Résumé
À la parution du rapport d’information de la mission parlementaire consacré à la révision des lois de bioéthique, l’Académie nationale de médecine a jugé utile d’entreprendre une étude critique de ce rapport et, en particulier des 95 propositions qui sont avancées, afin de formuler à leur égard les points d’accord, des remarques, des propositions de rédaction plus appropriée sur certains points, ou des réserves. Chacun des chapitres de la Loi a été examiné: assistance médicale à la procréation, gestation pour le compte d’autrui, diagnostics ante natals, examen des caractéristiques génétiques, recherche sur les embryons humains et les cellules embryonnaires, brevetabilité des éléments et produits du corps humain, don d’organes et de tissus, le respect et l’identité du corps de la personne décédée, neurosciences, nanotechnologies et convergence des technologies. Les 95 propositions formulées par la Mission Parlementaire sont ainsi passées en revue dans le souci d’apporter au législateur, avec la plus large adhésion possible, la contribution de notre Institution.
Summary
The French Academy of Medicine has critically appraised the Information Report prepared by the parliamentary working party on the revision of French bioethics legislation. The Academy examined all 95 propositions, agreeing with some, annotating others, proposing wording changes, and sometimes expressing reservations. Each chapter of the law was considered: medically assisted procreation, surrogacy, antenatal diagnosis, analysis of genetic characteristics, research on human embryos and embryonic stem cells, patentability of human body products, organ and tissue donation, respect and identity of the dead, neurosciences, nanotechnology, and technological convergence.
Le rapport 2235 de la mission parlementaire sur la révision des lois de bioéthique est disponible depuis le début du mois de février. Il a été établi après audition de 101 personnalités dont celle de neuf membres de l’Académie nationale de médecine.
Indépendamment des auditions, le rapporteur Jean Leonetti s’est appuyé sur des documents déjà publiés dont les nombreux rapports et avis émanant de l’Académie depuis 2004 et ayant trait aux différents chapitres de la Loi :
assistance médicale à la procréation, gestation pour autrui, diagnostic anténatal, diffusion et validation des données génétiques, recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, brevetabilité des éléments et produits du corps humain, greffe d’organes et de cellules, respect de l’identité et du corps de la personne décédée, centres de ressources biologiques, nanotechnologies.
Trente deux parlementaires appartenant aux différentes familles politiques ont participé aux travaux de la mission. Au rapport adopté par la majorité des parlementaires figure la contribution de ceux qui, sur tel ou tel point, ont émis un avis différent.
Au total, 95 propositions sont formulées reprenant ou modifiant la Loi de 2004, issue de celle de 1994, ou apportant des suggestions.
En prenant connaissance de ce rapport, trois d’entre nous ont proposé au Président et au Secrétaire Perpétuel de l’Académie de prendre l’initiative d’une étude approfondie du texte en demandant pour chacun des dix chapitres à deux de nos confrères, un membre titulaire et un membre correspondant, compétents dans le domaine concerné, d’émettre un avis sur les propositions en y joignant aux besoins, de façon concise, les remarques jugées utiles.
Le travail de synthèse réalisé par Raymond Ardaillou, Yves Chapuis, collecteur des réponses, et Pierre Jouannet a fait l’objet de plusieurs réunions dans le souci d’aboutir à une présentation respectant les meilleurs délais. La préoccupation est en effet, alors que le débat parlementaire et la préparation de la nouvelle Loi s’annoncent, de permettre à l’Académie de se manifester selon un principe de réactivité auquel nous sommes attachés.
Avant d’entrer dans la formulation des avis académiques concernant les propositions parlementaires, il nous est apparu nécessaire de formuler d’entrée des observations d’ordre général.
— Le chapitre 10 traite de « la loi de demain » et s’interroge sur trois formes possibles : une loi cadre, énonçant les grands principes, sans entrer dans le détail des dispositions, bien entendu nécessaires, une loi comparable à la loi actuelle avec les modifications dont elle peut bénéficier, enfin une loi de caractère intermédiaire qui sur plusieurs points laisserait, en particulier à l’Agence de la biomédecine, la responsabilité de contrôle et d’initiative.
Parmi les objectifs figure le souci de conduire la France, initiateur premier en matière de loi de bioéthique, à ratifier la Convention d’Oviedo. Ce choix relève des domaines parlementaire et gouvernemental et ne sera pas abordé dans le présent rapport.
— Un certain nombre de propositions (ainsi les propositions 4, 5, 7, 9, 17, 21-25, 28, 31-33, 36-41,46, 48, 49, 53-57, 60-63, 75, 77) ne devraient pas relever du domaine législatif, mais rester du ressort de l’application de bonnes pratiques, qu’il s’agisse de recherche, d’organisation des soins ou d’applications médicales. Cette intrusion du législateur dans le domaine des bonnes règles et de l’éthique professionnelle, ou même quelquefois sur des choix thérapeutiques qui sont plutôt du ressort du colloque singulier entre le patient et son médecin, peut conduire à légiférer sur des questions techniques susceptibles d’évoluer rapidement, ce qui risquerait de mettre la loi en contradiction avec l’état présent de la science.
À cet égard, il est remarquable que le rapport évoque la mission de veille scientifique et éthique qui pourrait être confiée à l’Agence de la biomédecine (ABM) (propositions 27, 35, 50, 76, 80, 84, 85). Ce souci légitime de la mission parlementaire pourrait trouver une solution, au moins en partie, par la mise en œuvre d’une disposition législative qui n’a pas été appliquée jusqu’à présent, celle correspondant au 2° alinéa de l’article L 1418-1 du Code de la santé publique (CSP) définissant les missions de l’ABM : « Assurer une information permanente du Parlement et du Gouvernement sur le développement des connaissances et des techniques pour les activités relevant de sa compétence et leur proposer les orientations et mesures qu’elles appellent ».
De fait, cette veille sur le développement des connaissances et des techniques n’a pas été assurée et s’est résumée par exemple, comme l’indique le rapport de la mission parlementaire, à des divergences d’interprétation entre la Direction générale de la santé et l’ABM, qui ont eu pour conséquence la non publication de l’arrêté prévoyant de fixer la liste des techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) d’effet équivalent. Un autre exemple est la non publication de l’arrêté d’application qui devait préciser les affections autorisant la pratique de l’autopsie malgré l’opposition de la personne décédée ou de sa famille en cas de nécessité impérieuse pour la santé publique prévu par la loi de bioéthique du 6 août 2004. Ces difficultés montrent les limites d’une approche avant tout réglementaire de questions médicales et scientifiques dont l’évolution ne peut s’apprécier avec toute l’efficacité nécessaire dans le cadre d’arrêtés ministériels, procédure réglementaire particulièrement lourde et inadaptée.
— Si certaines recommandations vont dans le bon sens, on peut s’interroger, comme le souligne le Professeur Georges David, sur les implications économiques qu’elles entraînent. Reprenons les termes de ses remarques :
« Le budget consacré à la santé ne peut s’affranchir, surtout dans le contexte actuel, des impératifs économiques. Cette notion mérite d’être clairement énoncée à l’intention de nos concitoyens et surtout des plus jeunes d’entre eux. La maîtrise de la procréation leur laisse trop souvent penser que le filet de l’AMP peut permettre de repousser les limites d’âge de la procréation. Cela n’est que partiellement vrai et entraîne une augmentation du recours à l’AMP à un âge où son application est de moins en moins efficace … »
Il nous appartient maintenant de passer en revue chapitre par chapitre les avis de nos confrères qui ont fait l’objet, de notre part, d’une lecture attentive et que nous reproduisons en gardant l’essentiel de leurs remarques.
Chapitre 1. Georges David et Jacques Milliez
L’assistance médicale à la procréation (p.1-19)
Accord sur les propositions : 1,2,3,5,7,8,9,10,11,14,15,16,17,18,19. A l’exception de quelques remarques mineures qui pourraient être signalées si nécessaire.
Proposition 4 : le terme « d’enfant à naître » reflète des situations différentes selon que l’on fait référence à des actes réalisés avant la conception, à des embryons in vitro ou à des embryons et des fœtus en cours de gestation. Il devrait être remplacé par des termes plus précis. De plus le concept d’ « intérêt d’enfant à naître » est susceptible d’interprétations variables et subjectives.
Cette proposition ne devrait pas être retenue.
Proposition 6 : ligne 2 : maintenir l’agrément individuel des praticiens procé- dant à des activités d’AMP et de diagnostic prénatal (DPN). Cette mesure peu contraignante s’est révélée efficace pour affirmer la responsabilité des praticiens et améliorer la qualité des pratiques.
Proposition 12 : Le croisement de registres n’est pas la seule solution existante pour assurer le suivi des enfants et des personnes. Des études spécifiques pourraient être menées sur la base des techniques, des connaissances et des hypothèses existantes (par exemple : organisation d’un suivi des enfants issus d’un DPI).
Proposition 13 : Si l’autorisation d’une nouvelle technique d’AMP peut éventuellement faire l’objet d’un arrêté, la validation de toute nouvelle technique d’AMP ou les évolutions des techniques existantes ne sont pas du ressort d’un arrêté, mais doivent s’appuyer sur une évaluation médicale et scientifique portant notamment sur leur efficacité et leur innocuité. Celle-ci pourrait entrer dans le cadre de la mission confiée à l’ABM (2° de l’article L 1418-1 du CSP qui n’a pas été vraiment mis en œuvre jusqu’à présent).
Chapitre 2. Roger Henrion, Claudine Bergoignan-Esper
La gestation pour le compte d’autrui (p.20)
Pas de remarque particulière. Si l’interdiction de la gestation pour autrui est maintenue, il est néanmoins admis qu’elle continuera à être pratiquée dans d’autres pays. Il conviendrait donc de prévoir une évaluation des conséquences sur les différents acteurs, y compris médicaux et sociaux qui seront conduits à prendre en charge en France les personnes ayant eu recours à une gestation pour le compte d’autrui (GPA) et leurs enfants.
Chapitre 3. Gilles Crépin, Yves Ville
Les diagnostics ante natals (p. 21-30)
Accord sur les propositions : 21, 22, 25, 29, 30.
Propositions 23 et 24 : Accord sur ces propositions qui sont plus du ressort d’un guide de bonnes pratiques que de dispositions législatives ou réglementaires.
Propositions 26 : remplacer dépistage de la trisomie 21 par diagnostic. Cette disposition pourrait concerner toutes les trisomies . « dépistage de la trisomie 21 » pourrait donc être remplacé par « diagnostic d’une trisomie ».
Propositions 27 : La première disposition est du domaine d’un guide de bonnes pratiques (cf propositions 23 et 24). La deuxième disposition est du domaine d’un dispositif de surveillance entrant dans la mission de l’ABM (cf proposition13).
Chapitre 4. Raymond Ardaillou et Florent Soubrier
L’examen des caractéristiques génétiques (p . 31-42)
Propositions 32, 38, 42 : pas de remarques.
Proposition 31 : cette proposition devrait être modifiée comme suit : « Définir par décret le cadre des analyses qui délivrent une information directe et non ambiguë sur le génotype et celui des analyses réalisées dans le but de connaître le génotype de façon indirecte et mettre à part celles portant sur la recherche de mutations somatiques dans les tumeurs qui n’ont pas de caractère héréditaire. Il convient également de définir les conditions générales assurant le remboursement de ces analyses par l’assurance maladie plutôt que d’en dresser la liste qui ferait l’objet de modifications fréquentes. » Proposition 33 : le terme d’analyse pangénomique est impropre. Il s’agit, en fait, de la détermination de génotypes multiples pour des variations génétiques communes associées à des susceptibilités à différentes maladies. On devrait parler plutôt de tests génétiques multiplexes, indiquant qu’il s’agit de tests permettant de tester simultanément un grand nombre de variants connus sur le génome. Le terme pangénomique ne devrait s’appliquer qu’aux interprétations déduites de la séquence complète du génome, dont on peut supposer qu’elle sera disponible facilement d’ici 2 ans.
Proposition 34 : il convient de rajouter : « en organisant des contrôles de qualité et recherchant une harmonisation dans les pays de l’Union européenne ».
Proposition 35 : limiter cette proposition à son début « confier à l’Agence de la biomédecine le soin d’exercer une veille permanente sur les tests génétiques proposés. ». Il est difficile d’aller plus loin parce que l’Agence est dans l’incapacité d’évaluer la qualité de tests après une simple lecture d’un site internet. Il s’agirait d’un travail énorme demandant des moyens très importants et qui ne serait jamais à jour. En outre, une appréciation positive conduira le public à y avoir recours, ce qui est en contradiction avec la législation française encadrant la demande des tests d’analyse génétique.
Proposition 36 : de quelle responsabilité s’agit-il : simple responsabilité morale ou responsabilité juridique pouvant entraîner une condamnation ?
Proposition 37 : ajouter : « et de convaincre le malade de la nécessité d’informer les membres de sa parentèle concernés de l’intérêt de recourir à une consultation médicale auprès d’un généticien ».
Proposition 39 : il convient de distinguer clairement deux étapes : 1- le recueil et le stockage dans un centre de ressources biologiques où les données ne peuvent pas être anonymes puisque les résultats de l’analyse doivent pouvoir être utilisées au profit du malade examiné ; 2- l’utilisation de ces données dans un protocole de recherche. Dans ce dernier cas, les données doivent être rendues anonymes. Il n’y aura donc pas de retour possible d’information individuelle. Seule une information générale pourra être délivrée à la fin de l’étude. Peut-être un registre national des études génétiques avec leurs résultats serait-il utile. Il devrait être disponible sur un site Internet où les patients et leurs médecins pourraient se renseigner. L’Agence de la biomédecine serait le lieu de dépôt des résultats et serait chargée de leur publication.
Proposition 40 : ajouter : « Au cas où le donneur d’échantillon serait décédé, l’utilisation des prélèvements dans des recherches non prévues initialement pourra s’effectuer librement. Si le patient est en vie, et qu’il a reçu une information complète et donné son consentement, les études secondaires, qu’elles soient ou non de nature génétique, doivent être autorisées sous réserve que les données obtenues soient rendues anonymes pour l’étude concernée ».
Proposition 41 : la création de collections d’échantillons à partir de prélèvements effectués à des fins diagnostiques ne devrait pas nécessiter l’autorisation d’un comité de protection des personnes (CPP) dont les missions sont de protéger les personnes se prêtant à des travaux de recherche. Cette création devrait être subordonnée à une seule autorisation administrative (Comité consultatif sur les ressources biologiques dépendant du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche).
Chapitre 5. Pierre Jouannet et Yves Le Bouc
La recherche sur les embryons humains et les cellules embryonnaires (p.
43-51)
Propositions 45, 46, 47, 49, 50 : pas de remarques.
Proposition 43 : l’interdiction de la recherche sur l’embryon ne peut être maintenue par principe. Il est inadéquat et il serait même dangereux qu’une interdiction de principe soit maintenue au nom d’un antagonisme entre recherche et protection de la vie. L’interdiction de principe de toute recherche sur l’embryon ne peut être justifiée par la protection d’embryons qui n’ont pas d’autre avenir que l’arrêt de leur vie. Elle ne serait pas dans l’intérêt des embryons susceptibles de se développer et de vivre. Une recherche peut être menée au bénéfice de l’embryon de manière similaire aux recherches de type clinique qui peuvent être menées à tous les âges de la vie.
Dans tous les cas, les recherches sur l’embryon devraient faire l’objet d’un encadrement réglementaire rigoureux qui devrait distinguer deux catégories de recherches, celles réalisées sur des embryons n’ayant pas d’autre avenir que l’arrêt de leur développement et celles réalisées sur des embryons destinés à vivre. Ces dispositions ne seraient pas incompatibles avec les recommandations du Conseil Constitutionnel ni avec l’article 18 de la convention d’Oviedo.
L’opportunité d’une recherche sur l’embryon a été soulignée par l’Académie nationale de médecine dès 1995 (Bull. Acad. Natle Med., 1995, no 179). Cette position a été confirmée en 1996 (Bull. Acad. Natle Med., 1996, no 180) et en 2002 quand l’Académie a développé les deux notions originales de « médecine de l’embryon » et d’ « embryon patient » qui fondent au plan déontologique et éthique à la fois le respect dû à l’embryon et l’obligation de recherche clinique à cet âge comme à tout autre âge de la vie (Bull. Acad. Natle Med., 2002, 186, no 1 et 186 no 5).
Proposition 44 : ajouter « ou scientifique » après « finalité médicale » pour être en accord avec les dispositions prévues pour la recherche biomédicale à tous les autres âges de la vie (CSP, article L1121-2).
Proposition 48 : le terme « nature » de la recherche projetée est trop imprécis.
Les couples devraient pouvoir donner leur consentement pour une ou plusieurs des grandes catégories de recherche auxquelles les embryons qu’ils donnent seraient destinés :
— recherches pour lutter contre la stérilité et améliorer les méthodes d’AMP, — recherches pour améliorer les connaissances sur le développement embryonnaire, — recherches sur les cellules souches embryonnaires et leurs dérivés.
Proposition 51 : la recherche sur les embryons destinés à naître ne saurait être interdite pour les raisons évoquées plus haut. Cette disposition est de plus contradictoire avec celles du décret no 2006-121 du 6 février 2006 prévoyant que les recherches autorisées peuvent avoir pour objet le traitement des affections de l’embryon. Le transfert des embryons ayant fait l’objet d’une recherche devrait donc être autorisé si nécessaire dans des conditions offrant les meilleures garanties d’efficacité et d’innocuité.
Chapitre 6. Francis Galibert et Alexis Brice
La brevetabilité des éléments et produits du corps humain (proposition 52)
Cette proposition nous semble devoir être complétée en traitant la question de la brevetabilité des lignées de cellules souches embryonnaires humaines. Dans la situation présente, l’Office européen des brevets refuse de breveter toute amélioration de procédé touchant par exemple l’adaptation à la production industrielle des techniques de laboratoire. Cette situation met en position de faiblesse les laboratoires et industriels européens par rapport à ceux du reste du monde. Il faut donc bien préciser que les cellules souches en elle-mêmes ne sont pas brevetables, mais que les procédés permettant de les obtenir de façon industrielle et leur utilisation le sont.
Chapitre 7. Yves Chapuis et Luc Douay .
Le don d’organes et de tissus (propositions 53-75) — Greffes d’organes (propositions 53-67). Yves Chapuis
Propositions 53-59, 61-64, 66, 67 : pas de remarques.
Toutefois si les préconisations 53, 54, 55, 56, 57 sont absolument pertinentes puisque leur objectif est d’améliorer le nombre et la réalisation des greffes, on peut se demander si elles relèvent vraiment de la loi et si les réformes à entreprendre ne doivent pas emprunter une autre voie. Il faut ajouter que les mesures proposées ont une incidence financière lourde sur les établissements (coût de l’activité de recensement, autonomie des équipes de prélèvements et de greffes, développement de la formation des préleveurs, renforcement des équipes de transplantation). En revanche, la proposition 58 nécessite certainement l’intervention du législateur. De plus, la question des patients opérés à l’étranger n’est pas abordée. Quelle prise en charge au retour, dans l’éventualité de complications, d’indication de retransplantation précoce ou tardive ?
Quel doit être le comportement des chirurgiens transplanteurs français et, en particulier, de ceux opérant dans des pays dépourvus de toute règle éthique et ne respectant pas les règles édictées par le Parlement européen et la loi française. Ces problèmes seront-t-ils considérés dans les décrets d’application de la loi ?
Proposition 60 : l’accent mis sur l’avantage que présente la greffe de rein par rapport à la dialyse aussi bien en terme de qualité de vie que de coût et, donc, une publicité accentuée en faveur de la première ne va-t-elle pas accentuer la pénurie actuelle qui ne peut être corrigée que partiellement dans l’hypothèse la plus favorable, et, aussi, accentuer la pression sur les donneurs vivants ? Une nouvelle rédaction pourrait être proposée : « Mieux informer les malades souffrant d’insuffisance rénale des différents traitements disponibles et de leur complémentarité, la dialyse précédant habituellement la greffe. Dans tous les cas, il convient de promouvoir l’éducation thérapeutique des patients avec l’aide des associations qui les représentent ».
Proposition 62 : elle incite les sociétés savantes « à ouvrir un débat sur la procédure de prélèvement après arrêt cardiaque (catégorie Maastricht III) » .
Cette catégorie correspond à l’arrêt cardiaque survenant chez un patient en service de soins intensifs après interruption volontaire des soins. Le groupe de travail de l’Académie sur le prélèvement « à cœur arrêté » n’avait pas retenu cette éventualité. Cette proposition engage à reprendre la réflexion.
Proposition 64 : dans son rapport sur le don à partir de donneurs vivants, l’Académie s’était prononcée clairement contre le don altruiste, mais avait laissé ouverte la question du recours au don croisé. En préconisant d’autoriser le don croisé dans un cadre strict, la proposition no 64 nous paraît justifiée.
Proposition 65 : le maintien des comités « donneurs vivants » est souhaitable.
Mais l’allusion à des comités scindés en deux groupes distincts mériterait d’être précisée. Certes, cela est du ressort de l’Agence de la biomédecine. Mais l’Agence a été jusqu’à présent, discrète sur ce point. La question est en fait :
comment remédier à la lourdeur de la procédure ?
— Greffes de cellules souches . Luc Douay.
Propositions 68, 69, 70, 71 : pas de remarques.
Chapitre 8. Jean-jacques Hauw et Dominique Lecomte.
Le respect et l’identité du corps de la personne décédée (propositions 72-75)
Propositions 73 et 75 : pas de remarques
Proposition 72 : on peut remarquer que la restitution des organes prélevés sur le corps obéit déjà à un protocole européen datant de 1999. Les agents de chambre mortuaire ont vu leur rôle strictement limité à la reconstitution des corps à l’exclusion des prélèvements post-mortem. La création d’un métier de « technicien d’autopsie et de biothèque » parait devoir s’imposer pour pallier ce manque à l’instar de ce qui existe dans de nombreux pays, par exemple le Canada où ils sont dénommés « prosecteurs ». Il convient de préciser que la restitution du corps du défunt dans un délai raisonnable doit tenir compte de la procédure judiciaire.
Proposition 74 : même en matière civile, on peut avoir à procéder à l’identification d’un cadavre à la demande de la famille (accidents d’avion, par exemple, à la suite duquel seuls des fragments humains sont recueillis ou identification d’ossements de parents morts au cours de guerre, comme c’est le cas en Espagne actuellement). Il paraît difficile d’interdire aux familles de s’assurer de l’identité de restes humains pouvant être ceux de leurs ayant droits. Cette proposition doit être réécrite en ajoutant « Cette règle ne s’appliquera pas lorsque l’identification par analyse génétique est rendue nécessaire du fait de l’impossibilité d’utiliser d’autres méthodes ».
Chapitre 9. Bernard Lechevalier, Michel Hamon, Edwin Milgrom, Claude-Henri
Chouard, Pierre Corvol et Jean-Didier Vincent
Neurosciences, nanotechnologies et convergence des techniques (propositions 76-80)
Propositions 76, 78-80 : pas de remarques.
Proposition 77 : cette proposition revient à empêcher toute recherche en sciences cognitives faisant appel à l’imagerie cérébrale chez le sujet normal.
C’est donc un champ essentiel des neurosciences visant à comprendre les processus cognitifs qui serait interdit. La proposition doit être ainsi modifiée :
« Limiter l’utilisation des techniques d’imagerie cérébrale à des fins médicales et de recherche scientifique ».
Proposition supplémentaire (78 bis) concernant les nanotechnologies :
adapter la directive européenne REACH aux installations industrielles traitant des nanoparticules et utilisant les nanotechnologies. Instaurer une veille sanitaire renforcée propre aux nanoparticules non biodégradables, notamment les nanotubes de carbone et informer le public des éventuels accidents et des moyens mis en œuvre pour les prévenir.
Chapitre 10. Claude Sureau et Aline Marcelli.
La loi bioéthique de demain.
Propositions 81, 84, 85, 86, 87, 88, 89, 92, 93, 94, 95 : accord général
Proposition 90 : il n’est pas actuellement dans les missions du Comité consultatif national d’éthique d’être un outil de communication. Indépendamment de la question de fond, on peut s’interroger sur les moyens à mettre en œuvre aussi bien sur le plan matériel que sur le plan humain.
Proposition 91 : cette proposition devrait être raccourcie en supprimant la mention relative aux états généraux, d’autres formes de débat public étant possibles. Il convient, de plus, d’insister sur la nécessité d’une information pertinente en préparation du débat.
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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 22 juin 2010, a adopté le texte de ce rapport moins six non et vingt six abstentions.
Bull. Acad. Natle Méd., 2010, 194, no 6, 1021-1031, séance du 22 juin 2010