Résumé
La recherche clinique en chirurgie oblige souvent à faire des études multicentriques, surtout dans le cas des essais randomisés. A coté des travaux individuels réalisés par certaines équipes chirurgicales, les Associations de recherche en chirurgie, créées dans les années 1980 ont largement contribué à cette recherche. Une revue des essais randomisés publiés par des équipes européennes de 1990 à 2000 a montré que la France, par le nombre d’essais réalisés, était en deuxième position après le Royaume Uni. La recherche fondamentale en chirurgie a été stimulée par la création du Diplôme d’études approfondies en Sciences chirurgicales en 1986 qui implique un travail de recherche en laboratoire à temps plein pendant un an, complété par un enseignement théorique. Il s’agit d’une initiation à la recherche fondamentale et surtout d’une formation à la rigueur scientifique. De 1986 à 2001, 611 étudiants ont passé le DEA. Quelques jeunes chirurgiens titulaires du DEA continuent leurs travaux de recherche et passent un Doctorat.
Summary
Clinical research in surgery often involves multicenter randomised studies. French associations for surgical research, created in the 1980s, have promoted an increase in the French contribution to international clinical research. According to a ten-year audit of randomised trials, France was the second European country (after the UK) for the number of published trials. Basic research in surgery was stimulated by the creation of a specific diploma (Diplôme d’études approfondies de sciences chirurgicales). It gives young surgeons the opportunity to be trained in basic research during a full-time one-year course in a laboratory. Some laureates carry on their research to PhD level. From 1986 to 2001, 611 students received the Diploma.
France.
INTRODUCTION
L’activité de recherche en chirurgie comprend, comme pour toutes les spécialités médicales, la recherche clinique et la recherche fondamentale. La recherche clinique est indispensable pour le chirurgien, qu’il travaille dans une structure publique ou privée. Elle lui permet de poser au mieux ses indications opératoires, d’adapter ses techniques, et d’évaluer ses résultats. La recherche fondamentale n’est guère compatible avec une activité opératoire normale. Elle est seulement envisageable dans notre pays pendant des périodes de temps limitées.
LA RECHERCHE CLINIQUE
Donner des soins conformes aux données acquises de la science est inscrit dans le code de déontologie. Mais le type de preuves scientifiques a changé au cours de la dernière décennie [1]. Les comparaisons par des essais randomisés, même si ceux-ci font encore l’objet de débats en chirurgie [2], apportent le meilleur niveau de preuve dans une chirurgie factuelle. Lorsque les comparaisons portent sur des techniques chirurgicales, celles-ci ne peuvent être réalisées que par des chirurgiens. L’obligation d’inclure un grand nombre de malades conduit à faire des études multicentriques ce qui nécessite une standardisation préalable de la réalisation des techniques que l’on souhaite comparer et un apprentissage de chaque chirurgien à la nouvelle technique que l’on évalue [3]. Les résultats de ces études multicentriques peuvent être plus facilement extrapolés à la pratique de l’ensemble des chirurgiens que ceux d’une étude réalisée par une seule équipe très spécialisée. Sur 40 essais randomisés français, une évaluation méthodologique a montré que, parmi les 18 essais de bonne qualité, 16 étaient multicentriques [4].
Dans la conduite de ces essais, les associations de recherche en chirurgie, à la création desquelles nous avons participé il y a une vingtaine d’années ont joué un rôle qui, sans être exclusif, a été déterminant [5]. L’Association de recherche en chirurgie (ARC) est la plus ancienne. Elle regroupait des chirurgiens qui exerçaient dans des hôpitaux généraux et en clinique privée et qui avaient été sensibilisés à l’intérêt de la recherche clinique et formés à sa méthodologie. Elle répondait encore au désir de maintenir un contact entre des chirurgiens disséminés au delà de leur période de formation hospitalo-universitaire [5]. D’autres associations comme l’association des chirurgiens de l’Ile de France (ARCIF) et l’Association universitaire de recherche en chirurgie (AURC) que nous avons présidée, ont été créées peu après. Presque toutes les équipes universitaires françaises de chirurgie générale et digestive ont adhéré à l’AURC et ont participé à ses travaux, parfois communs avec ceux d’autres associations.
Leur principal objectif était de réaliser des études prospectives de recherche clinique, notamment des essais randomisés incluant un nombre élevé de malades, ce que
l’expérience d’une seule équipe ne permettait pas d’atteindre dans des délais relativement limités.
Principes d’adhésion, de publications et de communications
Le principe associatif en chirurgie donne à chacun la possibilité d’apporter par sa pratique une contribution à des travaux d’évaluation collective. Aucune équipe n’est autorisée à récupérer à son profit ce travail collectif. Ainsi, les associations ne comprennent qu’un seul membre titulaire par équipe chirurgicale. En revanche, plusieurs chirurgiens d’une même équipe chirurgicale peuvent être membres associés des associations.
Les règles concernant les publications écrites et les communications orales ont encore contribué à l’adhésion de la plupart des services. Il était prévu que, pour toute publication, le nom de l’association soit associé à celui des principaux auteurs.
Dans tous les cas, la liste de l’ensemble des participants était donnée par ordre décroissant de l’importance de leur participation. De plus, le travail des associations ne pouvait pas être présenté dans plus de deux congrès internationaux par un même membre.
Le choix des travaux et la conduite des études
Tout membre des associations peut proposer un sujet de travail en le motivant. Le choix des différents projets fait ensuite l’objet d’un vote. Chaque année, deux à quatre sujets qui ont recueilli le plus grand nombre de suffrages sont retenus. Le chirurgien qui a proposé le sujet en devient un des deux maîtres d’œuvre avec un provincial s’il est de la région parisienne et réciproquement s’il est provincial. Ils élaborent un protocole précis qui est soumis à discussion en assemblée générale. Ils assurent ensuite le suivi de l’étude, analysent les résultats et rédigent un projet de publication.
Dans ce parcours, la collaboration d’autres disciplines, notamment d’oncologues, d’anatomo-pathologistes peut être sollicitée. Il en était de même des biostatisticiens, surtout lors des premiers travaux des associations, à une époque où les connaissances de la plupart des membres des associations étaient encore limitées dans ce domaine.
La réalisation d’essais randomisés multicentriques constitue le principal objectif des associations. Mais pour certains travaux, notamment en cancérologie, le délai entre leur conception et l’analyse de leurs résultats était d’une dizaine d’années. Afin de maintenir l’intérêt des participants, il a semblé souhaitable de réaliser aussi des essais dont les critères de jugement étaient des résultats à court terme, par exemple sur des complications post opératoires. Des études rétrospectives, ayant rassemblé l’expérience limitée de chaque équipe, ont encore permis de réunir des séries parmi les plus importantes au monde sur les adénocarcinomes de l’appendice, les kystes hydatiques du foie ou les tumeurs stromales de l’estomac [6-8].
TABLEAU I. — Les premiers essais randomisés mondiaux publiés par les associations françaises de recherche en chirurgie.
En cancérologie :
Cancer de l’œsophage. Résection palliative seule ou complétée par une chimiothérapie [9].
Cancer de l’œsophage. Résection à visée curative seule ou complétée par une radiothérapie [10].
Cancers de l’antre gastrique. Comparaison de la gastrectomie totale et subtotale distale [11].
Cancer du côlon. Comparaison de la résection segmentaire et de l’hémicolectomie gauche [12].
Métastases hépatiques non résécables. Chimiothérapie intra artérielle [13].
Cancer du pancréas. Traitement hormonal palliatif et groupe contrôle [14].
Sur des techniques chirurgicales :
Ulcères hémorragiques du bulbe duodénal : vagotomie suture et gastrectomie [15].
Les anastomoses oeso-gastriques à la main ou à la machine [16].
Le traitement du reflux gastro-eosophagien par les procédés de Lortat-Jacob, Toupet et Nissen [17].
L’occlusion des canaux pancréatiques par de la fibrine après résection pancréatique [18].
Diffusion des résultats des études chirurgicales françaises
De 1991 à 1998, les associations ont publié 60 articles originaux dans des périodiques avec comité de sélection, dont 46 dans des périodiques internationaux, ce qui représente une moyenne de 8 articles par an.
Les associations ont permis de réaliser des essais randomisés sur certains sujets qui n’avaient jamais été abordés dans le monde [9-18]. Le tableau I en indique quelques exemples. Les associations ont également constitué une banque de données sur les douleurs abdominales aiguës qui a servi à créer un logiciel d’aide au diagnostic en utilisant la méthode bayésienne [19]. Elles se sont aussi intéressées à une correspondance entre les pourcentages et les adverbes chargés de les traduire [20]. Elles ont même réalisé un essai randomisé sur l’homéopathie dans l’iléus postopératoire qui a été publié dans le Lancet [21].
Parmi les équipes européennes ayant publié de 1990 à 2000 des essais randomisés en chirurgie digestive, la France était classée en deuxième position après le Royaume Uni par le nombre d’essais publiés [22]. L’activité de la recherche clinique française en chirurgie est prouvée par d’autres indicateurs. Ainsi, en 2003 sur les trois premiers numéros de périodiques internationaux de chirurgie les plus réputés (Annals of Surgery, American Journal of Surgery, British Journal of Surgery, Surgery, Archives of Surgery), 132 articles n’émanaient pas d’équipes anglo-saxonnes. Le tableau II montre la répartition de ces articles selon les pays d’origine. La France, avec 18 articles venait en seconde position après le Japon, devançant la Chine (Taiwan et Hong Kong), la Hollande et plus nettement d’autres pays d’Europe de l’ouest comme l’Italie et l’Espagne.
Chaque année, les travaux des associations font l’objet de communications à des congrès français ou internationaux et lors d’une journée nationale qui leur est consacrée.
TABLEAU II. — Origine des articles n’émanant pas d’équipes anglo-saxonnes en 2003 dans les trois premiers numéros de périodiques internationaux de chirurgie (Annals of Surgery, American Journal of Surgery, British Journal of Surgery, Surgery, Archives of Surgery), .
Nombre d’articles Pays d’origine Japon 37 France 18 Chine *
16 Hollande 13 Espagne 8 Italie 8 Autriche 6 Pays scandinaves **
6 Allemagne 5 Autres 12 Total 132 * regroupant Taiwan et Hong Kong.
** incluant la Finlande.
LA RECHERCHE FONDAMENTALE
En France, la recherche fondamentale en chirurgie était très réduite, contrairement à ce qui existait aux Etats-Unis ou dans d’autres pays [23]. Les DEA qui existaient dans les Sciences de la Vie et de la Santé n’attiraient qu’exceptionnellement des internes en chirurgie, probablement parce que les programmes étaient trop éloignés de leurs préoccupations.
Aux Etats-unis, d’importants laboratoires de recherche sont dirigés et gérés par des chirurgiens ce qui limite leur activité chirurgicale proprement dite. Au Japon, dans les grands centres universitaires, la recherche fondamentale repose sur une organisation de la pratique et de l’enseignement de la chirurgie assez différente de la nôtre [24]. Les services universitaires ne font que de la chirurgie lourde et se spécialisent dans certaines pathologies ou dans certains organes. Chaque chirurgien n’opère que certains jours ce qui leur laisse le temps d’encadrer des activités de recherche dans des laboratoires qui dépendent directement de leur service et qui sont en grande partie financés par des firmes pharmaceutiques. La formation à la chirurgie courante est habituellement assurée dans des hôpitaux généraux. Dans les structures françaises, la réalisation temporaire par des chirurgiens de travaux de recherche dans des laboratoires dirigés par des chercheurs statutaires est une alternative.
Le DEA de Sciences Chirurgicales.
En 1986, nous avons créé le DEA de sciences chirurgicales qui a eu pour but de donner à de jeunes chirurgiens la possibilité de s’initier à un travail de recherche en laboratoire sous la direction d’un chercheur [25]. Il était souhaitable que ce DEA soit à la fois d’un très bon niveau scientifique et qu’il garde une certaine spécificité chirurgicale [26]. Il répondait ainsi, un peu avant l’heure, au vœu émis en 1993 par la commission no XII de l’Académie nationale de médecine [27]. Nous en avons été le premier Directeur et en avons présidé le Conseil Scientifique depuis sa création jusqu’en 2002.
L’organisation du DEA
Comme pour tous les DEA, il est nécessaire pour s’inscrire d’être titulaire d’une maîtrise. Le DEA de Sciences Chirurgicales demande deux autres pré-requis :
1) suivre deux séminaires, l’un de rédaction médicale, l’autre de biostatistiques ;
2) élaborer avec l’équipe du laboratoire d’accueil qui a été pressenti, un projet de recherche soumis à l’avis de deux chercheurs.
L’année de DEA est centrée sur un travail de recherche à temps plein pendant un an dans un laboratoire, le plus souvent une unité INSERM ou du CNRS. Il s’y ajoute des enseignements théoriques sous forme de séminaires de 2 à 4 jours. Après un séminaire de tronc commun, les étudiants ont le choix entre quatre options :
transplantation, neurosciences, cancérologie, biologie chirurgicale et biomatériaux.
Une option biomécanique s’est autonomisée dans un DEA propre. Le DEA de sciences chirurgicales est obtenu après soutenance d’un mémoire sur le travail de recherche qui a été effectué et le passage d’épreuves théoriques, différentes selon l’option choisie. Si le travail de recherche se fait à l’étranger, les étudiants peuvent faire le DEA en deux années : l’une consacrée au travail en laboratoire, l’autre à l’enseignement théorique. Pendant l’année de DEA la plupart des étudiants sont payés comme internes dans le cadre de l’année recherche ; d’autres obtiennent des bourses, notamment de la Fondation pour la recherche médicale.
Un DEA national et pluridisciplinaire
Le DEA de sciences chirurgicales attire des internes en chirurgie de tous les centres hospitalo-universitaires parisiens et provinciaux. Les laboratoires d’accueil sont implantés dans toutes les universités françaises. Pour marquer encore le caractère national du DEA, les séminaires d’enseignements théoriques se font tantôt en province, tantôt à Paris. Les enseignants eux-mêmes sont aussi bien provinciaux que parisiens, chirurgiens, surtout chercheurs ou biologistes.
Les étudiants appartiennent à toutes les spécialités chirurgicales et parfois à d’autres spécialités, par exemple oncologie ou radiologie. Le DEA accueille également des vétérinaires et des odontologistes. Cette pluridisciplinarité et les échanges qu’elle permet entre les étudiants, ont toujours été jugés extrêmement fructueux. Il y a 6 % d’étrangers et ce pourcentage tend à augmenter.
TABLEAU III. — Nombre d’inscrits au DEA de Sciences chirurgicales de 1986 à 2001, par option.
Nombre d’inscrits Option Transplantation 198 Cancérologie 168 Biologie chirurgicale, organes artificiels 131 Neurosciences 114 *
Total 611 * cette option a été créée en 1989.
Les résultats
Le nombre d’étudiants inscrits (en moyenne 58 par an) et les options choisies figurent dans le tableau III. La sélection créée par l’élaboration et l’acceptation d’un projet de recherche et par deux séminaires de pré-requis explique un pourcentage très faible d’abandons ; de 1993 à 2001 il était de 8 % (38 sur 458 inscrits). Cette sélection et la motivation des étudiants expliquent que 99 % des étudiants (417 sur 420) ont obtenu le diplôme, d’emblée ou après ajournement lors d’une première session (14 étudiants sur 417). Ces ajournements étaient surtout le fait de travaux de recherche qui nécessitaient quelques précisions ou compléments.
Au delà du DEA
Le DEA, une étape
Le DEA est devenu indispensable pour obtenir une habilitation à diriger des recherches et pour pouvoir se présenter sur les listes d’aptitude aux fonctions de Professeur. En fait, de nombreux diplômés poursuivent leurs travaux de recherche au delà du DEA. Ainsi, pour l’année universitaire 1995-1996, il y avait 65 inscrits en thèse. Ce chiffre ne comprend pas les thésards issus du DEA et inscrits dans d’autres formations doctorales que celle de Sciences Chirurgicales ce qui rend tout décompte presque impossible. Il traduit une véritable tendance des titulaires du DEA à poursuivre leurs travaux de recherche. Certains le font en encadrant des plus jeunes, eux-mêmes candidats au DEA.
Une ouverture d’esprit et des liens entre des équipes chirurgicales et des équipes de chercheurs
Les thèmes des travaux de recherche s’écartent parfois de préoccupations directement chirurgicales comme le montrent les titres de quelques travaux réalisés au cours de l’année de DEA : — Prévention de l’activation de la coagulation par
antithrombine recombinante après injection intra-portale d’îlots de Langerhans chez le porc (réalisé à Lille) ; — Modèle d’infarctus du myocarde chez la souris :
réduction de la taille des infarctus, amélioration de la fonction cardiaque et augmentation de l’angiogénèse chez les souris transgéniques surexprimant FrzA (réalisé à Bordeaux) ; — Thérapie génique des métastases hépatique par des vecteurs rétroviraux : optimisation du transfert du gène HSV-TK dans des cellules tumorales coliques (réalisé à Lille) ; — Mesures de la perfusion cérébrale chez le babouin (réalisé à Clermont-Ferrand et à Cambridge).
Ces travaux amènent de jeunes chirurgiens à approfondir leur intérêt dans des secteurs de biochimie, de génomique ou d’immunologie. Ils créent d’utiles interfaces et des liens entre des équipes chirurgicales et des équipes de recherche fondamentale.
Le DEA et la formation chirurgicale.
Le DEA en sciences chirurgicales ne saurait se substituer à la formation chirurgicale elle-même. Il serait grave de former de bons chercheurs qui soient de mauvais chirurgiens. Néanmoins, beaucoup de projets de recherche font appel à des techniques de micro chirurgie. Il est raisonnable de penser que l’interne qui fait des transplantations rénales chez des rats de 300 g saura faire correctement des sutures vasculaires chez l’homme. L’objectif des thèmes de recherche du DEA ne doit cependant pas être l’apprentissage à des techniques qui est un moyen et non un but.
Il y a pour cet apprentissage d’autres méthodes.
Les deux séminaires de pré-requis sont encore des outils indispensables de formation à la rigueur scientifique et aux principes de la rédaction et de la communication scientifique. Les communications qui sont faites chaque année à l’Académie nationale de chirurgie sur des travaux issus du DEA soulignent l’importance de cette formation sur le plan scientifique et pédagogique.
Voici deux témoignages sur le DEA. Le premier est celui d’une interne en chirurgie qui a écrit « Au-delà de l’acquisition des techniques microchirurgicales, le DEA m’a appris à développer la rigueur du raisonnement scientifique tout en gardant l’enthousiasme de la recherche » [28]. L’autre est celui d’un Directeur d’Unité INSERM qui faisait part de ses réticences à accueillir un chirurgien à qui il devrait tout apprendre des techniques de laboratoire ; après une année, il souhaitait accueillir d’autres étudiants du DEA de Sciences Chirurgicales aussi dynamiques et travailleurs.
CONCLUSION
Il existe en France une recherche clinique de qualité. Les associations de recherche en chirurgie ont joué un rôle fondamental dans son développement. Leurs travaux de recherche multicentriques apportent souvent les meilleurs niveaux de preuve scientifique dans une chirurgie factuelle. Ils ont aussi un rôle pédagogique important
en sensibilisant les jeunes chirurgiens à ce type de raisonnement et en développant leur esprit critique.
L’initiation à la recherche fondamentale de jeunes chirurgiens est essentielle pour les former à la rigueur scientifique, indispensable à la conduite de leurs travaux de recherche clinique et à la pratique d’une chirurgie factuelle. Le DEA de sciences chirurgicales, en formant près de 60 jeunes chirurgiens chaque année y contribue. Il ne saurait se substituer à la formation chirurgicale proprement dite qui reste essentielle.
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DISCUSSION
M. Bernard GLORION
Quelles sont les formalités obligatoires et réglementaires qui doivent être faites pour pouvoir réaliser une étude comparative entre deux modalités thérapeutiques différentes en chirurgie ?
Les formalités pour réaliser un essai randomisé sont les mêmes en chirurgie que dans les autres disciplines : avoir une entité responsable sur le plan juridique et réglementaire du bon fonctionnement de l’étude (le « promoteur ») ; avoir un investigateur principal (coordonnateur scientifique de l’étude) ; obtenir l’avis favorable du Comité consultatif pour la protection des personnes dans les recherches biomédicales (CCPPRB) ; être déclaré à l’Agence sanitaire pour les produits de santé si l’essai comporte une composante médicamenteuse ; enfin avoir l’avis favorable de la Commission nationale informatique et liberté (CNIL). Bien entendu, le consentement éclairé du malade doit être obtenu par écrit. Cette course d’obstacles a l’inconvénient d’être lourde, longue, « chronophage ». Elle a l’avantage, pour ces mêmes raisons, de filtrer les essais et d’éliminer ceux qui sont mal conçus.
M. Daniel LOISANCE
Ma question concerne le devenir des DEA : combien de jeunes chirurgiens ont-ils poursuivi leur recherche dans le cadre d’une thèse en sciences chirugicales ?
Il est très difficile de connaître le nombre exact de thésards. En effet, si des titulaires du DEA de Sciences chirurgicales font une thèse dans le cadre de la formation doctorale du DEA (environ une soixantaine), il en est d’autres qui font une thèse dans d’autres formations doctorales sans toujours le signaler au Directeur de notre DEA. On peut estimer qu’il y a au minimum dix pour cent de jeunes chirurgiens qui poursuivent leur recherche dans le cadre d’une thèse.
M. Francis DUBOIS
Quelle est la proportion d’internes en chirurgie faisant un DEA ? Est-il préjudiciable pour la formation chirurgicale d’abandonner la pratique chirurgicale pendant un an et y a-t-il des étudiants en DEA qui aient abandonné la chirurgie ?
Il est très difficile de savoir combien d’internes en France font de la chirurgie, notamment à cause des systèmes de choix régionaux, et encore plus difficile de savoir combien passent un Diplôme d’étude spécialisée complémentaire (DESC) en chirurgie — le Ministère des Universités semblant à ce jour incapable de fournir cette information —, il n’est pas possible de répondre à cette question. De plus, les internes en chirurgie ne sont pas les seuls à présenter le DEA de Sciences chirurgicales ; là nous en connaissons le nombre. En tenant compte de ces deux remarques, on peut estimer que seul un petit tiers des internes en chirurgie sont en DEA. A notre connaissance, aucun n’a ensuite abandonné la chirurgie, ce qui est heureux compte tenu des perspectives de la démographie chirurgicale.
Cela n’empêche pas des titulaires du DEA et de Thèse de poursuivre une activité de recherche en laboratoire.
M. Alain RÉRAT
Existe-t-il actuellement des structures d’installations animales permettant de faciliter les recherches chirurgicales ?
La plupart des travaux de DEA, lorsqu’ils ont besoin d’un modèle animal, se font sur de petits animaux et de très nombreux laboratoires le permettent. En revanche, les possibi-
lités de recherche impliquant de travailler sur de gros animaux sont peu nombreuses, pour de nombreuses raisons. Elles sont limitées à quelques laboratoires, écoles vétérinaires, laboratoire de Jouy en Josas…
M. Jacques-Louis BINET
Quels sont les étrangers qui suivent ces DEA ?
Les étrangers qui présentent le DEA (6 %) viennent de tous les continents, mais surtout d’Asie (Chine), d’Amérique du Sud (Brésil, Argentine), d’Afrique du Nord et du Moyen Orient.
M. Patrice QUENEAU
Dans le contexte de votre très belle présentation, se pose la question des nécessaires financements publics de la recherche clinique, qu’il s’agisse de telles recherches cliniques chirurgicales, de recherches cliniques portant sur d’autres traitements non médicamenteux ou de recherches cliniques concernant les médicaments mais avec la perspective de diminuer la consommation médicamenteuse ou encore d’étudier les accidents médicamenteux. Dans tous ces cas, les financements privés sont souvent difficiles à obtenir. En outre, il y a toujours un grand avantage à bénéficier de financements publics renforçant la crédibilité et l’indé- pendance des travaux. A cet effet, pensez-vous que l’INSERM joue-t-elle pleinement son rôle face aux exigences d’une telle recherche ?
Il faut distinguer le financement de la recherche et celui des étudiants. Les internes qui font le DEA sont, pour la plupart, rémunérés dans le cadre de l’année recherche c’est-à-dire comme internes par les hôpitaux ; les autres le sont par des bourses dont celles de la fondation pour recherche médicale. La rémunération des étudiants n’est pas une difficulté, du fait de la qualité des programmes de recherche. Le financement de la recherche s’inscrit dans les enveloppes dont disposent les laboratoires d’accueil dans le cadre de leur recherche, presque toujours des laboratoires publics (INSERM, CNRS , laboratoires universitaires).
* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine. Hôpital Tenon, 4 rue de la Chine — 75020 Paris. Tirés-à-part : Professeur Michel Huguier, à l’adresse ci-dessus. Aticle reçu le 26 juin 2003, accepté le 1er décembre 2003
Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 1, 97-108, séance du 27 janvier 2004