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Séance du 22 juin 2010

Assurance maladie. Un état des lieux

MOTS-CLÉS : assurance maladie. orgnisations et économie des soins de santé. sécurité sociale.
French national health insurance. The current situation
KEY-WORDS : health care economics and organizations. insurance, health. social security

Michel Huguier, Michel Lagrave, Aline Marcelli, Claude Rossignol **, JeanPaul Tillement (au nom de la Commission VIII — Assurance maladie)

Résumé

Un état des lieux de l’assurance maladie se justifierait par ses seuls problèmes économiques. Mais le limiter à cet aspect serait méconnaître les grands principes de solidarité, d’humanisme et de liberté auxquels les Français sont, à juste raison, très attachés. Les comparaisons européennes suggèrent cependant que notre système pourrait gagner en efficience sans nuire pour autant à l’état de santé de la population. L’assurance maladie permet à la totalité de la population d’accéder à des soins de très bonne qualité. La liberté d’installation et de prescription des médecins est quasi-totale. Les soins et biens médicaux contribuent à augmenter l’espérance de vie en France, 73 ans, seconde au monde après celle du Japon. Ils sont la source d’emploi pour un million de personnes. En revanche, les contrôles macro-économiques de la progression des dépenses ont échoué. Cela s’explique par le progrès médical et le vieillissement de la population, mais aussi par le consumérisme médical favorisé par une offre de soins qui n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui ainsi que par la prise en charge de plus en plus importante des dépenses par la collectivité et l’extension du tiers payant. De nombreuses mesures qui ont été proposées ont été de fausses bonnes mesures comme la tarification à l’activité ou la certification des établissements hospitaliers. D’autres

Summary

An audit of the French national health insurance system would be justified by economic considerations alone, but this would risk overlooking the notions of solidarity and freedom to which the French are rightly attached. European comparisons suggest, however, that our system could be made more efficient without undermining public health. The national health insurance system allows each member of the population to receive high-quality medical care. Practitioners have near-total freedom of prescription and practice. Medical care contributes to the ongoing increase in life expectancy, which is currently 73 years and second only to Japan. Healthcare is also a source of a million jobs. Macro-economic spending controls have failed, owing to medical progress and population aging, and also to medical consumerism favored by an unprecedented range of examinations and treatments, the increasing reimbursement of medical care, and the extension of direct payment by the insurer. Many ineffective measures have been implemented, such as tarification according to activity, and hospital certification. Health spending is also increased unnecessarily by bureaucratisation of healthcare spending and the transfer of professionals to posts for which they are not qualified. Some controversial medical prescriptions are not adequately controlled by the health service. Many reforms are based on over-optimistic economic predictions that fail to take related overheads into account. Lobbying by special interests groups undermines reform and the public interest. Too many independent administrative bodies have been created, and many are less efficient than the public structures they replaced. In sum, the French national health insurance system has become less and less efficient over the years.

Un état des lieux de l’assurance maladie se justifierait par ses seuls problèmes économiques. En effet, ses déficits cumulés atteignaient, en 2006, près de 76 milliards 1. Depuis, ils ont été de 4,6 milliards en 2007, de 4,4 milliards en 2008, pour atteindre 10,5 milliards en 2009. Le déficit prévu pour 2010 est de 15 milliards. Il sera très certainement dépassé. Mais limiter un état des lieux à des aspects économiques serait méconnaître les grands principes de solidarité, 1. À la charge de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (la CADES).

d’humanisme [1] et de liberté de notre système d’assurance maladie auxquels les Français sont, à juste raison, très attachés.

RAPPELS

Les ressources de l’assurance maladie reposent sur trois prélèvements obligatoires. Les cotisations salariales en constituent 47 %, la Contribution sociale généralisée (CSG) 34 %, et des taxes 10 %. La CSG, instaurée en 1991, repose sur l’ensemble des revenus. L’idée était de ne plus faire porter les prélèvements uniquement sur les revenus du travail, ce qui pénalise les entreprises de main-d’œuvre, mais aussi sur les autres revenus. Quant aux taxes, elles portent sur le tabac, l’alcool, l’industrie pharmaceutique.

L’assurance maladie finance 76 % des 170 milliards de soins et biens médicaux (2008), le reste l’étant par les mutuelles et les assurances complémentaires à hauteur de 14 % et par les ménages à hauteur des 10 % restant. En fait, le pourcentage de prise en charge des dépenses de soins par l’assurance maladie est varié 2. En valeur, les soins englobent l’hospitalisation (44 %), les soins ambulatoires (28 %), les médicaments (20 %) et quelques autres prestations (8 %).

Les comparaisons européennes montrent que la France est le pays d’Europe qui consacre aux dépenses de soins et biens médicaux le pourcentage de son produit intérieur brut le plus élevée — 8,7 % —, alors qu’il était de 8 % en Suède, de 7,7 % en Grande-Bretagne et en Allemagne, de 6,5 % en Italie et de 6 % en Espagne. Mais surtout l’évolution des dépenses de soins en France est plus forte que dans les autres pays. Ainsi, de 1999 à 2004 elle a été en moyenne par an de 4,4 % alors qu’elle était de 2,7 % au Japon ou de 1,9 % en Allemagne.

Ces données suggèrent que notre système pourrait gagner en efficience sans nuire pour autant à l’état de santé de la population.

L’ÉTAT DES LIEUX se limitera à quelques constatations qui paraissent être les plus importantes.

Il convient d’abord de noter qu’en France, l’assurance maladie permet à la totalité de la population d’accéder à des soins qui sont dans l’ensemble de bonne ou de très bonne qualité. Jusqu’à ce jour la liberté d’installation des médecins était totale ce qui pose aujourd’hui problème dans quelques zones rurales et périurbaines. La liberté de prescription est également quasi totale, mais cela n’est pas sans conséquences sur la prise en charge des dépenses 2. Par exemple, on sait qu’il est de 100 % pour les affections de longues durées qui constituent 60 % de ses dépenses.

par la collectivité. Les soins et biens médicaux contribuent à augmenter l’espérance de vie aujourd’hui de 73 ans, seconde au monde après celle du Japon. Ils sont la source d’emploi pour un million de personnes : plus de 500 000 paramédicaux, près de 350 000 médecins, pharmaciens, chirurgiens dentistes et sages femmes, et 100 000 salariés de l’industrie pharmaceutique.

Notre système se différencie ainsi du système britannique qui se caractérise par une certaine frugalité (listes d’attente, vétusté des hôpitaux) et des contraintes (capitation) et des USA où les coûts de gestion d’un système, essentiellement privé, qui sont particulièrement élevés.

En revanche, l’assurance maladie est confrontée à des problèmes qui ne manqueront pas de retentir non seulement sur l’économie par le biais des prélèvements obligatoires, mais aussi sur les modalités de l’exercice médical.

L’échec des contrôles macro-économiques est évident : bien que, depuis 2005, la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) fixe l’objectif national annuel des dépenses d’assurance maladie (ONDAM), celui-ci est chaque fois dépassé.

L’augmentation des dépenses s’explique par des tendances lourdes comme le progrès médical et le vieillissement de la population. Mais aussi par une évolution de la demande. En effet, l’assurance maladie prend aujourd’hui en charge des prestations qui répondent au désir compréhensible de mieux-être de la population ou à des besoins sécuritaires qui ont pu être qualifiés de « nonmaladies » [2, 3]. Il en est de même de transferts sur l’assurance maladie des conséquences de comportements individuels dangereux ou nocifs. Or il n’a guère été fait de choix explicites sur ce que la solidarité nationale devait prendre en charge de façon justifiée et inversement [4].

Ainsi, nous sommes confrontés au fait que le recours aux soins s’est peu à peu transformé en consommation médicale et le patient en usager [5]. Cette évolution a été favorisée par deux facteurs. Le premier est une offre de soins qui n’a jamais été aussi importante qu’aujourd’hui, qu’il s’agisse de densité médicale globale ou de moyens d’explorations morphologiques ou biologiques. Paradoxalement, les moyens offerts sont toujours jugés insuffisants en mettant en avant les problèmes des zones les plus démunies en médecins ou en faisant des comparaisons d’équipements avec des pays mieux dotés, ce qui est toujours possible. Cependant, une étude de la Caisse nationale d’assurance-maladie, publiée en 2009, a montré, en comparant les régions, qu’une densité élevée de médecins favorisait la surconsommation sans améliorer pour autant l’état de santé de la population. C’est ce qui avait déjà été observé en 1977, lorsqu’il avait été décidé de renforcer la sélection des étudiants en fin de première année de médecine. Dans le même ordre d’idée, l’augmentation continue des moyens techniques favorise le gaspillage [6]. Un second facteur de surconsommation est la prise en charge de plus en plus importante des dépenses de soins par la collectivité et l’extension du tiers payant qui aboutissent à une impression de quasi gratuité. Deux exemples, bien qu’anciens, le démontrent. Pendant des années, la croissance annuelle du nombre de consultations était de 4 %. En 1960, un décret a augmenté leur taux de remboursement [7]. Dans les années qui ont suivi, cette croissance s’est élevée à 37 %. Autre exemple : une comparaison a été effectuée entre deux populations similaires. L’une était remboursée de ses dépenses de soins courants à 70 % ; l’autre à 100 %. Dans ce second groupe le nombre d’actes médicaux était supérieur de 17 % par rapport à celui du premier groupe [8]. Certes, dans une société comme la nôtre, il ne serait pas acceptable que les plus démunis ne puissent accéder aux soins dont ils ont besoin. Mais la gratuité apparente quasi-totale est peu compatible avec des comportements responsables en matière de consommation médicale.

De nombreuses mesures qui ont été proposées ont été de fausses bonnes mesures . Bien entendu, elles cherchent toujours à améliorer la qualité du service médical rendu ou à le rendre moins coûteux pour des prestations similaires. Mais les coûts de fonctionnement ou les effets pervers de ces mesures nouvelles ne sont guère pris en compte dans la décision. Un exemple caricatural est, dans le domaine hospitalier, la tarification à l’activité (T2A), mise en place en 2004. Sa logique est incontestable. Elle vise à mettre en relation activité, voire efficacité avec le financement des établissements, contrairement au budget global antérieur qui pénalisait les établissements les plus actifs [9].

En fait, la T2A a de très importantes contreparties dont les principales sont les suivantes :

— Les groupes homogènes de séjour, sur laquelle repose la T2A, recouvrent des réalités très dissemblables qui expliquent une hétérogénéité de coûts des pathologies composant un même groupe « homogène ». Pour cette raison, il y a déjà eu dix modifications du système aboutissant à de plus en plus de segmentations.

— Des paramètres qui augmentent les coûts sont mal définis, mal évalués comme la précarité des patients ou des missions d’intérêt général : permanence des soins 3, enseignement, recherche, qui doivent être financées par des enveloppes à part et qui feront l’objet d’éternelles discussions 4.

— La T2A est inflationniste comme l’a montré un rapport de l’Inspection générale des Affaires sociales et de l’Inspection générale des Finances, ainsi que l’expérience nord-américaine. Elle va donc à l’encontre de l’intérêt général [10].

— Enfin, le coût de fonctionnement de la T2A n’a jamais été estimé… Il convient cependant de rappeler que les dépenses cumulées consacrées à la mise en place du Programme de médicalisation du système d’information (PMSI) dont la T2A dérive avaient été évaluées par la Cour des comptes à 3 milliards de francs et les frais de maintenance annuelle à 620 millions.

3. Comme le montre bien la comparaison des effets de la T2A dans les établissements privés à but non lucratif selon qu’ils participent ou non au service public hospitalier.

4. Comme en Allemagne où ce système existe.

— Mais surtout, si la T2A repose sur des mesures (imparfaites) de l’activité médicale, elle ne permet aucun jugement sur l’utilité et la qualité médicales de cette activité.

Un autre exemple de fausse bonne mesure est la certification des établissements hospitaliers qui a succédé à l’accréditation. Ces outils d’évaluation externe visaient à améliorer le fonctionnement des établissements. En fait, les critères de certification reposent plus sur le formalisme des procédures que sur leur qualité. Le fait que la certification concerne les établissements dans leur ensemble et non les services, enlève presque toute portée au dispositif. La certification mobilise ainsi beaucoup d’énergies, de temps, pour n’aboutir qu’à des résultats pratiques dérisoires alors même que son coût de fonctionnement n’a jamais été évalué.

Un autre fait qui pèse sur les dépenses d’assurance maladie est la bureaucratisation des dispositifs de dispenses des soins . Certes l’évolution des coûts pouvait justifier le développement de procédures administratives. Néanmoins, en médecine de ville, des sondages ont suggéré qu’aujourd’hui les contraintes administratives jugées inutiles pour beaucoup d’entre elles sont un des éléments, parmi d’autres, qui dissuadent les nouveaux médecins à s’orienter vers la médecine générale. Dans les établissements hospitaliers publics, la bureaucratisation s’est traduite par une augmentation des effectifs de personnel administratif de 15,2 % de 2001 à 2006 [11]. Les hôpitaux ne sont pas mieux gérés pour autant. Chaque année, ils doivent faire l’objet de rallonges budgétaires 5 en dehors de tout engagement contractuel de retour à l’équilibre ce qui constitue autant d’entorses à une gestion budgétaire saine et efficace.

L’emprise des services administratifs s’exerce encore sur les nominations et l’évolution des carrières des médecins des caisses.

Une autre dérive qui pèse sur l’assurance maladie est le transfert de tâches de catégories professionnelles vers d’autres tâches qui ne relèvent pas de leur formation et ne devraient pas être les leurs. Un exemple caricatural est celui du personnel soignant de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris où, en 2001, 18 % était affecté sur des postes administratifs au lieu de travailler dans des services de soins. On peut encore s’interroger pour savoir s’il est judicieux qu’environ 6 000 médecins chefs de pôle consacrent en moyenne 70 % de leur temps à des tâches administratives au détriment du temps passé auprès des patients à l’heure où l’on évoque une pénurie de médecins hospitaliers. Un autre exemple d’inadaptation des moyens est celui des centres hospitalouniversitaires. Ces hôpitaux qui sont dotés d’équipements sophistiqués, oné- reux, d’un personnel spécialisé afin de prendre en charge efficacement les 5. En 2000, 580 millions (Martine Aubry) ; en 2001, 500 millions (Lionel Jospin) ; la même année 300 millions sur deux ans (Elisabeth Guigou) ; en 2002, 1 milliard (Jean-François Mattei) ; en 2005, 650 millions (Philippe Douste-Blazy) ; en 2006, 10 milliards pour le plan hôpital 2012 ; en 2009, 1,5 milliards (Roselyne Bachelot).

malades les plus graves, sont submergés par une demande à composante essentiellement sociale et par des pathologies mineures dont les coûts deviennent ainsi exorbitants. Les services d’urgence sont confrontés, de façon caricaturale à cette double demande 6.

Des prescriptions médicales discutables et mal contrôlées

Les progrès considérables apportés par les examens biologiques et morphologiques, leur médiatisation, les demandes des malades qui en résultent, une formation médicale à l’esprit critique scientifique insuffisamment solide expliquent que des examens biologiques et surtout radiologiques soient prescrits en complément les uns des autres, de façon redondante, sans interrogation sur leur utilité décisionnelle et dépassent le strict nécessaire [12]. Les critères médico-économiques (rapport coût-bénéfice thérapeutique) sont beaucoup trop rarement pris en compte 7. Il arrive même que des prescriptions médicamenteuses soient inadaptées ou ne reposent guère sur des données acquises de la science. Or ces prescriptions sont le poste de dépenses hospitalières qui augmente le plus vite, environ 10 % par an. Ces pratiques sont souvent aggravées par une extension abusive de la notion de principe de précaution.

Dans cet ordre d’idée, des différences notables entre les régions du pourcentage de certaines interventions comme les amygdalectomies ou les appendicectomies suggèrent que nombre d’entre elles pourraient être évitées, mais la T2A risque d’avoir l’effet inverse.

Les médecins des caisses exercent des contrôles insuffisants sur le bien fondé des prescriptions en médecine de ville. A leur décharge, les recommandations de la Haute autorité ne sont d’aucun recours réel aussi bien pour les médecins traitants que pour les médecins des caisses. Ces derniers ont toujours été privés de pouvoir dans le domaine hospitalier alors que l’assurance maladie en est le financeur quasi exclusif [13]. Mais ces médecins, dans l’état actuel de leur recrutement, n’auraient pas toujours la compétence, ni surtout l’autorité pour exercer des contrôles à l’hôpital. L’insuffisance des contrôles a été prouvée dans un autre domaine, celui des arrêts de maladie. En 2008, 13 % des arrêts de moins de 45 jours étaient injustifiés et 11 % des arrêts de plus longue durée.

6. Comme en témoigne le recours aux services d’urgences hospitaliers qui a cru de 43 % entre 1990 et 1998.

7. Sensibilise-t-on les étudiants au fait que, pour un examen biologique à distribution normale, 5 % des sujets normaux ont une valeur qui sort des « valeurs normales » ? Le calcul montre que ce risque de première espèce pour six examens indépendants s’élève à 26 %.

Donne-t-on aux étudiants la moindre notion coût-utilité ? Si une radiographie thoracique avant une intervention chirurgicale coûte 20 k, mais ne dépiste une anomalie que dans 3 % des cas, le coût d’un dépistage s’élève à 660 k et si ce dépistage a une utilité décisionnelle une fois sur dix, le coût du dépistage utile est de 6 600 k.

 

CONCLUSIONS

Il aurait été possible de faire une analyse de l’état des lieux de l’assurance maladie sous d’autres angles : affections de longue durée, médicaments, information des usagers, formation médicale.

À côté des observations pragmatiques qui ont été faites, des constations d’ordre général peuvent être formulées :

— Toutes les réformes sont faites avec des estimations de bénéfice économique pour l’assurance maladie très majorées et sans que les coûts de fonctionnement ne soient estimés et, lorsqu’ils le sont, ils sont toujours minorés. Des critères de jugement ne sont presque jamais mis en place. La plupart des décisions reposent sur des idées apparemment logiques, mais qui ne résistent pas à une réflexion pragmatique plus approfondie.

— Les réformes se heurtent toujours à l’opposition de groupes de pression qui défendent leurs intérêts apparents et immédiats au détriment de l’intérêt général ou qui se conduisent de façon peu responsable. L’exemple le plus caricatural est celui des oppositions qui se manifestent à tout projet de transformation de certains services hospitaliers, notamment de chirurgie et d’obstétrique bien que la qualité des soins y soit médiocre et que leur maintien coûte cher à l’assurance maladie [14].

— Les Autorités administratives indépendantes se sont multipliées en perdant de l’efficacité par rapport à des institutions préexistantes. C’est ainsi que l’Agence nationale pour le développement de l’évaluation médicale (ANDEM) qui établissait avec une certaine efficacité des recommandations de prescriptions notamment médicamenteuses s’est transformée en Agence nationale d’accréditation et d’évaluation pour la santé (ANAES), puis en Haute autorité de santé (HAS) avec à chaque fois des tâches élargies, un personnel plus nombreux, une autonomie plus grande par rapport à l’Etat qui pourtant la finance 8 [15]. Or l’efficacité de ces agences est de plus en plus dérisoire comme on peut le constater en lisant les recommandations de la HAS pour les affections de longue durée.

En définitive, la prise en charge par l’assurance maladie de notre système de soins, sous l’influence de pressions altruistes mais aussi de laxisme, a peu à peu perdu de l’efficience. Elle explique que le coût des soins et biens médicaux en France soit égal ou supérieur à 1 % du produit intérieur brut par rapport aux autres pays européens. Or ce 1 % représente environ 18 milliards, près du double du déficit observé en 2009 ou un peu plus que celui qui est estimé pour 2010.

Aujourd’hui, si nous voulons préserver les grands principes de notre système d’assurance maladie, « il appartient aux responsables politiques de ne pas 8. En 2005, le budget de la Haute autorité de santé était de 52 millions.

abuser les Français par des propos lénitifs qui ne peuvent que les conforter dans le refus de l’effort à accomplir et de les mettre en face de leurs responsabilités. » [16].

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[7] Décret du 12 mai 1960.

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[11] Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale 2008.

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[16] BARRE R. — L’espoir d’un rebond français.

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Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 6, 1095-1103, séance du 22 juin 2010