AutrePrésentation par Roger Henrion
périodes de changement. Les êtres vivants actuels sont classés en procaryotes et eucaryotes. Nous appartenons à ce dernier domaine, à la classe des mammifères, à l’ordre des primates, à la famille des hominoïdes, au genre Homo et à l’espèce Homo sapiens. Pour les auteurs, la diversité génétique, fruit des mutations, précède la sélection. Les gènes de résistance aux antibiotiques existaient de tout temps. Ils ont été sélectionnés lorsqu’on a commencé à les utiliser. Les mutations peuvent être ponctuelles dans un gène donné ou créer de nouveaux gènes par réarrangement chromosomique à type de duplication ou de délétion ou transposition d’un fragment de chromosome. Ces mutations ont des conséquences fonctionnelles exprimées dans le phénotype qui lui-même va être modifié par l’environnement auquel les fonctions doivent s’adapter, tout en sachant que l’évolution est imparfaite puisque l’environnement varie toujours plus vite que la réponse génomique. Le hasard joue un rôle majeur. Il aboutit à la dérive génétique, mécanisme aveugle qui élimine ou favorise les mutations indépendamment de leur avantage sélectif. Les relations génome environnement vont dans les deux sens comme le montre l’épigénétique, c’est-à-dire l’héritabilité dans l’expression des gènes indépendante de changements dans la séquence de l’ADN. Dans la troisième partie, les auteurs donnent de nombreux exemples du rôle de l’évolution. Nous en retiendrons deux. Les métalloprotéases (MMP), essentiellement la MMP3, contrôlent la rigidité de la paroi artérielle. Il en existe deux formes 5T active et 6T inactive. Ce polymorphisme est très inégalement réparti dans le monde et la forme 5T a été sélectionnée chez les européens qui, ainsi, sont moins sujets à l’hypertension artérielle que les africains.
Le deuxième exemple est l’évolution du couple ligand récepteur, l’un pouvant apparaître avant l’autre dans l’évolution des espèces, ce qui peut expliquer les effets multiples d’une hormone donnée et la réponse commune à des ligands différents. En pathologie, les auteurs distinguent les maladies purement génétiques, celles purement environnementales et celles résultant du conflit gène/environnement, ce qui est le cas de beaucoup de maladies communes. L’allongement de la longévité est anthropogénique ; mais il existe une limite à cet allongement qui est la perte de capacité de division des cellules après un certain nombre de divisions. L’évolution future de l’espèce humaine est difficile à prévoir et les auteurs se sont gardés d’aborder la question du transhumanisme. Une interrogation reste sans réponse :
l’évolution va-t-elle s’accélérer du fait des modifications rapides de l’environnement sélectionnant ceux qui s’adapteront ou l’adaptation naturelle sera-t-elle freinée par les progrès de l’hygiène et de la thérapeutique ?
Raymond Ardaillou Séance du 10 mai 2011
BERCHE P., LEFRÈRE J.J. —
Gloires et impostures de la médecine , Paris, Perrin, 2011, 390 p.
Le livre de Patrick Berche et Jean-Jacques Lefrère intitulé « Gloires et impostures de la médecine » a le rare mérite d’être à la fois instructif, intéressant et très distrayant.
Ce n’est pas un livre austère d’histoire de la médecine, uniquement réservé à des lecteurs érudits ou éclairés, mais un ouvrage ouvert à tous les publics, destiné autant aux profanes qu’aux médecins. Il est agréable à lire, écrit dans une langue fluide et claire. Il est difficile de s’en détacher et l’on se précipite d’un chapitre à l’autre tant les vingt récits qui se suivent sont plus étonnants les uns que les autres, mettant en scène des personnages exceptionnels, réellement hors du commun.
Les auteurs nous entraînent dans une sarabande de sentiments et d’émotions allant de la plus grande admiration pour certains de ces personnages, véritables bienfaiteurs de l’humanité, à l’opprobre pour quelques autres, pittoresques utopistes, authentiques bateleurs ou réels malfaisants. Ils nous entraînent aussi dans le temps, de la Grèce antique et d’une époque où les hommes pensaient qu’il fallait attirer la bienveillance des Dieux par des incantations ou des sacrifices, aux découvertes des derniers siècles. Ils nous emportent enfin dans l’espace, du grand nord canadien à New York, du centre de l’Afrique à Paris, des hauts plateaux sauvages de la Nouvelle-Guinée à la Vienne policée de la grande époque.
L’ouvrage comporte quatre chapitres. Dans le premier « De l’art d’explorer le corps humain », on retrouve les noms connus d’André Vésale, de William Harvey, de René Laennec, mais également celui moins célèbre de William Beaumont qui, en 1822, eut l’idée insolite et quelque peu perverse d’étudier, pendant de nombreuses années, la cavité de l’estomac et le processus de la digestion directement au travers d’une fistule de l’estomac à la peau, blessure due à un coup de mousquet accidentel reçu en plein ventre par un jeune trappeur franco-canadien miraculeusement survivant. Dans le deuxième chapitre, « La découverte de l’invisible », à côté d’Ignaz Semmelweis qui « touche les microbes sans les voir », on se passionne pour les incroyables histoires de Gerhard Hansen et de la lèpre, de Denis Burkitt et du lymphome frappant les enfants africains, à l’origine de la découverte de la nature virale des cancers par Anthony Epstein et Yvonne Barr, l’histoire aussi de Daniel Gajdusek qui, par le biais de l’anthropophagie des papous, décrit le Kuru et l’encéphalopathie spongiforme. Le troisième chapitre, celui sur « Les innovations thérapeutiques », nous fait entrevoir ce que les auteurs appellent « un artisanat de l’innovation ». Ils mettent en scène les premiers pas de l’anesthésie dont la découverte suscite machination, esprit de lucre et suicide, la véritable résurrection des diabétiques grâce à l’insuline de Frederick Banting et Charles Best, la découverte des groupes sanguins et du « facteur Rhésus » par Karl Landsteiner, le développement de la transfusion sanguine par Arnaud Tzanck traumatisé par le décès d’une sœur des suites d’une hémorragie obstétricale. Le quatrième et dernier chapitre, intitulé « Les dérives de la médecine », réunit des récits ahurissants, les uns à la limite du grotesque tandis que d’autres provoquent l’indignation. Étonnant est le pouvoir de suggestion du zouave Jacob, grand faiseur de miracles, vedette médiatique avant l’heure en 1867, agissant par persuasion autoritaire. Stupéfiante est la vie de Charles-Edouard BrownSequard successeur de Claude Bernard à la chaire de physiologie expérimentale du Collège de France, apôtre de l’« opothérapie », qui prétendait régénérer les virilités défaillantes par l’injection de broyats de testicules animaux, faisant un véritable
Bull. Acad. Natle Méd., 2011, 195, nos 4 et 5, 1143-1553