Communiqué
Session of 24 janvier 2006

Organisation des études de médecine, pharmacie, odontologie et maïeutique, dans le cadre du système européen LMD (Licence-Master-Doctorat)

Pierre AMBROISE-THOMAS*, André AURENGO*

CommuniquéPierre Ambroise-Thomas, André Aurengo, au nom d’un Groupe de travail

Pierre AMBROISE-THOMAS*, André AURENGO*

L’Académie nationale de Médecine est très favorable à l’intégration du déroulement des études médicales dans le système européen Licence-MasterDoctorat (LMD) qui présente plusieurs avantages :

— harmonisation européenne de la formation des professions de santé, répondant à la libre circulation des praticiens dans l’Union Européenne ;

— équivalences universitaires et passerelles entre les filières de formation, à tous les niveaux des études supérieures.

 

La mise en œuvre de ce système impose une réorganisation des études médicales en France. Elle constitue ainsi une occasion de remédier à quelques graves dysfonctionnements de l’organisation actuelle.

 

Première année des études médicales (PCEM 1)

L’actuel PCEM1 cumule plusieurs inconvénients majeurs :

— accessible à tous les bacheliers, ses effectifs débordent largement les possibilités d’accueil des Facultés. Ceci conduit à des solutions insatisfaisantes, voire inacceptables, sur le plan pédagogique : répétition à l’identique des cours, cours en vidéotransmission, enseignements dirigés pléthoriques, suppression de fait des échanges enseignants-étudiants, etc.

— ne retenant que 10 % environ des inscrits, il met en situation d’échec, souvent après deux ans, un nombre considérable d’étudiants dont la réorientation est aussi difficile que douloureuse.

— il représente une fraction déraisonnable des charges d’enseignement des facultés et son coût humain et financier devient prohibitif avec l’inflation du nombre d’étudiants.

— ses programmes sont pléthoriques sans toujours présenter d’intérêt pour de futurs médecins.

Enfin, la majorité des étudiants ne réussissent au concours de PCEM1 qu’après avoir redoublé. Ils consacrent donc 25 % de leurs études médicales en Faculté à cette première année. Après cette préparation intense, le PCEM2 est souvent perçu comme une année « semi-sabbatique ». Au total, le premier cycle des études médicales comprend deux, voire trois, années de faible valeur formatrice.

Place de l’enseignement des Sciences fondamentales

L’enseignement des sciences fondamentales est trop exclusivement limité au premier cycle et insuffisamment connecté à la clinique. Il apporte des notions théoriques essentielles, mais qui sont oubliées quand les étudiants en ont besoin dans la suite de leur formation.

Examen National Classant

L’organisation actuelle de l’Examen National Classant (ENC) ne permet pas de garantir un niveau acceptable de compétence pour les futurs internes auxquels seront confiés des malades. En outre, dans l’espoir d’un meilleur classement, de nombreux étudiants préfèrent redoubler pour présenter à nouveau l’ENC, et ne pas prendre leurs fonctions. Il en résulte une désertification de certaines disciplines et de certaines régions.

Absence d’acquis intermédiaires et de d’équivalences au cours des études médicales

Pour les étudiants qui interrompent leurs études médicales, il n’existe guère d’acquis universitaires facilitant l’insertion dans une autre filière, notamment en recherche. Par ailleurs, le passage d’une université à une autre est impossible avant le DCEM1 et reste ensuite difficile jusqu’à la fin du deuxième cycle. Enfin, aucune « passerelle » n’existe avec les études médicales dans les universités des autres pays de l’Union Européenne.

 

RECOMMANDATIONS

L’Académie nationale de médecine serait favorable aux orientations suivantes :

L’organisation d’une LMD-Santé comportant quatre filières : Médecine,

Pharmacie, Odontologie et Maïeutique.

L’attribution aux Facultés de Médecine et aux Facultés de Pharmacie d’un statut dérogatoire, au sein de l’Université 2, par exemple dans le cadre d’Instituts Universitaires de Santé (IUS), leur permettant de réguler l’entrée des étudiants en 1ère année.

Un recrutement diversifié et évitant l’échec programmé

Le recrutement annuel porterait sur le total des places offertes dans les quatre filières, de façon à garantir aux étudiants admis dans cette LMD-Santé de pouvoir y terminer leurs études.

Il pourrait être assuré par trois voies parallèles :

— pour une fraction des places offertes, et selon des critères définis par chaque université, admission en juillet, d’après les notes et mentions au baccalauréat, — pour la majorité des places disponibles, concours organisé en septembre, selon des modalités à préciser, et portant sur tout ou partie du programme du baccalauréat. Il n’y aurait pas de redoublement, mais la possibilité de candidatures multiples, la même année, dans plusieurs universités, — accès direct en deuxième année de licence (L2) d’un quota d’étudiants venant d’autres filières universitaires (grandes écoles, par exemple) ou après un parcours professionnel.

Ce recrutement donnerait donc plusieurs chances aux candidats et, pour les étudiants admis, apporterait l’assurance de réellement commencer leur formation en Santé dès le début de la rentrée universitaire.

Des programmes par objectifs intégrant les disciplines fondamentales

Les programmes seraient élaborés sur la base d’objectifs de connaissances et de compétences, en particulier cliniques, définis au niveau national par des commissions comportant des fondamentalistes, des spécialistes et des géné- ralistes, hospitaliers et libéraux. La manière d’atteindre ces objectifs, laissée à l’initiative de chaque IUS, ferait l’objet d’un contrat avec les autorités de tutelle et serait soumise à une évaluation périodique.

2. Code de l’Enseignement article L612-3.

 

Les disciplines fondamentales garderaient la possibilité de présenter leurs spécificités (vocabulaire, méthodologie, etc.) dans un enseignement initial, mais elles seraient ensuite, à chaque niveau de formation, intégrées à la clinique, en favorisant les enseignements dirigés, les travaux pratiques et l’initiative personnelle.

Une Licence en trois ans (L1, L2, L3) et un Master en deux ans (M1, M2)

L’année L1, commune aux quatre filières, serait consacrée à la mise en place des grandes structures et fonctions de l’organisme, aux notions fondamentales nécessaires à leur étude et à l’acquisition de bonnes méthodes de travail. À l’issue de L1, les étudiants choisiraient une des quatre filières sur la base des notes obtenues ( dans ce qui suit, n’est détaillé que ce qui concerne la filière médecine ).

Avec le début de la formation clinique, l’année L2 comporterait quelques enseignements communs aux quatre voies et des enseignements spécifiquement médicaux qui, avec la formation clinique, constitueraient l’essentiel de l’année L3.

À partir de L2, le cursus des étudiants voulant acquérir une formation à la recherche médicale serait facilité. En fin de L2, le passage d’une filière de la LMD-Santé à une autre serait envisageable sous certaines conditions.

Chacune des deux années de Master donnerait une place prépondérante aux stages pratiques dans des services cliniques. Des stages d’une durée significative seraient proposés dans des laboratoires de recherche, en particulier pour les étudiants se destinant à cette voie ou à des carrières hospitalouniversitaires Un examen validant à la fin du Master

En fin de Master, un examen validant organisé par chaque IUS permettrait de vérifier que sont acquises les connaissances et les compétences pratiques et cliniques indispensables à de futurs internes. Cet examen comporterait des épreuves écrites et orales.

Une réorganisation de l’Examen National Classant (ENC)

La prise de fonction dans le poste choisi selon les résultats à l’Examen National Classant deviendrait obligatoire. Cette obligation s’accompagnerait de la possibilité de repasser une fois l’ENC, pour améliorer son classement et ses possibilités de choix.

L’Académie recommande qu’une réflexion soit conduite sur les avantages et les inconvénients respectifs d’un Examen Classant soit National, soit Régional.

 

Il importe également de réfléchir sur l’irréversibilité de l’orientation des étudiants actuellement induite par l’ENC.

Un Doctorat en trois à cinq ans

Selon la voie et la spécialité choisies, la formation de niveau Doctorat serait de trois à cinq ans. La formation pratique serait privilégiée et complétée par des enseignements théoriques pouvant être choisis dans d’autres LMD.

Les années de doctorat seraient ouvertes à la formation permanente dont les futurs médecins auront besoin pendant toute leur carrière. Ceci favoriserait leurs contacts avec d’autres professionnels de santé. Dans le même but, serait obligatoire un stage, au moins, dans des structures privées (cabinet de généraliste ou de spécialiste, clinique, laboratoire de biologie clinique) ou dans des laboratoires de recherche.

Les années de doctorat comporteraient la rédaction d’une thèse d’exercice, soumise à un jury universitaire régional et soutenue publiquement.

Les étudiants voulant acquérir une formation à la recherche médicale pourraient suivre un cursus particulier, validé au cas par cas par leur université.

 

Le développement de voies transversales

Des équivalences à chaque niveau de la LMD-Santé permettraient aux étudiants de rejoindre d’autres LMD. Ce choix devrait être très large, de nombreuses formations pouvant être utilement complétées par de solides notions dans le domaine de la santé.

Enfin, avec les universités des autres pays de l’Union Européenne, seraient officialisées les équivalences des acquis intermédiaires et du doctorat de la LMD-Santé française.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 24 janvier 2006, a adopté le texte de ce communiqué moins un contre et onze abstentions.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine. ** Constitué de MM. AMBROISE-THOMAS, AURENGO, LOISANCE, QUENEAU. 1. Enseignement pour les sages-femmes.

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2006, 190, no 1, 227-231, séance du 24 janvier 2006