Communication scientifique
Session of 7 février 2006

Conclusion

François Dubois

Conclusion

François DUBOIS Étant donné l’ampleur du champ d’application de la télémédecine, il est évident que cette séance n’en a eu qu’une vision parcellaire et incomplète.

Grâce à l’ardeur et à la persévérance du Professeur Louis Lareng, durant son expérience en Midi-Pyrénées, une loi a pu voir le jour mais un long chemin reste à faire pour en assurer l’application, en combler les lacunes et préciser les différentes responsabilités comme le Professeur Claude Esper nous l’a bien montré.

Les expériences déjà réalisées sont encourageantes aussi bien en Midi-Pyrénées que dans le service de Santé des Armées ou à l’Assistance Publique de Paris pour les gardes de neurochirurgie. Malheureusement, les matériels sont vites obsolètes, les personnels, presque toujours bénévoles, vite débordés et l’administration réticente faute de financements. D’ailleurs, si les bénéfices pour les patients sont évidents, le Professeur Robert Launois a bien insisté sur la difficulté de faire une évaluation coût-efficacité. Si l’Académie nationale de médecine peut avoir un rôle dans ce domaine, c’est en suscitant de telles évaluations qui, si elles sont favorables (ce qui ne fait pas de doute, à nos yeux), pourront inciter les pouvoirs publics à favoriser et à financer la télémédecine.

DISCUSSION

Mme Aline MARCELLI à M. Étienne MARTIN *

Où en est le développement du télédiagnostic microscopique effectué par les anatomocytopathologistes utilisant Internet (lecture à distance des images virtuelles) soit télé- extemporanée, télé-biopsies, télé-cytologie et systèmes experts ?

La réunion de ce jour souligne bien que la télémédecine ou télétransmission avec télédiscussions de données médicales multi-médias est devenue un outil nouveau au service des médecins et surtout au bénéfice de certains patients. Cette télémédecine que l’on pourrait appeler généraliste et clinique a des applications de plus en plus variées.

Cette même technologie est utilisée dans des disciplines biologiques et surtout morphologiques où elle doit répondre à des contraintes particulières. C’est le cas des anatomo-
cytopathologistes (ACP), des hémato-cytopathologistes, des endoscopistes et des radiologistes ; toutes disciplines où l’élaboration des diagnostics repose sur l’étude et l’analyse des images obtenues par des instruments particuliers. Cette télémédecine que l’on pourrait appeler spécialisée (télépathologie, téléhématologie, téléradiologie…) est plus ou moins intégrable dans les réseaux de télémédecine clinique. Les ACP ont été parmi les premiers praticiens en France et dans le monde (Norvège, USA, Allemagne, Suisse…) à utiliser, dès leur mise au point en 1980, les techniques de numérisation des images microscopiques et celles des transmissions de ces images numériques par réseau spécialisé (Numéris puis Internet). Les premiers réseaux ont permis des télédiscussions point à point et en temps réel pour les examens extemporanés faits en centres hospitaliers isolés.

Mais, malgré l’intérêt théorique qu’il laissait présager, l’utilisation de ce nouvel outil et son développement, sont paradoxalement restés, jusqu’à il y a peu, assez limités pour les raisons suivantes : les performances techniques des différents composants d’un tel outil (mariage du microscope, d’une caméra numérique, d’un ordinateur, d’un réseau numé- rique) sont restées longtemps insuffisantes alors qu’ils demeuraient coûteux ; l’ergonomie du système était trop complexe et consommatrice de temps ; l’examen direct des lames transmises par poste demeurait parfois plus fiable et plus simple. D’autre part, l’existence d’un outil nouveau, aussi perfectionné soit-il, ne crée pas à elle seule de nouveaux besoins. Or le pourcentage des cas d’interprétation difficile bénéficiant d’un examen et d’une discussion à plusieurs, ne dépasse généralement pas 2 à 5 % des examens histo et cyto pathologiques. Pour faciliter et sécuriser les échanges, les ACP, comme les hématocytologistes, ont organisé des centres serveurs nationaux tel que celui géré par l’Association pour le Développement de l’Informatique en Cytologie et Anatomie Pathologie (ADICAP) et créé en coopération avec le Centre de Recherche Informatique de Haute Normandie (CRIHAN), sous l’impulsion de J. Hemet de Rouen. Ce centre, comme celui des hématologistes longtemps implanté à l’Hôpital Necker-Enfants malades, permet la communication entre systèmes hétérogènes. Il reçoit et diffuse par Internet des dossiers « textes et images », formatés, cryptés et mémorisés entre des pathologistes généralistes et un ou plusieurs pathologistes spécialisés, ce qui permet un véritable forum de discussions. Ce centre serveur ADICAP a permis de constituer plusieurs bases de données en images commentées et l’édition de CD-ROM spécialisés de référence, d’enseignement et de formation permanente. Il y a actuellement près de six cents ACP agréés qui peuvent utiliser ce site serveur grâce à un code d’accès individuel ;

le nombre d’échanges dépasse les deux mille par an. Des innovations technologiques nouvelles : platines de microscope à balayage automatique ou télécommandables avec repérage spatial selon deux axes, caméra numérique à très haute définition, réseau haut débit et surtout création d’un logiciel de numérisation automatique de la totalité de la surface d’une coupe histologique permettent la réalisation de « lames histologiques virtuelles » numériques (Sté TRIBUN). Cette technique permet à plusieurs pathologistes d’examiner et de discuter par le réseau Internet et par le serveur CRIHAN des documents numériques virtuels identiques, de bonne définition, comportant des zones lésionnelles significatives, spatialement repérables et examinables à grossissements variés. « L’Association Française d’Assurance de Qualité en Anatomie Pathologique » (AFAQAP) que j’ai créée en 1990 en tant que Président de la Société Française de Pathologie et de l’ADICAP avec le concours de Marie-Claire Imbert, Présidente du Syndicat des ACP, a adopté ce procédé des lames virtuelles pour la mise au point et la diffusion, par Internet, de tests de compétence et de formation permanente. Cette méthode développée par Christel Le Bozec, ACP et chercheuse à l’Hôpital Européen Georges Pompidou, est sûrement appelée à jouer un rôle important dans l’organisation de forums de consensus par réseaux, indispensables lors de la mise en œuvre de protocoles thérapeutiques notamment cancérologiques. Ce système joue aussi un rôle important dans la formation des

ACP (programme TRIDEM). Il subsiste un domaine où la télépathologie d’urgence, point à point et conversationnelle, telle qu’utilisée dès son origine, est appelée à se développer, grâce aux progrès techniques, à la diminution du coût des équipements et à la raréfaction des cabinets et laboratoires d’ACP de proximité, c’est celui du téléexamen extemporané. Dernier point, Christel Le Bozec étudie avec un groupe international la possibilité d’intégrer les images virtuelles d’histopathologie, au même titre que les images radiologiques, dans les dossiers patients selon la norme commune DICOM (projet IHE :

Integrating Health. Enterprise).

M. Jacques-Louis BINET à M. Étienne MARTIN

Je signale les travaux de Georges Flandrin où cette « télémédecine microscopique » a été utilisée en hématologie pour le diagnostic et l’enseignement de la cytologie hématologique.

Où en est-on pour l’Assistance Publique ?

Georges Flandrin, ancien cyto-hématologiste de l’Hôpital Necker Enfants-malades avait dès 1980 adopté la méthodologie de transmission d’images numériques des ACP et travaillé en étroite collaboration avec eux au sein de l’ADICAP. Les problèmes de transmission et de discussion d’images sont un peu plus simples dans ce domaine car le diagnostic repose sur l’examen des cellules isolées et non plus sur l’analyse de prélèvements tissulaires plus ou moins complexes. Mais les variantes lésionnelles des cellules leucémiques sont parfois si discrètes ou atypiques que les diagnostics ne peuvent être évoqués et reconnus avec certitude que par des hématologistes très entraînés et en plus habitués à discuter à plusieurs. Georges Flandrin avait donc réussi à constituer un réseau national de près de cent cyto-hématologistes disposants d’outils de saisie et de transmission d’images numériques et capables de discuter entre eux via Internet et un serveur, d’abord installé à l’hôpital Necker-Enfants malades puis au Crihan de Rouen, site commun avec celui des ACP. Ce forum de discussion était complété par une base de données d’images de référence, l’ensemble constituant un outil pédagogique performant.

Actuellement, il existe toujours un groupe français d’hématologie cellulaire d’environ cent laboratoires, essentiellement des hôpitaux généraux et qui est animé par Xavier Troussard du CHU de Caen. Georges Flandrin a transféré à Antoine Béclère des activités d’animation pédagogique et de discussions de cas difficiles transmis par Internet au sein d’un petit groupe d’hémato-cytologistes parisiens, qui s’engage, par ailleurs dans l’établissement de liaisons d’aide au diagnostic avec des laboratoires de pays en voie de développement.

* Président d’honneur de e-risazpif

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 2, 381-383, séance du 7 février 2006