf, déjà l’inventeur du rein artificiel, a mis au point divers prototypes qui, utilisés chez le veau, ont permis des survies de plus en plus prolongées, atteignant dans les années 70 plusieurs mois [1].

Les trois événements les plus marquants dans l’histoire de l’assistance circulatoire et du cœur artificiel sont intervenus aux Etats-Unis : le premier est l’observation en 1967 d’une femme, opérée pour remplacement mitral, non sevrable de la circulation extracorporelle (CEC) : de Bakey [2] utilise un système d’assistance atrio-aortique, comprenant une pompe paracorporelle pneumatique. Cette assistance permettra d’attendre quelques jours la récupération d’une fonction cardiaque autonome et donnera à la patiente une vie prolongée. Le concept d’assistance mécanique dans l’attente de la récupération est validé. Le second événement est l’implantation en 1968 par Cooley [3] d’une prothèse ventriculaire orthotopique, au décours d’une réparation complexe, dans l’attente d’une greffe cardiaque : la stratégie du « pont vers la transplantation » est née. Enfin, en 1983, de Vries implante la prothèse bi-ventriculaire de Jarvik, conçue par Kolf chez un patient qui ne peut être transplanté. Il s’agit là de la première implantation définitive d’un cœur artificiel.

Le véritable essor de l’assistance mécanique intervient en réalité au décours de cette dernière intervention. Les années 80 et 90 verront en effet se multiplier les observations cliniques, avec des systèmes variables, dans trois indications bien précises :

l’attente de la récupération, l’attente de la greffe, l’implantation définitive. En ce début du xxie siècle, plusieurs centaines de patients sont traités chaque année selon ces diverses stratégies, avec un succès grandissant, d’autant plus spectaculaire que la situation préalable à l’implantation est plus critique. L’assistance mécanique et le cœur artificiel, qui aujourd’hui facilitent la réalisation de la greffe, apparaissent de plus en plus comme une alternative crédible à la transplantation cardiaque, ou une procédure qui facilite la réalisation de la greffe.

LES DIVERS SYSTÈMES [4]

Les systèmes simples d’assistance

Ils sont au nombre de deux, la contre pulsion diastolique par ballonnet intraaortique, la dérivation veino-artérielle. La première comprend l’activation d’un ballonnet placé dans l’aorte descendante : son inflation en diastole augmente la pression dans l’aorte initiale, par voie de conséquence le débit coronaire, sa déflation en systole fait baisser la post-charge ventriculaire, donc le travail cardiaque. Son efficacité est d’autant plus grande que la pression aortique moyenne initiale est plus élevée. Elle est donc nulle en cas d’arrêt cardiaque ou d’un état de choc trop sévère.

Ce concept d’augmentation diastolique, désormais validé pour optimiser la récupé-
ration de la fonction ventriculaire, est si important qu’il sera souvent repris dans d’autres systèmes d’assistance.

La dérivation veino-artérielle n’est rien d’autre qu’une circulation extracorporelle périphérique, utilisant un circuit identique à celui empreinté en chirurgie cardiaque (un oxygénateur, une pompe) mais connecté au patient au niveau des vaisseaux fémoraux. Son intérêt est de permettre une prise en charge très rapide de la circulation. L’absence d’équipement spécifique rend par ailleurs ce type d’assistance très facilement disponible. Cependant, ce système ne permet pas une assistance prolongée au-delà de quelques jours : il s’avère donc intéressant dans les situations d’extrême urgence, dans l’attente d’une reprise de la fonction cardiaque rapide ou de la mise en place d’un système d’assistance circulatoire plus efficace, mais plus complexe et moins facilement accessible.

Les systèmes extracorporels

Un circuit comprenant des canules et une pompe extracorporelle est placé en parallèle au ventricule gauche (dérivation ventriculaire gauche), au ventricule droit (dérivation ventriculaire droite) ou des 2 ventricules (dérivation bi-ventriculaire) (Fig. 1). La pompe est soit une pompe très simple, identique à celle utilisée en chirurgie cardiaque mais son utilisation est alors limitée à quelques jours en raison du traumatisme sanguin qu’elle induit, ou une pompe plus complexe : pompe occlusive volumétrique, à diaphragme ou à sac, animée par le déplacement d’air comprimé, ou pompe centrifuge, le sang étant propulsé par la rotation d’un cône.

Ce type d’assistance est le plus souvent utilisé pour les raisons suivantes : le système est effectivement très adaptable à des conditions morphologiques et cliniques très variables. Il est par ailleurs, du fait de sa grande simplicité, d’une très grande fiabilité. Les inconvénients tiennent à la position extracorporelle des pompes, à la présence des orifices cutanés des canules, porte d’entrée de l’infection, à la nature pneumatique de la source d’énergie, encore que les progrès de la technique aient permis la mise au point de compresseurs peu encombrants, facilement déplaçables.

Divers systèmes reposant sur ce principe ont été utilisés en clinique humaine depuis le premier cas, en 1983 à San Francisco : le système Thoratec, américain, avec plus de 3 000 cas. Les systèmes allemands (Medos), japonais (Toyobo, Nippon Zeon), espagnols sont moins utilisés.

De tels dispositifs ont fait largement la preuve de leur efficacité. Ils permettent la prise en charge complète du débit cardiaque, les ventricules pouvant être soit battants, soit fibrillants, mais toujours totalement déchargés. Ceci crée les conditions les plus favorables à la récupération de la fonction native (dans 10 à 20 % des cas selon la cause de l’insuffisance cardiaque) et à la récupération des diverses fonctions d’organes. Ils permettent l’atteinte multiviscérale du choc cardiogénique initial corrigée, la récupération d’un bon état général, la mobilisation du patient et le retour à une bonne trophicité musculaire, créant ainsi les conditions les plus favorables à la

Fig. 1. — Système d’assistance ventriculaire gauche (DVG, et bi-ventriculaire.

Les canules traversent la paroi et connectent le système vasculaire à une (ou deux) pompes occlusives, paracorporelles. La commande est pneumatique, l’air comprimé fourni par la console para-corporelle. La localisation extracorporelle de la (ou des) pompes et l’encombrement de la console gênent la vie en dehors de l’hôpital.

greffe cardiaque. La durée d’utilisation moyenne de ces systèmes dépasse aujourd’hui les 100 jours. Les risques de complications, irréversibilité des lésions viscérales initiales, infection, accident hémorragique ou thromboembolique sont de l’ordre de 25 %, en régression constante. Les chances de succès de la greffe dans de telles conditions sont voisines de celles d’une greffe chez un malade ambulatoire, stable, en attente à domicile (80 % à un an), très supérieures aux chances de succès d’une greffe en extrême urgence, chez un malade en état de choc (50 % seulement).

Les chiffres illustrent bien l’intérêt de ces systèmes dans la réhabilitation avant la greffe des malades les plus sévèrement atteints, les plus instables. Ils expliquent aussi que l’indication de la greffe de sauvetage est aujourd’hui devenue exceptionnelle, dans les services équipés de ces systèmes.

Les systèmes intracorporels

Ils sont de deux types, selon leur position par rapport au cœur natif, mais aussi selon l’objectif qui leur est assigné.

Les dérivations ventriculaires implantées

Un circuit apex ventriculaire gauche-aorte dans lequel est interposée une pompe implantable assure une décharge ventriculaire gauche complète. Du fait de la chute des résistances pulmonaires, le travail du ventricule droit est facilité. Le concept de récupération cardiaque après décharge gauche a par ailleurs été vérifié dans les contextes étio-pathogéniques particuliers où les lésions causales de la dysfonction cardiaque sont réversibles (myocardite, myocarde hibernant).

Le système peut comprendre une pompe volumétrique à commande pneumatique extracorporelle (Thermedic et Thoratec pneumatique). La pompe peut être à commande électrique, la source d’énergie étant portable à la ceinture ou en bandouliè- re (Novacor (Fig. 2), Thermedic électrique) ou elle même implantée (Lion Heart [5], Fig. 3) et rechargeable par voie percutanée. De tels circuits ont été largement utilisés en clinique humaine [6], tels les ventricules Novacor puis les ventricules Thermedic pneumatiques ou électriques. L’expérience mondiale porte sur 2 780 patients avec le système Thermedic au 1er juin 2001, sur environ 1 500 cas de Novacor à la même période.

Les contraintes d’une pompe occlusive (faible rendement, et nécessité d’équilibrer les déplacements de volume dans la pompe à l’aide d’une chambre de compliance elle-même implantée) ont justifié la recherche de nouvelles pompes. Les pompes non occlusives que sont les pompes axiales répondent à ces problèmes : une turbine, dont l’axe est tenu par des supports ou qui flotte dans un champ magnétique assure l’accélération de l’écoulement sanguin de façon continue. Ce système ne nécessite ni valves, ni système de régulation, son adaptation aux variations de la demande de débit étant automatique : le débit de la pompe est fonction des pressions d’amont.

Cette turbine (de Bakey [7], Jarvik 2000 [8], Thermedic II [9], Terumo [10]) autorise une implantation totale, la recharge de la pile implantée étant assurée par une

Fig. 2. — Système d’assistance ventriculaire gauche implantée dans la paroi abdominale. Les seuls éléments extracorporels du système portés à la ceinture sont la batterie et les systèmes de contrôle, connectés à la pompe par un câble percutané. Un tel système autorise au patient une vie autonome, hors de l’hôpital, pendant plusieurs années.

Fig. 3.— Système d’assistance ventriculaire gauche implanté totalement (système Lion Heart) : le circuit, clos, impose la chambre de compliance (a) pour équilibrer le déplacement du volume d’éjection systolique. La pile primaire et le système de transfert d’énergie percutané sont implantés.

Fig. 4. — Cœur artificiel « AbioCor ». Les ventricules orthotopiques et le moteur (a) sont en position orthotopique, connectés aux oreillettes (b). Le système de commande (c) et le système de transfert de l’énergie (d) sont également implantés. L’ensemble autorise une autonomie complète de quelques heures (à charge complète de la pile implantée). Hors de ces séquences, le patient est connecté à une source d’énergie portée à la ceinture.

induction transcutanée. Les premiers patients qui ont pu bénéficier de ces systèmes (100 cas de Bakey Micromed, 7 cas de Jarvik 2000, 5 cas de Thermedic II en octobre 2001) ont pu exprimer l’ampleur du progrès réalisé : une intervention moins agressive du fait de la petite taille des pompes, un confort d’utilisation supérieur à ce que permettent les pompes occlusives, mais aussi les risques particuliers liés à ces pompes (blocage par thrombose de la turbine).

Les ventricules orthotopiques

Ils requièrent une technologie plus complexe, mais un certain nombre d’avantages justifient la poursuite des recherches : leur fonctionnement est à l’évidence indépendant de l’activité cardiaque, le risque embolique est moindre du fait de la simplicité du montage. Les limites de fonctionnement des dérivations ventriculaires gauches (dysfonction droite notamment) n’existent plus. L’inconvénient théorique de ces ventricules est la plus grande complexité de l’implantation chirurgicale, l’encombrement de l’ensemble des deux prothèses ventriculaires avec le risque de compression des organes adjacents, la nécessité d’une chambre de compliance, pour équilibrer le déplacement du volume systolique.

Le système Jarvik-Cardiowest est le système le plus utilisé [11]. Près de 800 malades ont bénéficié de ce traitement, 600 avec le dispositif de première génération interdit
à l’utilisation clinique en 1992, 200 avec le Cardiowest, copie conforme du Jarvik, lui au contraire autorisé. L’expérience a confirmé la réduction du risque thromboembolique, la grande stabilité des patients mais aussi la difficulté d’une vie dépendante d’une console extracorporelle lourde, encombrante, difficilement mobilisable.

La mise au point des pompes à commande électrique est donc justifiée. Le premier prototype autorisé pour l’implantation chez l’homme est le système AbioCor [12], utilisé à Louisville en juin 2001. Depuis, 3 autres patients en insuffisance cardiaque terminale, non transplantables, ont été opérés. Ces cas initiaux qui évoluent dans l’ensemble favorablement, devraient conduire à l’augmentation du nombre des centres autorisés, si le taux de complications peut être contenu, mais un épisode ischémique cérébral au 4ème mois rappelle que les problèmes fondamentaux ne sont pas définitivement réglés.

LES INDICATIONS

La grande variété des systèmes aujourd’hui disponibles permet de couvrir l’essentiel des indications, que l’intention soit l’attente de la greffe cardiaque, la facilitation et l’attente de la récupération myocardique, une vie prolongée après une implantation définitive.

L’attente de la greffe

L’assistance circulatoire est indiquée lorsque la défaillance circulatoire est incontrôlable avec les procédures thérapeutiques conventionnelles, mais avant que ne s’installe une détérioration irréversible des grandes fonctions, la fonction cérébrale en particulier. Le délai de réflexion entre une implantation trop précoce et une implantation trop tardive est ainsi particulièrement étroit [13].

Lorsque les seuls dispositifs disponibles sont des systèmes peu confortables, comme les dérivations extracorporelles, ou agressifs du fait de l’encombrement important comme les dérivations intracorporelles utilisant des pompes occlusives, la tendance naturelle est de différer au maximum l’implantation du système. La mise au point de systèmes plus confortables, car peu volumineux, silencieux comme le permettent les turbines autorise naturellement des implantations plus précoces, voire des implantations électives chez un patient en insuffisance cardiaque terminale pas encore décompensée. Les études contrôlées, prospectives actuellement en cours apparaissent encourageantes.

Quel que soit le type de système utilisé [14], le taux de succès est très voisin, toute indication confondue : chez les patients pris en charge en choc cardiogénique, le taux de décès pendant la période d’attente sous assistance est de l’ordre de 25 %, le taux de succès de la greffe comparable à celui observé dans une greffe classique (80 % de succès à l an). Le facteur de risque essentiel est constitué par la sévérité de l’état initial et l’on peut opposer un taux d’échec supérieur à 50 % dans les indications
compassionnelles, trop tardives, à un taux de succès de 80 % dans les bonnes indications.

Le recul permet de dire que si l’assistance mécanique a supprimé l’indication de la greffe cardiaque en extrême urgence, elle ne constitue cependant pas une solution acceptable au problème de la pénurie d’organe.

L’attente de la récupération myocardique

Les techniques d’assistance peuvent à la fois autoriser la survie et créer un nouvel équilibre hémodynamique et métabolique facilitant la récupération de la fonction ventriculaire native [15]. Ceci est vu couramment dans les salles de cathétérisme où la contrepulsion diastolique est aujourd’hui très largement utilisée. Ceci est aussi démontré au décours de l’infarctus du myocarde où la réduction même minime de l’étendue de la nécrose peut permettre au malade la survie et une vie de meilleure qualité que celle d’un greffé. Les plus beaux succès de l’assistance, indiscutables, sont obtenus dans les myocardites aiguës, gravissimes, la récupération myocardique étant observée après 4 à 6 semaines d’assistance. De façon tout à fait surprenante, la prolongation de l’assistance mécanique a permis de révéler un potentiel de récupé- ration, jusque-là peu soupçonné, chez les insuffisants cardiaques chroniques. Quelques belles observations de sevrage réussi après 6 à 10 mois d’assistance chez des patients porteurs de cardiomyopathies dilatées, idiopathiques, sont aussi très encourageantes. Les progrès de la biologie moléculaire qui permettent une meilleure compréhension de cette maladie [16], aux contours encore méconnus, devraient fournir des indicateurs précis de cette récupération à l’échelon moléculaire et cellulaire. Il n’est surtout pas exclu que la thérapie génique et/ou la thérapie cellulaire appliquées pendant la période d’assistance puissent augmenter les chances de reprise fonctionnelle de ces cœurs très altérés initialement, mais mis au repos de façon prolongée.

L’implantation définitive

Elle se conçoit de deux manières :

soit l’implantation d’une dérivation ventriculaire gauche , les batteries portables à la ceinture, ou connectées à des batteries implantées. L’expérience acquise avec des systèmes à pompe volumétrique (Novacor, Thermedic II, LionHeart [5]) souligne les difficultés de la réhabilitation complète des patients, surtout si l’état initial est plus critique ou le patient plus âgé, mais surtout en raison des risques infectieux à long terme. Les résultats initiaux récemment obtenus à l’aide de systèmes comprenant des pompes non occlusives paraissent tout à fait encourageants. Quel que soit le système utilisé, l’expérience clinique souligne enfin la faisabilité et l’intérêt de l’assistance ventriculaire gauche, exclusive, permanente, définitive, alternative au remplacement cardiaque complet du fait de la récupé- ration très fréquente de la fonction ventriculaire droite.

— soit l’implantation de deux ventricules orthotopiques . Les succès récents dans ce domaine, notamment avec le cœur AbioCor, autorisent l’optimisme, en dépit des risques thromboembolique, inflammatoire et immunitaire. La relative autonomie complète, réduite à la durée de charge de la batterie primaire, reste cependant un souci.

LES PROBLÈMES POSÉS

L’expérience acquise depuis le début des années 80 permet d’identifier les problèmes encore mal maîtrisés.

Problèmes technologiques

La technologie des pompes volumétriques elle-même est aujourd’hui bien maîtrisée, ce dont atteste le caractère exceptionnel des dysfonctions primaires de système d’assistance ou de cœurs artificiels. En revanche, la fiabilité des pompes axiales, quelles qu’elles soient, reste à démontrer. L’expérience clinique, encore restreinte, des pompes axiales de première génération, où la turbine est fixée sur des supports, confirme la nécessité d’une évolution vers les pompes sans support, où la turbine est maintenue sur son axe par un champ magnétique. Les supports sont en effet facteurs de troubles de coagulation, et par ailleurs exposés au risque d’usure mécanique.

Un second problème est constitué par la durée de charge des batteries implantées.

Cette durée contrôle la durée de la vie totalement autonome, et l’expérience montre que celle-ci, à ce jour, est encore insuffisante. Le troisième problème concerne l’impact des biomatériaux sur l’interface avec le sang : l’activation des diverses cascades, coagulation, fibrinolyse, inflammation, et des plaquettes persiste quel que soit le revêtement choisi, le risque thromboembolique reste un souci majeur, directement lié aux propriétés des surfaces, mais aussi aux caractéristiques du circuit [17].

Enfin, le comportement à long terme des surfaces reste encore mal évalué.

Problèmes cliniques

L’expérience confirme le rôle considérable de l’état du patient au moment de l’implantation ; la simplicité des suites opératoires et partant le risque vital sont fonction de la sévérité de l’atteinte des grandes fonctions, cérébrale, hépatique, rénale, pulmonaire au moment de l’implantation. Cette observation permet de souligner à nouveau le rôle déterminant du choix du moment optimal du recours à une telle procédure thérapeutique : trop tardive, l’implantation ne permet pas d’éviter le risque propre à la déchéance viscérale préopératoire, trop précoce, cette implantation peut, éventuellement, exposer inutilement le patient au risque de complications de ce traitement.

Les études randomisées, comparant de façon prospective deux groupes de patients, un premier traité médicalement, un second bénéficiant des techniques d’assistance devraient permettre d’établir définitivement ces stratégies thérapeutiques agressives.

La première étude (étude REMATCH « Randomized Evaluation of Mechanical Assistance in the Treatment of Congestive Heart failure ») est à cet égard particulièrement intéressante, et ce pour au moins trois raisons. La durée très longue qui a été nécessaire pour inclure les patients dans l’étude (68 dans le groupe médical, 69 dans le groupe assistance) est un bon reflet de l’extrême difficulté d’évaluer avec précision le pronostic chez un patient insuffisant cardiaque sévère. Par ailleurs, la très franche supériorité des résultats dans le groupe des patients assistés (la survie à 1 an est doublée) confirme l’intérêt de l’assistance. Enfin, le taux de complications iatrogènes encore excessif chez les patients en assistance justifie la poursuite des recherches : le risque infectieux [18], le risque thromboembolique [19] et le risque de dysfonction du système doivent impérativement être réduits pour convaincre la communauté médicale de l’efficacité du traitement. Le contrôle de la réponse inflammatoire [20] est également indispensable. La validation de protocoles permettant de réduire ces diverses incidences est en cours, reposant beaucoup sur une approche multicentrique, dans le cadre de grands registres [21, 22].

Pendant l’assistance, l’essentiel des difficultés est constitué par la prévention du risque infectieux et thromboembolique, ces deux risques étant par ailleurs très liés, et par le contrôle de la réponse inflammatoire. La parfaite adhésion du malade au protocole de rééducation est enfin indispensable. Ce critère, d’une évaluation prospective, toujours délicate au moment de la décision de l’assistance circulatoire, s’avère déterminant pour la qualité de la récupération et pour la bonne adaptation du malade à sa machine.

Problèmes financiers

Le coût de l’assistance mécanique, quelles que soient ses modalités, est actuellement considérable. Il comprend d’une part le coût des prothèses (de 38 112, 25 ε à 182 938, 82 ε pour les modèles les plus récents) et le coût des soins médicaux et infirmiers dans des structures hautement spécialisées. Les études de coût/efficacité et de coût/bénéfice réalisées à ce jour [23] soulignent l’importance du succès et de l’absence des complications pour maintenir les paramètres à des niveaux acceptables. Ceci dit, si les études de coût efficacité ont un intérêt considérable, chez un patient donné, dans le choix des traitement, la valeur nominale des coûts bruts reste un problème considérable, surtout dans un système de santé reposant sur le budget global, et dans les systèmes où aucun organisme n’intervient dans la prise en charge des prothèses.

L’ampleur des coûts à consentir conduit à un problème éthique délicat : il existe en effet, du fait des coûts élevés, un conflit évident entre l’éthique individuelle, où chaque patient a droit aux soins les plus efficaces, quels que soient les coûts, et l’éthique collective, où la Société a pour obligation d’offrir ces soins à tous sans
discrimination. Les évaluations du marché de l’assistance dans toutes ses modalités, environ 2,5 milliards de dollars pour les seuls États-Unis, donnent une bonne indication de l’importance de cette question.

BIBLIOGRAPHIE [1] Olsen D.B. — The total artificial heart : a research tool or potential clinical reality.

In Assisted

Circulation, F. Unger ed. Dpringer-Verlag, 1979, 283-306.

[2] De Bakey M.E. — Left ventricular bypass pump for cardiac assistance. Am J Cardiol , 1971, 27 , 3-10.

[3] Cooley D.A. — The total artificial heart as a bridge to transplantation : personal recollections.

Tex Heart Inst J, 2001, 28 , 200-202.

[4] Loisance D. — Assistance circulatoire et Cœur artificiel.

Enclycolpédie Médico-Chirurgicale , 2001, 11-038-E-10, 1-6.

[5] Mehta S.M., Pae W.E. Jr., Rosenberg G., Snyder A.J., Weiss W.J., Lewis J.P, Frank D.M., Pierce W.S. — The Lion Heart LVD 2000 : a completely implanted left ventricular assist device for chronic circulatory support. Ann Thor Surg, 2001, 71 , supp. III, S156-S161.

[6] Loisance D., Cooper G.J., Deleuze P.H., Castanié J.B., Mazzucotelli J.P., Abe Y., Bajan G., Le Besnerais P. — Bridge to transplantation with the wearable Novacor left ventricular assist system : operation technique. Eur J Cardiothoracic Surg , 1995, 9, 95-98.

[7] Noon G.P., Morley D.L., Irwin S., Abdelsayed S.V., Benkowski R.J., Lynch B.I. — Clinical experience with the Micromed De Bakey ventricular assist device. Ann Thorac Surg, 2001, 71 , suppl .III, S133-S138.

[8] Frazier K.H., Myers T.J., Jarvik R.F., Westaby S. — Research and development of an implantable axial flow left ventricular assist device : the Jarvik 2000 Heart. Ann Thorac Surg, 2001, 71 , Suppl. III, S125-S132.

[9] Burke D.J., Burke E., Parsaie F., Poirier V., Butler K. — The Heartmate II : design and development of a fully sealed flow left ventricular assist system. Artif Organs, 2001, 25, 380-385.

[10] Nojiri C., Kijima T., Mackawa J. et al. — Development status of Terum implantable left ventricular assist system.

Artif Organs, 2001, 25, 411-413.

[11] Joyce L.D., Johnson K.E., Toninato R.N., Cabrol C., Griffith B., Copeland J.C., Keon W.J., Pifarre R., Semb B., Dembisky W., Loisance D., Frazier O.H., Noon G., Herbert Y.

— Results of the first 100 patients who received Jarvik Total artificial hearts as a bridge to cardiac transplantation . Circulation, 1989, 80 , III-192-III-201 .

[12] Sorelle R. — Totally Contained Abiocor artificial heart implanted.

Circulation, 2001, 104,

E-9005-E9006.

[13] Loisance D., Pouillart F., Deleuze P.H., Mazzucotelli J.P., Le Besnerais P., Mourtada A. — Mechanical bridge to transplantation. When is too early, when is too late ? Ann Thorac Surg , 1996, 61, 388-90.

[14] Copeland J., Smith R.G., Arabia F.A., Nolan P.E., McCarthy M.S., Chisholm KA. — Comparison of the Cardiowest total artificial heart the Novacor LVAS and the Thoratec ventricular assist system in bridge to transplantation. Ann Thorac Surg, 2001, 71 , suppl. 3,

S92-S97.

[15] McCarthy P.M., Takagaki M., Ochiai Y., Young J.B., Takota T., Shista T., Qin J.X. — Schroeder F.F., Dchneich C.J., Fukamachi K. — Device-based charge in left ventricular
shape : a new concept for the treatment of dilated cardiomyopathy.

J Thorac Cardiovasc Surg, 2001, 122, 482-490.

[16] Mann D.L., Taegtmeyer H. — Dynamic regulation of the extracellular matrix after mechanical unloading of the failing human heart : recovering the missing link in left ventricular remodeling. Circulation, 2001, 104, 1089-1091.

[17] Houël R., Moczar M., Ginat M., Loisance D. — Pseudointima in inflow and outflow conduits of left ventricular assist system. Possible role in clinical outcome. ASAIO Journal , 2001, 47 , 275-281.

[18] Gordon S.M., Schmidt S.K., Jacobs M., Smedira N.V., Goormastic N., Banbyry M.K., Yeager M., McVarty P.M. — Nosocomial blood stream infections in patients with implantable left ventricular assist devices. Ann Thorac Surg, 2001, 72, 725-730.

[19] Koster A., Loebe M., Sodian R., Potapov E.V., Hansen R., Muller J., Mertzluf T., Crystal G.J., Hetzer R. — Heparin antibodies and thrombo-embolism in heparin coated and non-coated ventricular assist devices. J Thorac Cardiovasc, 2000, 121, 331-335.

[20] Baufreton C., Moczar M., Intrator L., Jansen P.G.M., Te Velthuis H., Le Besnerais P., Farcet J.P., Wildevuur C.H.R., Loisance D. — Inflammatory response to cardiopulmonary bypass using two different types of heparin-coated extracorporeal circuits. Perfusion , 1998, 13 , 419-427.

[21] Stevenson L.W., Kormos R.L., Bourje R.C. — Mechanical cardiac support 2000 : current applications and future trial design. J AM Coll Cardiol, 2001, 37, 3406370.

[22] Kirklin J.K. — The importance of the mechanical circulatory support database : a plea for commitment. J Heart Lung Transplant, 2001, 8, 803-804.

[23] Beyersdorf F. — Economics of ventricular assist devices : European view.

Ann Thorac Surg, 2001, 71 suppl. III, S192-194.

DISCUSSION

M. Alain RÉRAT

Quel est l’avenir des xénogreffes en comparaison avec l’élaboration de ces cœurs artificiels de plus en plus sophistiqués, et constituant une superbe technologie ?

Les xénogreffes constituent effectivement, à côté de cœurs artificiels, une alternative à la greffe cardiaque homologue. La mise au point de porcs transgéniques dits « humanisés » a permis les premiers cas de xénogreffe cardiaque dans les années 1990 : il semble que les manifestations du rejet aigu de xénogreffe peuvent être atténuées. Malheureusement, les programmes de recherche ont été suspendus, par précaution, devant une certaine inconnue quant aux risques de transmission de maladies encore inconnues chez l’homme.

Bull. Acad. Natle Méd., 2002, 186, no 1, 59-71, séance du 15 janvier 2002