Communication scientifique
Séance du 6 janvier 2004

Avancées diagnostiques et thérapeutiques dans le cancer du rein

MOTS-CLÉS : cœlioscopie.. cancer du rein. chirurgie partielle. néphrectomie
Advances in diagnosis and treatment of renal cell carcinoma
KEY-WORDS : laparoscopy.. nephrectomy. partial surgery. renal carcinoma

Bernard Debre *, Michaël Peyromaure, Djillali Saighi, Marc Zerbib

Résumé

Ces vingt dernières années, de nombreux progrès ont été réalisés tant dans le diagnostic que dans le traitement des cancers du rein. Autrefois diagnostiqué suite à une hématurie, des douleurs et/ou à la palpation d’une masse lombaire, le cancer du rein était reconnu à un stade évolué et traité par néphrectomie élargie. Aujourd’hui, environ 40 % des tumeurs rénales sont diagnostiquées en l’absence de symptômes, de façon fortuite suite à un examen d’imagerie (échographie ou tomodensitométrie). La majorité des cancers du rein sont ainsi découverts à un stade précoce. La chirurgie partielle s’est donc considérablement développée pour les tumeurs polaires et de petite taille. La néphrectomie partielle peut également être réalisée par coelioscopie, ce qui permet de réduire la morbidité de l’intervention et le temps d’hospitalisation.

Summary

Over the last two decades, several improvements have been made in the diagnosis and treatment of renal carcinoma. In the past, renal cancer was usually discovered after hematuria, pain, or palpation of a lumbar mass, and required total nephrectomy. Today, about 40 % of renal tumors are discovered incidentally by ultrasonography or computed tomography. Therefore, the majority of renal carcinomas are discovered at an early stage. Partial nephrectomy has been developed for polar and small tumors. This surgery can now be performed using a laparoscopic approach, thereby decreasing morbidity and shortening the hospital stay.

INTRODUCTION

L’incidence du cancer du rein en France est en constante augmentation. Il y a quelques années, on estimait qu’environ 5000 nouveaux cas étaient diagnostiqués par an [1]. L’augmentation de l’incidence du cancer du rein est en grande partie due à l’utilisation croissante de l’échographie et de la tomodensitométrie dans la population générale. Ainsi, la présentation clinique du cancer du rein a considérablement changé ces vingt dernières années. La triade classique « douleur lombaire, hématurie, masse palpable » est devenue un mode de révélation diagnostique exceptionnel.

De même, l’altération de l’état général et les syndromes paranéoplasiques comme la fièvre au long cours et la polyglobulie sont rares. Aujourd’hui, le pourcentage des cancers du rein découverts fortuitement par un examen d’imagerie est d’environ 40 %, tous types histologiques confondus [1]. Ce pourcentage est plus élevé dans les tumeurs dont le potentiel de malignité est réduit. Par exemple, dans notre expé- rience, les cancers à cellules chromophobes sont découverts fortuitement dans 66 % des cas [2]. A l’inverse, certaines tumeurs très agressives comme les sarcomes ou les cancers médullaires (de Bellini) sont plus souvent symptomatiques au moment du diagnostic. Nous avons récemment rapporté une série de 9 cancers de Bellini traités à Cochin ces 10 dernières années [3]. Parmi ces 9 tumeurs, une seule avait été découverte fortuitement. Les 8 autres avaient été diagnostiquées suite à une hématurie (6 patients), à des douleurs lombaires (4 patients) et/ou à une altération de l’état général (2 patients).

La découverte de tumeurs de petite taille a permis de développer la chirurgie partielle. Celle-ci prend une part de plus en plus importante dans les tumeurs de petite taille et périphériques. D’autre part, les progrès chirurgicaux de ces dernières années incluent l’utilisation de techniques mini-invasives comme la coelioscopie.

Pour certains, la coelioscopie permet une réduction de la morbidité opératoire et du temps d’hospitalisation.

LES PROGRÈS DE L’IMAGERIE

L’échographie permet de découvrir des tumeurs rénales dont la taille est supérieure à 1,5 cm. Sa sensibilité globale (capacité à détecter une tumeur) est supérieure à 80 %, si bien que pour certains auteurs, cet examen simple et peu coûteux pourrait entrer dans le cadre d’un dépistage du cancer du rein. Récemment, une équipe allemande a testé la valeur de l’échographie pour la détection des tumeurs rénales dans la population générale [4]. Sur un total de 9959 volontaires, 13 (0,1 %) avaient une tumeur rénale. Parmi les 13 tumeurs dépistées, 9 se sont avérées être un cancer.

Dans cette étude, la sensibilité de l’échographie pour le dépistage était estimée à 82 %. Cependant, la spécificité (capacité à déterminer la nature maligne ou bénigne de la tumeur) de l’échographie rénale est faible. En effet, l’échographie ne permet d’affirmer la nature tissulaire de la lésion que dans 70 % des cas. La tomodensito-
métrie a un meilleur rendement. Les taux respectifs de sensibilité et de spécificité du scanner hélicoïdal pour les tumeurs du rein sont supérieurs à 95 et 90 % [5]. La réalisation de coupes fines avec reconstruction tri-dimentionnelle permet aujourd’hui de détecter des tumeurs infracentimétriques [5]. Cette avancée technique permet de sélectionner les candidats à une chirurgie partielle, en localisant plus précisément les limites de la tumeur par rapport aux vaisseaux et en recherchant d’autres localisations tumorales (tumeurs multifocales). L’acquisition multiphasique du scanner est importante dans certains cas : la phase corticale permet d’identifier les tumeurs parenchymateuses, alors que la phase excrétoire permet de visualiser les kystes [6]. Cependant, les lésions atypiques comme les tumeurs pseudokystiques, graisseuses, ou hémorragiques, restent difficiles à classifier. L’Imagerie par Resonnance Magnétique peut alors aider au diagnostic. L’IRM est également utile en cas d’allergie à l’iode, d’insuffisance rénale, ou pour préciser l’extension d’un thrombus veineux.

LA PLACE DES BIOPSIES RÉNALES

Plus de 15 % des tumeurs rénales détectées par l’imagerie sont des lésions bénignes.

Pour certains auteurs, une biopsie des tumeurs d’allure bénigne permettrait donc, dans certains cas, d’éviter une intervention inutile. Cependant, l’intérêt de biopsier les tumeurs rénales reste controversé. Les biopsies ont deux inconvénients principaux : la difficulté technique à biopsier des tumeurs de petite taille, et le manque de spécificité. Le taux d’échec de la procédure (quantité de matériel prélevé insuffisante pour analyse) est d’environ 20 %. Dans une série française de 73 biopsies consécutives chez 63 patients, le taux d’échec était de 37 % pour les tumeurs inférieures à 3 cm [7]. Le taux de corrélation entre la pièce opératoire et la biopsie était de 89 % pour le type histologique. Ce taux était de 78 % pour le grade nucléaire de Führman.

Récemment, une équipe de Boston a classifié le rendement des biopsies rénales en fonction de la situation clinique et de la taille tumorale [8]. Pour les patients ayant un cancer connu et se présentant avec une masse rénale, la sensibilité et la valeur prédictive négative de la biopsie étaient respectivement de 90 % et 38 %. Pour ceux qui n’avaient pas de cancer connu et une masse rénale considérée comme non réséquable, elles étaient de 92 % et 0 %. Enfin, pour ceux qui n’avaient pas de cancer connu et une masse rénale kystique, elles étaient de 33 % et 87 %. La taille tumorale influençait nettement le rendement de la biopsie. La sensibilité était de 97 % pour les tumeurs comprises entre 4 et 6cm. Elle n’était que de 84 % pour les tumeurs plus petites, et de 87 % pour les tumeurs plus grandes. De même, la valeur prédictive négative était de 89 % pour les tumeurs intermédiaires, alors qu’elle était respectivement de 60 % et 44 % pour les petites et les grandes tumeurs. Au total, le rendement des biopsies était optimal pour les tumeurs comprises entre 4 et 6 cm, chez les patients ayant un cancer connu ou lorsque la tumeur était jugée non réséquable. La sensibilité était très faible pour les masses kystiques. C’est dire que pour l’instant l’intérêt de la biopsie n’est pas fondamental.

LES PROGRÈS THÉRAPEUTIQUES

Traitement des cancers du rein localisés

Place de la néphrectomie partielle

Ces vingt dernières années, la chirurgie partielle du cancer du rein s’est considérablement développée. En effet, la découverte fortuite de petites tumeurs lors d’un examen radiologique a permis le développement de techniques moins radicales, préservant du parenchyme rénal sain. Dans notre service, un total de 432 patients ont eu une néphrectomie pour cancer entre janvier 1996 et juin 2000. Parmi ces 432 patients, 76 (17,6 %) ont eu une néphrectomie partielle et 356 ont eu une néphrectomie élargie. Dans les années 1980 et jusqu’en 1995, le taux de néphrectomies partielles dans notre service était inférieur à 10 %. Depuis l’année 2000, ce taux a dépassé 20 %. Il est actuellement admis que les tumeurs rénales dont le diamètre est inférieur à 4 centimètres, et dont la localisation est polaire, doivent faire l’objet d’une chirurgie partielle. Les principales complications de la néphrectomie partielle sont l’hématome péri-rénal (par saignement sur la tranche chirurgicale) et la fistule urinaire (par plaie de la voie excrétrice). Ces complications surviennent respectivement dans 4 et 7 % des cas [9].

Lorsque la tranche de section passe macroscopiquement à moins de 10 mm de la limite tumorale, un examen extemporané de la pièce opératoire permet de s’assurer que la marge chirurgicale est saine. L’épaisseur nécessaire de parenchyme sain autour de la tumeur est controversée. Pour de nombreux auteurs, une marge saine de 5 mm autour de la tumeur est suffisante [9,10].

Les contre-indications de la néphrectomie partielle sont soit chirurgicales (tumeurs multifocales, volumineuses tumeurs, tumeurs médio-rénales), soit anesthésiques (patients fragiles, sous anticoagulation efficace).

Lorsque la sélection des patients et la technique sont rigoureuses, les résultats de la chirurgie partielle sont semblables à ceux de la néphrectomie élargie, avec plus de 95 % de survie sans récidive à 5 ans dans les séries récentes.

Autrefois réalisée quasi-systématiquement, la néphrectomie élargie emportant la graisse péri-rénale et la glande surrénale se limite donc aujourd’hui aux tumeurs volumineuses ou centrales. L’éxérèse systématique de la surrénale homolatérale n’est plus d’actualité. Une étude américaine portant sur 511 patients ayant eu une néphrectomie élargie a montré que le taux de métastase surrénalienne homolatérale était inférieur à 6 %, tous stades confondus [11]. Le risque de métastase surrénalienne est fortement corrélé au stade tumoral. Selon la même étude, ce risque varie de 0,6 % pour les tumeurs limitées au rein (stades T1-T2)) à 40 % pour les tumeurs classées T4. En cas de métastase surrénalienne, le cancer rénal est situé au pôle supérieur dans presque 60 % des cas. La taille du cancer rénal n’est pas un facteur indépendant de métastase surrénalienne. D’autre part, la valeur prédictive négative
du scanner pour la détection d’une métastase surrénalienne est supérieure à 99 %.

Ces résultats suggèrent que la surrénalectomie ne doit pas être systématique. Ses indications sont les tumeurs polaires supérieures, les tumeurs de stade ≥ T3, et bien entendu la suspicion scannographique d’une atteinte surrénalienne.

Développement de la coelioscopie et de la robotique

Classiquement réalisée à ciel ouvert soit par voie antérieure, soit par lombotomie, la néphrectomie peut désormais être faite par coelioscopie. Cette voie d’abord peu invasive a un avantage esthétique, car elle évite l’incision sous-costale de la voie antérieure ou l’hypotonie musculaire séquellaire de la lombotomie. D’autre part, elle permet une réduction de la douleur post-opératoire et de la durée d’hospitalisation. Pour certains, la douleur post-opératoire peut être minimisée par la réduction du nombre de trocards opérateurs [12]. Les inconvénients de la coelioscopie sont d’une part l’allongement de la durée opératoire à plus de 2 heures [13], et d’autre part la longueur de la courbe d’apprentissage.

La néphrectomie coelioscopique peut être réalisée soit par voie transpéritonéale, soit par voie rétropéritonéale (rétropéritonéoscopie). Ses complications sont rares, et le taux de conversion à ciel ouvert en cas de difficulté per-opératoire (saignement non contrôlé, difficultés d’exposition) est d’environ 6 % dans les séries récentes [13].

L’abord coelioscopique s’applique également à la néphrectomie partielle. Cette intervention difficile est encore peu réalisée. Les deux difficultés principales de la néphrectomie partielle par coelioscopie sont le repérage des limites de la tumeur en l’absence de palpation manuelle, et l’hémostase de la tranche de section. De plus, la durée du clampage du pédicule rénal, si celui-ci est réalisé, est accrue par rapport à la voie ouverte. La durée d’ischémie rénale est ainsi augmentée jusqu’à 45 minutes [13]. Récemment, une équipe expérimentée de Cleveland a publié une étude comparant les résultats de la néphrectomie partielle à ciel ouvert et par voie laparoscopique [14]. La dose totale de morphiniques était significativement moins élevée dans le groupe coelioscopie (20,2 mg versus 252,5), ainsi que la durée d’hospitalisation (2 jours versus 5) et le temps de convalescence (4 semaines versus 6). A l’inverse, le taux de complications per-opératoires et post-opératoires était accru dans ce groupe. Ils étaient respectivement de 5 % et 11 %, contre 0 % et 2 % chez les patients opérés à ciel ouvert. Le taux de marges positives (section chirurgicale atteinte par la tumeur) était également supérieur dans le groupe coelioscopie (3 % versus 0 %), mais sans signification statistique. Les auteurs imputaient le risque accru de complications et de marges positives au relatif manque d’expérience de l’abord laparoscopique pour la néphrectomie partielle.

Quelques exemples de grandes séries internationales de néphrectomies élargies et partielles, à ciel ouvert et par coelioscopie, sont résumés dans les tableaux 1 et 2.

Dans ces séries, les résultats de la coelioscopie paraissent meilleurs que ceux de la chirurgie ouverte. Ces résultats ont trois explications potentielles : d’une part, la sélection des patients est différente. Les patients avec de grosses tumeurs (de mauvais

TABLEAU 1. — Exemples de grandes séries de néphrectomies élargies Référence n Période Technique Suivi moyen Taux de survie d’inclusion (ans) sans récidive Leibovich et al [15] 1671 1970-2000 ciel ouvert 5,4 74,1 % à 5 ans Ficarro et al [16] 675 1976-1999 ciel ouvert 7 77 % à 5 ans Gill et al [17] 100 1997-2000 cœlioscopie 1,3 98 % à 1 an TABLEAU 2. — Exemples de grandes séries de néphrectomies partielles Référence n Période Technique Suivi moyen Taux de survie d’inclusion (ans) sans récidive Mc Kiernan et al [18] 246 1989-2002 ciel ouvert 2,1 88 % à 5 ans Fergany et al [19] 107 avant 1989 ciel ouvert > 10 88,2 % à 5 ans Gill et al [20] 50 1999-2001 cœlioscopie 0,6 100 % pronostic) sont majoritairement opérés à ciel ouvert. D’autre part, les séries de néphrectomies élargies à ciel ouvert sont plus anciennes. Enfin et surtout, le recul est moins important pour les patients ayant été opérés par coelioscopie.

Si la diminution des antalgiques et le bénéfice esthétique obtenus par l’abord coelioscopique paraissent clairement établis, la réduction du temps d’hospitalisation et de la convalescence sont davantage controversés. Une étude a montré que 57 % des patients ayant regagné leur domicile moins de 5 jours après avoir eu une néphrectomie laparoscopique, jugeaient leur hospitalisation trop courte [21]. Dans cette étude, l’intervalle avant la reprise du travail était extrêmement variable, et n’était pas corrélé aux suites opératoires.

Enfin, le développement de la robotique en chirurgie laisse envisager la réalisation de nombreuses interventions par télé-manipulation dans les années à venir. Chez l’homme, la première néphrectomie coelioscopique assistée par robot a été réalisée en France en 2001 [22]. Il ne s’agissait pas d’un cancer du rein, mais d’un rein détruit par une hydronéphrose chronique. L’intervention a duré 3 heures et 20 minutes, et les suites ont été simples. L’assistance par robot devrait s’appliquer bientôt à la néphrectomie pour cancer du rein.

Alternatives à la chirurgie : la cryoablation et la radiofréquence

Depuis quelques années, deux techniques nouvelles sont en cours d’évaluation pour les cancers du rein de petite taille : la cryoablation et la radiofréquence.

La cryoablation consiste à congeler la tumeur en implantant une aiguille qui permet un refroidissement à —70 ou — 80 degrés. Peu d’auteurs ont rapporté leur expérience de cette technique. Lee et al [23] ont récemment rapporté une série de 20 patients traités par cryoablation pour des petites tumeurs rénales (1,4 à 4,5 cm). Les biopsies
réalisées au début de la procédure ont révélé un cancer rénal dans 11 cas. Chez tous les patients, il n’y a eu aucun signe clinique ni scannographique de progression tumorale durant le suivi. Parmi les 8 patients dont le suivi était supérieur à 2 ans, 4 ont eu une régression complète de leur tumeur, et 4 ont eu soit une stabilité, soit une régression partielle de leur lésion. Un des patients a dû avoir une laparotomie pour fistule pancréatique.

La radiofréquence consiste à détruire les cellules tumorales par effet thermique. Une électrode à l’extrémité de laquelle se situent des antennes déployables est implantée dans la tumeur. L’électrode, reliée à un générateur de radiofréquence, induit une nécrose de coagulation. Paparel et al [24] ont rapporté une série de 10 procédures, réalisées chez 6 patients. Dans leur expérience, 9 tumeurs (90 %) ont été entièrement dévascularisées après une seule séance. Le dernier cas a nécessité une deuxième séance. Le temps moyen des séances était de 3 heures, et celui d’hospitalisation de 9 jours. Avec un délai moyen de 13 mois, aucun cas de récidive n’était rapporté.

La cryoablation et la radiofréquence peuvent se faire par abord du rein ou par voie percutanée, l’implantation étant alors guidée par échographie, tomodensitométrie ou résonnance magnétique. Bien que ces deux techniques aient montré des premiers résultats satisfaisants en terme de faisabilité, leurs résultats carcinologiques à moyen terme demeurent inconnus. De plus, elles posent un problème majeur d’évaluation de la nécrose tumorale. Des critères radiologiques de réponse au traitement restent donc à définir.

Traitement des cancers du rein métastatiques

Ces dernières années, très peu d’avancées thérapeutiques ont été réalisées dans les tumeurs métastatiques du rein. Aucune chimiothérapie n’a réellement montré d’efficacité. De plus, l’immunothérapie par interféron alpha et interleukine-2 ne permet d’obtenir une réponse que chez environ 15 % des patients [25]. En revanche, l’intérêt de réaliser une néphrectomie chez les patients métastatiques a été récemment confirmé dans 2 études comparatives [26, 27]. Dans ces études, les durées de survie étaient significativement augmentées dans le groupe néphrectomie + immunothérapie par rapport au groupe immunothérapie seule. Elles étaient respectivement de 11,1 et 17 mois, contre 8,1 et 7 mois. Ces résultats suggèrent que la réduction de la masse tumorale optimise la réponse à l’immunothérapie.

En dehors de nouvelles chimiothérapies, trois voies principales sont en cours d’investigation : les cellules dendritiques, la greffe de cellules souches allogéniques, et les anti-angiogéniques.

Les cellules dendritiques

Les cellules dendritiques ont des prolongements cytoplasmiques qui permettent un contact étroit avec les lymphocytes T. Kugler [28] a vacciné 17 patients ayant un cancer du rein métastatique en fusionnant des cellules dendritiques hétérologues et des cellules tumorales autologues. Il y a eu 4 réponses complètes et 2 réponses
partielles avec un suivi moyen de 13 mois. Ces résultats restent à confirmer sur de plus grandes cohortes, et avec plus de recul. Néanmoins, il semble s’agir d’une voie de recherche intéressante.

La greffe de cellules souches allogéniques

Childs [29] a rapporté une série de 19 patients qui, après avoir été traités par endoxan, fludarabine et pour certains une globuline antithymocytaire, ont reçu une greffe de moëlle provenant d’un donneur HLA identique. De la ciclosporine était administrée pour éviter une réaction du greffon contre l’hôte. Dans cette étude, il y a eu 3 réponses complètes et 7 réponses partielles. Encore une fois, d’autres essais sont nécessaires pour valider ce traitement dont l’efficacité n’est pas clairement établie, et dont le coût et la morbidité sont élevés.

Les anti-angiogéniques

Egalement en cours d’évaluation, les anti-angiogéniques pourraient ralentir la croissance tumorale et le potentiel métastatique du cancer du rein [25]. Les trois anti-angiogéniques les plus fréquemment utilisés dans les études sont le TNP-470, le Thalidomide, et le Néovastat. Quelques cas de réponse ont été rapportés avec ces traitements, mais les données de la littérature sont encore insuffisantes.

CONCLUSIONS

L’utilisation croissante de l’imagerie médicale permet de diagnostiquer fortuitement des tumeurs rénales à un stade de plus en plus précoce. La prise en charge des tumeurs limitées au rein a beaucoup évolué. Les petites tumeurs relèvent pour la plupart d’une chirurgie conservatrice, limitant le sacrifice du capital néphronique.

Les techniques opératoires ont également changé, en particulier grâce au développement de la coelioscopie. De nouveaux procédés, la cryoablation et la radiofré- quence, sont en cours d’évaluation. Concernant les cancers métastatiques qui sont de plus en plus rares, aucun progrès significatif n’a été réalisé. La recherche s’oriente vers l’utilisation de cellules dendritiques, la greffe de cellules souches allogéniques, et les anti-angiogéniques.

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DISCUSSION

M. Adolphe STEG

Devant une tumeur du rein peu volumineuse, vous vous prononcez en faveur de la néphrectomie partielle et vous avez souligné, de façon convaincante, les avantages de cette technique. Mais dans la littérature, on relève des cas, non exceptionnels, où l’examen histologique montre qu’il ne s’agissait pas d’un cancer mais d’une lésion telle qu’un oncocytome ou un angiomyolipome. Ne pensez-vous pas que certaines erreurs diagnostiques peuvent s’expliquer, parfois, par un acharnement diagnostique moindre lorsqu’est envisagée une néphrectomie totale qui serait la sanction du diagnostic ?

Environ 15 % des tumeurs rénales détectées par l’imagerie sont des lésions bénignes. Les tumeurs bénignes les plus fréquentes sont l’oncocytome et l’angiomyolipome. Il est de plus en plus difficile de détecter un oncocytome ou un angiomyolipome par l’imagerie, ce d’autant que les tumeurs diagnostiquées fortuitement par l’imagerie sont actuellement de petite taille. La possibilité d’être en présence d’un oncocytome ou d’un angiomyolipome est un argument supplémentaire pour réaliser une chirurgie conservatrice (néphrectomie partielle ou tumorectomie). En effet, la chirurgie partielle permet de préserver du parenchyme rénal, ce qui est d’autant plus logique lorsqu’il s’agit d’une tumeur bénigne.

M. Alain RÉRAT

Que peut-on penser de la biopsie dans le diagnostic des tumeurs rénales ? Quelles en sont les limites tant dans le diagnostic que dans la technique (hémorragies ?)

L’intérêt de la biopsie dans le diagnostic des tumeurs rénales est en cours d’évaluation. Le taux d’échec de cette procédure est d’environ 20 %, il augmente jusqu’à environ 40 % pour les tumeurs dont la taille est inférieure à 3 cm. La principale limite des biopsies rénales est le risque de faux négatifs. Le taux de faux négatifs est élevé pour les tumeurs de petite taille (risque de biopsier à côté de la lésion) et pour les tumeurs de taille supérieure à 6 cm (risque de biopsier une zone nécrotique, sans cellule maligne). Le risque hémorragique est quasiment nul, car d’une part le diamètre des aiguilles est fin (16 à 18 gauge), et d’autre part la graisse péri rénale permet l’hémostase du parenchyme.

M. Raymond ARDAILLOU

L’analyse génétique permettra-t-elle de cibler la population dans laquelle le dépistage des tumeurs rénales par échographie pourrait être proposé ?

Dans les années à venir, il est probable que certains tests génétiques permettront de dépister certaines tumeurs, dont les cancers du rein. Cependant le coût de ces tests génétiques sera probablement supérieur à celui des examens d’imagerie simple, dont l’échographie. Se posera alors la question de savoir dans quel ordre les examens de dépistage seront réalisés. Il semble logique de proposer d’abord des examens d’imagerie simples et peu coûteux, puis des tests génétiques en cas de suspicion de tumeur.

M. Jean-Marie MANTZ

Certaines tumeurs rénales produisent, on le sait, d’importantes quantités d’érythropoïétine.

J’aimerais savoir si les auteurs de ces remarquables exposés ont rencontré, dans leurs séries, des cas avec polyglobulie et dans quel pourcentage ?

Il y a 30 ans, la plupart des cancers du rein étaient diagnostiqués à un stade élevé. Le taux de polyglobulie associé au cancer du rein était d’environ 15 %. Aujourd’hui, les tumeurs rénales sont détectées à un stade précoce, et s’accompagnent d’une polyglobulie dans environ 2 % des cas. Dans notre expérience, parmi les 230 derniers patients opérés d’un cancer du rein par néphrectomie élargie, seulement 5 avaient une polyglobulie diagnostiquée lors du bilan pré-opératoire.


* Service d’urologie. Hôpital Cochin, 27 rue du faubourg Saint-Jacques — 75014 Paris. Tirés-à-part : Professeur Bernard DEBRÉ, à l’adresse ci-dessus. Article reçu le 4 juin 2003, accepté le 4 octobre 2003.

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 1, 15-25, séance du 6 janvier 2004