Discours
Session of 5 janvier 2016

Allocution du Président pour l’année 2016

Pierre BÉGUÉ *

Mes chères consœurs, mes chers confrères, chers collègues et amis, Mesdames, Messieurs.

 

 

Accéder à la Présidence de notre académie représente un honneur que je dois avant tout à votre amitié et à votre confiance. Tous mes prédécesseurs, depuis des décennies, ont exprimé ce sentiment mêlé d’émotion et de reconnaissance. Je le ressens aussi à mon tour, dans ce lieu prestigieux où tant de nos maîtres ont parlé, agi et œuvré pour une médecine au service des malades. J’espère surtout être digne de votre choix.

Quel est mon parcours ?

 

Il est presque une tradition que les nouveaux présidents retracent leur carrière, ce que je fais rapidement. Vous  connaissez presque tous mon parcours, partagé entre la pédiatrie et les maladies infectieuses. Sans vouloir vous infliger un exposé fastidieux de « titres et travaux », je voudrais profiter de ce moment important et solennel pour rendre un hommage à mes principaux maîtres tout en commentant mes choix en médecine.

Je suis le septième pédiatre depuis 1950 qui occupe la présidence de notre académie. Je citerai les six pédiatres précédents : Edmond Lesné, Robert Debré, Julien Marie, Robert Laplane, Gabriel Blancher, Géraud Lasfargues. Je me sens bien modeste à côté d’eux.

Mes études se sont déroulées à Paris. Je veux tout juste rappeler deux faits marquants pour moi dans cette période. Au Lycée Michelet, j’ai reçu l’enseignement de deux professeurs, qui m’ont fortement impressionné, m’ont guidé et orienté : le premier fut Pierre Chaunu, qui m’a donné le goût de la recherche historique et le second fut Emmanuel Peillet, dernier élève d’Alain, qui m’a transmis les messages de ce philosophe dans la même salle de classe où Alain enseignait à la suite de Jules Lagneau.

Puis ce furent les études de médecine, qui m’apportèrent, comme à vous tous, des sources constantes d’enthousiasme. Dès le début, avec Pasteur Valléry-Radot, qui prenait chaque samedi dix d’entre nous pour nous expliquer individuellement les rudiments de l’examen d’un malade. Puis pendant l’externat, en chirurgie, avec Merle d’Aubigné et Michel Postel, je connus un compagnonnage quotidien. J’en arrive rapidement à la pédiatrie et aux maladies infectieuses.

Mon choix pour la pédiatrie se fit dès l’externat, chez Philippe Seringe, Robert Mallet et Robert Laplane. Mon intérêt pour les maladies infectieuses se fit parallèlement, au contact de Christain Lafaix et Jean Duval. Je fus ensuite interne chez Robert Laplane et chez Raymond Bastin. Chez lui, je fis ma thèse sur la résistance du staphylocoque, sous la direction de Jean-Claude Péchère, qui éveilla mon intérêt pour l’étude des antibiotiques. Ce fut aussi dans le service de Raymond Bastin que je connus mon épouse Marie-Claude, qui était son interne en pharmacie et qui m’a tant aidé. Mes maîtres m’avaient conseillé de ne pas négliger la médecine des adultes et c’est ainsi que j’eus la chance d’être aussi l’interne de Maurice Bariéty, d’Henri Péquignot et surtout de Jean Hamburger qui me fit aimer la néphrologie et orienta plus tard ma recherche sur la pyélonéphrite de l’enfant. Parallèlement, et sur les conseils de Raymond Bastin, j’avais acquis ma formation de bactériologiste au grand cours de l’Institut Pasteur, en 1965, où nous avions célébré leur prix Nobel avec François Jacob, Jacques Monod et André Lwoff, qui étaient nos enseignants. Je pus ainsi enseigner pendant quatre ans la microbiologie chez Robert Fasquelle, en même temps que l’internat, situation qui serait impossible de nos jours !

Enfin, depuis mon internat provisoire à Saint-Louis en 1964, Maurice Guéniot m’avait également conseillé, me faisant découvrir la médecine sociale et l’économie de santé. Il sera ensuite constamment présent pour me prodiguer ses conseils et ses avis jusqu’à la fin, m’apportant, ainsi que son épouse, une très forte amitié, à travers  sa culture exceptionnelle.

Je ne peux, sans émotion, passer trop vite sur mes cinq années de clinicat auprès de Robert Laplane. Elles furent passionnantes, en compagnie de Géraud Lasfargues, dans un service de pédiatrie très actif et varié. Fait exceptionnel, Robert Laplane avait accepté, à la demande du virologue Fernand Bricout, que je veille aussi à la bonne marche du laboratoire de bactériologie de l’hôpital Trousseau, que je développais parallèlement. Je pus ainsi faire mes recherches sur la pharmacocinétique des antibiotiques et sur la pyélonéphrite expérimentale. Monsieur Laplane vint m’aider pour les premiers animaux, sur un modèle que nous avait conseillé James Reilly. Pour le traitement anatomo-pathologique et immunologique des reins Jean Hamburger me confia à Gabriel Richet, qui me fit bénéficier des ressources de son Unité Inserm. Je ne pouvais passer sous silence la conjonction de toutes ces aides qui aboutirent à la mise en évidence de l’antigène colibacillaire dans la pyélonéphrite chronique de l’enfant, ce qui fut présenté à l’académie des sciences par Jean Bernard.

Mon agrégation marqua un brusque tournant dans ce cursus puisque je partis au Togo en 1975 au titre de la coopération française pour installer la pédiatrie à la Faculté de Lomé. Ces années furent d’une très grande richesse, que le temps ne me permet pas de décrire, mais qui m’ont ouvert l’esprit sur la santé publique des pays en développement, sur la compréhension des cultures que je découvrais et sur une médecine qu’il fallait pratiquer différemment. Surtout je garde le souvenir d’une période très active en soins et en enseignement, avec des étudiants motivés, des internes passionnés, d’où des travaux cliniques et des thèses nombreuses encouragé par la grande clairvoyance du premier Doyen de cette jeune faculté Jean Kekeh. Deux élèves furent agrégés et prirent ma suite, Jean Assimadi et le Doyen Kessié, et ils continuèrent nos projets avec succès. Ma motivation pour la francophonie est donc aujourd’hui sans faille et soutenue par ces liens tissés au fil des difficultés et des réalisations sur le terrain de l’Afrique subsaharienne.

De retour à l’hôpital Trousseau j’eus le désir de développer en France la recherche sur les maladies infectieuses de l’enfant. La présence des urgences dans mon service m’offrit un observatoire privilégié. À cette période  l’infectiologie pédiatrique connaissait un certain retard par rapport aux États-Unis et certains pays de l’Europe. Il fallait combler ce retard en modernisant nos méthodes de diagnostic rapide, nos essais thérapeutiques ou nos procédures de décision, en particulier pour l‘antibiothérapie. En créant en 1985 le groupe de pathologie infectieuse de l’enfant nous pûmes constituer un réseau et coordonner nos efforts sur les différentes régions de France. Ce groupe continue depuis trente années, et maintenant avec Infovac, à participer activement à la vie de la Société française de pédiatrie. Un groupe de pédiatrie tropicale s’en est ensuite détaché avec succès. Parallèlement le groupe de recherche sur la drépanocytose fut constitué aussi à l’hôpital Trousseau, le nombre d’enfants atteints par cette grave maladie en France passant progressivement de plusieurs centaines à plusieurs milliers. J’en arrive maintenant à la vaccination, qui fut aussi une partie de mon activité de recherche. Pour être bref, j’avais perçu, comme bien d’autres, travaillant sur le sujet, la précarité des antibiotiques qui, malgré leur essor dans les années 80, se heurtaient rapidement à des résistances bactériennes croissantes. Le ralentissement des découvertes d’antibiotiques nouveaux amenait à penser que la vaccination serait une des solutions d’avenir pour les maladies les plus graves et je m’y consacrais avec enthousiasme. J’eus la chance de présider le nouveau Comité technique des vaccinations à la Direction générale de la santé en 1985. Nous pûmes alors nous préparer au changement d’épidémiologie de la coqueluche en France et en Europe avec Emmanuel Grimprel, en mettant en place des outils de diagnostic et de surveillance, aujourd’hui opérationnels et validés et introduire les nouveaux vaccins acellulaires contre la coqueluche. L’introduction du nouveau vaccin de l’haemophilus influenzae fut aussi un grand moment car il nous débarrassait presque totalement des méningites à haemophilus1b. En tant que Président du comité technique des vaccinations je reçus de plein fouet la crise de la vaccination contre l’hépatite B en 1996, qui me fit mesurer la radicalité du changement de notre société et présager des difficultés à venir pour la prévention vaccinale. Dans ce domaine notre académie fait régulièrement des rapports et des communiqués, car la vaccination est une des ses missions fondamentales les plus anciennes, qui a commencé, dès sa création, par la vaccine. C’est aujourd’hui un des objectifs de la commission des maladies infectieuses et tropicales.

Pour mettre un terme à ce trop long exposé je voudrais dire que durant toute ma carrière j’ai recherché et cru, peut-être naïvement, à la valeur du travail en équipe. D’où ces créations de groupes. Ce fut une grande joie pour moi de retrouver cet esprit d’équipe lorsque je fus élu dans notre académie en 2002 et que je commençais à y travailler.

 

 

Quels travaux pour l’académie en 2016

Par le hasard heureux de mes fonctions dans la quatrième division j’ai pu participer durant huit années successives aux réflexions et aux débats du conseil d’administration. Après une année d’observation en tant que vice-président auprès d’un bureau renouvelé j’espère ne pas vous décevoir. J’ai pu apprécier l’amitié de notre secrétaire perpétuel Daniel Couturier, amitié qui ne s’est jamais démentie depuis près de cinquante ans. Notre compagnie a bénéficié de la conduite ferme et calme de notre Président Jean-Yves Le Gall et j’espère mener avec la même sagesse les projets entrepris sous sa présidence. Nul doute que je travaillerai en parfaite harmonie avec notre secrétaire adjoint Jean–François Allilaire à qui nous devons, entre autres, la qualité et la précision de nos procès-verbaux. Enfin je suis sûr que grâce à sa clairvoyance et son adresse élégante notre Trésorier, Jacques Rouëssé, ami de plus de 50 ans, permettra à notre compagnie de financer les travaux nécessaires à la marche et à l’embellissement de notre académie Je ne peux omettre de dire à tous mes confrères et amis du conseil d’administration le plaisir que j’aurai pendant cette année de travailler avec eux, en profitant de leurs avis toujours emprunts de pertinence et de bon sens.

Je rends également hommage à notre administration qui assure la marche régulière de cette académie : Hélène Pic, Martine Besmier dont nous apprécions la compétence inlassable et dévouée, et toute l’équipe autour d’elle, en particulier Julien Boisselier, Martine Prudent qui maîtrise déjà l’écheveau des commissions et des groupes de travail, ainsi que Sibylle du Chaffaut si efficace au comité de rédaction, Jean-Emmanuel Marchal et Vitorio Delage. Mes remerciements vont également au Directeur de la bibliothèque Monsieur Jérôme Van Wijland, passionné par notre patrimoine et toutes les personnes autour de lui, toujours accueillante et souriantes pour faciliter notre travail. Je salue aussi Lydie Lieffroye, Nathalie Martin et Zakwan Siddik Baba. J’invite maintenant Claude Jaffiol, notre nouveau vice–président, à rejoindre le bureau.

J’en viens maintenant aux objectifs pour mon année de présidence. Le temps de la présidence est bref, voire éphémère, si l’on confronte les projets que l’on expose et l’accomplissement de leur réalisation. La Présidence de notre académie est un passage, un relais entre les générations souvent évoqué par les présidents successifs. Par conséquent ces projets doivent s’inscrire dans la continuité de ce qui a été fait et de ce qui est en cours mais aussi dans une perspective réaliste, en cohésion avec le bureau,  le conseil d’administration et dans la clarté vis-à-vis de l‘ensemble des membres de la compagnie, point qui me parait essentiel.

 

 

Moderniser notre académie

 

On entend souvent dire que notre académie est ancienne, voire vieillissante. Et de l’extérieur comme de l’intérieur on suggère de la moderniser. Si notre académie se doit d’être toujours en recherche et en progrès, il faut veiller dans notre cas à promouvoir des modifications sans altérer notre socle. Cela mérite explication, car l’on pourrait me dire que ces propos sont obscurs voire abscons. « Promouvoir des modifications » : c’est indispensable, car nous devons nous adapter à l’évolution très rapide de notre médecine et de la science : or, l’académie l’a toujours fait et son histoire peut nous en retracer les grands moments. « Sans altérer notre socle » : notre socle est l’indépendance de notre institution depuis sa création en 1820. Cette indépendance et notre liberté dans la réflexion et dans le travail intellectuel est précieuse. Elle nous permet d’élaborer librement nos avis et de les diffuser, indépendance qui vient d’être confirmée, sinon renforcée, grâce à nos nouveaux statuts, définis tout récemment par la loi de 2013 et approuvés par décret  présidentiel le 30 décembre 2014.

Pourquoi un tel préambule ? Pour accomplir notre cheminement sur une route qui nous conduise vers une modernité réfléchie et aussi pour donner des réponses à certaines critiques. En effet, en regardant seulement les dix années passées et en se référant aux souhaits de mes prédécesseurs on ne peut que constater les nombreuses transformations qui sont survenues pour la rénovation de notre mode de travail. En 2006 le Président Pellerin insistait, au regard des changements à opérer, sur le travail de nos commissions, sur l’intérêt de séances dédiées attractives et sur les relations internationales. De ce fait, les commissions ont amélioré l’élaboration de leurs rapports, les séances dédiées ont été créées et sont parfaitement maitrisées par l’activité inlassable de Jean Cambier et les relations internationales connaissent une expansion certaine dont nous reparlerons. Néanmoins, il est indispensable de poursuivre nos efforts pour renforcer et moderniser notre action. Je n’aborderai ici que la place de notre académie, les commissions, la communication et  les relations internationales.

Quelle est la place de l’académie en 2016 et quels progrès envisager?

 

Ma première réflexion concernera notre place comme conseiller du gouvernement, telle que l’avait définie l’ordonnance de Louis XVIII (20 décembre 1820). Cette place, justifiée par ses statuts et la qualité de ses membres, est en réalité un souci constant depuis de nombreuses années et certains des anciens présidents l’ont déploré régulièrement. Il n’est pas possible de comparer le rôle de l’académie à celui qui doit être le nôtre à près de deux siècles de distance. Les créations des ministères puis, plus récemment, des agences nationales ont multiplié les conseillers et nous nous trouvons donc en concurrence. Depuis quelques années, cependant, on peut remarquer qu’il existe une amélioration sensible de nos relations avec le gouvernement, par les auditions qui nous sont souvent demandées par le Parlement ou par l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques et par les représentations que nous avons dans certaines commissions nationales et institutions. Cette place n’a donc plus la situation aussi préoccupante que celle que soulignait le président de Sèze en 1981. Nos prises de position sont plus régulièrement invoquées par les autorités de santé. Néanmoins il serait souhaitable que nous ayons une place dite « de droit » dans certaines instances, comme nous l’avions il y a quelques années au sein du conseil supérieur d’hygiène. Maurice Tubiana écrivait dans son discours de 2002 que l’académie disposait de nombreux avantages : la pérennité, l’indépendance, le temps, les compétences multiples. Il faut donc en profiter et ne pas hésiter à nous moderniser sagement. Pour mieux définir notre position le Président et le Secrétaire perpétuel doivent avoir le souci de maintenir un contact régulier avec les deux ministères, celui des universités qui est notre tutelle et celui de la santé qui est en grande partie le destinataire de nos travaux.

 

 

Mieux organiser le travail des commissions et des groupes

 

Nous avons, de par notre indépendance, la possibilité de nous saisir de tout sujet de santé publique important et de faire part ainsi de notre position aux autorités.

C’est au niveau des commissions et des groupes de travail que se fait l’action principale de l’académie, à savoir l’élaboration des rapports et des communiqués, qui sont ensuite votés et diffusés. Les commissions sont libres de leur programme de travail annuel et elles doivent se tenir au courant de l’évolution de leur spécialité, afin de déceler les problèmes qui surgissent et s’en saisir éventuellement.

Je voudrais rapidement considérer leur activité et leur mission. L’évaluation de l’activité des commissions et des groupes de travail que nous avons réalisée de 2012 à 2015 pour le Conseil d’administration a mesuré l’importance de l’activité de nos confrères ces dernières années. Le nombre de réunions annuelles des commissions a été de 120 à 140 et celui des auditions de 95 à 138. Il existe cependant une certaine disparité, certaines commissions se réunissant moins souvent ou produisant très peu de rapports. Nous avons plusieurs fois émis dans nos commentaires au conseil d’administration le vœu que les commissions fonctionnent davantage en groupe de travail, lorsque cela est possible. L’avantage en est double par la diminution du nombre de réunions et la participation de tous les membres de la  commission aux auditions et à la réflexion sur les conclusions d’un rapport. Cela éviterait l’éparpillement des membres et la trop faible assistance parfois à des auditions de grande qualité. Les visioconférences sont également nécessaires, car elles permettent d’auditionner plus facilement et avec plus de souplesse des personnes éloignées de Paris.

La rédaction de nos rapports doit être exigeante, puisque nous avons pour but final d’en faire connaitre le contenu aux autorités de l’État. Un rapport répond à une saisine ou à une auto-saisine. La force d’un rapport ou d’un communiqué est sa présentation en séance suivie du vote des académiciens.  En cas d’auto-saisine, situation hélas la plus courante, la commission ou le groupe de travail doivent donc parfaitement définir la question qu’ils posent, objet de leur  rapport. Ce temps essentiel est fait avec l’accord du conseil d’administration, car c’est à ce moment que le projet est exposé, discuté et finalement accepté ou rejeté. Une évaluation systématique de l’avancée du travail serait très utile à la mi-temps, car il arrive que certains groupes s’éternisent, voire que le rapport ne corresponde nullement aux objectifs retenus. Un rapport doit aboutir, dans un délai raisonnable compatible avec l’actualité, à des recommandations précises. Certains rapports d’une importance particulière pourraient être présentés comme une mini-séance. Au lieu d’une présentation trop brève quand un sujet est difficile, on pourrait faire profiter l’assemblée d’exposés plus complets, avec la participation éventuelle d’une des personnalités auditionnées. Le vote de l’assemblée n’en prendrait que plus de valeur.

 

 

Faut-il modifier nos commissions ?

 

Les commissions ont toujours existé et leur dénomination a changé sans cesse avec l’évolution de la médecine. Il est donc logique de réviser régulièrement leurs intitulés, comme le prévoit d’ailleurs notre règlement. C’est dans ce sens que nous réfléchirons cette année sur quelques améliorations des commissions qui soient utiles à  nos travaux. On constate ces dernières années que de plus en plus de spécialités sont concernées par des sujets transversaux, c’est-à-dire communs à l’ensemble des spécialités et concernant la santé publique moderne. Il s’agit de la prévention, de l’éthique, de la génétique, de la thérapeutique, de la biologie, pour ne citer que les plus fréquemment impliquées. Les commissions seront donc amenées à être moins cloisonnées et à produire des travaux coopératifs. A titre d’exemple, la prévention était un des intitulés de ma section d’origine (hygiène, médecine préventive et épidémiologie), aujourd’hui fondue dans la division de santé publique. Mais c’est grâce à la persévérance de Claude Dreux qu’il s’est créé un groupe de travail de prévention qui a produit en trois ans trois rapports, attirant l’attention des pouvoirs publics français, encore assez réservés sur le sujet de la prévention, contrairement à d’autres pays.  Le groupe de prévention perdure aujourd’hui et devient ainsi une sorte de commission, remaniée selon les thèmes traités et qui concerne en fait toute notre académie. D’autre part, des aspects nouveaux de notre médecine sont à introduire rapidement et il faut particulièrement insister sur la question de la place et de l’avenir du numérique dans la pratique médicale actuelle et à venir. Elle devra faire l’objet cette année d’une étude approfondie dans la commission ad hoc et d’une séance dédiée.

L’enseignement nous paraît parfois insuffisamment présent dans nos objectifs. L’académie doit se pencher activement sur tous les aspects de la formation médicale qui devrait être révisée, en nous souvenant que le Secrétariat des universités est notre ministère de tutelle. Pour améliorer cela une commission pourrait se consacrer totalement à l’enseignement et à la formation médicale. Il faut veiller à ce que l’harmonie existe entre les disciplines modernes enseignées aux futurs médecins, en particulier avec l’évolution du numérique, et l’impérieuse et brûlante nécessité d’une formation humaine et d’un compagnonnage sans lesquels nous n’aurions plus que des techniciens voire des robots. Difficile challenge qu’il appartient à l’académie de médecine de mener vigoureusement.

Il est tout aussi fondamental aujourd’hui que la pratique des soins et surtout leur organisation soit étudiée aussi dans une seule commission, à la fois pour le milieu hospitalier et pour la médecine générale et ambulatoire, car la prise en charge des malades va évoluer inéluctablement vers la notion d’une chaîne de soins continue de l’hôpital au domicile du malade. La représentation de la médecine générale est nécessaire  au sein de notre compagnie et est en bonne voie, grâce à l’activité de la commission de médecine générale et de son président Pierre Godeau, qui a pu consolider le travail initial de Pierre Ambroise-Thomas. La médecine numérique avec toutes les transformations spectaculaires pour l’exercice de la profession de médecin méritera aussi d’être soumise à sa réflexion au cours de cette année 2016. Car s’il faut que l’académie réponde à sa mission de veille sur les progrès de la science, elle doit aussi rechercher le subtil équilibre à trouver entre une technologie expansive et le contact humain avec le malade. Une coopération avec le Conseil national de l’Ordre est  souhaitable pour aborder cet important domaine. Claude Sureau parlait de l’intégration des progrès techniques dans l’art de la médecine, pour laquelle notre académie est la seule instance capable de jouer ce rôle.

 

 

La communication de l’académie

 

Comme l’a écrit le Président Lasfargues en 2009 le rôle de conseiller n’est peut être pas le seul devoir de l’Académie. La santé publique est son champ d’action. Par ses prises de position, que sont les rapports et les communiqués, par l’ensemble de ses travaux et opinions notre compagnie intéresse aussi les médias et, par là, le public. La communication est plus que jamais primordiale pour diffuser les avis de l’académie, tant vers les médias que vers les autorités sanitaires. Or ils sont mal connus ou reconnus. À l’époque de l’informatique et d’Internet nous avons aussi le devoir de déjouer les informations fallacieuses qui n’ont fait que croître depuis deux décennies. Il faut sans cesse recentrer les objectifs de notre communication sans être captif des effets d’annonces ou des soi-disant scandales sanitaires. Il en va, à mon sens de l’existence même de notre compagnie. Que vaudrait en effet une institution qui ne répondrait plus à sa mission ou qui n’aurait plus l’aval de ceux qu’elle est censée défendre ?

Il est donc essentiel que son travail soit mieux connu et surtout largement accessible. La communication se doit d’être nettement améliorée dans notre académie. La réactivité de notre compagnie a fait l’objet de recommandations détaillées selon le degré d’urgence en 2011. Elles seraient à réactiver, car notre devoir est d’être plus présents, au bon endroit, au bon moment, tout en préservant le recul qui est nécessaire à la réflexion. La qualité de notre communication sera donc évaluée en 2016 avec notre attachée de presse, Madame Nicole Priollaud et un groupe issu de notre compagnie et de l’extérieur, afin d’apporter, avec un regard neuf, des critiques pertinentes et des suggestions. Des orientations nouvelles devraient en découler rapidement concernant les médias, le site web, les conférences de presse et le Bulletin de l’académie. La question du Bulletin de l’académie est cruciale, car s’il n’a cessé progresser en qualité au fil des années, sa diffusion demeure insuffisante, sa qualité mal connue, et sa réalisation de plus en plus délicate, en raison de la difficulté pour recueillir dans un temps raisonnable l’ensemble des communications. Dans ce domaine aussi une réflexion s’impose cette année avec notre comité de rédaction.

 

 

Nos relations extérieures

 

J’ai certainement beaucoup insisté sur les modalités du fonctionnement intérieur de notre académie. Il est évident que tout en gardant notre liberté d’expression et notre indépendance nous devons nous ouvrir en même temps au monde extérieur. Tout d’abord, en continuant à améliorer la qualité des travaux que nous menons depuis des années avec les autres académies : académie des sciences,  académie de chirurgie, académie vétérinaire, académie de pharmacie, académie d’agriculture. Dans ce cadre, le 15 juin 2016, se tiendra une réunion quadri-académique à l’Institut Curie sur « antibiotiques, antibiorésistance et environnement » et  le 16 novembre 2016 aura lieu une séance sur « thérapeutique et prévention chez la femme enceinte » avec l’Académie de pharmacie.

Cette ouverture se fera aussi en poursuivant nos séances dites « délocalisées » dans les facultés non parisiennes. En mai 2016 nous serons reçus par la Faculté de Saint-Etienne où notre confrère le Doyen Patrice Queneau a déjà organisé le programme.

J’en viens aux relations internationales qui se sont beaucoup développées depuis plusieurs années et restructurées au sein de la très active commission des relations internationales. Elles ont connu aussi un nouveau dynamisme, en particulier à travers la Fédération européenne des académies grâce à la présidence très constructive de Bernard Charpentier et par la création récente de la Fondation de l’académie de médecine qui porte déjà très loin la reconnaissance de la médecine française, au Brésil, au Mexique, en Inde tout récemment .

Nos principales relations régulières académiques se sont établies avec les pays balkaniques grâce à l’action de Michel Huguier et de Bernard Launois pour la Roumanie, avec le Mexique avec l’action privilégiée d’André Parodi, avec la Chine où plusieurs relations sont établies depuis longtemps, sans omettre la convention qui nous unit à l’Académie des ingénieurs de Chine, et enfin avec le Canada grâce à l’activité de Jean-Paul Tillement, de Jean-Jacques Hauw et de Bernard Salle. Toutes ces relations sont à entretenir et à développer mais il ne faut pas méconnaitre les difficultés rencontrées pour organiser ces différentes réunions académiques, car leur financement est de plus en plus problématique et mérite certainement que nous étudions de plus près les solutions possibles.

C’est donc sur cette vision d’ouverture que je terminerai,  en vous offrant, selon la tradition, tous mes meilleurs vœux de bonheur pour vous, mes chers amis, et pour vos familles, en cette nouvelle année 2016, en souhaitant à notre académie une belle année de travail, efficace et fructueuse.

Bull. Acad. Natle Méd., 2016, 200, no 1, 131-139, séance du 5 janvier 2016