Résumé
La chaîne respiratoire a pour rôle essentiel la synthèse d’ATP nécessaire à toutes les cellules de l’organisme. Les présentations cliniques des cytopathies mitochondriales intéressent des organes apparemment sans relation, le plus souvent avant l’âge de un an, mais il existe des atteintes d’organe isolées telles une myocardiopathie ou une insuffisance hépatique, et les premiers symptomes peuvent commencer à n’importe quel âge y compris à l’âge adulte. La variabilité clinique des cytopathies mitochondriales est due au caractère ubiquitaire de la chaîne respiratoire mitochondriale. L’investigation des maladies mitochondriales se fait à trois niveaux, métabolique, biochimique et génétique. L’investigation métabolique apporte des arguments en faveur d’une cytopathie mitochondriale, en particulier lorsqu’elle met en évidence une acidose lactique. Son absence n’élimine cependant pas le diagnostic. Seules les investigations enzymatiques et moléculaires confirment le diagnostic, en particulier par l’étude enzymatique des différents complexes de la chaîne respiratoire à partir de mitochondries isolées du ou des tissus atteints. Les différentes protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale étant codées en partie par le génome mitochondrial et en partie par des gènes nucléaires, un déficit de la phosphorylation oxydative peut avoir une origine soit mitochondriale soit nucléaire. Il peut s’agir soit de mutations ponctuelles ou de délétions de l’ADNmt, soit de mutations siégeant dans des gènes nucléaires codant pour des sous-unités de la chaîne respiratoire, soit encore de mutations dans des gènes participant à la mise en place et au contrôle de la chaîne respiratoire et de l’ADNmt. * Pédiatrie, Hôpital Necker-Enfants malades, INSERM U393, 149 rue de Sèvres, 75743 Paris cedex 15 ** INSERM U393, Hôpital Necker-Enfants malades Tirés à part : Professeur Arnold Munnich, adresse ci-dessus. Article reçu et accepté le 13 janvier 2008
Summary
The main role of the respiratory chain is to synthesize the ATP required by all cell types. Mitochondrial disorders can affect apparently unrelated organs, usually before age 1 year, although isolated organ involvement is also seen (myocardiopathy, liver failure, etc.) and clinical onset can occur throughout life. The clinical variability of mitochondrial disorders is due to the ubiquitous nature of the mitochondrial respiratory chain. Mitochondrial disorders are studied at the metabolic, biochemical and genetic levels. Metabolic investigations can assist with the diagnosis, especially when they reveal lactic acidosis (although the absence of lactic acidosis does not rule out the diagnosis.) Enzymatic and molecular investigations are required to confirm the diagnosis, especially through enzyme studies of the different complexes of the respiratory chain in isolated mitochondria or affected tissues. The different proteins of the mitochondrial respiratory chain being encoded partly by the mitochondrial genome and partly by nuclear genes, abnormal oxidative phosphorylation can originate either in the mitochondria or in the nucleus. These genetic lesions can be point mutations or deletions of mtDNA, mutations of nuclear genes encoding subunits of the respiratory chain, or mutations in genes participating in the function and control of the respiratory chain and mtDNA.
INTRODUCTION
Les cytopathies mitochondriales regroupent une grande variété de pathologies dont le dénominateur commun est un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale. La chaîne respiratoire a pour rôle essentiel la synthèse d’ATP nécessaire à toutes les cellules de l’organisme [1]. Cette synthèse se fait à partir de cinq complexes multienzymatiques localisés dans la membrane interne de la mitochondrie. Le rôle central des mitochondries et la complexité de leur organisation, faisant intervenir de multiples enzymes et plusieurs centaines de gènes, expliquent la sévérité et la grande fréquence des cytopathies mitochondriales parmi les maladies métaboliques.
PHYSIOLOGIE
La mitochondrie occupe une place centrale dans le métabolisme intermédiaire.
D’une part, elle est le siège des nombreuses réactions du catabolisme cellulaire, telles celles conduisant à l’oxydation des acides gras (B-oxydation), des acides carboxyliques dérivant des sucres (cycle de Krebs) ou des acides aminés. D’autre part, elle contrôle les réactions anaboliques (synthèse) de la cellule par l’intermédiaire de la synthèse d’énergie sous forme d’ATP. Ces réactions d’oxydation et de synthèse d’ATP sont étroitement couplées à travers les processus de la phosphorylation oxydative. La phosphorylation oxydative a lieu au niveau de la chaîne respiratoire située dans la membrane mitochondriale interne [1]. Elle fait intervenir d’une part des réactions d’oxydation qui aboutissent à une consommation d’oxygène, d’autre part une réaction de phosphorylation de l’ADP intramitochondrial en ATP. La chaîne respiratoire est composée de cinq complexes multi-enzymatiques qui fonctionnent comme transporteurs d’électrons: le complexe I (NADH-CoQ réductase, près de quarante sous-unités), le complexe II (succinate-CoQ réductase, quatre sous-unités), le complexe III (ubiquinone-cytochrome c réductase, onze sousunités) et le complexe IV (cytochrome c oxydase, treize sous-unités). Enfin, le complexe V, ou ATPase (quatorze sous-unités), assure la synthèse de l’ATP à partir de l’ADP et du phosphate inorganique dans la matrice mitochondriale (Fig. 1).
En outre, la mitochondrie intervient de façon déterminante dans l’homéostasie cellulaire de nombreux cations, en particulier du calcium, mais également dans les phénomènes primaires contrôlant l’entrée des cellules dans les voies de l’apoptose et de la nécrose.
Les symptomes observés au cours d’une anomalie de la chaine respiratoire mitochondriale peuvent être rapportés d’une part à la carence en ATP nécessaire à toutes les cellules de l’organisme, insuffisamment compensée par la production énergétique de la glycolyse anaérobie, d’autre part à la formation de radicaux libres et à l’accumulation de substrats en amont du blocage métabolique, responsables de l’acidose. Les radicaux libres ont une toxicité sur les membranes lipidiques et une action mutagène sur l’ADN mitochondrial.
Chaque cellule humaine possédant de plusieurs dizaines à plusieurs milliers de mitochondries et chaque mitochondrie plusieurs copies d’ADNmt, une même cellule peut contenir à la fois des molécules normales et des molécules mutées : on parlera d’hétéroplasmie. Au cours des divisions cellulaires, les molécules mutées et normales sont distribuées au hasard dans les cellules filles et leur proportion peut être très variable d’une cellule à l’autre, d’un organe à l’autre, et peut varier également au cours du temps au sein d’un même organe : c’est la ségrégation mitotique. Le génotype d’une cytopathie mitochondriale liée à un défaut de l’ADNmt se définit d’une part par la présence de la mutation, d’autre part par le pourcentage de molécules mutées dans un tissu. Ce pourcentage variant d’un tissu à l’autre et au cours du temps, l’hétéroplasmie est à la base de l’hétérogénéité clinique observée chez ces patients. Ainsi dans le syndrome de Pearson, lié à une délétion de l’ADNmt [2], les patients non décédés d’infections ou de leur atteinte hépatique et digestive évoluent vers une encéphalopathie. Le pourcentage de molécules délétées diminue au cours du temps dans les tissus sanguins et augmente dans le muscle [3-5].
Cependant, les différentes protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale sont codées en partie par le génome mitochondrial et en partie par des gènes nucléaires, un déficit de la phosphorylation oxydative peut avoir une origine soit mitochondriale soit nucléaire. La molécule d’ADNmt est circulaire, bicaténaire, très compacte, et elle possède son propre code génétique [6]. Les gènes qui la composent sont sans introns : 13 gènes codant des protéines de la chaîne respiratoire, 22 gènes d’ARN de transfert et 2 gènes d’ARN ribosomaux. Avec le recul du temps, il apparaît que l’ADN mt ne rend compte que d’une fraction minoritaire des mitochondriopathies : pas plus de 10 % en moyenne. Aussi, la variabilité clinique des cytopathies mitochondriales n’est pas tant due à l’hétéroplasmie qu’au caractère ubiquitaire de la chaîne respiratoire mitochondriale. Curieusement, les cytopathies
Tableau I. — Récapitulatif des différentes présentations cliniques des cytopathies mitochondriales en fonction de l’âge d’apparition des premiers symptomes.
Période • Hypotonie et grande acidose lactique néonatale avec décès dans les premiers jours de vie ou évolution favorable puis dégradation entre 6 et 12 mois de vie • Insuffisance hépatique dans les premières heures de vie, décès • Myocardiopathie hypertrophique fi syndrome de Leigh • Myocardiopathie hypertrophique et neutropénie chez les garçons (syndrome de Barth) • Myopathie, myoglobinurie • Tubulopathie proximale (syndrome de Toni-Debré-Fanconi) Enfance • Syndrome de Leigh évoluant par poussées (1 mois-2 ans) • Régression psycho-motrice, ataxie cérébelleuse, myoclonies, atteinte de la substance blanche, pseudo-accidents vasculaires • Myopathie, myoglobinuries récurrentes, myalgies • Cassure staturo-pondérale à 6 mois, vomissements, diarrhées, atrophie villositaire • Nanisme, autres manifestations • Hépatomégalie, dysfonctionnement hépato-cellulaire, syndrome d’Alpers, hypoglycémies • Myocardiopathie hypertrophique • Tubulopathie proximale (syndrome de Toni-Debré-Fanconi) • Néphropathie tubulo-interstitielle plus rarement (et encéphalopathie) • Anémie sidéroblastique, neutropénie, thrombopénie, le plus souvent associées à une insuffisance pancréatique externe (syndrome de Pearson) • Ophtalmoplégie externe, rétinite pigmentaire, ptosis de la paupière, myopathie (syndrome de Kearns-Sayre) • Diabète insulino-dépendant, diabète insipide, atrophie optique et surdité (syndrome de Wolfram) • Pigmentation anormale des régions exposées au soleil, cheveux secs, trichothidystrophie, associés à d’autres symptomes Adolescence • Myoclonies, ataxie cérébelleuse, retard psycho-moteur, leucodystrophie, et âge adulte atrophie corticale, neuropathie, pseudo-accidents vasculaires, migraines • Myopathie, faiblesse musculaire à l’effort, myoglobinuries récurrentes • Myocardiopathie hypertrophique ou dilatée, bloc cardiaque • Diabète insulino et non-insulinodépendant, fi surdité • Surdité neuro-sensorielle, fi diabète • Ophtalmoplégie externe, rétinite pigmentaire, ptosis de la paupière, myopathie (syndrome de Kearns-Sayre) • Pseudo-obstruction intestinale avec neuropathie et myopathie (syndrome MNGIE, myo-neuro-gastro intestinal encephalopathy ) • Déficit en hormone de croissance, hypoparathyroïdisme, hyperaldostéronisme
Tableau II. — Cytopathies mitochondriales dues à un réarrangement de l’ADN mitochondrial Syndrome
Anomalie mitochondriale
Phénotype clinique
Syndrome de Kearns- Délétion, sporadique ptosis, ophtalmoplégie, myoSayre pathie, rétinite pigmentaire, trouble de la conduction cardiaque Syndrome de Pearson Délétion, sporadique Anémie sidéroblastique avec vacuolisation des précurseurs, neutropénie, thrombopénie, insuffisance pancréatique externe Atrophie optique de Leber Mutation, transmission maternelle Autour de 25 ans perte brutale (LHON, Leber hereditary de la vision évoluant vers une optic neuropathy) atrophie optique Syndrome de MERRF Mutation, transmission maternelle Encéphalomyopathie avec (Myoclonus epilepsymyoclonies, ataxie, surdité et ragged red fibers) faiblesse musculaire Syndrome de MELAS Mutation, transmission maternelle Début dans l’adolescence, (Mitochondrial migraines récurrentes, vomisencephalomyopathy-lactic sements, faiblesse musculaire, acidosis-stroke-like pseudo-accidents vasculaires episodes) cérébraux, acidose lactique Syndrome de NARP Mutation, transmission maternelle Faiblesse musculaire neuro(Neurogenic ataxiagène, ataxie, rétinite pigmenretinitis pigmentosa) taire et neuropathie sensorielle, convulsion, encéphalopathie Diabète-surdité Mutation, transmission maternelle, Diabète-surdité ou délétion Déplétion de l’ADNmt Réduction de l’ADNmt induisant Myopathie ou insuffisance un déficit fi combiné des complexes hépatique I, III et IV, probable anomalie nucléaire d’un gène intervenant dans la réplication de l’ADNmt Délétions multiples Délétions multiples de l’ADNmt, Myopathie, ophtalmoplégie transmission autosomique domi- externe, surdité de perception, nante, localisations nucléaires sur les ataxie cérébelleuse, neuropachromosomes 10, 3, 4 thie Délétions multiples Mutations autosomique récessives Syndrome MNGIE : Pseudodu gène thymidine phosphorylase, obstruction intestinale avec 22q13-32, entraînant un défaut de neuropathie et myopathie synthèse de l’ADN et délétions mul- ( myo-neuro-gastro intestinal tiples encephalopathy )
Tableau III. — Cytopathies mitochondriales liées à des mutations de gènes nucléaires Complexe
Nom du gène,
Présentation clinique et déficitaire localisation et fonction nombre de patients mutés
Complexe I NDUFV1, 11q13, gène de structure Encéphalopathie fi syndrome de Leigh, 51kDa 5 patients NDUFS4, 5q11, gène de structure Syndrome de Leigh, 2 patients 18kDa NDUFS8, 11q13, gène de structure Syndrome de Leigh, myocardiopathie, leuco23kDa dystrophie, 1 patient NDUFS1, 2q33, gène de structure syndrome de Leigh fi leucodystrophie, 75 kDa 3 patients NDUFS7, 19p13, gène de structure Syndrome de Leigh, 2 patients Complexe IV Leigh :
SURF1, 9q34, gène d’assemblage Syndrome de Leigh: >50 patients Atrophie villositaire: 1 patient Autres :
SCO2, 9q34, gène d’assemblage Myocardiopathie néonatale et syndrome de Leigh, 3 patients COX10, 17p13.1-p11, gène d’assem- Tubulopathie et leucodystrophie, 1 famille blage SCO1, 17p13.1-p11, gène d’assem- Acidose lactique néonatale et insuffisance blage hépatique, 1 famille Complexe II Flavoprotéine, 5p15, protéine cataly- Syndrome de Leigh, 1 famille tique Paragangliome de transmission SDHd, 11q23, protéine de structure autosomique dominante, 3 patients Dystonie-surdité DDP1 (TIM8), 11q23, Human Deafness Dystonia:
protéine d’import progressive surdité, cécité corticale, retard psycho-moteur, dystonie, dysphagie, paranoia, 1 famille MNGIE Thymidine Phosphorylase, Syndrome MNGIE (voir tableau I), 22q13-32, synthèse de l’ADN 12 patients, avec délétions multiples de l’ADNmt Barth Tafazzin, Xq28 Myocardiopathie et neutropénie chez les garçons Déficit multiple hsp60, Acidose lactique néonatale et défaillance cardiaque Paraplégie Paraplégine, 16 Paraplégie spastique de transmission autosomique autosomique récessive Diminution de la Adenine nucleotide translocator Myocardiopathie et myopathie consommation (ANT), 4q35, transporteur à 18 mois de vie, acidose lactique d’oxygène ADP/ATP mitochondriales qui ont leur origine dans le génome nucléaire ne se présentent pas toutes avec une atteinte multiviscérale, alors que l’anomalie génétique est portée par toutes les cellules et que celles-ci nécessitent une respiration cellulaire mitochondriale.
PRÉSENTATIONS CLINIQUES Des présentations cliniques extrêmement variables
Le diagnostic de cytopathie mitochondriale était évoqué initialement pour des maladies neurologiques ou dans des syndromes variés, le plus souvent à expression neuromusculaire : syndrome de Leigh [7], maladie d’Alpers [8], myoclonusepilepsy-ragged-red fibers (MERRF) [9], mitochondrial-encephalopathy-lactic acidosis-stroke like episodes (MELAS) [10], syndrome de Kearns-Sayre [11], chronic-progressive-external ophtalmoplegia (CPEO) [12]. Elles étaient alors connues sous le nom de myopathies mitochondriales. Très vite, ce diagnostic a été évoqué devant des atteintes multiviscérales, associant des organes apparemment sans relation (association illégitime de symptomes), ce qui a amené à parler de cytopathies mitochondriales. Actuellement ce diagnostic est également évoqué devant des atteintes d’organe isolées telles une myocardiopathie ou une insuffisance hépatique [13, 14]. Ces atteintes sont résumées dans les tableaux I et II. Le tableau I décrit les manifestations cliniques observées en fonction de l’âge d’apparition des premiers symptomes. Le tableau II décrit les syndromes rapportés à un réarrangement de l’ADNmt, caractéristiques par leur présentation clinique. Le tableau III rapporte les présentations cliniques des patients chez lesquels une mutation sur le génome nucléaire a été récemment décrite. Ces atteintes sont d’évolution le plus souvent rapidement évolutive. Cependant dans de rares cas, des patients ont vus leurs symptomes régresser, voir guérir [15, 16]. L’évolution de la maladie est donc imprévisible mais le plus souvent de mauvais pronostic. Bien que la maladie puisse commencer à n’importe quel âge et qu’il existe des présentations de l’adulte, les débuts sont le plus souvent précoces, avant l’âge de un an.
Syndromes d’origine mitochondriale (Tableau II)
Des délétions de l’ADNmt ont été identifiées dans des syndromes caractéristiques cliniquement. Il s’agit — du syndrome de Kearn-Sayre associant une ophtalmoplé- gie externe et rétinite pigmentaire, éventuellement un bloc auriculo-ventriculaire, une protéinorachie et une ataxie cérébelleuse [17], — du syndrome de Pearson associant une insuffisance pancréatique externe et une anémie sidéroblastique néonatale avec neutropénie et parfois thrombopénie [18], — du syndrome de Wolfram associant un diabète insulinodépendant à début précoce, un diabète insipide, une atrophie optique et une surdité [19], — d’une atrophie villositaire [16] et/ou d’une néphropathie tubulo-interstitielle [20]. Ces délétions sont de grande taille, le plus souvent sporadiques, et emportent des gènes codant pour des protéines de la chaine respiratoire, des gènes d’ARNt, mais rarement des gènes d’ARNr. Elles sont toujours hétéroplasmiques et elles se retrouvent en quantité variable selon les tissus, surtout dans les tissus qui sont cliniquement affectés. Une même délétion peut donner des tableaux cliniques très variés comme le syndrome de Kearn-Sayre et le syndrome de Pearson. De rares cas de délétions de transmission maternelle et de transmission autosomique dominante indiquant l’intervention d’un gène nucléaire ont été décrites.
Différentes mutations ponctuelles sont aussi à l’origine de syndromes, parfois cliniquement caractéristiques. Ces mutations sont de transmission maternelle et les atteintes cliniques dépendent du nombre de molécules mutées dans chaque tissu. Le phénotype clinique s’exprime en général à partir de 80 % de molécules mutées. Les mutations peuvent toucher soit des gènes d’ARNt, soit des gènes d’ARNr, soit des gènes codant pour des protéines de la chaine respiratoire. — Plusieurs mutations ont été rapportées dans l’atrophie optique de Leber [21-24] caractérisée par une perte rapide de la vision centrale par dégénérescence du nerf optique, en moyenne vers vingt ans de vie. Des dysarythmies cardiaques peuvent être associées. L’une de ces mutations est majoritairement observée [21]. — Le syndrome MERFF ( myoclonus epilepsy-ragged red fibers ) est dû à une mutation touchant l’ARNtLys au nucléotide 8344 [25]. — Le syndrome MELAS ( mitochondrial encephalomyopathy-lactic acidosis-stroke like episodes ) associe une encéphalomyopathie avec acidose lactique et pseudo-accidents vasculaires débutant par des migraines au cours de l’adolescence. La mutation au nucléotide 3 243 dans le gène d’ARNtLeu est retrouvée dans 80 % des syndromes MELAS [26]. Cette mutation a également été retrouvée dans des tableaux de diabète et surdité de transmission maternelle [27]. — Le syndrome NARP ( neurogenic ataxia-retinitis pigmentosa ) associe une neuropathie, une ataxie, une rétinite pigmentaire, des convulsions et un retard mental ou une démence. Il est lié à une mutation ponctuelle au nt8993 dans le gène ATPase 6 [28]. Cette mutation a également été décrite dans des syndromes de Leigh [29]. — Deux mutations de l’ADNmt ont été décrites dans des tableaux de myocardiopathie [30].
Des déplétions de l’ADNmt, correspondant à une réduction majeure du nombre de molécules d’ADNmt, ont été décrites dans des tableaux de défaillance multiviscé- rale néonatale avec acidose lactique et des tableaux d’insuffisance hépato-cellulaire [31]. Ces déplétions sont parfois de transmission autosomique récessive, indiquant la présence de gènes nucléaires intervenant dans la réplication de l’ADNmt. Des déplétions sont également décrites dans des myopathies mitochondriales induites par l’AZT chez les malades atteints du Sida. Enfin, une acidose lactique a été rapportée chez des nouveaux-nés de mères traitées par l’AZT [32].
Manifestations cliniques rapportées au génome nucléaire (Tableau III)
La plupart des gènes codant pour les différentes sous-unités de la chaîne respiratoire sont connus. Cependant des mutations de ces gènes ont été rapportés à ce jour uniquement dans les déficits en complexe I [33] et II [34] de la chaîne respiratoire.
Aucune mutation n’a été rapportée dans les gènes nucléaires codant les différentes sous-unités du complexe IV alors que ces gènes ont été séquençés par différentes équipes. En revanche des mutations de plusieurs gènes d’assemblage de ce même complexe viennent d’être identifiées [35, 36]. Il est probable que bien d’autres gènes nucléaires soient impliqués dans des déficits de la chaîne respiratoire, qu’il s’agisse de gènes d’assemblage, ou de gènes codant pour des protéines chaperonnes ou d’import mitochondrial.
Le premier gène nucléaire retrouvé muté dans un déficit de la chaîne respiratoire est le gène codant pour la succinate déhydrogénase, sous-unité catalytique du complexe II, chez deux sœurs nées de parents consanguins et présentant un syndrome de Leigh [34].
Des mutations sur des gènes nucléaires codant pour des sous-unités du complexe I ont également été identifiées récemment dans un petit nombre de déficits en complexe I [33, 37]. Il s’agit des gènes codant pour les sous-unités NDUFV1, NDUFS8, NDUFS7, NDUFS1 et NDUFS4. Les présentations cliniques sont neurologiques, le plus souvent avec un syndrome de Leigh.
Si aucun gène codant pour les sous-unités du complexe IV n’a été impliqué jusqu’à présent dans des déficit en CIV, des mutations sur quatre gènes d’assemblage de ce même complexe ont été identifiées : SURF1 (méthode de complémentation fonctionnelle), COX10 (méthode de cartographie par homozygotie), SCO2 (méthode des gènes candidats) puis SCO1 (méthode de cartographie génétique). Le gène SURF1 serait muté dans près de 80 % des syndromes de Leigh rapportés à un déficit en CIV [35, 36]. Si les présentations cliniques sont essentiellement neurologiques et apparaissent dans les deux premières années de vie, nous avons un patient déficitaire du CIV avec mutation SURF1 dont la présentation clinique n’était pas celle d’un Leigh : il présentait une cassure staturo-pondérale à l’âge de six mois avec atrophie villositaire et acidose lactique. Le gène COX10, impliqué dans la farnésylation de l’hème, a été retrouvé muté dans une famille consanguine [38]. La présentation clinique était celle d’un rachitisme vitamino-dépendant par tubulopathie dans la première année de vie puis d’une régression psycho-motrice avec atteinte sévère de la substance blanche. Le gène SCO2 a été retrouvé muté dans huit familles non apparentées [39]. Les patients présentaient tous une myocardiopathie précoce et un syndrome de Leigh. Enfin le gène SCO1 a été retrouvé muté chez quatre enfants d’une même famille présentant une insuffisance hépato-cellulaire néonatale [40].
Seule l’étude systématique de ces gènes dans tous les déficits en CIV, sans préjuger des présentations cliniques, pourra préciser l’éventuelle tissu-spécificité de l’expression de ces gènes. Les gènes SCO1 et SCO2 sont impliqués dans l’import mitochondrial du cuivre. On peut s’étonner que deux gènes de fonctions proches puissent donner à l’état muté des tableaux cliniques aussi différents qu’une myocardiopathie et une insuffisance hépato-cellulaire.
Des mutations sur le gène codant pour la sous-unité SDHd ont été décrites dans des familles de paragangliomes de transmission autosomique dominante [41]. C’est la première fois qu’un déficit de la chaine respiratoire est aussi directement impliqué dans une pathologie tumorale.
D’autres gènes ont été décrits dans des déficits de la chaîne respiratoire : le gène tafazzin dans le syndrome de Barth qui associe une myocardiopathie précoce et une neutropénie chez le jeune garçon (syndrome lié à l’X) [42], le gène thymidine phosphorylase dans le syndrome MNGIE qui associe une myopathie mitochondriale, une neuropathie, une encéphalopathie et une maladie gastro-intestinale avec des diarrhées intermittentes et des pseudo-obstructions intestinales [43], le gène DDP codant pour une protéine d’import mitochondrial dans un tableau de surdité- dystonie [44], le gène codant pour la paraplégine dans un tableau de paraplégie spastique de transmission autosomique récessive [45] et le gène Hsp60 codant pour une protéine chaperonne dans un tableau de défaillance métabolique néonatale [46].
Enfin le gène ANT impliqué dans l’import mitochondrial de l’ATP/ADP a été suspecté dans plusieurs tableaux de myopathie mitochondriale.
Maladies et déficit secondaire de la chaîne respiratoire mitochondriale Enfin, il apparaît de plus en plus d’exemples montrant l’implication de la chaîne respiratoire dans certaines maladies génétiques. L’exemple le plus frappant est celui de l’ataxie de Friedreich, maladie autosomique récessive dont le gène a été identifié par clonage positionnel et qui code pour une protéine, la frataxine, dont la fonction était incomprise [47]. Des travaux entrepris chez la levure et dans des homogénats de cœurs humains ont permis de montrer que la frataxine aurait un rôle dans le métabolisme du fer mitochondrial et que son absence conduit à un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale [48]. L’autre exemple est celui des déficits de synthèse des quinones entrainant un déficit de la chaine respiratoire [49].
Manifestations anténatales
Les manifestations anténatales sont peu rapportées dans la littérature. Pourtant, compte tenu du caractère ubiquitaire de la chaîne respiratoire, celle-ci joue probablement un rôle crucial dans le développement fœtal. Le symptôme de loin le plus fréquent touche la croissance intra-utérine : un retard de croissance intra-utérin (RCIU) est identifié dans 20 % des cytopathies mitochondriales [50], le plus souvent isolé (taille et périmètre cranien normaux pour l’âge gestationel à la naissance). Les grossesses sont le plus souvent menées à terme. Rarement, les mères perçoivent des mouvements fœtaux diminués pendant le troisième trimestre. Les autres manifestations anténatales sont de deux types : dysfonctionnements d’organe (myocardiopathie, troubles du rythme cardiaque, ascite en cas d’insuffisance hépatique qui se révèlera dans les toutes premières heures de vie, hydrops fœtal par anémie) et anomalies malformatives (malformations cérébrales avec agénésie du corps calleux, leucomalacie periventriculaire [51], calcifications intracérébrales et ventricules élargis [52], malformations squelettiques avec brachydactylie, hypoplasie des phalanges, association VATER [53, 54], malformations digestives avec atrésie duodénale (et polyhydramnios), duplication du cholédoque, agénésie de la vésicule biliaire, malformations urologiques avec dilatation des cavités pyelocalicielle et de la vessie (avec polyhydramnios), microkystes [55], dysmorphies faciales [54]. Néanmoins, ni le RCIU ni les autres anomalies ne sont spécifiques d’une maladie mitochondriale.
Seuls les antécédents familiaux permettent actuellement de craindre une récidive de la maladie.
Corrélation génotype-phénotype ?
Aucune corrélation entre la clinique et les données moléculaires n’est possible. En effet, une même délétion de l’ADNmt peut donner des tableaux cliniques très différents (comme le syndrome de Kearn-Sayre et le syndrome de Pearson), ou un même tableau clinique peut être dû à plusieurs anomalies moléculaires. C’est le cas du syndrome de Leigh qui peut être rapporté à une mutation de l’ADNmt ou à une mutation de plusieurs gènes nucléaires (SURF1, SDH…), des associations diabètesurdité (mutations NARP, MELAS, délétion de l’ADNmt, ou mutation du génome nucléaire). Les présentations cliniques rapportées à l’erreur d’un même gène nucléaire semblent homogènes d’une famille à l’autre. On ne peut cependant tirer actuellement de conclusion car ceci n’est peut-être que le reflet d’un biais de sélection. L’exemple en est donné par les gènes de structure du complexe I de la chaîne respiratoire qui n’ont été étudiés que chez des patients venant d’un service de neurologie [33]. Notre exemple de patient avec présentation gastro-entérologique et mutation SURF1 semble aller contre cette homogénéité clinique.
SIGNES BIOLOGIQUES
Les signes biologiques observés dans une cytopathie mitochondriale peuvent traduire l’atteinte d’un organe liée au déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale, comme une tubulopathie ou une insuffisance hépato-cellulaire. Ils peuvent être également la conséquence du blocage de la voie métabolique de la synthèse mitochondriale de l’ATP et être liés à l’accumulation de métabolites en amont de ce déficit. Aussi, lorsqu’une cytopathie mitochondriale est suspectée devant une ou plusieurs atteintes d’organe, le bilan d’investigation doit comporter l’exploration systématique des autres organes à la recherche d’une atteinte multiviscérale et un bilan métabolique à la recherche d’une acidose métabolique et d’une accumulation de substrats en amont de la chaîne respiratoire tels que les intermédiaires du cycle de Krebs. L’acidose est due à l’accumulation d’équivalents réduits comme le NADH qui pousse à la transformation de l’acétoacétate en 3-hydroxybutyrate entraînant une élévation du rapport 3-hydroxybutyrate sur acétoacétate dans la mitochondrie [56]. De la même façon, dans le cytoplasme, la transformation du pyruvate en lactate est favorisé et le rapport lactate / pyruvate s’élève. Ceci est particulièrement vrai en période post-prandiale quand l’oxydation des substrats glycolytiques conduit à une production accrue de pyruvate. De façon similaire, le cycle de Krebs en amont de la chaine respiratoire a une activité diminuée, conduisant à une accumulation des corps cétoniques après les repas alors que ceux-ci devraient normalement diminuer en période post-prandiale sous l’action de l’insuline. On parle de cétogénèse paradoxale. Ces perturbations biochimiques qui doivent conduire à l’étude de la chaine respiratoire mitochondriale peuvent cependant manquer et leur absence n’élimine en rien le diagnostic de cytopathie mitochondriale.
DIAGNOSTIC
L’investigation des maladies mitochondriales se fait à trois niveaux, métabolique, biochimique et génétique. L’investigation métabolique apporte des arguments en faveur ou non d’une cytopathie mitochondriale. Seules les investigations enzymatiques et moléculaires confirment le diagnostic.
Investigation enzymologique
Le diagnostic des cytopathies mitochondriales repose sur l’étude enzymatique des différents complexes de la chaîne respiratoire à partir de mitochondries isolées du ou des tissus atteints. L’étude de la chaîne respiratoire mitochondriale se fait par des techniques de polarographie et de spectrophotométrie [5], à partir de mitochondries isolées de muscle, de lymphocytes entiers et de fibroblastes [57]. Grâce à une miniaturisation poussée des techniques d’analyse, l’étude spectrophotométrique est également possible à partir de microbiopsies de tissu myocardique, hépatique, rénal et intestinal [58].
Polarographie
Les études polarographiques [5] permettent de mesurer la consommation d’oxygène par des fractions enrichies en mitochondries à l’aide d’une électrode de Clark en présence de différents substrats (malate + pyruvate, malate + glutamate, succinate, palmitate…, Fig. 2A). Un déficit du complexe I se traduira par une oxydation diminuée du NADH, tandis que l’oxydation de substrats produisant du FADH2 (succinate) sera normale. La situation opposée s’observera dans le cas d’un déficit du complexe II, alors qu’un déficit du complexe III ou du complexe IV affectera l’oxydation de tous les substrats. De façon similaire dans le cas d’un déficit du complexe V, l’oxydation de tous les substrats, en présence d’ADP, sera déficitaire.
Cependant dans ce dernier cas, l’addition d’un agent découplant tel que le cyanure de carbonyle m-chlorophénylhydrazone (m-Cl-CCP) stimulera fortement les oxydations indiquant que la phosphorylation de l’ADP en ATP est l’étape limitative.
Les études polarographiques permettent de détecter non seulement des déficits de la phosphorylation oxydative, mais aussi des déficits en pyruvate déshydrogénase, en enzyme du cycle de Krebs, des défauts des transporteurs, de cofacteurs d’oxydation (coenzyme A, NAD+), puisque toutes ces anomalies conduisent également à une diminution de la production des équivalents réduits utilisés par la mitochondrie.
Ces études requéraient, il y a encore quelques années, des quantités de muscle de l’ordre du gramme (environ 2 g), mais des miniaturisations permettent maintenant d’obtenir des préparations enrichies en mitochondries à partir de petites biopsies musculaires (100-200 mg de muscle, prélevé sous anesthésie locale), ce qui permet des études polarographiques chez de très jeunes enfants. Il est également possible de faire ce type d’étude sur des lymphocytes circulants (isolés sur coussin de Ficoll à partir de 10 ml de sang) ou sur des cellules en culture perméabilisées par un détergent (lignées lymphoblastoïdes, fibroblastes). Une limite importante est d’avoir du maté- riel frais car les études polarographiques sont impossibles sur tissu congelé.
Spectrophotométrie
Les études spectrophotométriques permettent de mesurer les activités des complexes de la chaîne respiratoire seuls ou par groupe en utilisant des donneurs ou des accepteurs d’électrons spécifiques (Fig. 2B). Dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’isoler des mitochondries. En conséquence, la quantité de matériel nécessaire est beaucoup moins importante (10-20 mg) et peut être obtenue par biopsie à l’aiguille (foie, rein) ou même par biopsie endomyocardique [58]. Il est cependant indispensable que les prélèvements soient immédiatement congelés et maintenus en permanence dans l’azote liquide (ou au pire à —80° C), les enzymes de la chaîne respiratoire étant très rapidement dégradées au cours d’une mauvaise conservation.
Interprétation des résultats
Si les investigations de la chaîne respiratoire sont délicates techniquement, leur interprétation pose également des problèmes. Une activité normale de la chaîne respiratoire ne permet pas totalement d’exclure un déficit, même si le tissu étudié est celui qui exprime la maladie. Il est possible d’être en présence d’une anomalie touchant les propriétés cinétiques d’une enzyme (non décelables par les techniques utilisées) ou d’une hétérogénéité tissulaire. Il est alors indispensable de tester d’autres tissus et, éventuellement, de renouveler plus tard ces investigations.
Une anomalie des activités respiratoires n’implique pas forcément que le déficit de la phosphorylation oxydative soit primaire. En effet, des activités déficitaires de la chaîne respiratoire peuvent être secondaires à des anomalies de la β-oxydation. Il est donc utile d’étudier in vitro l’oxydation des acides gras quand la présentation clinique est compatible avec une erreur innée de cette oxydation (cardiomyopathie, défaillance hépatique).
L’identification de déficits de la chaîne respiratoire est devenue de plus en plus fiable depuis l’introduction de la notion de rapport des différentes activités enzymatiques entre elles. En effet, si les valeurs absolues de l’activité des différents complexes sont très variables, en revanche les rapports de ces valeurs absolues entre elles restent très constants quel que soit le tissu étudié (foie, muscle, cœur, lymphocytes, fibroblastes) [59]. Ceci a permis d’identifier certains déficits partiels d’un des complexes de la chaîne respiratoire dans des cas où les valeurs absolues des activités enzymatiques ne permettaient pas de le faire.
L’activité du complexe I dans les cellules entières (lymphocytes circulants ou cellules en culture) est impossible à mesurer en raison d’une importante activité NADHcytochrome c réductase contaminante dans ces cellules.
L’expression des déficits de la chaîne respiratoire dans des cellules en culture est instable et les activités reviennent à la normale quand les cellules sont cultivées dans des conditions classiques [60]. La présence d’uridine (200 μM) et de pyruvate (5 mM) dans le milieu de culture empêche une contre-sélection des cellules déficitaires et leur permet donc de pousser normalement. Il y a alors stabilisation du phénotype mutant (l’uridine indispensable à la synthèse des acides nucléiques serait en quantité limitative en raison d’un déficit secondaire de la dihydroorotate déshydrogénase couplée à la chaîne respiratoire).
De mauvaises conditions de congélation se traduisent par des pertes d’activité de la chaîne respiratoire qui peuvent mimer un déficit. Enfin, les tissus fixés pour des études de morphologie ne peuvent pas être utilisés pour l’étude enzymologique de la chaîne respiratoire.
Choix du tissu à étudier
Pour chaque malade, la question se pose de savoir quel tissu doit être étudié.
A priori , il s’agit du tissu cliniquement atteint. Ainsi, si le tissu atteint est le muscle squelettique, l’étude enzymologique se fera sur une microbiopsie de deltoïde. Dans le cas où c’est le système hématopoïétique qui est affecté (syndrome de Pearson), la chaîne respiratoire sera étudiée sur les lymphocytes circulants. Des atteintes s’exprimant de façon prédominante dans le foie ou le cœur, pourront être étudiées sur des biopsies hépatiques à l’aiguille ou des biopsies endomyocardiques. Cependant, quand des organes d’accès difficile sont touchés (cerveau, rétine, système endocrinien, muscle lisse), les investigations ne pourront se faire que sur des tissus périphé- riques (muscle squelettique, lymphocytes, fibroblastes en culture). Quel que soit l’organe atteint, il est essentiel de prélever une biopsie de peau des patients (même en post-mortem immédiat) pour de futures investigations enzymologiques ou moléculaires sur fibroblastes en culture. En effet, de cette étude sur fibroblastes en culture dépendra la possibilité d’un futur diagnostic prénatal pour les grossesses suivantes.
Il faut cependant rappeler que dans la moitié des cas environ les déficits de la chaîne respiratoire s’expriment dans les fibroblastes.
Études histopathologiques et immunohistochimiques
La caractéristique histologique des myopathies mitochondriales est la présence de fibres rouges déchiquetées (ragged red fibers ou RRF), mises en évidence par coloration au trichome de Gomori qui montre l’accumulation de mitochondries anormales à la périphérie des fibres musculaires. Cependant l’absence de RRF n’élimine pas le diagnostic et inversement, la présence de RRF ne semble pas spécifique d’un déficit de la chaine respiratoire mitochondriale [17]. Par ailleurs des études histoenzymologiques du tissu atteint au moyen d’anticorps contre des sousunités de la succinate déshydrogénase ou de la cytochrome oxydase constituent un critère diagnostique de cytopathie mitochondriale plus fiable que la présence de RRF [61].
Imagerie par spectroscopie de résonance magnétique du muscle et du cerveau
La spectroscopie de résonance magnétique permet d’étudier in vivo le métabolisme énergétique dans le muscle et le cerveau. Le phosphate inorganique (Pi), la phosphacréatine(Pcr), l’adénosine mono, di ou triphosphate et le pH intracellulaire peuvent être suivis. Le rapport Pi / Pcr, le plus utilisé, est augmenté chez les patients.
Ces anomalies deviennent un outil diagnostique et de l’évolution de la maladie mais ne sont pas spécifiques des déficits de la chaîne respiratoire [17].
Investigation moléculaire
Les différentes protéines de la chaîne respiratoire mitochondriale étant codées en partie par le génome mitochondrial et en partie par des gènes nucléaires, un déficit de la phosphorylation oxydative peut avoir une origine soit mitochondriale soit nucléaire [3-5] (Fig. 3). Dans la plupart des cas malheureusement, les études enzymologiques ne permettent pas de définir la sous-unité déficitaire dans ces grands complexes multiprotéiques et il est donc impossible de connaître l’origine génétique des déficits observés chez les malades. Il peut s’agir soit de mutations ponctuelles ou de délétions de l’ADNmt, soit de mutations siégeant dans des gènes nucléaires codant pour des sous-unités de la chaîne respiratoire, soit encore de mutations dans des gènes participant à la mise en place et au contrôle de la chaîne respiratoire et de l’ADNmt. Les premières bases génétiques des maladies mitochondriales ont été mises en évidence à la fin des années 1980 avec l’identification de délétions puis de mutations de l’ADNmt dans plusieurs syndromes ou associations. Ce n’est que très récemment que des mutations dans des gènes nucléaires de la chaîne respiratoire ont été identifiées. Dans l’euphorie des premières trouvailles sur l’ADNmt, de nombreux groupes ont entrepris de rechercher systématiquement des remaniements de l’ADN mitochondrial dans les déficits de la chaîne respiratoire. Avec le recul du temps, il apparaît que l’ADN mt ne rend compte que d’une fraction minoritaire des mitochondriopathies : pas plus de 10 % en moyenne. Le rendement du diagnostic est naturellement fonction de l’intensité des efforts consentis en matière de séquençage systématique de l’ADN mt des patients. L’évaluation du rendement du séquençage systématique des 16.5 kb reste à faire. Cette exploration est compliquée par le nombre élevé de polymorphismes de l’ADN mt. En pratique seule la recherche des grandes délétions et des mutations les plus fréquentes de l’ADNmt est mise en œuvre de façon systématique chez tout patient investigué à l’Hôpital Necker-Enfants malades. Ceci a permis d’identifier dans 5 % des cas de notre cohorte de patients les mutations responsables de la maladie.
La place somme toute très modeste des remaniements de l’ADN mitochondrial dans les mitochondriopathies n’était pas véritablement une surprise, dans la mesure où l’immense majorité des sous-unités de la chaîne respiratoire est codée par le génome nucléaire. Ces gènes (environ 90) sont maintenant tous localisés, et leurs séquences codantes sont disponibles. En revanche, la régulation et la mise en place de la chaîne respiratoire sont contrôlées par de nombreux gènes encore peu connus chez l’homme. Chez la levure, environ 300 gènes ont été répertoriés mais leurs homologues humains sont encore à identifier. Ainsi le nombre total de gènes éventuellement impliqués de façon directe ou indirecte dans les maladies mitochondriales est de plusieurs centaines. La présence de plusieurs enfants atteints d’un déficit de la chaîne respiratoire mitochondriale dans une même famille, le grand nombre de familles consanguines, et tous les modes de transmission de l’hérédité mendélienne observés dans ces familles sont des arguments génétiques pour l’origine nucléaire d’un grand nombre de cytopathies mitochondriales. La recherche de mutations sur le génome nucléaire reste du domaine de la recherche. L’hétérogénéité génétique des mitochondriopathies risque fort d’être considérable et il se pourrait bien qu’à chaque famille correspondent un gène ou une mutation différente sans prévalence d’aucune sorte. Face à une telle situation et dans un but de recherche, comme de conseil génétique, il faut imaginer une stratégie adaptée à la complexité de la situation. Notre stratégie actuelle consiste à identifier le compartiment porteur de la mutation par complémentation des cellules déficientes du patient au moyen de cellules témoins Rho0 vides d’ADN mt et qui n’apportent donc que leurs noyaux.
L’échec de la complémentation signe l’origine mitochondriale de la mutation, son succès et son origine nucléaire. Dès lors, Plusieurs stratégies peuvent être mises en place pour tenter d’identifier ces gènes nucléaires.
Étude de gènes candidats
Plusieurs mutations de gènes codant soit pour des protéines de la chaîne respiratoire, soit pour des protéines d’assemblage ou de régulation ont été décrites en association à divers syndromes. Des mutations de ces gènes doivent donc être recherchées devant des patients présentant de tels tableaux cliniques. De la même façon, l’homologue humain d’un gène dont la fonction est connue chez la levure sera candidat chez les patients dont le dysfonctionnement porte sur le territoire d’expression de ce gène. La méthode de gènes candidats a permis de rapporter des mutations du gène SCO2 dans plusieurs familles avec déficit en CIV [39].
Étude de liaison génétique
Dans des familles comprenant plusieurs enfants atteints, et qui plus est, dans le cas de familles consanguines, des études de liaison génétique peuvent être entreprises pour identifier le gène responsable de la maladie. Ces études restent cependant difficiles à mettre en œuvre dans le contexte des maladies mitochondriales. En effet, la variabilité clinique des malades laisse augurer une très grande hétérogénéité génétique de ces déficits de la chaîne respiratoire. Il est alors impossible de regrouper plusieurs familles pour ce type d’étude. Ainsi, seules les grandes familles consanguines pourront être étudiées. Dans ce cas, l’étude de la ségrégation de marqueurs microsatellites répartis sur l’ensemble du génome permettra d’identifier des loci et éventuellement des gènes candidats par leur fonction dans les régions sélectionnées.
Cette approche demande d’avoir à notre disposition les prélèvements de tous les membres atteints et sains de la famille. Elle a permis d’identifier les gènes COX10 [38] et SCO1 [40] comme responsables de déficit en CIV.
Complémentation fonctionnelle
En tirant parti de l’expression des déficits enzymatiques dans les cellules en culture des patients et de la possibilité de les complémenter fonctionnellement nous devrions pouvoir localiser puis identifier les gènes responsables par transfert de chromosomes. Des cellules hybrides homme/rongeur ne comportant qu’un seul chromosome humain sont disponibles dans le commerce. Les microcells, minicellules ne contenant que le chromosome humain, obtenus à partir des hybrides homme/rongeur sont fusionnées avec les cellules de patients [62-64]. Après le transfert des microcells dans les cellules de patients, le phénotype biochimique de celles-ci sera estimé par l’étude enzymologique de la chaîne respiratoire et comparé au phénotype avant le transfert. La restauration d’un phénotype normal indiquera que le chromosome humain exogène porte le gène muté chez le patient. L’étude des gènes portés par ce chromosome devrait alors permettre d’avancer dans l’identification du gène responsable du déficit. La démonstration en a été faite par l’identification du gène SURF1 dans certains déficits en CIV.
TRAITEMENT
Jusqu’à présent, il n’y a aucun traitement spécifique des déficits de la chaine respiratoire à l’exception de l’ataxie de Friedreich et du déficit en quinone. Dans l’ataxie de Friedreich, l’administration d’idebenone (analogue des quinones) apparaît agir efficacement sur l’atteinte myocardique et limiter l’évolution neurologique.
Son action est liée essentiellement au caractère anti-oxidatif des quinones. Dans le déficit en quinone, l’administration orale de quinones constitue un traitement substitutif du déficit. Ainsi la détermination du mécanisme d’une maladie peut permettre de définir une stratégie thérapeutique jusqu’alors inconnue et doit conduire le clinicien à conduire jusqu’au bout les investigations métaboliques.
En dehors de ces deux cas, les traitements sont symptomatiques et ne modifient que très peu l’évolution de la maladie. Des améliorations ont cependant été notées par l’administration de ménadione (vitamine K3, 40-160mg/j) dans des déficits en CIII, coenzyme Q10 (80-300mg/j) dans divers déficits et mutations de l’ADNmt, et riboflavine (Vitamine B2, 100mg/j) dans des déficits en CI. L’administration de carnitine est à proposer chez les patients qui présentent un déficit secondaire en carnitine. Les recommendations diététiques comprennent un régime pauvre en carbohydrates et riche en lipides dans les cas de déficits en CI et les grandes hyperlactacidémies. Un traitement par dichloroacétate ou 2-chloropropionate peut maintenir en activité maximale la pyruvate déhydrogénase et réduire l’hyperlactacidémie [65]. De même, dans les déficits en CI, l’administration de succinate a été parfois préconisé, ce substrat étant oxydé par le CII. Le traitement symptomatique consiste surtout à éviter certains médicaments connus pour avoir un effet délétère :
valproate de sodium et barbituriques qui inhibent la chaine respiratoire et ont entrainé une insuffisance hépato-cellulaire dans certains déficits [66], les tétracyclines et le chloramphénicol qui inhibent la synthèse protéique mitochondriale. Les autres traitements symptomatiques comprennent l’administration de bicarbonate de sodium au cours des accès d’acidose lactique et au long cours si le taux plasmatique de bicarbonate est inférieur à 18 mmol/l, l’administration d’extraits pancréatiques dans le cas d’insuffisance pancréatique externe et des transfusions répétées dans les cas d’anémie sévère et de thrombopénie.
CONSEIL GÉNÉTIQUE ET DIAGNOSTIC ANTÉ-NATAL
La transmission de la maladie peut être maternelle dans les cas de mutations de l’ADNmt, ou autosomique récessive le plus souvent, mais aussi dominante et liée à l’X dans les cas (les plus fréquents) où le génome nucléaire est impliqué. La possibilité d’un diagnostic prénatal se présente uniquement pour des familles dans lesquelles le diagnostic de cytopathie mitochondriale a été formellement établi chez le cas index, soit par mise en évidence d’un déficit enzymatique soit par identification de la mutation en cause. Il reste cependant difficile, tant sur le plan biochimique que sur le plan moléculaire. La mesure des activités de la chaîne respiratoire se fait sur villosités choriales entre 9 à 11 SA et sur amniocytes en culture à 16 SA.
Cependant, ces analyses ne sont faisables que dans la mesure où les fibroblastes du proposant expriment le déficit, ce qui est loin d’être toujours le cas. Un résultat positif révèle une récidive de la maladie. En revanche, un résultat normal n’exclut en aucun cas la possibilité d’une expression ultérieure du déficit au cours de la grossesse ou même en période postnatale. En effet, l’expression des gènes de la chaîne respiratoire et la demande énergétique au cours du développement fœtal sont encore inconnus. Un résultat normal ne peut être complètement rassurant et demande impérativement un contrôle ultérieur sur amniocytes. Enfin, le DPN enzymologique ne peut être proposé dans le cas de déficits du complexe I de la chaîne respiratoire car la mesure du complexe I est difficile à effectuer sur des cellules entières, en particulier les fibroblastes ou les amniocytes [5].
Le diagnostic anté-natal moléculaire concernait jusque-là les mutations de l’ADNmt puisque les gènes nucléaires n’étaient pas connus. Les remaniements de grande taille de l’ADNmt, délétions ou duplications partielles, sont le plus souvent sporadiques. Le conseil génétique peut donc être a priori rassurant, surtout si la mère n’a pas de remaniement de l’ADNmt. Il est cependant possible, dans le but essentiellement de rassurer la famille, de rechercher ce remaniement dans les villosités choriales du prochain fœtus. Les cas de transmissions maternelles ou autosomiques dominantes de délétions de l’ADNmt sont extrêmement rares et n’ont jamais fait jusqu’à présent l’objet de demande de DPN. Les mutations ponctuelles de l’ADNmt, transmises selon un mode maternel et dans la grande majorité des cas retrouvées chez les mères, sont presque toujours à l’état hétéroplasmique (coexis- tence de molécules normales et de molécules mutées). Il est ainsi toujours très difficile de se prononcer dans ce type de DPN. En effet, la proportion de molécules d’ADNmt mutées dans les villosités choriales ne permet pas d’estimer sa proportion dans d’autres tissus fœtaux, ni son évolution au cours du développement embryonnaire. La présence de moins de 20 % ou plus de 80 % de molécules mutées chez le fœtus est respectivement de bon et de mauvais pronostic. En revanche, des résultats intermédiaires sont extrêmement difficiles à interpréter.
Ce n’est que dans les cas où une mutation d’un gène nucléaire a été identifiée qu’il est possible de proposer un DPN moléculaire fiable, qui ne repose pas uniquement sur l’investigation enzymologique mal connue chez le fœtus, et qui n’est pas soumis à l’incertitude de l’hétéroplasmie comme c’est le cas pour les mutations de l’ADNmt.
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DISCUSSION
M. Jacques BATTIN
Quelle est, in fine, la part des anomalies retrouvées de l’ADN mitochondrial dans les transmissions matrilinéaires, celles de l’ADN nucléaire et des cas inexpliqués ? A-t-on amélioré le rendement ? Ayant observé une forme partielle, limitée à une asthénie profonde, interdisant le sport, avec surdité légère mais une intelligence remarquable, (Bac mention très bien, docteur en histoire) avec un déficit du complexe I, quelle est la fréquence actuelle de ces formes frustes ?
Il faut reconnaître que le rendement de l’analyse moléculaire des maladies mitochondriales reste faible, avec une identification de la cause génétique de la maladie dans 20 à 25 % des cas seulement. Parmi ces cas élucidés, les deux tiers environ sont dûs à des mutations de l’ADN mitochondrial, et un tiers environ à des mutations de gènes nucléaires. Ce qui laisse 75 à 80 % des patients sans diagnostic moléculaire… Quant à la fréquence des formes frustes, elle est probablement sous-estimée, sans que l’on puisse donner une estimation précise de la prévalence de ces maladies dans la population générale.
M. Roger NORDMANN
Au cours de votre remarquable exposé, vous avez mentionné l’amélioration considérable par administration d’une quinone d’un patient atteint d’une cytopathie mitochondriale entraî- nant un stress oxydant secondaire à une déficience en fraxatine. Cette observation me paraît remarquable car, jusqu’ici, les tentatives d’amélioration par administration d’antioxydants des états comportant un stress oxydant (tels que, par exemple, vieillissement, mésusage d’alcool) se sont révélées décevantes. Pourriez-vous donc, nous préciser la nature de la quinone (vraisemblablement de structure proche de l’ubiquinone) qui a démontré son efficacité dans l’observation que vous avez mentionnée, ainsi que sa voie d’administration et son prix de revient ?
Il s’agit de l’Idébénone, une quinone à chaîne courte, qui peut être administrée par voie orale à la dose de 5 à 10 mg par kg et par jour. Son prix de revient est relativement modique.
M. Jean-Louis CHAUSSAIN
J’ai eu l’occasion d’observer plusieurs fois l’association petite taille avec déficit en hormone de croissance et cardiomégalie d’apparition quelque fois retardée. Cette association est-elle connue et quel peut être le rôle éventuel du traitement par hormone de croissance chez ces enfants ?
Une des principales caractéristiques des maladies mitochondriales est l’association des symptômes variés et souvent « illégitimes » (touchant des organes d’origines embryonnaires différentes). L’association de symptômes que vous mentionnez ne constitue pas un syndrome clinique bien défini à ce jour, mais elle paraît tout-à-fait possible dans le cadre d’une maladie mitochondriale. Dans notre expérience, le traitement de ces enfants par hormone de croissance a pu s’avérer délétère, et le diagnostic de maladie mitochondriale doit faire considérer ce type de traitement avec une grande prudence.
M. Christian NEZELOF
Comment expliquer la révélation tardive ou différée d’une anomalie touchant aussi profondément la chaîne respiratoire, indispensable à la vie ?
Il existe des mécanismes de compensation et d’adaptation aux déficits de la chaîne respiratoire et ce, d’autant que le déficit sera moins profond. Ceci peut expliquer que les manifestations cliniques de la maladie soient parfois tardives. En outre, certaines isoformes des protéines composant la chaîne respiratoire peuvent avoir une expression dépendant de l’âge. Selon les cas, le déficit de la chaîne pourra s’exprimer très précocément (parfois même pendant la période anténatale) ou beaucoup plus tardivement.
M. Pierre GODEAU
Quel est le rôle éventuel d’anomalies mitochondriales génétiques ou acquises dans le développement d’anomalies tardives comme la sarcopénie du sujet âgé ?
Il est connu que des anomalies mitochondriales acquises peuvent se rencontrer dans le muscle de sujets âgés : fibres rouges déchiquetées (« ragged red fibers »), délétions multiples de l’ADN mitochondrial… Ces anomalies sont d’autant plus fréquentes que l’âge des sujets est avancé. Peuvent-elles expliquer la sarcopénie du sujet âgé ? Il ne m’est pas possible de le dire.
M. Jean-Yves LE GALL
Quel est le nombre de gènes nucléaires codant pour des protéines mitochondriales et quelle proportion d’autres gènes sont impliqués dans des pathologies héréditaires ? Comment s’explique la diversité phénotypique des maladies mitochondriales par anomalies de gènes nucléaires ? Existe-t-il une diversité biologique des mitochondries en fonction des tissus ?
Les gènes nucléaires codant pour des protéines mitochondriales sont très nombreuses : à l’exception de 13 polypeptides de la chaîne respiratoire codés par l’ADN mitochondrial, toutes les autres protéines de la mitochondrie sont codées par le génome nucléaire (protéines de structure, protéines membranaires, enzymes de la matrice, protéines de maintenance de l’ADN mitochondrial, etc.). La diversité phénotypique des maladies mitochondriales dues à des gènes nucléaires peut s’expliquer en partie par l’existence d’isoformes tissu-spécifiques de nombreuses protéines mitochondriales. Concernant la dernière question, il existe en effet des différences de forme et de fonction des mitochondries en fonction des tissus.
M. Jean-Jacques HAUW
Des mitochondriopathies notamment nucléaires sont observées fréquemment, chez les personnes âgées sans que des symptômes ou des signes spécifiques aient été reconnus.
Comment peut-on l’expliquer ? Existe-t-il un vieillissement mitochondrial ?
Il est probable qu’il existe un effet-seuil, et que l’accumulation d’anomalies mitochondriales chez les sujets âgés dont vous parlez ne suffit pas à entraîner une maladie.
L’existence d’anomalies mitochondriales plus fréquentes avec l’avancement en âge suggère en effet qu’il existe un vieillissement mitochondrial, qui pourrait être médié notamment par le stress oxydatif, les mitochondries étant à la fois impliquées dans la genèse des radicaux libres et particulièrement sensibles au stress oxydatif.
M. Georges DAVID
Vous savez que les spermatozoïdes ont une cellule assez particulière par sa pauvreté en équipement intracellulaire mais en revanche sa richesse en mitochondries, source de l’énergie permettant la propulsion de cette cellule. Or il nous est arrivé de remarquer de manière non exceptionnelle la coïncidence d’une infertilité et d’une hypoacousie. Par démarche inverse avez-vous observé en cas de pathologie mitochondriale une atteinte de la fertilité masculine.
Je n’en ai pas connaissance, mais c’est effectivement une hypothèse intéressante qui mériterait d’être approfondie, par l’étude systématique de la fertilité chez des hommes atteints de maladie mitochondriale.
M. Roger HENRION
Stéphane Blanche et Marc Tardieu ont publié en 1999 plusieurs cas de cytopathies mitochondriales ou du moins de dysfonctionnement mitochondrial apparus après traitement anti-rétroviral par les inhibiteurs nucléosidiques de la Reverse Transcriptage à savoir une association de Zidovudine et de Lamivudine, prescrits chez la mère pendant la grossesse. Il s’agissait de déficits des complexes I et IV de la chaîne respiratoire. A cette date, la responsabilité de ces médicaments n’avait pas été clairement démontrée malgré certains travaux semblant montrer l’incorporation de la Zidovudine dans l’ADN mitochondrial du fœtus du singe — Certes le traitement de l’infection VIH a évolué chez les femmes enceintes, mais qu’en est-il exactement ? Certains médicaments peuvent-ils jouer un rôle dans les cytopathies mitochondriales ?
Il est en effet connu que des médicaments peuvent avoir une toxicité mitochondriale.
C’est le cas notamment de la zidovudine (AZT) pour le muscle. Nous sommes beaucoup plus souvent confrontés dans notre pratique clinique à une toxicité de certains autres traitements beaucoup plus répandus, tels que le valproate de sodium (anti-épileptique très largement prescrit) qui peut avoir une toxicité hépatique parfois dramatique chez des patients présentant une maladie mitochondriale. Il est donc nécessaire d’être très prudent dans le choix des traitements à administrer à des patients atteints de maladies mitochondriales, du fait des effets secondaires possibles, parfois graves, de certains médicaments.
Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 1, 19-43, séance du 13 janvier 2009