Résumé
L’Europe se crée, la transfusion sanguine évolue, l’Europe de la transfusion sanguine est ainsi en plein développement. La première étape de cette évolution est la publication d’une directive européenne (2002/98/CE). Cette directive peut apparaître comme un compromis entre la technocratie, les lobbyings et les professionnels, elle reste néanmoins un acte fondateur. Dans l’avenir, la transfusion sanguine européenne doit reposer sur des critères et valeurs médicaux, scientifiques et sociaux. Elle doit répondre à deux impératifs : respecter l’éthique et échapper au système marchand. Son premier objectif doit être la satisfaction des patients dans le respect des donneurs. L’Etude d’EuroNet-TMS apporte des résultats très intéressants. L’organisation des systèmes transfusionnels est très hétérogène, allant de systèmes très stricts à des systèmes proches des organisations marchandes. L’approche des donneurs est très disparate selon les pays et les cultures. Les pratiques transfusionnelles sont différentes dans l’ensemble de l’Union Européenne (certains pays prescrivant 2,5 fois plus que d’autres). Les stratégies de prévention et d’hémovigilance restent très liées à chaque pays, sans aucune tentative d’homogénéisation.
Summary
Blood transfusion is developing rapidly in the European Union. Though a compromise between technocrats, lobbies and blood transfusion professionals, the new specific EU directive (2002/98/EC) was a major step forward. In the future, blood transfusion in the EU must be centered on medical, scientific and social criteria, within a sound ethical and non commercial framework. Attention must be paid to the needs of patients and blood donors alike. The EuroNet-TMS survey is highly informative in this respect. National transfusion systems are extremely heterogeneous, ranging from public services to profit-oriented organizations. The approach to donors varies from one country and culture to another. Some member states prescribe 2.5 times more blood products than others. Likewise, prevention and haemovigilance strategies are highly variable, with no attempt at harmonization.
L’organisation de la transfusion en Europe présente une extrême diversité dans ses aspects institutionnels, économiques, sociaux et éthiques. Un débat, qui pourrait se résumer ainsi : « Le sang est-il une marchandise ou le produit d’un don ? ’’, anime et ponctue les préoccupations des professionnels de ce secteur ; il a orienté beaucoup de leurs décisions.
Après le drame du sang contaminé, il s’est avéré indispensable de dresser un état des lieux de la transfusion sanguine en Europe afin d’ouvrir de nouveaux horizons à cette discipline médicale si nécessaire à la réalisation d’actes médicaux et chirurgicaux.
C’est ainsi qu’est née l’idée de créer un réseau regroupant toutes les sociétés savantes de médecine transfusionnelle : EuroNet-TMS (European Network — Transfusion Medicine Societies). C’est un an plus tard que sera publiée la directive européenne 2002/98/CE structurant la transfusion sanguine dans l’Union Européenne.
LA DIRECTIVE 2002/98/CE DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL DU 27/01/2003 ÉTABLISSANT DES NORMES DE QUALITÉ ET DE SÉCURITÉ POUR LA COLLECTE, LE CONTRÔLE, LA TRANSFORMATION, LA CONSERVATION ET LA DISTRIBUTION DU SANG HUMAIN ET DES COMPOSANTS SANGUINS, ET MODIFIANT LA DIRECTIVE 2001/83/CE La directive fixe des normes communes strictes applicables au sang destiné aux transfusions humaines, à l’admissibilité des donneurs de sang et de plasma et au contrôle des dons de sang dans l’Union Européenne [1]. Elle définit les règles applicables à l’étiquetage et à la traçabilité du sang total et des composants sanguins destinés aux transfusions humaines dans l’ensemble de l’Union. En outre, la directive instaure un système obligatoire de surveillance et d’échange d’informations conçu pour faciliter l’identification et la communication rapides des risques émergents dans la filière du sang, ainsi que le retrait des lots de sang contaminé éventuels.
Les laboratoires, les hôpitaux et les autres établissements qui collectent et traitent du sang et des composants sanguins devront mettre en place un système de gestion de la qualité. Les principales exigences de ce système seront définies au niveau européen sur la base de meilleures pratiques, en vue de l’application de normes équivalentes de gestion et de sécurité dans toute l’Union. Le personnel travaillant dans ces établissements et participant directement à la collecte, au contrôle, à la transformation, à
la conservation et à la distribution du sang devra suivre une formation répondant à des normes communautaires.
La directive complète également la législation communautaire existante sur les médicaments dérivés du sang (MDS). Depuis 1989, le plasma utilisé pour la fabrication de médicaments dérivés du sang (albumine, facteurs de coagulation, immunoglobulines) est couvert par la législation pharmaceutique communautaire.
Avant la ratification du Traité d’Amsterdam, le sang total, les composants cellulaires et le plasma utilisés à des fins de transfusion ne l’étaient pas. L’article 152 du Traité d’Amsterdam a fourni à la Commission la base juridique nécessaire pour proposer une législation contraignante, et prévoit l’adoption par le Conseil et le Parlement de mesures fixant des normes élevées de qualité et de sécurité du sang et de ses dérivés.
Un comité d’experts des gouvernements nationaux présidé par la Commission élaborera les modalités techniques d’application de la directive et veillera à la mise à jour des dispositions pour tenir compte des nouveaux développements en matière de soins, de santé et en matière scientifique [2-5].
L’impact médical de cette directive peut se décliner en dix aspects qui ne sont pas exhaustifs :
Réaffirmer la responsabilité médicale au sein de la transfusion sanguine européenne, en sachant que nombre de dérives sont sous-tendues par les décisions administratives et politiques dont les fondements ne sont pas toujours clairs et cohérents.
Restaurer la confiance, tant des donneurs que des receveurs, en la transfusion sanguine pour une meilleure organisation des dons et des soins et pallier la tension perceptible dans de nombreux pays où l’approvisionnement est de plus en plus difficile.
Promouvoir le don du sang volontaire et bénévole est présenté comme « un principe plus actuel que futur » et non comme un principe incontournable. Le bénévolat n’est pas seulement une valeur transfusionnelle en soi, c’est aussi une symbolique, et en faire abstraction ouvre la porte à de nombreuses autres dérives.
Assurer l’autosuffisance est essentiel pour la réalisation des soins ; il ne faudrait pas qu’elle soit mise en balance avec la problématique de la rémunération des donneurs.
« Prévenir la transmission des maladies » n’est qu’une part des défis majeurs de la transfusion de ce début de siècle ; cette formulation n’est pas le reflet de la réalité d’une transfusion moderne. Ignorer tous les autres risques est probablement une erreur. [6] Assurer une traçabilité à tous les niveaux (donneurs, produits, examens, receveurs) à condition qu’elle soit prioritairement destinée à la sécurité et aux soins des malades.
Développer un réseau de notification des effets indésirables au long de la chaîne transfusionnelle, à condition que son objectif premier soit clairement l’identification et la correction médicale des défaillances.
Revendiquer les progrès scientifiques et techniques ne devra pas n’être qu’une intention ; le comité proposé n’est pas convaincant car il sera l’émanation de la commission qui n’a aucune compétence dans ce domaine [7].
Respecter les organisations locales des services de santé à condition de connaître les conséquences économiques de chaque dispositif : il faut savoir pourquoi il y a de telles distorsions économiques entre les pays.
Obliger les professionnels à se former périodiquement, et l’ensemble du personnel à répondre à des qualifications adaptées… le tout par des organismes autonomes et indépendants.
Pour conclure sur l’efficacité possible de cette nouvelle directive, n’aurait-il pas fallu faire préalablement le bilan de l’application de la précédente, la Directive 89/381 [8] ?
En effet, une bonne approche méthodologique aurait privilégié la rédaction d’un état des lieux en fonction de l’état de l’art avant de rédiger ce type de directive qui risque plus de figer une situation que de créer une dynamique pour les dix ans à venir.
LA VARIÉTÉ DES SYSTÈMES TRANSFUSIONNELS EN EUROPE Dans cette évolution, les sociétés savantes nationales et internationales ont un rôle et des responsabilités accrus. C’est dans ce contexte qu’a été créée la confédération européenne des Sociétés de médecine transfusionnelle, appelée European Network of Transfusion Medicine Societies (EuroNet-TMS). Ce qui est attendu d’une telle confédération, c’est de veiller à ce que l’évolution de la discipline transfusionnelle se fasse dans un contexte scientifique et médical adéquat et consensuel [9].
Un tour d’horizon européen nous montre l’extrême diversité des systèmes transfusionnel [7].
L’Allemagne — L’Allemagne a toujours été le pays Européen posant le plus de problèmes aux défenseurs du don volontaire et non rémunéré en ce sens où, historiquement, les deux systèmes lucratif et non lucratif ont toujours coexisté.
Il existe en Allemagne trois volets dans l’organisation transfusionnelle : — les services de transfusion Croix-Rouge ; — les services du sang et du plasma gouvernementaux, généralement rattachés à des hôpitaux universitaires ; et — les centres de plasmaphérèse de l’industrie pharmaceutique, représentant un total d’environ 650 000 plasmaphérèses. L’Allemagne, avec 2 millions de donneurs, collecte environ 4,3 millions de dons de sang par an, dont 80 % par la Croix-Rouge.
Le nombre de litres de plasma obtenu à partir des dons de sang total de la Croix-Rouge (3,5 millions d’unités) a été en 2000 d’environ 1 million de litres. Les
centres de plasmaphérèses ont apporté 100 000 litres supplémentaires. Environ 170 000 ont été fournis aux hôpitaux et le reste a été fractionné soit par la Croix-Rouge (555 000 1itres), soit par l’industrie (375 000 1itres).
L’Autriche — L’organisation de la transfusion sanguine autrichienne est placée sous l’égide de la Croix-Rouge. Le don du sang est bénévole.
Il existe 7 centres régionaux qui préparent des produits sanguins labiles. Chaque année 500 000 unités de sang sont utilisées par les hôpitaux.
Les produits stables sont exclusivement préparés par des industriels du secteur privé.
La collecte de plasma est en grande partie réalisée par des centres privés ; ces dons sont rémunérés.
La Belgique — Les centres de transfusion au nombre de 37, dépendent de la
Croix-Rouge qui est responsable de 98 % de la collecte, le don de sang étant bénévole et gratuit. La Belgique est largement autosuffisante en sang et produits sanguins. Le niveau de collecte est d’environ 750 000 unités / an.
Le Danemark — Avec environ 5,2 millions d’habitants, le Danemark compte plus de 260 000 donneurs de sang, soit environ 10 % de la population âgée de 18 à 60 ans.
L’Espagne — Une nouvelle organisation décentralisée et un réseau encore en cours de développement sont les principales caractéristiques de ce secteur.
Sur un total de 182 centres, 173 sont des banques de sang attachées à un hôpital ou une région. 58 d’entre eux collectent 5 000 à 20 000 unités par an.
La Finlande — L’organisation de la transfusion sanguine finlandaise est assurée par la Croix Rouge (Finnish Red Cross Blood Transfusion Services — FRC BTS).
La Grèce — Le Centre national de transfusion sanguine et l’unité de dérivés sanguins contribuent fortement à l’application des principes d’autosuffisance de prélèvements de sang chez des donneurs volontaires et non rémunérés.
La collecte du sang est basée sur le don volontaire et gratuit, et se fait essentiellement auprès des familles et de l’entourage des patients (60 % des dons) ; le don dirigé est possible.
L’Irlande — Le don est bénévole, anonyme et gratuit ; l’ensemble du système transfusionnel est organisé par un service national de la transfusion sanguine.
L’Italie — Si le Ministère de la Santé porte la responsabilité suprême de l’organisation transfusionnelle italienne (Commission consultative nationale : Istituto Superiore di Sanità), il délègue totalement l’organisation et la gestion aux comités régionaux, formés de représentants des pouvoirs publics et des amicales de donneurs de sang.
On compte près de 400 centres de collecte de tailles diverses. Les associations de donneurs regroupent 1 million de donneurs. En 2000, le nombre de dons pour
1 000 habitants était de 51 dans le nord contre 36 dans le centre et 21 dans le sud et les îles.
Le Luxembourg — C’est la Croix-Rouge luxembourgeoise qui a en charge l’approvisionnement en produits sanguins du grand-duché du Luxembourg. La mission nationale du Service de la transfusion sanguine de la Croix-Rouge luxembourgeoise (CRL) consiste à couvrir les besoins des malades du pays en produits sanguins labiles et en dérivés plasmatiques.
La Norvège — Les centres de transfusion sont intégrés aux hôpitaux. Les 58 centres de transfusion sont d’importance variable, allant de 48 000 prélèvements à Oslo à 400 dans les plus petits centres, dans les contrées les plus reculées du pays.
Pour une population de 4,5 millions d’habitants, dont la moitié environ réside dans le sud-est, la collecte annuelle représente 180 000 dons de sang total et 6 000 plasmaphérèses.
Les Pays-Bas — Au début de l’année 1998, la Fondation CLB et la Fondation Karl
Landsteiner, toutes deux faisant partie du Laboratoire central de la Croix-Rouge (créé en 1959), ont fusionné avec les banques régionales de sang de la Croix-Rouge, pour créer la Fondation ‘‘ Sanquin ’’.
Les Pays-Bas comptent actuellement, hormis le Laboratoire central de la CroixRouge d’Amsterdam, 9 centres de transfusion. Le niveau de la collecte en 2002 a été de l’ordre de 820 000 dons.
Le fractionnement du plasma est réalisé par le CLB. Outre ses activités de fractionnement, le CLB possède des activités de recherche et de formation.
Le Portugal — Une loi votée en 1989 vise à instaurer un système transfusionnel non rémunéré. Sa mise en place se fait progressivement. Coexistent encore aujourd’hui des centres de transfusion publics et des banques de sang privées.
70 établissements de transfusion sanguine publics approvisionnent en produits sanguins les hôpitaux publics dans lesquels ils sont intégrés.
Le Royaume-Uni — En avril 1993, a été créée le National Blood Service (NBS). Elle a compétence sur l’ensemble de la chaîne du sang en Angleterre, avec autorité sur les 14 centres régionaux de transfusion sanguine.
La NBS est chargée d’assurer l’organisation et la gestion prévisionnelle des produits sanguins tout en définissant des normes de sécurité, de qualité et de gestion des dépenses.
En 2000, les centres régionaux ont collecté 2 200 000 dons, et distribué dans plus de 300 hôpitaux.
Le Bio Product Laboratory (BPL), établissement public créé en 1987 à Elstree (Londres), qui dépend de la NBS, assurait environ les deux tiers de l’approvision-
nement britannique en dérivés sanguins, le reste étant fourni par des firmes commerciales.
1998 a marqué un tournant important dans l’histoire du BPL lorsque les autorités britanniques ont décidé d’importer du plasma, en raison des risques de transmission d’un nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob. Le plasma est originaire des États-Unis.
La Suède — Le système transfusionnel suédois est intégré aux hôpitaux.
Le don peut être bénévole ou rémunéré. La Croix-Rouge participe activement à la promotion du don de sang bénévole.
La France — En France, les réformes sont ponctuées par deux lois : la loi du 4 janvier 1993 créant l’Agence française du sang (AFS) et la loi du 1er juillet 1998 créant l’Établissement français du sang (EFS), opérateur unique pour les produits sanguins labiles (du prélèvement à la distribution), regroupant tous les établissements de transfusion sanguine [10].
En 2003, le paysage transfusionnel français repose sur plusieurs acteurs :
l’Établissement Français du Sang (EFS) qui collecte environ 2.100.000 unités de sang total, et dont la distribution est à peu près stabilisée depuis trois ans, permettant ainsi de maintenir en partie l’équilibre entre les besoins et l’offre. L’EFS est organisé autour de 14 établissements régionaux en métropole (et 4 dans les DOMTOM), l’Institut National de la Transfusion Sanguine (INTS) , en charge d’activités de
Référence, de Recherche et d’Enseignement, les cliniciens, les prescripteurs, les biologistes, les hémovigilants , des dizaines de milliers de praticiens, Ainsi, peu à peu, un nouvel équilibre s’installe.
Quant au fractionnement, il a été séparé de l’EFS au travers du Laboratoire Français du Fractionnement et des Biotechnologies (LFB), dont les capacités dépassent les 580.000 litres de plasma [11, 12].
BILAN COMPARATIF DE L’ÉTAT DE LA TRANSFUSION EN EUROPE L’étude EuroNet-TMS a eu pour objectif de dresser un état des lieux de la transfusion sanguine dans l’Union Européenne. L’analyse de l’enquête montre que cette activité médicale est un véritable ‘‘ patchwork ’’. L’hétérogénéité est présente à tous les niveaux, qu’ils soient administratifs, organisationnels, médicaux ou scientifiques [13, 14].
Si la transfusion sanguine européenne est un patchwork, quelles en sont les principales pièces ?
L’organisation de Systèmes
Les organisations transfusionnelles sont très disparates. Certaines sont nationales (comme en France, en Angleterre, au Danemark, en Finlande), d’autres régionales (comme l’Allemagne), alors que d’autres sont encore plus décentralisées et souvent liées aux hôpitaux (comme en Italie et en Suède).
Globalement, la place de la Croix-Rouge a diminué au profit du rôle des états de plus en plus impliqués. Désormais, la majorité des pays dispose d’une autorité de tutelle :
c’est l’Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé (AFSSAPS) en France, c’est le Paul-Ehrlich Institut en Allemagne.
De même, les fonctions d’un établissement de transfusion sont très différentes selon les pays de l’Union Européenne. Si les missions de base sont le plus souvent identiques (collecte, contrôle, transformation, stockage et distribution), les questionnaires rapportent que dans plusieurs pays, ils exercent d’autres activités :
biologie médicale et thérapie cellulaire (France, Espagne…), histocompatibilité (Autriche, Belgique, Finlande, France, Grande-Bretagne, Suède…) hématologie biologique (Finlande, Grèce, Italie…).
Si l’on considère le personnel, les disparités sont encore plus flagrantes et apparemment sans lien direct avec les missions : le ratio personnel/nombre de prélèvements est de 1/714 en Grande-Bretagne, 1/522 en Finlande, 1/364 en Italie, et de 1/292 en France.
Les substituts des produits sanguins
La transfusion sanguine repose sur des composants qui sont, soit des cellules, soit des protéines qui ont des fonctions spécifiques. Aussi, l’une des questions essentielles est de connaître l’état de l’art concernant la substitution de ces cellules ou protéines afin de remplir les mêmes fonctions.
Les différentes formes d’hémoglobine développées jusqu’à ce jour n’ont pas fait la preuve clinique de leur capacité à remplacer les globules rouges. Elles se heurtent aux difficultés de compréhension des mécanismes d’oxydation de l’atome de fer de l’hème, aux problèmes de mise au point des procédés de production de grande quantité (tant pour l’hémoglobine d’extraction que pour l’hémoglobine de recombinaison génétique) et à l’optimisation des technologies de purification assurant l’innocuité du produit. Les essais cliniques réalisés à l’aide de dérivés de perfluorocarbone ont confirmé leur toxicité. Les essais d’expansion à large échelle de progé- niteurs ne font que commencer.
Aussi apparaît-il que le recours aux globules rouges humains de donneurs de sang sera encore une nécessité pendant une longue période, au moins dix ans. Pendant cette période, les évolutions seront probablement dues à des modifications type pegilation, traitement enzymatique ou développement de programmes utilisant des facteurs de croissance.
Les recherches actuelles ne laissent pas envisager de perspectives prochaines sur un substitut de plaquettes. La découverte de la thrombopoïétine et de son dérivé le MGDF ont fait espérer une substitution possible, mais les premiers essais cliniques ont révélé des effets secondaires majeurs.
Parmi les médicaments dérivés du sang, il est très probable que l’albumine (pour des raisons de production) et les immunoglobulines intra-veineuses (pour des raisons scientifiques) seront encore dans 10 ans des produits issus du plasma humain.
Les biotechnologies ont permis la production de protéines recombinantes se substituant aux protéines de la coagulation, en particulier facteur VIII, facteur IX et même les autres facteurs de coagulation.
Il faut espérer que, dans les dix années à venir, des anticorps monoclonaux recombinants se substitueront aux immunoglobulines spécifiques (anti-RhD par exemple).
Les stratégies face au don et au donneur
L’analyse de l’étude EuroNet-TMS révèle de très grandes disparités dans ce domaine. Sept points particuliers peuvent être mentionnés et sont significatifs des disparités :
La mobilisation des populations des pays de l’Union Européenne est très hétérogène : le taux de donneurs va de 3,7 à 11 pour 1000 habitants en âge de donner son sang.
Les méthodes de sensibilisation et de recrutement diffèrent totalement selon les pays sans qu’une réflexion européenne n’ait été engagée afin que chaque pays puisse développer une stratégie propre en fonction de ses spécificités.
Les règles et pratiques afférentes au don sont encore différentes selon les pays : il n’y a pas de ‘‘ guidelines ’’ homogénéisées. Les recommandations sont le plus souvent locales ou nationales.
L’intervalle des âges pour donner son sang est très divers : il va de 17 à 70 ans selon les pays. De même, les rythmes de dons sont également quelque peu différents.
Les donneurs ont été confrontés à de nombreuses interrogations dont celle correspondant au ‘‘ questionnaire ’’. Petit à petit et grâce aux différentes directives européennes, les donneurs ont donné leur accord. Il n’y a pas de position consensuelle en ce qui concerne la confidentialité des déclarations.
Cette enquête révèle un souci, celui de l’aspect médical du don et de l’approche des donneurs : dans 100 % des pays, un médecin est responsable de la ‘‘ qualité clinique ’’ du donneur, il n’est obligatoirement spécialisé que dans 19 % des pays. Dans 56 % des pays, le rôle et les responsabilités des infirmières, voire des techniciens, sont reconnus, mais toujours sous les auspices d’un médecin.
Un des problèmes majeurs qui a été soulevé est celui de la rémunération des donneurs. En 2003, trois pays (sur 15) de l’Union Européenne paient des donneurs
pour donner leurs cellules. D’autres pays expriment leur crainte si c’est une possibilité pour assurer l’autosuffisance.
Les pratiques transfusionnelles
Les pratiques transfusionnelles sont très différentes en Europe. En effet, si l’on considère l’utilisation des produits sanguins labiles (PSL), comment comprendre que le nombre de PSL utilisés en France est de 40 et en Grèce de 32, alors qu’il est de 93 en Finlande et de 73 en Allemagne ? De plus, le type de produits est différent.
Cette étude montre que l’Espagne utilise 4 fois moins de plasma que la Suède et 2,5 fois moins que la France. Aux deux extrêmes, on trouve l’Espagne (3 % des PSL) et l’Allemagne (22 % des PSL). Ces écarts ne peuvent qu’engendrer des interrogations qui doivent obtenir des réponses afin d’identifier la cause.
En matière d’utilisation des concentrés de plaquettes, les différences sont moindres mais néanmoins significatives : la Suède consomme cinq fois moins de concentrés plaquettaires que l’Espagne ou la Finlande. La Grande-Bretagne et la France sont dans la moyenne des consommateurs en Europe.
L’enquête EuroNet-TMS révèle que tous les pays ne disposent pas de guidelines fondées sur des bases scientifiques et médicales. Selon les pays, les guidelines sont très hétérogènes et issues d’organismes différents, allant des sociétés savantes aux agences d’état.
Les pratiques sont d’autant plus différentes que les organisations ne sont pas identiques : les rôles des établissements de transfusion sanguine et des hôpitaux sont différents. Les banques de sang n’ont pas toutes les mêmes fonctions. Toutes ces disparités sont liées au fait que l’organisation des systèmes de soins est difficilement comparable.
En corollaire, il importe de souligner la place de l’immunohématologie dans la sécurité transfusionnelle, ce d’autant que les techniques sont de plus en plus standardisées.
Les stratégies de prévention de transmission des virus, bactéries et parasites L’analyse des résultats de l’enquête EuroNet-TMS montre que l’Union Européenne n’avait pas de stratégie à l’égard des agents infectieux transmissibles par le sang.
Néanmoins, la situation semble évoluer de telle sorte que l’on peut discuter six points :
Les choix concernant le dépistage des agents infectieux ont toujours été des choix individuels et non collectifs, sans véritable concertation à l’échelle de l’Europe.
Les progrès en matière de tests de dépistage sont le fruit des actions de recherche et développement des grandes firmes internationales, lesquelles utilisent ce réel avantage à des fins de lobbying.
Afin d’affiner les dépistages des virus, les stratégies basées sur la biologie moléculaire ont mis près de trois ans à s’installer ; l’étude EuroNet-TMS montre que l’Europe est aujourd’hui capable d’établir des stratégies d’efficacité sur des populations 1,5 fois supérieures à celle des USA. C’est ainsi que la volonté de l’Europe s’affirmera.
En matière de dépistage des bactéries, la situation est très hétérogène, sans aucune base scientifique ; il n’y a pas d’approche univoque et d’essais comparatifs à l’échelle européenne. Certains lobbies ne risquent-ils pas d’être plus efficaces qu’une démarche scientifique ?
L’introduction éventuellement propre des techniques d’inactivation des agents infectieux sera une étape décisive pour la sécurité transfusionnelle.
Néanmoins, l’Union Européenne se met en place, en particulier au travers du projet BOTIA (Blood and Organ Transmissible Infectious Agents) qui a une mission d’observation des agents transmissibles et des propositions à prendre à l’égard de ces agents.
Le développement des risques liés aux agents infectieux et transmissibles oblige à une vigilance très organisée. C’est le chemin que prend l’Europe avec un souci essentiel de communication et d’information.
L’hétérogénéité de l’hémovigilance
L’hémovigilance est un concept récent qui a une dizaine d’années et qui a été officialisé par la Directive Européenne 2002/98/CE.
Néanmoins, elle est différemment comprise et interprétée dans les pays européens.
Aux extrêmes, la France et l’Angleterre. En Angleterre, l’organisation SHOT est un système volontaire, indépendant, basé sur le recueil des effets secondaires importants et significatifs. En France, l’organisation de l’hémovigilance est placée sous l’autorité d’une agence d’Etat, fait appel à des déclarations obligatoires, exhaustives, et s’immisce plus ou moins dans le travail des opérateurs de la transfusion sanguine.
Entre ces deux extrêmes, les pays de l’Union Européenne ont fait différents choix adaptés selon des modes volontaires ou obligatoires.
La mise en place du réseau européen d’hémovigilance (EHN) permet déjà une bonne gestion des alertes immédiates.
Dans ce cadre, la directive européenne définit trois obligations : [1] la traçabilité, [2] les modes de notification et [3] les effets secondaires, ce qui doit devenir le ‘‘ plus petit dénominateur commun ’’ de l’hémovigilance européenne.
Les formations des personnels et les systèmes qualité
Les systèmes de formation sont très hétérogènes en Europe, ainsi que les niveaux exigés pour les pratiques professionnelles. Durant la formation des étudiants en médecine, 70 % des pays réservent une place spécifique à la transfusion sanguine.
Dans la moitié des pays, la transfusion est reconnue comme une spécialité médicale.
En règle générale, il est demandé un ou deux ans de formation spécifique en plus d’une formation autre en médecine interne, hématologie, anesthésie, biologie médicale, pour être ainsi qualifié de ‘‘ spécialiste ’’. Il faut néanmoins dissocier ce type de formation des niveaux exigés pour occuper un poste donné dans le ‘‘ Paysage Transfusionnel ’’ : chaque pays a ses propres règles.
L’organisation et la reconnaissance des différents diplômes et unités de valeur sont sous la responsabilité d’organismes très différents selon les pays : société savantes, universités ou associés, collèges professionnels, autorités de santé.
Dans 59 % des pays, la formation continue médicale est reconnue : les systèmes de crédit-formation se mettent en place.
Les formations spécifiques à la transfusion des infirmières sont peu répandues en dehors de programmes de formation disponibles dans un tiers des pays. La formation des techniciens est relativement standardisée en Europe ; il n’y a pas de formation spécifique pour les techniciens travaillant en transfusion sanguine. Certains pays développent des programmes adaptés de formation continue.
La formation est d’autant plus importante qu’elle est un élément de base des systèmes d’assurance qualité, des procédures d’accréditation et de certification, par ailleurs très hétérogènes en Europe. Il n’y a pas d’Europe des systèmes qualité en transfusion sanguine ; de même, les procédures de certification et d’accréditation sont très hétérogènes.
La socio-économie
La sociologie des donneurs est également très différente. Si l’on prend comme L’analyse de l’étude EuroNet-TMS révèle de grandes différences de comportements selon les pays. Ainsi, en matière de personnel des établissements de transfusion sanguine, il y a 55 personnes (infirmières, techniciens, médecins…) par million d’habitants en Grande-Bretagne et 143 en France. En Italie et en Finlande, il y a respectivement 113 et 118 personnes par million d’habitants. Ces chiffres ne sont pas corrélés au mode d’organisation et à l’existence de banques de sang ou de dépôts.
La proportion des personnels médicaux et scientifiques est également très différente selon les pays : 7 % en Finlande et 34 % en Italie, 14 % en France et 9 % en Grande-Bretagne. La sociologie des donneurs est également très différente. Si l’on prend comme critère le pourcentage de nouveaux donneurs (selon une même définition), il est de 5,3 % au Luxembourg et de 29,6 % en Espagne et de 16 % en Belgique.
En matière de prix de cession des produits sanguins, les comparaisons sont souvent difficiles. Néanmoins, les concentrés de globules rouges sont suffisamment standardisés pour être analysés : à l’intérieur même d’un pays, leur prix peut varier de 65 à
154 Euros ; et si l’on compare tous les pays de l’Union, les prix s’échelonnent de 65 à 227 Euros pour des produits qui doivent permettre d’assurer une même sécurité à l’égard des malades. Si l’on considère le plasma frais congelé, il y a un facteur 3,5 entre le prix le plus élevé et le moins élevé.
Dans ses disparités, la diversité des prix des produits sanguins rejoint celle du médicament.
L’effort financier destiné à la recherche semble très variable selon les pays. Il apparaît plutôt faible. La recherche et développement est surtout réalisée par l’Industrie.
Les stratégies du plasma
Il n’y a pas de stratégie européenne du plasma ‘‘ non profit ’’. Toutes formes de plasma confondues, l’Union Européenne n’est pas auto-suffisante. Par ailleurs, la collecte du plasma pose un problème majeur : le sang humain peut-il faire partie du système marchand ? Certains pays ont déjà franchi le pas.
L’Europe est auto-suffisante en plasma thérapeutique (plasma frais congelé), en dehors de la Grande-Bretagne du fait des risques liés au prion. Les besoins sont néanmoins très différents selon les pays : 11 000 unités par million d’habitants en Allemagne, 8 600 unités par million d’habitants en Italie, 4 170 unités par million d’habitants en France et seulement 1 260 en Espagne.
En matière de fractionnement, à peine 50 % des pays de l’Union Européenne se déclarent auto-suffisants en plasma. Quantitativement, le déficit est important malgré l’utilisation clinique des protéines recombinantes.
En matière d’utilisation des protéines plasmatiques, deux remarques s’imposent : — la place prépondérante du facteur VIII recombinant par rapport au facteur VIII d’origine plasmatique (idem facteur IX), — les règles et habitudes de prescription différentes qui conduisent l’Allemagne à utiliser 600 kg d’albumine par million d’habitants alors que le Royaume-Uni n’en utilise que 200.
Les acteurs et leur rôle
À l’échelle de l’Union Européenne, le fonctionnement de la transfusion sanguine fait intervenir huit catégories d’acteurs :
— les établissements de transfusion sanguine, — les banques de sang des hôpitaux et des dépôts, — les laboratoires de biologie, — les cliniciens prescripteurs de produits sanguins, — les institutions à caractère universitaire et de recherche, — les autorités de tutelle, qu’elles soient européennes (Commission Européenne…) ou nationales,
— les sociétés savantes et autres organisations, — les industriels.
Quant à l’hémovigilance, sa place est particulière selon les pays. Les donneurs de sang ont un rôle essentiel qui doit être différencié du rôle des opérateurs.
Pour que le paysage transfusionnel soit en harmonie et puisse ainsi remplir ses missions, il faut que chacun des acteurs soit bien à sa place pour que les dérives ne viennent rompre des équilibres déjà fragiles.
Ainsi, à titre d’exemple, ne faut-il pas :
Favoriser l’homogénéisation de la chaîne transfusionnelle et des relations établissements de transfusion et hôpitaux au travers de l’Europe pour assurer une traçabilité et une sécurité maîtrisées, sans qu’homogénéité ne soit synonyme d’uniformité ?
Créer des synergies entre recherche et études cliniques d’une part, et recherche et développement industriel d’autre part, pour maîtriser les risques et assurer une évolution des produits et procédures sachant que l’industrie est au cœur de la recherche transfusionnelle appliquée ?
Limiter les effets du lobbying, en particulier industriel, afin que l’ ’’Evidence Based Medicine ’’ l’emporte sur toutes les autres considérations ?
Faire en sorte que les décisions prises à l’échelon européen ou national soient moins technocratiques que médicales et scientifiques, reposant sur des avis transparents ?
L’Europe est une nécessité pour que les peuples se comprennent et vivent ensemble.
Si l’état des lieux réalisé par l’étude EuroNet-TMS révèle une grande hétérogénéité, l’objectif n’est pas l’uniformité. Au contraire, que naisse de ‘‘ l’esprit européen ’’ une plus grande volonté de qualité au service de tous [14, 15].
BIBLIOGRAPHIE [1] COMMUNAUTE EUROPEENNE — Directive 2002/98/CE du parlement européen et du conseil du 27 janvier 2003 établissant des normes de qualité et de sécurité pour la collecte, le contrôle, la transformation, la conservation et la distribution du sang humain et des composants sanguins, et modifiant la directive 2001/83/CE . J.O.C., 08.02. 2003, p.30-40.
[2] COMMUNAUTE EUROPEENNE — Directive 1998/97/CE du parlement européen et du conseil du 7 octobre 1998 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. J.O.C., 07.12. 1998, p.31-37.
[3] COMMUNAUTE EUROPEENNE — Directive 2004/33/CE du parlement européen et du conseil du 22 mars 2004 concernant certaines exigences techniques relatives au sang et aux composants sanguins . J.O.C., 30.03.2004, p.25-39.
[4] COMMUNAUTE EUROPEENNE — Directive 2005/61/CE du parlement européen et du conseil du 30 septembre 2005 concernant les exigences en traçabilité et la notification de certaines réactions et effets indésirables . J.O.C., 01.10.2005, p. 32-40.
[5] COMMUNAUTE EUROPEENNE — Directive 2005/62/CE du parlement européen et du conseil du 30 septembre 2005 concernant les normes et spécifications de la Communauté en matière de système qualité dans les établissements du sang . J.O.C., 01.10.2005, p. 41-48.
[6] LEFRERE J.J., ROUGER Ph. — Transfusion sanguine : une approche sécuritaire . Paris : John
Libbey , 2000.
[7] ROUGER Ph. — La transfusion sanguine 2ème éd. Paris : Presses Universitaires de France , 2001.
[8] BROWN F., SEITZ R. — Advances in transfusion safety 2001.
Basel : Karger , 2002.
[9] ROUGER Ph. — Médecine Transfusionnelle : du mythe à la réalité.
Transfus. Clin. Biol., 1999, 6, 341.
[10] LEFRERE J.J., ROUGER Ph. — Pratique nouvelle de la transfusion sanguine, 2eme éd . Paris :
Masson , 2006.
[11] EuroNet-TMS — European Network of Transfusion Medicine Societies.
Paris, SFTS , 2002.
[12] Conseil de l’Europe — Guide pour la préparation, l’utilisation et l’assurance de qualité des composants sanguins. Editions du Conseil de l’Europe, Strasbourg , 2003.
[13] ROUGER Ph. — L’Europe de la transfusion sanguine.
Transf. Clin. Biol ., 2003, 10, 126-130.
[14] ROUGER Ph. — Blood Transfusion in Europe. The white book 2005.
Paris : Elsevier , 2005.
[15] MAY R. — Risk and uncertainty —
Nature , 2001, 411, 891.
DISCUSSION
M. André LIENHART
Le rôle principal de la transfusion est d’éviter des décès par anémie ou hémorragie. Or, tant l’enquête ‘‘ mortalité maternelle ’’, que celle sur la ‘‘ mortalité liée à l’anesthésie ’’ présentées devant cette assemblée, ont montré que des progrès restaient à faire dans ce domaine.
Quels moyens seraient appropriés pour réduire ce risque de non-transfusion, en France et en Europe ? L’erreur ABO reste en France une des premières causes de mortalité due à l’acte transfusionnel. En est-il de même dans les autres états européens ? L’approche des moyens de prévention est-il similaire ? Finalement, l’exposé met en évidence deux logiques différentes. L’une tend à assimiler les produits sanguins labiles à des produits pharmaceutiques, avec un renforcement des contrôles sur le produit et sans trop se préoccuper de ce qu’il devient après avoir été distribué, en dehors d’une sorte de pharmacovigilance. L’autre au contraire insiste sur la spécificité du sang et sur l’intérêt d’une vision globale des avantages et des risques de la transfusion. Quel est votre avis sur cette alternative et dans quelle voie l’Union Européenne s’oriente-t-elle selon vous ?
Lorsqu’on analyse les résultats obtenus dans l’enquête EuroNet-TMS, il est clair que la France est devenue l’un des pays qui transfuse le moins en Europe. Si l’on associe cette constatation aux résultats des études récentes de la Société Française d’AnesthésieRéanimation, il est nécessaire que notre pays procède à des enquêtes d’indications et d’utilisation des produits sanguins afin de confirmer le niveau de « non-transfusion » pour pallier une situation à même d’engendrer une mortalité et une morbidité qui restent à évaluer. En matière d’accidents ABO, il est difficile de répondre à la question car la majorité des autres pays ne disposent pas d’un système de recueil performant. Selon toute probabilité, il semble que le niveau d’erreur soit identique, mais il est impossible de
l’affirmer. La situation de la France en Europe est assez unique. L’Établissement Français du Sang (EFS) est très présent dans les établissements de santé, ce qui n’est pas le cas dans les autres pays de l’Union Européenne. Le plus souvent, le rôle des établissements identiques à l’EFS s’arrête à la porte de l’hôpital. Le relais est alors pris par les Banques de Sang. Mon point de vue est que tous les systèmes sont potentiellement bons, à partir du moment où ils sont performants et assurent une sécurité transfusionnelle optimale : il faut être pragmatique et non dogmatique.
M. Christian CABROL
Qu’en est-il de la sécurité de la transfusion sanguine dans l’Union Européenne ?
La Directive 2002/98/CE organise la sécurité des produits sanguins en Europe. Elle est applicable depuis quelques mois. Son effet devrait permettre une harmonisation des différents systèmes et donc une sécurité de plus en plus homogène au sein de l’Union Européenne. Par rapport aux autres grandes puissances, telles les U.S.A., la Chine et l’Inde, l’Union Européenne assure une sécurité de très haut niveau.
M. Bernard LAUNOIS
Les transfusions sanguines ont considérablement diminué. Les progrès chirurgicaux en transplantation hépatique et en résection hépatique ont supprimé les transfusions. Mais nous opérons aussi beaucoup en hémodilution. Vous paraissez hostiles aux hémodilutions.
Qu’en pensez-vous ?
En 2006, les acteurs de la transfusion font de moins en moins appel à l’hémodilution étant donné que le rapport bénéfice-risque n’est plus encourageant du fait de la sécurité optimale des produits sanguins labiles. A cet effet, il existe un consensus européen pour privilégier la transfusion de produits très sécuritaires alors que l’hémodilution pouvait entraîner des risques d’une autre nature pour le malade. Ce mode de raisonnement est identique en matière d’auto-transfusion.
* Institut National de la Transfusion Sanguine — Université Pierre et Marie Curie — EURONET — TMS — INSERM U665 — 6 rue Alexandre Cabanel — 75739 Paris cedex 15, email : prouger@ints.fr Tirés-à-part : Professeur Philippe ROUGER, même adresse. Article reçu le 7 juin 2005, accepté le 17 octobre 2005.
Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 1, 189-204, séance du 24 janvier 2006