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Séance du 25 mai 2004

Actualités en pathologie comparée : sur quelques maladies animales menaçantes pour l’homme

MOTS-CLÉS : ehrlichiose. étude comparative. hépatite e. lyme, maladie.. syndrome respiratoire aigu sévère. virus hendra. virus nipah. virus west nile. zoonoses
Advances in comparative medicine : some zoonoses threatening man
KEY-WORDS : comparative study. ehrlichiosis. hendra virus. hepatitis e. lyme disease.. nipah virus. severe acute respiratory syndrome. west nile virus. zoonoses

Charles Pilet *, Gwenaëlle Dauphin et Stephan Zientara

Résumé

Les dernières grandes alertes sanitaires dues à l’émergence de maladies infectieuses humaines sont toutes d’origine animale. Un certain nombre d’entre elles sont particulièrement menaçantes. Les auteurs appellent l’attention sur le danger que pourrait présenter l’extension de l’actuelle épizootie de grippe aviaire, soit directement, soit surtout indirectement, par le biais des réassortiments génétiques. Ils rappellent le rôle de l’animal dans l’épidémiologie du SRAS. Ils soulignent le danger dû au virus West Nile et évoquent le danger potentiel du virus de l’hépatite E et des virus Nipah et Hendra. Ils appellent l’attention sur une zoonose naissante : l’Ehrlichiose et sur l’extension en Europe et notamment en France de la maladie de Lyme. Les auteurs rappellent la nécessité d’une veille sanitaire s’exerçant non seulement chez l’homme mais également chez l’animal. Ils rappellent également l’importance de la restauration d’un enseignement sur les zoonoses, dans le cursus médical et d’un renforcement de la recherche sur les maladie transmissibles à l’homme.

Summary

The last major human epidemics of infectious diseases have arisen from animals. Some of them are especially threatening. The authors call attention to the danger of spread of avian influenza, either directly or indirectly through genetic rearrangements. They underline the role of animals in the epidemiology of SARS, West Nile virus, hepatitis E, NIPA and Hendra virus, ehrlichiosis and Lyme disease. The authors recommend health surveillance not only in humans but also in animals ; the teaching of zoonoses, and research on animal diseases transmissible to humans.

INTRODUCTION

Les dernières grandes alertes sanitaires dues à l’émergence de maladies infectieuses humaines sont toutes d’origine animale.

On sait désormais que le virus du SIDA a une origine simienne. L’animal est également incriminé dans l’origine du SRAS et on connaît depuis longtemps le rôle de des animaux dans l’épidémiologie de la grippe.

Il apparaît donc souhaitable, dans le cadre de ces actualités de pathologie comparée, de rappeler le danger que peuvent représenter pour l’Homme quelques zoonoses particulièrement menaçantes.

L’actualité a guidé le choix des maladies qui seront évoquées dans cet exposé.

Nous évoquerons, le danger potentiel de la grippe aviaire pour la santé de l’homme, ainsi que l’évolution du Syndrôme Respiratoire Aigu Sévère (SRAS).

Nous rappellerons le danger potentiel du West Nile, des virus de l’hépatite E, et des virus NIPAH et HENDRA. Nous évoquerons une zoonose naissante :

l’ehrlichiose, et terminerons en signalant l’extension d’une zoonose existant depuis plusieurs années, mais encore trop méconnue : la maladie de Lyme.

Cette brève revue générale ne saurait permettre d’exposer l’intégralité des connaissances sur chacune de ces maladies. Seules les données d’actualité seront retenues.

LA GRIPPE AVIAIRE CONSTITUE-T-ELLE UN DANGER POUR L’HOMME ?

La réponse à cette question exige un rappel des données essentielles relatives aux influenzavirus. Les virus influenza appartiennent à la famille des orthomyxoviridés : il s’agit de virus ARN enveloppés dont le génome est fragmenté en huit segments d’ARN comportant plusieurs types (A B C).Les types sont déterminés par la nature de l’antigène interne qui est une nucléo protéine (NP).

Chaque type comporte plusieurs sous-types qui se différencient par la nature de leurs antigènes externes notamment l’Hémagglutinine (H) et la Neuraminidase (N). Les mutations qui affectent l’hémagglutinine aboutissent à des « glissements antigéniques ». Ces « glissements » constituent un phénomène constant et progressif et rendent nécessaires les reformulations annuelles des vaccins.

La ‘‘ cassure antigénique ’’ est au contraire un phénomène brutal et plus rare, mais beaucoup plus dangereux. Cette cassure est due, lors de la rencontre de deux virus d’origine différente, à la formation d’un virus hybride empruntant des fragments du génome à l’un et l’autre des virus parentaux. On parle alors de « réassortiments génétiques ». Le virus hybride est d’autant plus dangereux qu’il a acquis un pouvoir pathogène nouveau tout en conservant un pouvoir de réplication pour l’une des espèces parentales. A titre d’exemple, lors d’une co-infection d’un porc avec un virus humain et un virus d’oiseau il peut se former une particule de virus hybride empruntant les gènes internes du virus humain, conditionnant l’adaptation du virus à l’homme et les gènes des antigènes périphériques du virus aviaire, conditionnant le nouveau pouvoir pathogène du virus pour l’homme.

Ce nouveau virus « humain au-dedans » et « aviaire au-dehors » cumule l’avantage de pouvoir se répliquer chez l’homme et celui d’être pathogène pour l’homme, puisque les hémagglutinines et les neuraminidases ne correspondent plus aux anticorps existants dans les populations humaines.

S’il est vrai que jusqu’à présent aucune véritable épidémie de grippe humaine n’a été directement reliée à une contamination du virus aviaire, force est de constater qu’au cours des récentes épizooties de grippe aviaire, des humains ont contracté la grippe à partir des volailles infectées et plusieurs d’entre eux sont morts.

Les virus de la grippe des oiseaux constituent un immense réservoir de gènes susceptibles de participer à des « réassortiments » et à « des cassures antigéniques » particulièrement à risque pour l’espèce humaine.

Rappelons, en effet, que jusqu’à présent, l’homme n’a connu que trois grandes pandémies, chacune déterminée par trois sous-types de virus A :

H1N1 (grippe espagnole 1918), H2N2 (grippe asiatique 1957), H3N3 (grippe de Hong Kong 1968).En d’autres termes, hormis quelques mortalités individuelles, l’espèce humaine n’a connu jusqu’à présent que trois types d’hémagglutinines (H1,H2,H3) et deux types de neuraminidases (N1,N2).Or, il existe chez les oiseaux, quinze types d’hémagglutinines, et neuf types de neuraminidases. On imagine, de ce fait aisément, le danger potentiel pour l’homme, représenté par ces multiples sous-types viraux aviaires.

Il convient donc, à tout prix, d’éviter l’extension des épizooties de grippe aviaire, non seulement pour éviter des contaminations directes de l’homme mais aussi et surtout, pour éviter la diffusion des virus aviaires vers d’autres espèces animales, notamment le porc empêchant ainsi les possibilités d’un réassortiment et la création d’un nouveau virus hybride.

On sait en effet que l’espèce porcine constitue le « creuset » préférentiel de ce type de « réassortiment ».

Ce risque explique les décisions d’abattage massif qui, par exemple, dans l’actuelle épizootie de la grippe aviaire en Asie, ont abouti à l’abattage de plus de plusieurs millions de volailles et à la mise en œuvre de moyens de lutte correspondant à un budget de plus de 500 millions de dollars (selon l’OIE) La grippe aviaire constitue donc un danger potentiel pour l’homme, davantage, il est vrai, par risques de réassortiments génétiques que par contamination directe.

LE SYNDROME RESPIRATOIRE AIGU SÉVÈRE (SRAS)

Le syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) est causé par un coronavirus (SARS-CoV). Les coronavirus sont des virus bien connus chez les animaux où ils sont responsables de maladies respiratoires et digestives. Selon l’OMS, en juin 2003, le SRAS avait affecté 8 477 personnes et tué 811 personnes en Asie du Sud-Est, Europe et Amérique du Nord, dans 32 pays au total.

Cette pneumonie atypique est apparue pour la première fois en novembre 2002 en République Populaire de Chine. Le SRAS a été introduit en France en 2003 suite au retour d’un patient du Vietnam. Ce patient a contaminé des passagers durant son voyage d’Hanoï à Paris.

Parmi les vendeurs d’animaux, la séroprévalence la plus élevée a été décrite chez ceux commercialisant principalement des civettes palmistes masquées (72.7 %), des sangliers sauvages (57.1 %), des cerfs muntjacs d’Inde ou cerfs aboyeurs (56.3 %), des lièvres (46.2 %), et des faisans (33.3 %). La civette palmiste masquée apparaîtrait donc comme une espèce très importante dans la transmission à l’homme. Toutefois, plus de données sont nécessaires pour déterminer l’importance de chaque espèce comme réservoir viral. Une vaste campagne d’abattage des civettes sur les marchés chinois a été lancée début 2004, suite au diagnostic d’un nouveau cas de SRAS en décembre 2003.

Le tableau clinique du SRAS est non spécifique. La période d’incubation est de 2 à 7 jours.La maladie se manifeste généralement par de la fièvre, souvent élevée, parfois associée à d’autres symptômes tels que céphalée, malaise et myalgies, tremblements. Les symptômes respiratoires sont constitués par une toux sèche non productive ou une dyspnée qui peut être associée ou progresser vers une hypoxémie. Des signes gastro-intestinaux tels que nausées, vomissements, diarrhée, sont présents chez 25 % des patients.

 

Aucun test rapide de diagnostic n’est encore disponible. Or, le début de la maladie clinique est similaire à celui d’autres infections virales ou bactériennes, ce qui pose problème, en particulier pendant les saisons d’épidémie de ces autres maladies respiratoires. La fièvre étant l’un des premiers signes cliniques du SRAS, des campagnes de surveillance des cas cliniques basées sur le relevé de température corporelle ont été lancées à Taïwan et dans certains aéroports internationaux au cours de l’épidémie de SRAS.

L’isolement viral en culture de cellules et la recherche de génome viral par RT-PCR, sont effectués à partir de prélèvements respiratoires ou fécaux.

Des tests ELISA, d’immunofluorescence indirecte (IFI) et de neutralisation virale ont été mis au point. Une augmentation du titre en anticorps d’un facteur de 4 au moins observée entre les phases aiguë (1ère semaine) et de convalescence (2-3e semaines) constitue un diagnostic sérologique spécifique.

Les patients hospitalisés ont été traités par des associations d’antibiotiques, de stéroïdes et d’anti-viraux ainsi qu’une ventilation mécanique. Aucune molécule ne peut être utilisée en prophylaxie et aucun vaccin n’est encore disponible.

WEST NILE

Le virus West-Nile (WN) (virus du Nil occidental) est un flavivirus, virus enveloppé à ARN monobrin. Le virus WN circule depuis longtemps en Afrique, Asie et Europe, et depuis seulement quelques années aux USA. L’encéphalite WN est récemment devenue une préoccupation majeure de santé publique, humaine et vétérinaire. A la fois des cas sporadiques et des épidémies importantes d’encéphalite West-Nile ont été décrits en Afrique, au Moyen Orient, en Europe et en Asie. En 2003, les CDC américains ont rapporté 9388 cas d’infection chez l’homme (246 décès) et plus de 100 000 cas chez les chevaux.

En France, 3 épizooties de WN ont été décrites en 1962-1965 en Camargue (85 cas équins dont 20 mortalités et au moins 15 cas humains dont un décès), en 2000, en Camargue (76 cas équins, 21 morts, aucun cas humain) et en 2003 dans le Var (7 cas humains et 4 cas équins dont un mort.

Des mesures de surveillance active et passive ont été prises en Camargue et dans le Var, qui incluent en particulier la détection de cas cliniques de maladie de WN à la fois chez l’homme et chez le cheval.

Le virus WN se multiplie selon un mode enzootique entre des moustiques vecteurs et des oiseaux, hôtes amplificateurs. Les oiseaux développent habituellement une infection inapparente.

Chez l’homme, l’infection par le virus WN est cliniquement inapparente dans de nombreux cas. Dans les formes symptomatiques, les signes cliniques majeurs sont une fièvre d’installation brutale, des céphalées, myalgies, douleurs rétroorbitaires, une asthénie. De nombreux cas d’atteinte nerveuse centrale (méningo-encéphalites, méningites, encéphalites) ont été rapportés dans les épidémies récentes ainsi qu’une mortalité chez des sujets âgés. Chez les équidés, les infections sub-cliniques ou inapparentes sont également les plus nombreuses.Dans des cas plus rares, les chevaux expriment une encéphalite ou une méningite qui peuvent être mortelles.

Les essais d’isolement viral peuvent être effectués sur des lignées de cellules sensibles de mammifères (cellules Vero et RK13) ou de moustiques. L’immunohistochimie basée sur des anticorps monoclonaux et effectuée à partir de tissu cérébral est particulièrement utile dans le cas d’infection humaine et aviaire. L’histopathologie peut également compléter le diagnostic. Enfin, la technique de RT-PCR a l’avantage de détecter rapidement l’ARN viral dans les tissus.

Les anticorps neutralisants, qui apparaissent quelques jours après l’infection et peuvent perdurer pendant plusieurs mois ou années, peuvent être mis en évidence par des techniques immuno-enzymatiques comme l’ELISA ou par des tests de neutralisation.

La prévention de l’infection à virus WN repose sur les programmes de veille sanitaire ainsi que sur l’information du public sur les moyens de prévention des piqûres de moustiques. Les mesures de contrôle des insectes et de désinsectisation à large échelle ne sont malheureusement pas toujours efficaces.

Aucun vaccin humain n’est disponible à l’heure actuelle mais plusieurs laboratoires mènent des recherches dans ce sens. Par contre, un vaccin équin à virus inactivé est commercialisé depuis août 2001 aux Etats Unis et a été largement utilisé par les vétérinaires équins. Un vaccin recombinant, dont le vecteur est le canarypox , est en cours de commercialisation chez le cheval aux

Etats Unis.

LES FIÈVRES HÉMORRAGIQUES VIRALES

Les fièvres hémorragiques virales font partie des maladies les plus connues par le grand public, car elles ont la réputation d’être très contagieuses et de provoquer un taux de mortalité très important ainsi qu’une mort dramatique. De plus, la source du virus reste mystérieuse. Ces virus émergent et ré-émergent dans de plusieurs pays africains.Bien que les cas importés de fièvres hémorragiques suspectés ou confirmés soient extrêmement rares en Europe, ils constituent néanmoins une véritable menace pour la santé publique et génè- rent beaucoup d’inquiétude au sein des structures hospitalières européennes.

 

Les fièvres dues aux Filovirus.

Le virus Ebola, qui a émergé pour la première fois en 1976 simultanément dans le sud du Soudan et le nord du Zaïre, appartient à la famille des Filoviridae. Les filovirus comprennent à la fois l’espèce Marburg et l’espèce Ebola , qui est subdivisée en quatre sous-types : Zaïre, Soudan, Côte d’Ivoire et Reston.

Le virus Marburg fut isolé pour la première fois en 1967, dans la ville allemande du même nom ainsi qu’en Yougoslavie, suite à l’infection de travailleurs de laboratoire européens exposés à des tissus et à du sang provenant de singes verts africains. La maladie de Marburg sévit en Afrique sub-saharienne. Quatre épisodes épidémiques ont été rapportés en Afrique depuis la découverte de cette maladie : en 1975 au Zimbabwe et Afrique du Sud, en 1980 et 1987 au Kenya et en 1999 en République démocratique du Congo.

Les infections naturelles par le virus Ebola n’ont été observées que chez les humains et les primates non humains. Les épidémies humaines de fièvre hémorragique sont souvent précédées par des épizooties chez des familles de singes avoisinantes. Le virus décime actuellement les populations de grands singes (probablement des milliers de morts depuis 5 ans). Le réservoir naturel du virus n’est toujours pas connu, mais les rongeurs sauvages sont suspectés comme réservoir potentiel. L’homme se contaminerait par manipulation et consommation de viande animale infectée (singes, éventuellement antilopes.) Le virus Ebola se transmet par des contacts directs avec les fluides et sécrétions d’une personne infectée (sang, salive, vomissures, sperme, selles).

La durée d’incubation varie de 3 jours à 3 semaines. Le début de la maladie est soudain, avec une brusque montée de température, des frissons, une faiblesse générale, des céphalées, des douleurs musculaires, des maux de gorge et de l’anorexie. Viennent ensuite des vomissements, des diarrhées, une éruption cutanée, une insuffisance rénale et hépatique, ainsi que des hémorragie internes et externes. Le signe majeur est la douleur abdominale généralement associée à des diarrhées et à des hémorragies. Le malade est asthénique et présente rapidement un amaigrissement important. La mort survient entre le 6e et le 16e jour par développement de l’hémorragie et du choc hypovolémique. La mortalité est élevée et varie de 22 % à 88 % selon le virus.

Le tableau clinique de la maladie de Marburg est proche de celui d’Ebola.

La détection de l’antigène par ELISA de capture et la réaction de RT-PCR sont des techniques tout à fait satisfaisantes pour la détection des filovirus dans des fluides corporels et tissus infectés.

L’essai d’IFI est la méthode la plus courante pour détecter les anticorps antifilovirus. Toutefois, en raison de réactions non spécifiques éventuelles, les résultats de l’IFI doivent être confirmés par au moins une méthode supplémentaire, qui peut être le Western blot ou les tests ELISA IgG.

 

Il n’existe, à ce jour, aucun traitement ni vaccin spécifique contre l’infection par filovirus Des études sont en cours pour le développement d’un vaccin à ADN.

En raison de l’extrême pathogénicité d’Ebola, les recherches avancent lentement. Le seul recours, même pour les hôpitaux les mieux équipés, est un traitement symptomatique. La mise en quarantaine des cas cliniques est nécessaire pour l’arrêt de l’épidémie. La prévention passe par la surveillance et la recherche continue de carcasses animales, indicateurs précoces d’une future épidémie humaine.

Autres fièvres hémorragiques

La fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR), maladie due à l’infection par des virus de la famille des Hantavirus (essentiellement le virus Puumala en

France) est présente essentiellement dans le quart Nord-Est de la France, le massif forestier des Ardennes belges et françaises étant particulièrement touché. Depuis 1982, environ un millier de cas ont été confirmés sérologiquement en France. Six épidémies ont été décrites en 1985,1990,1991,1993,1996 et en 1999 au cours desquelles la majorité des cas est survenue en été. La forme de la maladie rencontrée en France, bien qu’étant souvent décrite comme une forme légère, peut néanmoins entraîner des atteintes rénales à l’origine de l’hospitalisation des personnes atteintes. L’hôte naturel du virus Puumala, responsable de la très grande majorité des FHRS en France est le campagnol roussâtre , qui vit dans les forêts ainsi que parfois dans les bâtiments avoisinants. L’homme se contamine par voie respiratoire en inhalant le virus présent dans les excréta des rongeurs ou plus rarement par morsure.

HÉPATITE E

Le virus de l’hépatite E (VHE) identifié pour la première fois il y a 20 ans, par une équipe soviétique, vient d’être classé dans la famille récemment créée des Hepeviridae , dont il est le seul représentant. Le premier virus d’origine animale fut décrit en 1997 chez le porc aux États-Unis, il a été isolé depuis en Europe et en Asie. Récemment, d’autres souches d’origine aviaire responsable de splénomégalie et d’hépatite chez les poulets ont été décrites dans des élevages nord-américains et australiens.

L’hépatite E est endémo-épidémique dans de nombreuses régions où l’hygiène collective est mal maîtrisée. Cependant, la cartographie de cette affection évolue régulièrement, avec la description de nouveaux cas sporadiques et épidémiques ainsi qu’avec la réalisation d’enquêtes séro-épidémiologiques.

Dans les pays industrialisés, les principaux cas rapportés ont été observés après un séjour en zone d’endémie. Cependant, des cas autochtones sont de plus en plus décrits chez des patients n’ayant pas séjourné hors de leurs pays .

 

Ces cas correspondent à des hépatites sporadiques observées aux Etats Unis, et dans des régions du pourtour méditerranéen : Espagne, Grèce, Italie, régions des Balkans, mais aussi en France, Allemagne ou Autriche. Ce faible niveau d’endémicité est défini par une séroprévalence anti-VHE initialement évaluée entre 1 et 2 % chez les donneurs de sang, mais qui paraît plus élevée avec l’utilisation de tests sérologiques plus sensibles. Certaines catégories professionnelles ont un risque plus élevé d’infection (éleveurs et vétérinaires travaillant dans la filière porcine :15 à 20 % de séroprévalence). Dans les pays comme la France, l’hépatite E ne présente pas, pour le moment, tout au moins, un réel problème de santé publique, car seuls de rares cas isolés sont observés et ils n’ont pas été à l’origine d’autres cas. Il est bon cependant de signaler l’existence du virus pour préserver l’avenir.

La contamination se fait principalement par la consommation d’eau contaminée. La transmission directe d’homme à homme reste un mode de transmission accessoire.

Après une période d’incubation de 40 jours environ, les manifestations cliniques, observées dans 50 % des cas, sont celles d’une hépatite aiguë.

L’infection atteint préférentiellement les adolescents et les jeunes adultes, bien que toutes les classes d’âge soient touchées. La phase prodromique, qui dure de 3 à 7 jours, est dominée par l’asthénie et l’anorexie. A la phase d’état, l’ictère est associé à des nausées, des douleurs abdominales et des vomissements dans près de 2/3 des cas. L’évolution est favorable dans la majorité des cas, avec la régression de l’ictère au bout d’une à deux semaines. Des cas d’hépatites sévères et fulminantes ont été rapportés avec un taux de mortalité de 0.5 à 4 % dans la population générale, pouvant atteindre 10 à 42 % chez les femmes enceintes, avec également un risque d’avortements et d’accouchements prématurés dans 10 à 15 % des cas et de mort in utero dans 25 % des cas.

Le diagnostic actuel de l’infection repose sur des critères sérologiques, complétés par la recherche directe de l’agent infectieux. Ce diagnostic direct repose principalement sur la détection du génome viral par RT-PCR à partir de sérum, selles, biopsie hépatique ou, plus rarement, bile.

La prévention repose avant tout sur la qualité de l’eau et l’hygiène individuelle.

Des essais vaccinaux avec des protéines recombinantes sont en cours auprès de la population népalaise. Un vaccin à ADN ainsi qu’un vaccin oral constitué de pseudo-particules virales ont donné des résultats prometteurs chez la souris.

NIPAH/HENDRA

Les virus Nipah et Hendra tirent leur nom des lieux où ils ont été identifiés pour la première fois, respectivement en Malaisie en 1998 et en Australie en 1994.

 

Ces deux virus sont étroitement apparentés et appartiennent à la famille des Paramyxoviridae . Même si ces deux virus n’ont été à l’origine que de quelques flambées circonscrites, leur capacité biologique à infecter un large éventail d’hôtes et à provoquer une maladie entraînant une mortalité importante chez l’homme a fait de ces infections virales émergentes une préoccupation de santé publique.

Trois flambées de virus Hendra, sans lien épidémiologique apparent, ont été rapportées en Australie en 1994,1995 et 1999 et ont entraîné la mort de 17 chevaux et 2 hommes. Le mode précis de transmission du virus aux patients australiens n’est pas totalement élucidé. Tous trois semblent avoir contracté l’infection à la suite d’un contact étroit avec des chevaux malades qui sont morts par la suite.

Par ailleurs, entre septembre 1998 et avril 1999 a eu lieu une importante flambée d’encéphalites fébriles chez l’homme, en Malaisie. Cette flambée a été précédée par l’apparition d’une maladie respiratoire et neurologique chez les porcs de la même région. Au total, 265 personnes ont été infectées par ce virus Nipah auparavant inconnu, dont 105 sont décédées. 93 % d’entre elles avaient été professionnellement exposées à des porcs. Une autre flambée est survenue chez le personnel des abattoirs de Singapour au mois de mars 1999 et a entraîné 11 cas dont 1 décès chez l’homme. Une dizaine de nouveaux cas d’infection par le virus Nipah ont été notifiés début 2004 au Bangladesh.

Certaines espèces de chauves souris frugivores constituent vraisemblablement le réservoir naturel des virus Nipas et Hendra. Elles semblent sensibles à l’infection par ces virus mais ne développent pas de signes cliniques. Dans la flambée malaisienne survenue à Nipah, les porcs étaient apparemment à l’origine de l’infection de la plupart des cas rencontrés chez l’homme, puisque les éleveurs de porcs et les travailleurs en abattoirs de porcs étaient les personnes les plus touchées. Aucune transmission d’homme à homme du virus Nipah n’a été signalée. Il est probable que la transmission du virus des chauves-souris aux porcs se soit produite via l’urine infectieuse de chauves souris présente sur les fruits ingérés par les porcs puis par transmission du porc à l’homme. La transmission entre les porcs a lieu par contact direct.

Des données sérologiques ont montré que les animaux domestiques (chiens, chats, chevaux, chèvres) ont également été infectés par le virus Nipah. Ces espèces animales ont été infectées par les porcs et constituent, comme l’homme, des culs de sac épidémiologiques. Les causes de l’émergence du virus Nipah dans les populations humaines et d’animaux domestiques sont vraisemblablement liées à la déforestation considérable, qui a entraîné un déplacement des lieux de nourriture des chauves souris vers des vergers cultivés, à proximité desquels se trouvaient de nombreuses porcheries. Ces changements ont permis à ce virus de passer de son hôte naturel à des porcs domestiques et ensuite à l’homme et d’autres animaux domestiques.

 

La période d’incubation de la maladie de Nipah est comprise entre 4 et 18 jours.

Chez l’homme, les formes symptomatiques sont relativement rares. La maladie, lorsqu’elle s’exprime débute habituellement par un syndrome « de type grippal » avec une forte fièvre, des myalgies et des céphalées. Elle peut évoluer vers une encéphalite accompagné d’une somnolence, d’une désorientation, de convulsions et d’un coma. Le taux de mortalité est élevé : 40 % des cas cliniques.

Chez les porcs, le taux de mortalité était plus faible de 5 à 15 %, mais les taux d’infections ont atteint 100 %. La maladie clinique était principalement respiratoire, avec des signes neurologiques dans certains cas, mais dans de nombreux cas, l’infection est bénigne et s’exprime par des signes cliniques légers. Chez les chiens, les symptômes sont principalement respiratoires.

Le virus Hendra provoque à la fois des signes respiratoires et neurologiques.

Le tableau clinique est constitué par de la fièvre, un gonflement de la tête, une détresse respiratoire sévère, de l’ataxie et une mort par asphyxie. L’apparition d’une encéphalite a parfois été rapportée.

Les test développés quelques années auparavant pour le virus Hendra (immunohistochimie, ELISA) ont été utilisés avec succès pour la détection du virus Nipah.

Les virus Nipah et Hendra sont des virus relativement faciles à isoler.A partir de prélèvements de LCR, salive, urine, sécrétions nasales et trachéales des patients.L’IFI permet de confirmer la présence de ces deux virus dans les cultures cellulaires ou dans les tissus infectés. Le diagnostic par PCR des virus Nipah et Hendra est utilisé en routine dans les laboratoires spécialisés. Le test de neutralisation virale reste la méthode sérologique de choix.

Une surveillance intense a été mise en place et plus d’un million de porcs ont été abattus en Malaisie suite à l’épidémie humaine. Le traitement de ces affections est avant tout symptomatique.

EHRLICHIOSE

L’ehrlichiose monocytaire humaine (EMH) et l’ehrlichiose granulocytique humaine (EGH) représentent deux maladies qui sont identiques sur le plan clinique mais distinctes sur les plans épidémiologique et étiologique. L’EMH est causée par Ehrlichia chaffeensis . Le sérogroupe de l’agent étiologique de l’EGH est à ce jour « sans nom ». Ehrlichia est une bactérie intracellulaire proche des Rickettsies transmis par morsure de la tique Ixodes scapilaris aux

USA et

Ixodes ricinus en Europe.

L’EGH a été diagnostiquée pour la première fois il y a 15 ans chez un patient américain. Moins de 50 cas ont été rapportés pour l’instant en Europe, mais cette pathologie est probablement sous diagnostiquée actuellement chez les patients mordus par des Ixodes . Les deux premiers cas humains français ont été diagnostiqués en 1998 dans la Meuse, en zone de forte incidence de borréliose de Lyme.

Les animaux infectés par l’agent de l’EGH sont les grands mammifères (chevaux, cerfs, biches, chevreuils, sangliers et renards), les micromammifères (mulots, campagnols), le bétail (bovins, caprins,) les animaux domestiques (chiens, chats) et les oiseaux sauvages. Le cycle épidémiologique de l’agent de l’EGH avec sa tique vectrice et ses hôtes mammifères apparaît similaire à celui de Borrelia burgdorferi , l’agent de la maladie de Lyme. Il n’est donc pas surprenant que les régions géographiques où l’EGH sévit, se chevauchent avec celles où la maladie de Lyme est endémique.

La possibilité d’une infection couplée par Borrelia burgdorferi et par l’agent de l’ehrlichiose granulocytaire humaine ou par E. equi est suggéré, ce qui représenterait un plus grand danger pour la santé humaine et animale en raison des effets synergiques entre bactéries. La majorité des cas d’ehrlichiose est observée au milieu du printemps, au début de l’été et à l’automne. Le printemps correspond au pic d’activité des nymphes d’ ixodes .Les population à risque sont identiques pour l’ehrlichiose granulocytaire et pour la maladie de Lyme, c’est-à-dire les forestiers et tous les travailleurs en forêt, les chasseurs, et les personnes pratiquant des loisirs forestiers, ainsi que les agriculteurs. Il faut systématiquement évoquer ce diagnostic devant un syndrome grippal après morsure ou exposition aux tiques du genre Ixodes .

Sur le plan clinique, le tableau de l’ehrlichiose est peu spécifique. Après une période d’incubation d’une à trois semaines, apparaissent en effet des manifestations peu évocatrices : fièvre, syndrome pseudo grippal avec arthromyalgies, céphalées, sueurs. La maladie dure quelques jours mais chez certains patients, elle peut durer jusqu’à 60 jours, en l’absence d’un traitement antibiotique approprié. L’éruption cutanée est relativement rare. L’ehrlichiose est parfois une maladie grave. Des ehrlichioses fatales ont été observées chez des enfants et de jeunes adultes.En raison du manque de spécificité des caracté- ristiques cliniques de l’ehrlichiose, son diagnostic doit être évoqué systématique lorsqu’une fièvre apparaît après une morsure de tique, particulièrement en zone endémique pour la maladie de Lyme.

L’ehrlichiose bovine (fièvre des pâtures due à Anaplasma phagocytophilum ) est principalement une maladie des vaches laitières et se caractérise par une hyperthermie importante, de l’asthénie, de l’anorexie, une chute nette et brutale de la production laitière des signes articulaires (maladie des gros paturons) et très souvent, des signes pulmonaires associés (polypnée, toux sèche puis productive.) L’ehrlichiose équine ou ehrlichiose granulocytique des équidés, entraîne également un syndrome fébrile ainsi que des œdèmes sous-cutanés.

Des troubles nerveux peuvent apparaître. Les signes cliniques durent de 7 à 14 jours chez les chevaux non traités avec une amélioration progressive et une résolution spontanée le plus souvent.

La détection par amplification génique de l’ADN d’Ehrlichia dans le sang collecté pendant la phase aiguë de la maladie par PCR, présente une bonne sensibilité et une excellente spécificité.

La sérologie est effectuée surtout par IFI mais également par ELISA, les tests de diagnostic manquent encore de standardisation et il n’existe pas encore de tests de diagnostic rapide, permettant la confirmation d’une suspicion clinique.

La doxycycline est l’antibiotique de première intention pour les personnes atteintes d’ehrlichiose.

MALADIE DE LYME

La borréliose de Lyme, ou maladie de Lyme, est une maladie infectieuse, non contagieuse, due à une bactérie du groupe des spirochètes, Borrelia burgdorferi , transmise par des tiques du genre Ixodes . En plus de l’espèce Borrelia burgdorferi sensu stricto , dix autres espèces génomiques peuvent également causer la borréliose. Cette maladie, a été décrite en Europe et notamment en France, en Amérique du Nord, en Asie et en Australie chez plusieurs espèces dont l’homme.

Bien que la maladie de Lyme soit la maladie transmise par les tiques la plus répandue dans l’hémisphère nord, peu de données sont disponibles sur sa fréquence actuelle dans de nombreuses régions. Aux États-Unis, des cas ont été rapportés dans 45 États, avec une incidence générale de 6 pour 100 000 habitants .Dans l’Union Européenne, l’incidence a été estimée dans certains pays, à 155 pour 100 000 habitants, avec une variabilité régionale importante et des différences quant au risque d’infection..Le réseau de surveillance de la maladie de Lyme en Alsace de mars 2001 à février 2003 donnait environ 200 cas / 100 000 habitants. Enfin, l’enquête CNR (Centre National de références) des borrélioses, et InVS (Institut de Veille Sanitaire) réalisée en Meuse en 2002 a montré une incidence de 79 cas/100 000.

La transmission se faisant principalement par l’intermédiaire d’acariens de la famille des Ixodidés , la maladie sévit dans les aires de répartition des tiques (zones à végétation dense, broussailleuse et humide). En France métropolitaine, la maladie peut être contractée sur tout le territoire mais sévit surtout dans l’est. Les oiseaux et les micromammifères sont les réservoirs principaux.

Lorsque la bactérie est responsable d’une maladie clinique, les troubles sont variés et regroupés en trois stades. Le stade 1 est localisé. Il apparaît 4 à 20 jours après la piqûre et se présente souvent sous la forme d’une lésion cutanée ou d’érythème chronique migrant. Une macule ou papule érythéma- teuse apparaît au site de la piqûre ou morsure et s’étend lentement de façon centrifuge alors que le centre s’éclaircit. Les symptômes systémiques généralement associés à l’érythème migrant sont souvent précoces mais peu spécifiques : fièvre, myalgies, arthralgies et maux de tête. Le stade 2 correspond à la dissémination via les ganglions et le sang. Il apparaît quelques semaines après la piqûre et dure de quelques semaines à quelques mois. Il est caractérisé par une fatigue intense. On décrit alors un érythème nodulaire, une atteinte du système nerveux central et périphérique (neuroborréliose) avec des méningites, et paralysie des nerfs crâniens et périphériques (multinévrite). Le stade 3 peut durer des mois, voire des années et peut se manifester par une acrodermatite atrophique, des douleurs articulaires persistantes, des encéphalopathies, des paraparésies et une démence.

Plusieurs tests commercialisés sont disponibles pour la détection de la maladie (ELISA, IFI, hémagglutination, Western Blot). Un résultat positif douteux obtenu avec l’un des tests de criblage (ELISA, IFI, hémagglutination) doit être confirmé par Western Blot, Un traitement antibiotique (cyclines et béta-lactamines) permet de lutter contre toutes les formes cliniques de la borréliose. Le traitement au stade primaire entraîne une guérison rapide et prévient les complications. Non traitées, les arthrites et les manifestations neurologiques peuvent évoluer vers la chronicité.

La prévention individuelle repose sur le port de vêtements couvrants et surtout sur l’examen soigneux de la peau après une sortie en forêt.

CONCLUSION

La menace constituée par l’émergence ou la réémergence de certaines maladies infectieuses d’origine animales montre, s’il en était besoin, la nécessité d’une veille sanitaire effectuée le plus en amont possible — c’est-à-dire sur les espèces animales elles-mêmes.

Le découpage périmé et obsolète de nos administrations ne saurait en aucun cas justifier une veille sanitaire appliquée uniquement à l’homme, comme cela a été le cas pendant de trop longues années.

L’enseignement de la médecine, ne saurait se priver plus longtemps d’information indispensable sur les zoonoses. Ce type d’enseignement autrefois dispensé dans nos facultés de médecine devrait être restauré le plus rapidement possible. Enfin, la recherche devrait également bénéficier d’un effort particulier sur l’étude des maladies animales transmissibles à l’homme.

On reconnaîtra dans ces trois aspects, les recommandations du communiqué sur les zoonoses émergentes adopté à l’unanimité par l’Académie Nationale de Médecine le 17 juin 2003.

 

* Membre de l’Académie nationale de médecine. ** École Nationale Vétérinaire d’Alfort, 7 avenue du Général de Gaulle 94704 Maisons Alfort. ** AFSSA 22 rue Pierre Curie 94704 Maisons Alfort. Tirés-à-part : Professeur Charles PILET, même adresse ci-dessus. Article reçu le 5 avril 2004, accepté le 17 mai 2004

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2004, 188, no 5, 823-836, séance du 25 mai 2004