Résumé
De tous les besoins nutritionnels, le besoin en fer est l’un de ceux dont la couverture chez l’homme est la plus difficile alors que paradoxalement le fer constitue l’un des éléments chimiques le plus abondant de l’écorce terrestre. Ce paradoxe s’explique par la faible biodisponibilité des ions ferriques, forme presque exclusive du fer dans notre environnement et qui est impliqué dans l’étiologie de la carence en fer. Il existe à l’échelle planétaire une forte prévalence des anémies, bien que dans les pays à haut niveau socio-économique, ce risque soit faible. Cependant l’anémie ferriprive, stade ultime de la carence en fer, n’est que la partie visible de l’iceberg, alors que la carence en fer (altération de l’état des réserves) affecte une large fraction de cette population. C’est surtout dans les états de croissance (enfant, grossesse) ou en cas de pertes élevées (femmes en âge de procréer), du fait de la nette augmentation des besoins que la prévalence de carence en fer est importante. Les conséquences des déficiences modérées sans anémie, une situation largement répandue dans les pays industrialisés, sont méconnues mais pourraient avoir un effet néfaste sur la santé avec des retentissements hématologiques mais également extra-hématologiques (fonctions cognitive, immunité). A contrario un excès de fer, peut exposer les populations à un risque proxydant associé à de nombreuses pathologies oxydatives
Summary
Although iron is one of the most abundant metals in the Earth’s crust, humans are often deficient in this element. This is mainly due to inefficient absorption of ferric ions, the main naturally occurring form. The risk of deficiency is lower in industrialized countries, yet a large proportion of these populations, and especially infants, pregnant women and young women, have poor ferritin status. The consequences of non anemic iron deficiency are unclear. Conversely, excessive iron stores can be harmful, owing to the pro-oxidant imbalance they create.
Le fer entre dans la constitution de l’hémoglobine, de la myoglobine et de très nombreux systèmes enzymatiques qui jouent un rôle essentiel dans les mécanismes de respiration cellulaire au niveau de la chaîne mitochondriale. Compte tenu du rôle important du fer dans l’activité de nombreuses enzymes, il est vraisemblable que des retentissements extra-hématologiques notamment sur les fonctions cognitives et l’immunité puissent apparaître avant tout retentissement sur l’hématopoïèse. Il est donc important de pouvoir évaluer et prévenir les déficits pour assurer la santé des populations.
Le besoin physiologique en fer
Le besoin correspond à la quantité de fer qui, une fois absorbé, permet d’équilibrer les pertes, et ainsi d’assurer l’homéostasie du fer. Ce niveau des besoins en fer conditionne en grande partie, le risque de carence en fer [1]. Les pertes basales obligatoires correspondent, chez l’adulte (homme ou femme), à environ 0,9 à 1 mg de fer/jour (0,6 mg sont perdus par les selles, 0,2 à 0,3 mg par la peau et 0,1 mg par les urines). Pour les femmes de la puberté à la ménopause, se surajoutent les pertes liées aux hémorragies menstruelles. Selon les diverses études réalisées dans divers pays, la majorité des femmes ont des pertes menstruelles qui se situent entre 25 et 40 ml/mois, ce qui correspond à des pertes en fer de 12,5 à 15 mg par mois, soit 0,4 à 0,8 mg/jour [2]. Les besoins totaux des femmes se situent entre 1,8 et 2 mg/j, soit le double de ceux d’un homme adulte. Le mode de contraception peut moduler ce besoin selon qu’il s’agisse de contraceptifs oraux qui peuvent diminuer de 50 % le volume des règles ou d’un dispositif intra-utérin qui peut augmenter de plus de 100 % le volume des pertes, ce qui est vérifié dans l’étude SUVIMAX [3] où les femmes sous contraception orale sont relativement plus protégées vis-à-vis de la déficience en fer (13,6 % et 2 % d’anémie) que celles porteuses d’un dispositif intra-utérin (28,1 % et 6 % d’anémie).
Les besoins de l’enfant au cours de la première année de la vie sont considérables. Ils doivent permettre la couverture des pertes basales, l’expansion de la masse érythrocytaire et la croissance des tissus de l’organisme. La croissance rapide à cet âge exige des besoins [4] à un an huit à dix fois supérieurs à ceux d’un adulte de sexe masculin (lorsqu’ils sont exprimés par kg de poids corporel). L’accélération de la croissance, particulièrement au cours des années de maturation sexuelle, s’accompagne également d’une augmentation des besoins en fer. Chez les adolescentes, se surajoutent les besoins en fer spécifiquement en rapport avec l’apparition des règles.
Les besoins en fer sont très augmentés durant la grossesse, du fait de l’augmentation physiologique de la masse érythrocytaire (nécessitant environ 500 mg de fer), de la
constitution des tissus du fœtus (environ 290 mg de fer) et du placenta (environ 25 mg de fer). Ces dépenses spécifiques viennent s’ajouter aux pertes basales (soit 220 mg pour l’ensemble de la gestation). Au total, c’est de plus de 1 g de fer dont la femme enceinte a besoin pour assurer sa balance en fer au cours de la grossesse [5].
Ce besoin est inégalement réparti sur la durée de la grossesse faible au Ier trimestre (0,8mg/j) et très élevé au dernier trimestre (6,3mg/j) pour faire face aux besoins de croissance du fœtus. Toutes les causes d’hémorragies, même minimes et répétées, constituent un facteur de risque supplémentaire de déséquilibre de la balance en fer ;
c’est le cas de tous les saignements chroniques d’origine gynécologique (notamment les fibromes…), hémorroïdes, épistaxis, des gingivorragies…
Le besoin nutritionnel en fer et les apports nutritionnels conseillés
Il ne suffit pas que le fer soit ingéré pour qu’il soit absorbé et seule une fraction du fer consommé est réellement absorbée [1]. La couverture des besoins nutritionnels diffère du besoin physiologique en ce sens qu’elle prend en considération le facteur d’absorption du fer. Les connaissances sur l’absorption du fer alimentaire se sont nettement développées depuis quelques années du fait de la mise au point de méthodes isotopiques (utilisant le Fe55, le Fe59 ou des isotopes stables) pour mesurer l’absorption à partir de repas complets [6, 7]. Les études réalisées sur des repas de type français mettent en évidence un coefficient d’absorption de l’ordre de 10 à 12 % [8]. Les Apports Nutritionnels Conseillés (ANC) sont un concept adopté par la France depuis 1981 qui s’appuie sur la valeur moyenne du besoin nutritionnel calculé pour une population en bonne santé auquelle est ajoutée une marge de sécurité permettant de couvrir les besoin de 97,5 % de la population. Les ANC sont définis en fonction de l’âge et du sexe [9]. Ils sont fixés à 7mg/j pour les jeunes enfants, à 16 mg/j pour les femmes adultes et à 30mg/j pour le troisième trimestre de grossesse contre 8 mg/j pour les hommes adultes.
Biodisponibilité du fer
La teneur en fer des aliments est très variable d’un aliment à l’autre : les aliments les plus riches sont les abats, les viandes, certains poissons (bar), les légumes secs, ou certains légumes verts (épinard) [10]. Mais, plus que la quantité de fer présente dans l’alimentation, c’est la fréquence de consommation et la qualité de ce fer qui constitue le facteur déterminant pour la couverture des besoins. Le fer est mieux absorbé sous forme ferreux que dans sa forme ferrique [1].
— Le fer héminique , très biodisponible (de 20 à 30 %) est peu représenté dans notre alimentation de 10 à 15 % du fer alimentaire consommé dans les pays industrialisés.
Il se trouve dans l’hémoglobine et la myoglobine des produits carnés.
— Le fer non héminique faiblement biodisponible (5-10 %) est en revanche largement représenté dans notre alimentation. Il se trouve dans les céréales, les légumes secs, les fruits, les légumes et les produits laitiers. Son absorption est très variable et dépend de la nature du repas.
Certains facteurs favorisent ou compromettent la biodisponibilité du fer non héminique [1, 11, 12]. Selon l’action de ces facteurs, l’absorption du fer à partir d’un repas peut varier de 1 à 20 % chez les individus ayant un statut en fer comparable. La vitamine C peut réduire le fer ferrique en fer ferreux et ainsi prévenir ou diminuer la formation de complexe insoluble avec l’absorption d’inhibiteur, elle augmente ainsi l’absorption du fer non-héminique d’un facteur 3. L’acidité gastrique ainsi que les facteurs la favorisant (protéines animales : viande, volaille, poisson) stimulent l’absorption du fer non héminique. Certains sucres, notamment le lactose facilitent également cette absorption. Grâce à la lactoferrine, le lait maternel bénéficie d’un taux d’absorbabilité très élevé compris entre 40 et 70 % contre 10 % seulement pour le fer contenu dans le lait de vache.
En revanche, les polyphénols, les tanins, les fibres, les phytates et les oxalates possèdent un effet inhibiteur prononcé sur l’absorption du fer non héminique.
Parmi les aliments qui contiennent ces substances et qui inhibent donc fortement l’absorption du fer, on trouve le thé, le jaune d’œuf et le son. La richesse en fer du vin et de l’alcool qu’il contient permet de renverser l’effet inhibiteur des tannins, ce qui explique les différences de risque d’anémie entre les forts consommateurs de thé et ceux de vin. Cependant le risque d’anémie en cas de consommation élevée de thé ne s’observerait pas dans les populations occidentales mais seulement chez les populations avec des déficits sévères [13]. La cuisson à l’eau et l’appertisation diminue l’absorption du fer de 10 à 20 % et de 15 à 30 % respectivement.
Une étude comparant des végetaliens, des végétariens et des omnivores, a montré que bien qu’il n’y ait pas de différences en moyenne pour les apports en fer total, la déplétion des stocks est affirmée par une ferritinémie basse plus fréquente chez les végétariens que chez les omnivores. Ceci correspond à une biodisponibilité diminuée en rapport avec une ingestion plus importante de fibres, de phytates et une consommation en vitamine C non significativement différente de celle des omnivores.
Enfin des facteurs non nutritionnels mais physiologiques peuvent moduler l’absorption du fer faisant intervenir des mécanismes d’adaptation en cas d’apports insuffisants. Au cours de la grossesse l’absorption du fer s’élève à 30 % contre 10-12 % chez l’adulte. De même chez des personnes présentant un statut bas, l’absorption du fer peut s’élever jusqu’à 15-20 % [14].
Les apports alimentaires en fer et le statut en fer de la population française
Au cours des dernières années, un grand nombre de travaux ont suggéré que des fractions non négligeables de la population française, comme dans l’ensemble des pays industrialisés, pouvaient avoir des apports en fer qui s’éloignaient des recommandations [15]. Une étude épidémiologique réalisée en 1988, visant à évaluer le statut en fer d’un échantillon représentatif de la population d’un département de la Région parisienne (le Val-de-marne) a permis de préciser le niveau d’apports en fer pour la population étudiée [16]. Cette étude à porté sur plus de 1 100 sujets. Les
apports médians en fer varient de 9 à 10 mg/j chez les femmes (alors qu’ils sont de 12 à 15 mg/j chez les hommes adultes) ; 90 % des femmes en âge de procréer ont des apports inférieurs aux apports recommandés en fer (16 mg/j) ; 20 à 25 % des apports journaliers en fer sont fournis par les viandes et les poissons.
Mais la non-satisfaction des apports recommandés ne permet pas d’affirmer l’existence d’une carence, ni même la non-couverture des besoins en fer. Seules les études utilisant des marqueurs biologiques d’évaluation du statut en fer permettent d’affirmer la réalité de la déficience en fer. De nombreux travaux épidémiologiques ont retrouvé un statut en fer correspondant à des déficiences en fer ‘‘ infra —cliniques ’’ [14-18]. Dans une de ces études réalisée à Paris [18], l’utilisation d’une combinaison d’indicateurs objectivable d’une carence en fer chez 3676 enfants présumés sains, âgés de dix mois, deux ans et quatre ans a permis de retrouver des fréquences de carence en fer pour les enfants nés de parents français métropolitains de 29 % à dix mois, de 13 % à deux ans et de 7 % à quatre ans. Chez les enfants nés de parents émigrés, les prévalences étaient respectivement de 50, 44 et 15 %. La déficience en fer est responsable d’une anémie chez 8 % des enfants de dix mois nés de parents français métropolitains et chez 23 % de ceux nés de parents émigrés. A deux ans les prévalences de l’anémie étaient respectivement de 0,3 % et 22 % et à quatre ans de 0 et 4 %. L’étude épidémiologique Val-de-Marne (1200 sujets) [16] confirme ces observations chez les enfants en période de croissance rapide (29 % chez les six mois-deux ans ; 14 % chez les deux-six ans). Cette étude retrouve chez 15 % adolescentes et entre 7 et 15 % de femmes en âge de procréer présentant des stigmates biochimiques de carence en fer (Tableau I).
Parallèlement, diverses études développées en France ont mis en évidence la fré- quence élevée des carences en fer chez les femmes enceintes : 60 à 80 % des femmes enceintes en fin de gestation présentent des valeurs anormales pour les principaux marqueurs d’évaluation du statut en fer [19]. Chez les femmes enceintes, les déficiences en fer sont suffisamment intenses pour être responsables au troisième trimestre de grossesse d’une anémie ferriprive chez 10 % à 30 % des femmes enceintes françaises métropolitaines et chez des migrantes. Si le traitement des anémies de la grossesse du fait des risques materno-fœtaux ne se discutent pas, en revanche une supplémentation systématique lorsque elle élève l’hémoglobine à des valeurs >130g/l augmente le risque de morbidité de l’enfant (petit poids de naissance, plus faible score d’apgar) [20-21] et d’éclampsie [22-24]. Une diminution de viscosité gênant les échanges fœtaux placentaires serait à l’origine des effets négatifs. Le risque de morbidité associé à l’hémoglobine suit une courbe en U, le risque le plus faible étant observé pour des hémoglobines de 95-110 g/l [21]. On pourra trouver ici une raison à la baisse physiologique dûe à l’hémodilution au cours de la grossesse ;
ce qui se traduit sur le plan biologique par des valeurs spécifiques de l’anémie au cours de la grossesse selon le CDC (center of disease) : (Hb< 110g/l au Ier T ;
Hb< 105g/l au 2T ; Hb< 110 g/l au 3T ; hématocrite <32 %. L’étude EPIFER [3] profitant de la logistique mise en place pour l’étude SU.VI.MAX [25] s’est déroulée, au cours des années 1994-1995. Cette étude a porté sur 9931 sujets adultes
TABLEAU 1. — Fréquence de la carence en fer et de l’anémie dans l’étude du Val-de-Marne.
Age Sexe Anémie %*
Carence en fer %**
6 mois-2 ans 4,2 29,2 2 ans-6 ans 2,0 13,6 6-10 ans 0 6,1 10-14 ans F 0 3,6 M 0 0 14-18 ans F 7,7 15,4 M 0 0 18-30 ans F 1,5 9,9 M 0 2,1 30-40 ans F 2,9 6,8 M 0 1,0 40-50 ans F 2,1 9,4 M 0 1,4 50-65 ans F 4,0 4,2 M 2,6 2,6 > 65 ans F 4,9 3,3 M 11,4 9,1 * hémoglobine < seuils de l’OMS.
** > deux indicateurs anormaux sur les quatre testés (ferritine sérique, protoporphyrine érythrocytaire, coefficient de saturation de la transferrine et VGM).
(6658 femmes de 35 à 60 ans et 3283 hommes de 45 à 60 ans). Le statut en fer a été mesuré par les dosages de la ferritine sérique (marqueur de l’état des réserves en fer) et la mesure du taux d’hémoglobine (qui reflète l’état de l’hématopoïèse). Les apports alimentaires ont été évalués par des enquêtes réalisées un jour tous les deux mois, soit six enregistrements par sujet et par an (sous forme d’un enregistrement des prises alimentaires sur 24 heures). Au total, il existe des différences considérables de statut en fer en fonction de l’âge et du sexe. Chez les femmes ménopausées, seulement 5 % présentent une déplétion des réserves en fer et moins de 1 % une anémie ferriprive. Contrairement à une idée fortement répandue, le vieillissement n’est pas un facteur de risque de carence en fer. Chez les personnes âgées vivant à domicile, les besoins sont en général couverts par les apports alimentaires, les anémies sont plus souvent dues à un syndrome inflammatoire ou a une spoliation sanguine qu’à une carence martiale. La supplémentation systématique est donc inutile voire dangereuse du fait du rôle proxydant du fer.
En raison de la fréquence élevée des déficits dans les différents groupes de la population, diverses approches peuvent être envisagées : soit par une alimentation sélective (choix des aliments en fonction de leur biodisponibilité, et des facteurs favorisant l’absorption du fer non-heminique) et une promotion de l’allaitement maternel, qui sont éducatives pour les groupes de la population présentant des
déficits en fer (femmes en âge de procréer, selon le mode de contraception, adolescentes) soit par une supplémentation des groupes à risque d’anémie comme les jeune enfants, les jumeaux, les prématurés, les femmes enceintes (dose modérée 15-30mg/j) soit par une fortification des aliments (laits infantiles, céréales). Toutefois, en raison des risques associés à un statut élevé en fer (augmentation de la peroxidation lipidique [26, 27] et du risque de pathologies oxydatives [28, 29], les supplémentations sélectives devront être préférées à des supplémentations systématiques à doses élevées.
Conclusion
Alors que la prévalence des anémies est faible dans la population générale, une large fraction de cette population (enfants, les adolescentes et les femmes en âge de procréer présente des carences en fer, stade précursseur de l’anémie. Les conséquences des carences en fer sans anémie avérée sont mal connues mais pourraient présenter un risque pour la santé. Une action corrective de la déficience en fer par une amélioration des apports nutritionnels doit être encourager pour les groupes à risque. Une supplémentation peut-être nécessaire pour prévenir les risques d’ané- mies, ou en cas d’anémie, elle doit alors être sélective. En revanche, en raison d’un possible risque toxique du fer, la supplémentation systématique n’est pas justifiée et pourrait affecter négativement la santé.
BIBLIOGRAPHIE [1] BOCCIO J., SALGUIREIRO J., LYSIONEK A., ZUBILLAGA M., WEILL R. et al . — Current Knowledge of iron metabolism . Bio. Trace Elem. Res., 2003, 92 , 189-210.
[2] HALLBERG L., HOGDAHL A., NILSSON L., RYBO G. — Menstrual Blood loss. A population study.
Acta Obstet. Gynecol. scand., 1966, 45 , 320-51.
[3] GALAN P., YOON H.C., PREZIOSI P., VITERI F., VALEIX P., BRIANÇON S., MALVY D., ROUSSEL A.M., FAVIER A., HERCBERG S. — Determining factors in the iron status of adult women in the SU.VI.MAX study. Eur. J. Clin. Nutr., 1998, 52 , 383-88.
[4] INACG — Iron deficiency in infancy and childhood. A report of the INACG. The Nutrition Foundation, Washington DC, 1979, 49 pp.
[5] FAVIER M., HININGER I. — Nutrition et grossesse. In Encyclopédie Médico Chirurgicale .
Obstetrique (Editions scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Edit.) 5042A10. 7p, 1997.
[6] COOK J., LAYRISSE M., MARTINEZ-TORRES C., WALKER R., MONSEN E., FINCH C.A. — Iron absorption measured by an extrinsic tag. J. Clin. Invest., 1972, 51 , 805-815.
[7] HALLBERG L., BJORN-RASMUSSEN E. — Determination of iron absorption from whole diet. A new two-pool model using two radioiron isotopes given as haem and non haem iron. Scand. J.
Haematol., 1972 , 9 , 193-197.
[8] GALAN P., CHEROUVRIER F., FERNADEZ-BALLART J., MARTI-HENNEBERG C., HERCBERG S. — Bioavailable iron density in French and Spanish meals. Europ. J. Clin. Nutr ., 1990, 44 , 157-163.
[9] MARTIN A. — Apports nutritionnels conseillés pour la population française. In
Technique et
Documentation (Editions Lavoisier), 2001, 3ème édition.
[10] FEINBERG M., FAVIER J.C., IRELAND-RIPERT J. — Répertoire générale des aliments. FFN et Ciqual, Inra et Tec. Et Doc. Paris, 1991, 282 pp.
[11] REDDY M., HURRELL R., COOK J. — Estimation of non-heme —iron absorption from meal composition. Am.J.Clin.Nutr., 2000, 71 , 937-943.
[12] HULTEN L., GRAMATKOVSKI E., GLEERUP A. — Iron absorption from the whole diet. Relation to meal composition, iron requirements and iron stores. Eur. J. Clin. Nutr ., 1995, 49 , 794-808.
[13] TEMME E.H., HOYDONCK P.G.A. — Tea consumption and iron status.
Eur. J. Clin. Nutr ., 2002, 56 , 379-386.
[14] MARX J. — Iron deficiency in developed countries.
Eur. J. Clin. Nutr ., 51, 491-494.
[15] SOUSTRE Y., DOP M.C., GALAN P., HERCBERG S. — Dietary determinants of the iron status in menstruating women . Int. J. Vit. Nutr. Res., 1986, 56 , 281-286 [16] PREZIOSI P., HERCBERG S., GALAN P., DEVANLAY M., CHEROUVRIER F., DUPIN H. — Iron status of a healthy french population : factors determining biochemical markers. Ann. Nutr. Met ., 1994, 38 , 192-202.
[17] BAIRATI I., HERBETH B., SPYCKERELLE Y., et al. — Dietary intake and other determinants of iron and folate status in folate adolescents . J. Clin. Biochem. Nutr ., 1989, 46 , 481-5.
[18] MEKKI N., GALAN P., ROSSIGNOL C., FARNIER M.A., HERCBERG S. — Le statut en fer chez l’enfant de 10 mois, 2 ans et 4 ans présumé bien-portant. Arch. Fr. Pédiatr., 1989, 46 , 481-485.
[19] DE BENAZE C., GALAN P., WAINER R., HERCBERG S. — Prévention de l’anémie ferriprive au cours de la grossesse par une supplémentation martiale précoce. Rev. Epidem. et Santé Publ., 1989, 37 , 109-118.
[20] MAHOMED K. —
Cochrane Database Syst. Rev ., CD000117 & CD001135 2000 (2).
[21] STEER P.J. — Maternal hemoglobin concentration and birth weight.
Am. J. Clin. Nutr. , 2000, 71 (5), 1285S-7S.
[22] FAVIER M., HININGER-FAVIER I. — Is systematic iron supplementation justified during pregnancy ? Gynecol. Obstet. & Fert., 2004, 32 , 245-250 [23] RAYMAN M.P., BARLIS J., EVANS R., REDMAN C., KING L. — Abnormal iron parameters in the pregnancy syndrome preeclampsia. Am. J. Obstet. Gynecol ., 2002, 187, 412-418.
[24] CASANUEVA E., MARESGLINDO M., MEZA C., SCNHAAS L., VITERI F. — Iron supplementation in non-anemic pregnant women. 25. Geneva : SCN news, 2002, 37-38.
[25] HERCBERG S., PREZIOSI P., BRIANÇON S., GALAN P., PAUL-DAUPHIN A., MALVY D., ROUSSEL A.M., FAVIER A. — A primary prevention trial of nutritional doses of antioxidant vitamins and minerals on cardiovascular diseases and cancers in general population : The SU.VI.MAX Study.
Design, methods and participant caracteristics. Control. Clin. Trials , 1998, 19 , 336-351.
[26] LACHILI B., HININGER I., ARNAUD J., RICHARD M.J., BELATRECHE C., FAVIER A. and ROUSSEL A..M. — Increased lipoperoxidation in pregnant women after iron and vitamin C supplementation . Bi.l Trace Elem.t Res., 2001, 83 ,103-110.
[27] KADISHA M.B. — Iron supplementation generates hydroxyl radical in vivo : an ESR spintrapping investigation.
J. Clin. Invest ., 1995 , 4, 50-60.
[28] NELSON R.L. — Iron and colorectal cancer risk : human studies.
Nutr. Rev ., 2001, 59 , 40-48.
[29] LANE D.M. — Iron stores as a risk factor for diabetes in women.
JAMA ., 2004, 20 , 248-9.
DISCUSSION
M. Jacques-Louis BINET
Dans votre étude de la population du Val de Marne, de quels sujets s’agissait-il ? Comment avaient-ils été choisis ? Des études ont été publiées sur la carence martiale chez les sujets âgés dans les établissements : elles sont presque toujours liées à de petites hémorragies.
L’étude Val de Marne a été dirigé par le professeur Serge Hercberg, il s’agit d’une étude épidémiologique réalisée en 1988, sur plus de 1 100 sujets visant à évaluer le statut en fer d’un échantillon représentatif de l’ensemble de la population par tranche d’âge dès six mois et jusqu’à plus de soixante ans. Dans cette étude comme dans l’étude SU.VI.MAX, les volontaires ont répondu à une annonce par presse et un échantillon de cette population a ensuite été sélectionné selon l’INSEE. Les résultats de l’étude Val de Marne ont été confirmés au niveau national pour la population adulte avec l’étude Epifer sur un échantillon de plus de 9000 sujets âgés de 35-60 ans issus de la cohorte SU.VI.MAX. Je ne me suis pas intéressée dans cette présentation aux sujets fragilisés mais uniquement à la population générale. Chez les sujets très âgés placés en institution, le risque d’anémie est présent à la fois en raison de faibles apports énergétiques à l’origine d’un déficit d’apport mais aussi à des micro-hémorragies plus fréquentes à cet âge. Le risque d’anémie est en revanche très rare chez les sujets du même âge apparemment en bonne santé et vivant à domicile.
M. Emile ARON
Je n’ai pas le talent de Bourvil pour déclamer les boissons ferrugineuses. Mais il convient en cette séance de souligner que le vin contient une quantité notable de fer : 15 à 20 g par litre.
Ce fer est présent sous deux formes : fer ferreux et fer ferrique. Le cep de la vigne puise ce fer dans notre sol qui en est riche. Mais le jus du raisin s’enrichit encore de fer par captation dans les pressoirs et les cuves modernes où le bon bois d’autrefois a été remplacé par le fer-blanc. Lorsque le vin est trop chargé en fer ferrique, cette surcharge détermine la précipitation de tannates et phosphates ferriques insolubles si redoutée par les viticulteurs sous le nom de ‘‘ casse ferrique ’’. La cyto-sidérose des alcooliques a fait l’objet de recherches expérimentales et cliniques que nous avons publiées en 1961, il y a 44 ans, à la société française de gastro-entérologie avec nos collaborateurs Paoletti, Jobard et Gosse. La présence d’alcool favorise l’absorption duodénale du fer qui est réglée normalement à 14g par jour. Nous avons constaté que l’absorption prolongée de vin, sous forme de boisson, chez le rat, déterminait une surcharge martiale de ses organes. Peut-on admettre qu’il en est de même pour la cytosidérose des buveurs excessifs de fer oenilique, c’est-à-dire qu’ ils ont une hémochromatose arrosée ?
Vous avez raison de souligner que le vin ne présente pas de risque d’intéraction avec le fer bien que comme le thé il soit riche en polyphénols et en tannins, connus pour chélater et diminuer l’absorption du fer et pour lequel des risques de carences sont décrites en cas de fortes consommations de thé. Le vin contrairement au thé est très riche en fer et l’alcool comme vous le soulignez justement favoriserait son absorption. Il est donc légitime de
penser qu’une consommation excessive de vin en raison de son effet sur l’absorption du fer puisse être impliquée dans l’étiopathogénie de la cytosidérose chez les « gros » buveurs de vins.
M. Pierre GODEAU
Y a-t-il eu des études spécifiques de la carence en fer chez des femmes végétariennes et/ou végétaliennes au cours de la grossesse ? A-t-on étudié, en épidémiologie, le récepteur soluble de la transferrine qui semble le meilleur test pour identifier une carence en fer ?
Je n’ai pas d’étude précise à citer chez la femme enceinte, en revanche une étude chez des adolescents a comparé les apports et le statut en fer chez des végétariens, des lacto-ovovégétariens et des omnivores. Cette étude a montré que les apports en fer n’étaient pas significativement différents entre les groupes, alors que les taux de ferritine, forme de stockage du fer étaient plus faibles chez les végétariens et ce, bien que les apports en vitamine C étaient plus élevés. Les auteurs concluaient que les apports en vitamine C n’étaient pas suffisamment élevés pour compenser la faible biodisponibilité du fer des végétaux ce qui pouvait exposer les végétariens à un risque de carence en fer. Le dosage du récepteur soluble malgré tout son intérêt en terme de diagnostic, représente encore un coût trop élevé pour envisager son dosage dans le cadre d’étude épidémiologique.
M. Alain RERAT
Si j’ai bien compris, il ne vous semble pas nécessaire de procéder à des additions de fer dans les régimes des femmes enceintes et des enfants dans les pays développés. Qu’en est-il pour les pays en voie de développement, si je ne me trompe, le sous-comité pour la Nutrition des Nations Unies préconise dans un grand nombre de ces pays non seulement une addition journalière d’une dose de fer, mais également, un supplément en acide folique. A ce sujet, que pensez-vous de cette addition d’acide folique ?
J’ai dit que la supplémentation martiale lorsqu’elle est proposée de manière systématique peut comporter certains risques pour le fœtus si elle ne se justifie sur le plan biologique et ce dans le respect des critères décrit par l’OMS pour la femme enceinte. En effet plusieurs travaux récents rapportent une morbidité plus élevée en cas d’hémoglobine >125g/L. Il est donc nécessaire sur un principe de précaution qu’il y est une prise de conscience des prescripteurs en cas de supplémentation martiale systématique et à dose élevée (60-100mg/j).
La prescription systématique ne doit pas être un geste de facilité. Une supplémentation martiale sélective doit être préférée. Chez les très jeunes enfants, en raison des risques fré- quents de carence, la fortification des laits de croissance est nécessaire. On devra cependant rester vigilant sur les risques d’excès en cas de supplémentation par voie orale si elle associée à une consommation aliments fortifiés (ex : céréales, laits….). Le bénefice d’une supplémentation martiale dans les pays en voie de développement est bien établi pour la femme enceinte et les enfants, mais là encore, attention aux excès qui peuvent augmenter le risque d’infections chez les enfants. Concernant l’acide folique, il existe aujourd’hui des recommandations très claires de la direction générale de la santé et des sociétes expertes en raison du risque de malformation du tube neural associé aux carences en acide folique.
La supplémentation en acide folique à la dose de 400 µg/j doit être systématique en prévention primaire en période péri-conceptionnelle du fait de la fermeture précoce du tube neural (dès le quatorzième jour de gestation) et bien évidement en intention secondaire après la naissance d’un premier enfant malformé à la dose de 2-4mg/j.
M. Roger NORDMANN
Dans un travail auquel Isabelle Hininger-Favier a contribué et qui a été réalisé en collaboration avec notre confrère Michel Bourel et son équipe, nous avons montré qu’une surcharge en fer détermine chez le rat surchargé en fer une hyperproduction de radicaux superoxydes au niveau mitochondrial. Cette hyperproduction est susceptible de générer un stress oxydant en présence de fer ‘‘ rédox-actif ’’. Peut-on incriminer également un tel mécanisme d’alté- rations mitochondriales pour rendre compte des effets délétères qu’un excès d’apports alimentaires en fer peut engendrer chez l’homme (par exemple en favorisant l’incidence du syndrome métabolique chez le sujet âgé, syndrome dans la genèse duquel un stress oxydant semble jouer un rôle majeur) ?
Vous avez raison d’évoquer un dysfonctionnement de la mitochondrie, nous avons aujourd’hui les moyens de mesurer les délétions de l’ADNmt qui code pour les protéines de la chaîne respiratoire. L’ADNmt est particulièrement sensible aux attaques radicalaires car il ne possède pas d’histones protectrices ni d’introns. Il est donc vraisemblable que l’accumulation de fer « redox-actif » puisse altérer l’ADN et donc dysréguler la chaîne respiratoire augmentant ainsi la fuite de radicaux libres par la chaîne respiratoire. Il serait intéressant de pouvoir poursuivre les travaux entrepris et donc de vérifier le risque de délétions de l’ADNmt en cas d’un excès de fer. Concernant la relation entre fer et syndrome métabolique beaucoup de pistes de recherche s’ouvre aujourd’hui, sans qu’un mécanisme précis ne puisse encore être proposé. Il est ainsi troublant que les polyphénols du thé dont on sait qu’il chélate le fer apporte un bénéfice biologique sur la glycémie et l’insulinémie, ce que nous avons montré sur un modèle expérimental d’insulinorésistance. Ces observations sont encore en faveur d’une relation entre fer et syndrome métabolique.
M. André VACHERON
La diminution de la ferritine chez les sujets âgés et très âgés est-elle due, le plus souvent, à une insuffisance d’apport (alimentation pauvre en viande) ou à des hémorragies digestives méconnues car minimes mais chroniques ?
Les deux seraient en cause, la forte réduction des apports énergétiques dans cette population du fait de la solitude et d’une alimentation peu diversifiée associée à des micro-hémorragies font le lit des carences dans cette population. Dans ce cas une supplémentation doit être envisagée après avoir vérifié l’origine de l’anémie.
M. Maurice TUBIANA
Sur quelles données vous fondez-vous pour incriminer le fer dans la cancérogénèse ?
Attention aux études épidémiologiques, association ne signifie pas causalité.
J’ai seulement dit qu’il existait de nombreuses études épidémiologiques qui avaient trouvé une relation entre apport en fer et/ou statut en fer et cancer du côlon. Seules des études randomisées double aveugle permettraient de pouvoir conclure à un lien de causalité, mais un problème d’éthique se poserait alors.
* Laboratoire de Nutrition Vieillissement et Maladies Cardiovasculaires. UFR de Pharmacie. Université Joseph Fourier, 38700 Grenoble. ** U557 INSERM/INRA/CNAM, Institut Scientifique et Technique de la Nutrition et de l’alimentation/CNAM F-75003 Paris, France. Tirés à part : Docteur Isabelle HININGER-FAVIER, même adresse. Article reçu et accepté le 24 octobre 2005.
Bull. Acad. Natle Méd., 2005, 189, no 8, 1623-1633, séance du 8 novembre 2005