Communication scientifique
Séance du 17 mars 2009

Accès aux médicaments en France

MOTS-CLÉS : avancée biomédicale. comportement consommatoire. remboursement assurance maladie
Access to medicines in France
KEY-WORDS : biomedical enhancement. consummary behavior. insurance, health, reimbursement

Gilles Bouvenot, Julien Bouvenot

Résumé

En France le montant total des dépenses des médicaments remboursés par l’assurance maladie s’est élevé à plus de vingt-cinq milliards d’euros en 2007 et l’accès aux médicaments innovants n’est ni restreint ni rationné, malgré le contexte économique. En 2007 et 2008, la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé a rendu un avis favorable, en moyenne en moins de quatre-vingt dix jours, au remboursement de 97 % des nouveaux médicaments ou de leurs extensions d’indication, indépendamment de toute considération comptable. Non seulement les 3 % de médicaments récusés ne représentaient aucun progrès, mais ils pouvaient même être considérés comme d’utilité discutable. Ce système de mise à disposition est encore amélioré par un certain nombre de procédures dérogatoires en faveur de la prise en charge de l’innovation en dehors des autorisations de mise sur le marché, pour un accès plus rapide des patients aux médicaments dont ils ont besoin : autorisations temporaires d’utilisation, protocoles thérapeutiques temporaires et prise en charge dérogatoire dans les affections de longue durée et les maladies rares. Le corollaire est que les progrès médicamenteux issus de l’industrie pharmaceutique sont pris en charge par la solidarité nationale et que, de ce point de vue, il serait difficile de soutenir que le médicament est maltraité en France. D’un autre côté, il est notoire que la France se situe depuis longtemps, en matière de consommation médicamenteuse, dans le peloton de tête en Europe comme dans le monde, avec deux traits de comportement partiellement explicatifs : une tendance à considérer le médicament comme une « réponse » à toute préoccupation de santé, quelle qu’elle soit, et une tendance à préférer les nouveaux médicaments, qui sont plus chers, à ceux déjà disponibles, même lorsqu’ils ne leur sont pas supérieurs (statines, inhibiteurs de la pompe à protons, sartans…)

Summary

In France the total cost of medicinal products reimbursed by health insurers in 2007 was over 25 thousand million euros, and access to new drugs is neither restricted nor rationed, despite the unfavorable economic situation. In 2007 and 2008 the Transparency Commission (TC) of the French National Authority for Health (Haute Autorité de Santé) approved the reimbursement of 97 % of new drugs and new indications for existing products, within 90 days on average. The 3 % of medicinal products that were not approved did not represent therapeutic advances and could be considered to be of dubious utility. If evaluation of new drugs is to be an independent process, then HAS must not only be independent of the decision-maker, funding bodies and commercial firms, but must also be a purely medical and technical organization. This implies removing all financial consideration from the picture, including the size of the target population that may qualify for a new treatment. This system could be further improved by creating special procedures to promote funding for innovations outside the marketing authorization system, thereby providing patients with faster access to the drugs they need ; these procedures would include temporary authorisation, temporary treatment protocols, and a special-case function for treatment of chronic and rare conditions. Currently, new treatments produced by the pharmaceutical industry are paid for by national funding bodies and, from this point of view, it is difficult to argue that drug innovation is under-supported in France. On the other hand, it is well known that France has long been the largest consumer of medicinal drugs, both in Europe and worldwide. Two behavioral patterns partially explain this situation: one is a tendency to believe that drugs are the answer to all health concerns, and the other is a preference for new, more expensive drugs, even though ‘‘ newer ’’ is not necessarily ‘‘ better ’’.

Tandis que nos patients perçoivent parfois, par l’intermédiaire de leurs associations, leur accès au progrès thérapeutique médicamenteux comme ‘‘ tardif ’’ au regard des informations rapidement disponibles sur Internet, pouvoirs publics, décideurs et organismes payeurs de notre pays stigmatisent souvent le recours si fréquent de nos concitoyens au médicament, considéré comme excessif, voire abusif.

Dans notre pays il est en effet notoire que, malgré le contexte économique actuel et le fait que, par exemple, le montant total des dépenses des médicaments remboursés par l’assurance maladie se soit élevé à plus de 25 milliards d’euros en 2007 [1] avec un taux d’évolution de 7,1 % en volume et de 4,4 % en valeur entre 2006 et 2007 [2, 3], l’accès de nos concitoyens aux médicaments innovants n’est ni restreint ni rationné.

Par ailleurs, il est également notoire que la France se situe depuis longtemps, en matière de consommation médicamenteuse, dans le peloton de tête des pays les plus forts consommateurs en Europe et dans le monde [4], avec deux traits de comportement dûment identifiés comme partiellement explicatifs de cette situation : une tendance à considérer le médicament comme une « réponse » à toute préoccupation de santé quelle qu’elle soit et une tendance à préférer les nouveaux médicaments, qui sont plus chers, à ceux déjà disponibles, même lorsqu’ils ne leur sont pas supérieurs.

 

UN SYSTÈME DE PRISE EN CHARGE TRÈS FAVORABLE AUX INNOVATIONS ET AUX PATIENTS

Admission au remboursement des nouveaux médicaments

En 2008, comme en 2007 (tableau 1), la commission de la transparence (CT) de la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un avis favorable au remboursement des nouveaux médicaments ou de leurs extensions d’indication dans 97 % des cas (315/326 en 2007 ; 280/290 en 2008). Un service médical rendu important avec un taux de prise en charge d’au moins 65 % ont été attribués à 85 % des produits (276/326 en 2007 ; 242/290 en 2008). C’est dire que la quasi totalité des nouveaux médicaments a pu être mise à la disposition des patients. Les 3 % de médicaments récusés ne représentaient aucun progrès et pouvaient même, pour certains, être considérés comme d’utilité discutable.

Tableau 1. — Avis de la commission de la transparence sur les demandes d’inscription sur la liste des médicaments remboursables en 2007 et 2008.

AVIS

AVIS

FAVORABLE

DÉFAVORABLE

SMR important SMR modéré SMR faible SMR insuffisant 2007 276 25 14 11 n : 308 (85 %) (8 %) (4 %) (3 %) 2008 242 25 13 10 n: 270 (84 %) (9 %) (4 %) (3.5 %) n: nombre de demandes de 1ère inscription et d’extension d’indication SMR : service médical rendu Les résultats des évaluations des nouveaux médicaments par la CT ont été rendus et transmis au Comité Economique des Produits de Santé (pour décision ministérielle de prise en charge éventuelle et fixation du prix) dans un délai moyen inférieur à 90 jours comme le prévoit la réglementation européenne. Ce délai a même été raccourci à moins de 50 jours pour les médicaments « présumés innovants » c’est-à-dire :

constituant une nouvelle modalité de prise en charge d’une maladie, susceptibles d’apporter un progrès cliniquement pertinent par rapport aux moyens disponibles et répondant à un besoin thérapeutique encore non couvert [5] ; l’objectif étant de faire bénéficier les patients de l’accès aux médicaments réellement innovants le plus rapidement possible [6].

La garantie de l’indépendance de l’évaluation des nouveaux médicaments en France tient non seulement à l’indépendance de la HAS vis-à-vis du décideur, des organismes payeurs et des industriels du médicament, mais aussi au caractère spécifiquement médico-technique des évaluations de la CT qui exclut toute considération financière. En effet, lorsque les membres à voix délibérative de la CT, professionnels de santé et de terrain, se prononcent sur l’intérêt thérapeutique d’un nouveau produit et déterminent la taille de la « population cible » des patients susceptibles d’en bénéficier, leur objectif est d’optimiser la prise en charge des patients et non pas de se préoccuper du coût que la mise à disposition de ce nouveau médicament est susceptible d’induire pour l’assurance maladie. Par ailleurs, soucieuse de ne pas priver les malades de la possibilité de recourir à certaines alternatives médicamenteuses qui ne sont pas des progrès, il arrive que la CT fasse connaître au décideur que si tel nouveau médicament ne constitue pas en soi un progrès démontré par rapport à l’existant, son utilisation pourrait être utile à certains patients non répondeurs ou intolérants aux produits déjà disponibles.

Gestion dynamique du panier de biens et services remboursables

Dans le cadre de la réévaluation quinquennale systématique des médicaments inscrits sur la liste des médicaments remboursables, ou à tout moment si l’évolution du contexte scientifique et médical le réclame, ou suite à une saisine des pouvoirs publics, la HAS peut être amenée à donner un avis défavorable au maintien de tel ou tel médicament ou de telle ou telle classe pharmacothérapeutique sur la liste des médicaments remboursables. Il s’agit alors pour la HAS de remplir sa mission de gestion dynamique du panier de biens et services remboursables (inscrite dans la loi du 13 août 2004 portant réforme de l’assurance maladie) [7], en vue de permettre d’affecter prioritairement les financements collectifs à la prise en charge des traitements les plus performants et les plus utiles, quitte à déclasser ceux dont l’efficacité et l’efficience sont les plus discutables. C’est ainsi que, ces dernières années, certains groupes de médicaments ont été « rétrogradés » et se sont vu attribuer un service médical rendu insuffisant. Ils ont été proposés au déremboursement, du fait de l’existence de produits plus récents et plus performants ou en considération de la médiocrité de leurs performances intrinsèques. Les déremboursements auxquels ces réévaluations ont conduit — et dont l’impact financier a été faible au regard du coût résultant des inscriptions des nouveaux produits —, n’ont nullement nui à la qualité de la prise en charge de la population et s’inscrivent dans un système privilégiant l’accès des patients au vrai progrès thérapeutique [8]. Reste, bien sûr, à s’entendre sur ce qu’est le vrai progrès thérapeutique. Il est, à ce propos, souhaitable de rappeler qu’une innovation n’implique pas nécessairement un progrès tangible pour les patients. Or le progrès thérapeutique reconnu par la HAS est celui qui a du « sens » pour le patient [5].

DE NOMBREUSES PRISES EN CHARGE DÉROGATOIRES EN FAVEUR DE L’ACCÈS DES PATIENTS À L’INNOVATION

Indépendamment de la prise en charge à 100 % par l’assurance maladie des médicaments prescrits dans le cadre du traitement spécifique des affections dites de longue durée, il existe un certain nombre de procédures dérogatoires en faveur de la prise en charge de l’innovation en dehors des autorisations de mise sur le marché (AMM), pour un accès encore plus rapide des patients aux médicaments dont ils ont besoin. Ce sont les Autorisations Temporaires d’Utilisation, les Protocoles Thérapeutiques Temporaires et la mise en application de l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale.

L’accès et la prise en charge des médicaments avant leur AMM : les autorisations temporaires d’utilisation (ATU)

L’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS), seule habilitée à délivrer des AMM, peut délivrer, à titre exceptionnel, des ATU en faveur de médicaments qui ne disposent pas d’AMM en France mais qui sont, soit autorisés à l’étranger, soit en cours de développement [9]. Ces ATU ne s’entendent que dans le cadre de la prévention ou du traitement de maladies graves et/ou rares contre lesquelles on ne dispose pas encore de traitement approprié. En l’état des connaissances scientifiques, l’efficacité et la sécurité d’emploi de ces produits ne sont donc que « présumées ». Deux types d’ATU coexistent : les ATU nominatives et les ATU de cohorte. Les ATU nominatives sont délivrées pour un patient nommément désigné sous la responsabilité du médecin prescripteur. Les ATU de cohorte sont délivrées, dans le cadre de protocoles thérapeutiques et d’un recueil d’information, à la demande des firmes qui s’engagent à déposer une demande d’AMM. Ce dispositif original de mise à disposition anticipée des médicaments constitue une singularité française appréciée des professionnels de santé, des patients et de leurs associations et des firmes pharmaceutiques. Il concerne et a concerné « plusieurs centaines de spécialités pharmaceutiques et a permis notamment le traitement par de nouveaux médicaments, de plusieurs dizaines de milliers de patients en situation d’échec thérapeutique, et ceci, plusieurs mois avant leur AMM » [9].

L’accès et la prise en charge autorisés en dehors des indications de l’AMM

A l’hôpital : les protocoles thérapeutiques hors « Groupe homogène de séjour »

Il s’agit d’un dispositif réservé aux établissements de soins dans le contexte suivant :

certains médicaments coûteux sont pris en charge par l’assurance maladie en sus des prestations d’hospitalisation. Leur coût est intégralement remboursé aux établissements de santé (dans le cadre d’un contrat de bon usage passé avec l’Agence régionale de l’hospitalisation dont ils dépendent) si leur utilisation est conforme à l’AMM ou à des protocoles thérapeutiques actualisés définis conjointement par l’AFSSAPS, la HAS et l’Institut National du cancer (INCa) [10]. A défaut de conformité à l’AMM ou à un protocole thérapeutique, le prescripteur doit argumenter sa prescription et faire référence aux travaux des sociétés savantes ou à des publications dans des revues à comité de lecture. Les trois institutions ont défini en commun des critères permettant de retenir ou non une situation en fonction de sa légitimité scientifique. La situation no 1 correspond à l’existence d’une indication AMM. La situation no 2 est une situation temporairement acceptable compte tenu de l’existence d’un protocole thérapeutique temporaire (PTT) émis par les trois institutions. La situation no 3 correspond à une situation inacceptable, par exemple une non-indication démontrée, un usage dangereux, un rapport bénéfice/risque défavorable… Les autres situations, de rationnel scientifique peu documenté, ne font l’objet que d’une simple description des données disponibles : l’insuffisance de ces données n’a pas permis d’évaluer le rapport bénéfice/risque. On voit bien que la démarche générale consiste à permettre à certains patients d’avoir recours à des traitements dans des indications non labellisées, sans pour autant sacrifier la sécurité.

En ambulatoire : l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale

Lorsqu’il n’existe pas d’alternative appropriée, un médicament prescrit en dehors des indications remboursables pour le traitement d’une affection de longue durée ou d’une maladie rare peut faire l’objet d’une prise en charge dérogatoire pour une durée limitée, s’il figure dans un avis ou une recommandation formulée par la HAS après consultation de l’AFSSAPS [11]. L’utilisation de ce médicament doit être indispensable à l’amélioration de l’état de santé du patient ou pour éviter sa dégradation. Dans ces conditions, l’avis de la HAS doit comporter une appréciation motivée du bien-fondé du remboursement, en précisant notamment l’absence d’alternative thérapeutique ainsi que l’intérêt du médicament pour l’amélioration de l’état de santé du patient ou pour éviter sa dégradation.

Cette mise en perspective des différents dispositifs opérationnels pour la prise en charge des médicaments démontre que notre système de soins accueille et prend correctement en compte le progrès médicamenteux et que les patients dont l’état de santé le justifie bénéficient de l’introduction de ce progrès sans restriction ni rationnement. Le corollaire est que tous les progrès thérapeutiques médicamenteux issus de l’industrie pharmaceutique sont reconnus et pris en charge par la solidarité nationale et que, de ce point de vue, il serait difficile de soutenir que le médicament est maltraité en France.

UN RAPPORT SOCIÉTÉ — MÉDICAMENT TRÈS AMBIVALENT

Le constat, fondé sur l’analyse de la littérature, du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) dans son avis de 2006 sur le médicament, puis dans l’actualisation de cet avis en 2008 [12, 13], semble partagé par les acteurs du système de santé : les français sont, avec les nord-américains, parmi les premiers consommateurs de médicaments dans le monde. En Europe, la France est en tête pour la dépense moyenne par habitant. Elle est troisième dans le monde après les USA et le Canada [4, 12, 13], situation qui semble prévaloir depuis longtemps. Pour ce qui est du volume de la consommation pharmaceutique, dont la mesure ne va pas de soi et prête encore à discussion, les conclusions méritent d’être plus nuancées et de distinguer les différentes classes pharmaco-thérapeutiques. C’est ainsi que l’on peut seulement affirmer que les Français sont actuellement en tête pour la consommation de cinq parmi huit classes pharmaco-thérapeutiques citées : les antidiabétiques oraux, les antibiotiques oraux, les hypocholestérolémiants, les antidépresseurs et les tranquillisants. Encore cette situation paraît-elle mouvante aux observateurs, puisqu’un rapprochement (une convergence ?) semble s’amorcer entre les niveaux de consommation de la France et de quatre autres pays européens : Allemagne, Espagne, Italie, Royaume Uni [14-16]. Il n’en reste pas moins que le recours des français au médicament est très fort. Un recours excessif aux psychotropes était déjà signalé dans le rapport Zarifian en 1996 [17, 18]. Et cette « surconsommation » médicamenteuse ne semble nullement justifiée par les valeurs observées des indicateurs de morbi-mortalité de notre pays comparativement à celles de nos voisins européens [19]. En outre, elle ne peut qu’accroître le risque de iatrogénie médicamenteuse, particulièrement chez le sujet âgé.

En rapport avec cette situation et le débat qu’elle entretient, il est devenu classique de rappeler les résultats de plusieurs enquêtes ayant porté sur le pourcentage de consultations médicales donnant lieu à prescription médicamenteuse, dont celle publiée par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés en 2005 selon laquelle 90 % des consultations se concluent, en France, par la rédaction d’une ordonnance, contre 83 % en Espagne, 72 % en Allemagne et seulement 43 % aux Pays-Bas [12, 16]. La pression des patients sur leur médecin est évoquée comme facteur explicatif. Cette demande des patients, parfois très forte et très insistante en particulier de la part du sujet âgé, irait même jusqu’à concerner des médicaments d’efficacité ou d’utilité discutée, par exemple ceux auxquels la HAS a attribué un service médical rendu insuffisant (dont certains dénommés « vasodilatateurs céré- braux »). En fait, la prescription médicamenteuse, en tant que conclusion logique et quasi-systématique de la consultation médicale, pourrait tout aussi bien résulter d’un phénomène coutumier ou d’un simple malentendu entre médecins et patients sur leur demande de médicaments.

Il est également avéré mais le phénomène n’est pas, semble-t-il, spécifiquement français, qu’un certain nombre d’« usagers du système de soins » attendent du médicament autre chose que ce pourquoi il a été conçu et mis sur le marché : une solution (ou tout au moins une aide) à des difficultés passagères de nature très diverse dans leur vie quotidienne. C’est le phénomène bien connu du médicament « pour tout » ou du « tout médicament ».

Une autre particularité à évoquer dans le cadre de la relation de la société française au médicament, et en tant qu’explication partielle aux coûts médicamenteux plus élevés dans notre pays que dans d’autres, est l’appétence — on pourrait dire l’engouement — de nombreux prescripteurs et de nombreux patients pour les nouveaux médicaments, c’est-à-dire pour la nouveauté. En termes économiques, il s’agit d’un phénomène de structure [2, 3, 12, 15, 16] : les produits les plus récents et les plus onéreux sont préférés aux médicaments plus anciens (de surcroît souvent génériqués), même lorsqu’ils ne sont pas plus performants. Il en résulte un taux de pénétration des nouveaux médicaments plus rapidement élevé en France que dans d’autres pays européens. Ce phénomène de « lune de miel » n’épargne pas les classes médicamenteuses déjà les plus prescrites. C’est par exemple le cas des statines dans le traitement des hypercholestérolémies et des inhibiteurs de la pompe à protons dans le traitement d’un certain nombre d’affections oeso-gastro-duodénales. C’est aussi le cas des antihypertenseurs et il est à ce propos intéressant de noter combien la structure de consommation des antihypertenseurs dans le traitement de l’hypertension artérielle non compliquée a évolué en France ces dernières années, à la différence de ce qui est observé dans d’autres pays, au profit des sartans (les plus récents et les plus chers) [12, 16] et au détriment des diurétiques, des bêta-bloquants et même des inhibiteurs de l’enzyme de conversion. Ce qui a entraîné la production fin 2008 par la HAS [20], à la demande de la Caisse Nationale d’Assurance Maladie des travailleurs salariés, d’une fiche de Bon Usage des Médicaments intitulée :

« Comment choisir entre IEC et sartans ? » dont la conclusion est : « Les IEC et les sartans ont une efficacité similaire dans l’hypertension artérielle non compliquée…

Les sartans étant plus coûteux que la plupart des IEC, il est recommandé de prescrire un IEC en première intention et de réserver les sartans aux patients ayant une toux sous IEC. » Mais comment expliquer cet engouement des prescripteurs pour la nouveauté même en dehors de toute démonstration de réel progrès thérapeutique? En premier lieu par le désir du praticien de manifester vis-à-vis de son patient un aggiornamento régulier : il montre qu’il sait se tenir informé des acquisitions thérapeutiques récentes, qu’il est « à jour » et qu’il en fait profiter sans délai ses malades ; mais aussi et surtout par la force d’information, de persuasion et de vente des délégués médicaux de l’Industrie pharmaceutique [21] qui n’ont de motifs d’agir qu’en faveur du lancement des nouveaux produits et non pas en faveur des médicaments anciens, généricables ou même parfois déjà génériqués. A quoi s’ajoute sans doute, en particulier de la part des assurés sociaux, une certaine « insensibilité » au prix des médicaments, dès lors qu’ils sont remboursables. C’est bien pour limiter les consé- quences coûteuses de telles pratiques et de cet état d’esprit que des accords sont passés entre l’assurance maladie et les praticiens dans le cadre de la maîtrise médicalisée des dépenses et que le Comité économique des produits de santé [22] a souhaité limiter le nombre des entretiens en tête à tête du délégué médical et du praticien sur la prescription de certaines classes pharmaco-thérapeutiques, en particulier les statines. Et c’est avec le même objectif qu’un rapport de l’IGAS a recommandé aux pouvoirs publics en 2007 de rééquilibrer l’information reçue par les médecins généralistes sur le médicament, en « désarmant » la force de vente de l’industrie pharmaceutique et en mettant en place, à titre de contrepoids, une information neutre et impartiale du prescripteur par les autorités de santé, indépendamment des actions menées par l’assurance maladie. Reste à promouvoir davantage les prescriptions médicamenteuses en dénomination commune internationale afin de favoriser la prescription des génériques, à développer le sens de la lecture critique lors de la formation initiale des futurs professionnels de santé et à mettre en place une formation médicale continue plus indépendante du financement de l’Industrie pharmaceutique [21, 23] et insistant sur la précarité des certitudes comme sur les limites de la transposabilité dans la vie réelle des résultats des essais cliniques.

Il serait réducteur de limiter les aspects sociétaux du médicament à des considérations purement économiques. Le médicament, dont on oublie trop souvent de dire qu’il guérit, soulage et transforme la vie d’un nombre considérable de personnes, est aussi perçu comme un danger. Non pas seulement dans le cadre du concept de iatrogénie [24], notion qui n’appartient pour l’instant qu’aux autorités et aux professionnels de santé, mais surtout à travers ses effets indésirables attendus ou inattendus, en particulier ceux que le public suspecte qu’on lui cache. Et, de ce point de vue, la versatilité du public est une constante. Survient un nouveau médicament, le plus souvent les patients le portent très rapidement aux nues ; surviennent des effets indésirables graves, les citoyens et les associations de consommateurs accusent les firmes pharmaceutiques au minimum de fraude et les autorités d’enregistrement de laxisme, si ce n’est de corruption. C’est une tâche bien difficile et c’est une responsabilité bien redoutable que celles des autorités d’enregistrement chargées d’octroyer des autorisations de mise sur le marché c’est-à-dire de décider à un moment où on pense en savoir suffisamment sur un nouveau médicament (mais où, en fait, on en sait encore si peu, en particulier en termes de tolérance à l’échelle populationnelle) que son rapport bénéfice/risque est favorable [25]. Et, dans le public, ce sont parfois les mêmes qui, s’étant plaints de la lenteur prudente des autorités à accepter la mise sur le marché d’un nouveau produit dont ils attendent « monts et merveilles » (« enfant gâté » ?), hurlent avec les loups lorsqu’une expé- rience délétère de quelques mois de commercialisation fait retirer ce nouveau produit. Dans un cas, il est reproché à l’autorité d’enregistrement d’avoir inutilement retardé, par excès de rigueur et de formalisme, la mise à disposition d’un produit attendu et déjà adulé ; dans l’autre, on stigmatise les négligences de l’Administration et le médicament est honni (« bouc émissaire ?).

REMERCIEMENTS

L’auteur remercie Madame Marie-Pierre Py, Chef d’unité « Soutien et suivi d’activité » du Service Evaluation des médicaments (HAS) et le Docteur François Meyer, directeur de l’Evaluation médicale, économique et de santé publique (HAS) pour leur relecture contributive.

BIBLIOGRAPHIE [1] Sénat www.senat.fr Rapport d’information fait au nom de la commission des affaires sociales sur les conditions de mise sur le marché et de suivi des médicaments. Juin 2006 [2] DREES www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr. Études et résultats. Les dépenses de médicaments remboursables en 2007. No 634 Mai 2008 [3] DREES www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr. Études et résultats. Les comptes nationaux de la santé en 2007. No 655 Septembre 2008.

[4] Eco-Santé OCDE 2005 www.Source OCDE.org [5] Bouvenot G. — Quantification et valorisation du progrès thérapeutique médicamenteux par la Haute Autorité de santé. Bull. Acad. Natle. Méd ., 2006, 190, 893-904.

[6] Haute Autorité de santé. www.has-sante.fr Rapport annuel d’activité 2007 de la HAS.

[7] Loi no 2004-810 du 13 Août 2004 relative à l’assurance maladie. J. O. du 17 Août 2004 www.legifrance.gouv.fr [8] Haute Autorité de santé. www.has-sante.fr Recommandation de la Haute Autorité de santé sur le bien-fondé de la prise en charge des médicaments à service médical rendu insuffisant (2ème phase).

[9] Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. www.afssaps.fr Documentation et publications. Autorisations temporaires d’utilisation. Mise à jour 2 décembre 2008.

[10] Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. www.afssaps.fr Méthodologie générale d’élaboration des protocoles thérapeutiques « hors-GHS ».

[11] Haute Autorité de santé. www.has-sante.fr Méthode d’élaboration d’un avis et d’une recommandation relatifs à l’article L. 162-17-2-1 du code de la sécurité sociale.

[12] Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr Rapport du Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie Juillet 2007 [13] Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr Avis sur le médicament. Septembre 2008.

[14] Viens G., Levesque K., Chahwakilian P., El Hasnaoui A., Gaudillat A., Nicol G., Crouzier C. — Évolution comparée de la consommation de médicaments dans cinq pays européens entre 2000 et 2004 : analyse de sept classes pharmaco-thérapeutiques.

RESEARCH.CENTER@ESSEC.FR [15] L’assurance maladie ameli.fr Points de repère no 22 Mieux connaître les dépenses de médicaments : une comparaison méthodique de deux sources de données GERS et CNAMTS.

Décembre 2008 [16] L’assurance maladie ameli.fr Points de repère no 12. Comparaisons européennes sur huit classes de médicaments Décembre 2007 [17] Zarifian E. — Mission générale concernant la prescription et l’utilisation des médicaments psychotropes en France. Etude du CREDES Ministère de la santé, Paris 1996.

[18] Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. www.afssaps.fr Observatoire National des prescriptions et consommations des médicaments. Etat de la prescription et de la consommation des antidépresseurs en ambulatoire. Juillet 1998 [19] Assemblée nationale. www.assemblee-nationale.fr. — Rapport d’information sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments déposé par la commission des affaires culturelles, familiales et sociales. 30 avril 2008 [20] Haute Autorité de santé. www.has-sante.fr Bon Usage des Médicaments.

Les Inhibiteurs du système rénine-angiotensine dans l’HTA non compliquée. Comment choisir entre IEC et sartans ?

[21] Inspection Générale des Affaires Sociales www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr L’information des médecins généralistes sur le médicament. Rapport no RM 2007-136P septembre 2007 [22] Comité économique des produits de santé. www.sante.gouv.fr/ceps/ Accord cadre entre le CEPS et les entreprises du médicament.

[23] Cour des comptes. www.ccomptes.fr Communication à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l’Assemblée nationale. La consommation et la prescription de médicaments. Juillet 2007 [24] Trinh-Duc A , Doucet J, Trombert-Paviot B, Carpentier F, Bouget J, Queneau P. — Admission of elderly to French emergency departments related to adverse drug events. Therapie, 2007 , 62 , 437-41 [25] Bouvenot G. — Histoire des coxibs : précarité des certitudes.

Presse Med ., 2002, 31, 1444-5 DISCUSSION

M. Jean-Paul GIROUD

On peut regretter que la commission de transparence qui regroupe tant d’experts sur les médicaments ne s’exprime pas sur les médicaments non prescrits et non remboursables. Je suis étonné de certaines décisions de la commission de transparence sur l’évaluation de médicament comme l’alpha tocophérol dans le traitement des carences en vitamine E et ne faudrait-il pas une meilleure concertation entre la commission de transparence et la commission d’autorisation de mise sur le marché (AMM) ?

Dans le cadre de la HAS, les missions de la CT ne concernent en effet que les médicaments pour lesquels les firmes demandent le remboursement par la solidarité nationale.

Le rôle de la CT est donc essentiellement de se prononcer sur le bien fondé de cette prise en charge. Pour ce qui est de l’alpha tocophérol, la CT a toujours considéré que son remboursement était justifié dans des situations de carences avérées résultant le plus souvent de malabsorptions intestinales (comme certaines formes de la maladie de Crohn et la mucoviscidose), sources de polyneuropathies, de myopathies, de rétinopathies et d’atteintes du système nerveux central. La population cible des patients concernés ne dépasse pas dix mille personnes. Pour ce qui est de la concertation entre la HAS et l’AFFSAPS, une convention en matière d’information sur le bon usage des médicaments vient d’être signée entre ces deux instances.

M. Pierre AMBROISE-THOMAS

Votre excellent rapport souligne le fait que les français consomment trop de médicaments et les plus chers. Pour ma part, ceci est dû à la « pression » exercée par les visiteurs médicaux.

La situation pourra être améliorée par la place plus importante donnée à l’enseignement de la thérapeutique et de la pharmacologie. En revanche deux autres éléments ne sont-ils pas préoccupants : l’influence d’internet qui met l’accent sur les médicaments les plus innovants et donc les plus chers et la carte vitale qui donne aux patients l’illusion que le prix des médicaments n’a pas à être pris en compte ?

Certainement. Les enseignants de pharmacologie et de thérapeutique doivent se réapproprier pleinement, face aux délégués des laboratoires pharmaceutiques, leur rôle premier aussi bien en formation initiale qu’en formation continue (Développement professionnel continu), laquelle doit tendre vers plus d’indépendance. Mais le problème est aussi celui de la fiabilité et de la compréhension des informations fournies par Internet dans le domaine. Le contrôle d’Internet étant impossible, la HAS s’est lancée, pour une information neutre et impartiale, dans une politique de communication de documents brefs plus rapidement accessibles et plus lisibles. La mise en ligne des synthèses d’avis de la CT avant la commercialisation des nouveaux médicaments en est un exemple.

 

M. Henri LÔO

Il convient d’être prudent lorsqu’on dénonce la surconsommation des psychotropes. Y’a-t-il réellement une surconsommation d’antidépresseurs, en regard de la sous médicalisation des états dépressifs, dont 50 % ne sont pas traités et dont 50 % des cas traités le sont insuffisamment au niveau de la posologie et de la durée. Le rapport Zarifian que vous mentionnez n’était pas dénué d’esprit polémique, de philosophie « écologique » où la prescription du médicament s’opposerait à l’approche psychothérapeutique et où l’abstention thérapeutique est prônée comme une fin en soi, ne connaissant implicitement la réalité de la maladie mentale et la réalité de la souffrance et la réalité de la souffrance psychique. A ce niveau dénoncer la prescription des tranquillisants n’est ni thérapeutique ni éthique.

Je suis en phase avec votre remarque. Le rationnement serait inacceptable. Comme toujours, quand on considère une « pathologie » et ses entours, il y a les patients non pris en charge ou insuffisamment pris en charge (et ils sont souvent nombreux) et ceux, peut-être abusivement traités, dès lors qu’ils ne présentent pas la séméiologie diagnostique complète, mais qui ne doivent pas cacher les premiers. Aussi me suis-je contenté de rapporter des résultats d’enquêtes et de statistiques, en signalant l’évolution générale qui est une sorte de convergence rassurante avec nos quatre principaux voisins européens.

M. Charles-Joël MENKES

Le pari sur la prescription de nouveaux médicaments ne risque-t-il pas de retentir sur la capacité de recherche des firmes pharmaceutiques ?

La réflexion est d’importance. Le problème posé est celui de la politique générale du médicament de notre pays. Cette politique ne se fait pas à la HAS qui est une autorité scientifique indépendante du politique. En revanche, il nous appartient de reconnaître le progrès thérapeutique quand il nous est présenté, autrement dit de ne pas « passer à côté ». C’est ce que nous essayons de faire, et par rapport à nos voisins probablement pas trop mal, bien que ce ne soit pas à moi de le dire.

M. Gérard MILHAUD

Vous annoncez que vous acceptez 97 % des médicaments nouveaux dans la commission de transparence. Chiffre impressionnant. Mais il conviendrait de le ventiler sur les critères que vous définissez par l’amélioration du service médical rendu, ce qui serait très instructif pour être informé sur votre évaluation ou progrès thérapeutique. Qu’en est-il ? Existe-il une lune de miel entre votre commission, la commission économique du médicament et la commission médico-économique de la HAS ?

Je n’ai délibérément pas évoqué dans mon propos le problème de la détermination de l’amélioration du service médical rendu parce qu’il a fait l’objet d’une de mes précédentes lectures à la tribune de l’Académie. Pour ce qui est de nos rapport avec les structures en charge du médico-économique et de la fixation du prix des médicaments, il n’y a pas chevauchement. La commission Evaluation économique et de santé publique de la HAS, présidée par Lise Rochaix, intervient en aval de nous, dans le cadre général des réévaluations, à cinq ans, des performances des médicaments remboursés ; quant au Comité économique des produits de santé, il est destinataire de nos avis, mais nos fonctionnements sont totalement indépendants.

 

M. Patrice QUENEAU

Merci d’avoir souligné l’importance de la formation initiale et continue en pharmacothérapeutique des médecins ainsi que des pharmaciens et d’autres professionnels de santé.

La question d’une meilleure information des malades et de l’ensemble des citoyens est extrêmement délicate, face à la puissance des médias d’Internet… Comment aboutir à une plus large et meilleure connaissance du service médical rendu pour les citoyens ? La pression des malades sur les prescripteurs est majeure. Leur information objective s’impose. Comment l’améliorer (ainsi ou par tout autre moyen) afin de lui permettre d’être moins sensible aux effets de mode (lunes de miel…) ?

Les points majeurs sont ceux de l’information des associations de patients et de leur participation aux instances d’expertise. La HAS poursuit une politique de coopération avec les associations de patients qui participent à pratiquement toutes ses structures. Pour ce qui est de la CT, si la réglementation actuelle ne permet pas d’accueillir les associations comme membres ni même comme observateurs, le président de la commission a le droit — et il en use — de les auditionner en dehors des séances, souvent lors de la période dite contradictoire avec les firmes.

M. Pierre GODEAU

Quel est le rapport entre ATU et indications compassionnelles ? Le fait que la consultation médicale se termine presque toujours (85 %) en France par une prescription médicamenteuse est-il une qualité ou un défaut ? L’absence de prescription est effectivement mal vécue par le patient.

Les ATU de cohorte correspondent généralement à des médicaments en instance d’AMM. Pour les ATU nominatives, l’utilisation du produit doit-être scientifiquement étayée par le prescripteur et les experts de l’AFSSAPS. Il s’agit donc de bien plus que du compassionnel.Le fait qu’en France, une consultation se termine plus souvent qu’ailleurs par une ordonnance n’est pas, en soi, condamnable, me semble-t-il ; mais le phénomène doit nous faire réfléchir sur la durée de la consultation et le temps réservé à l’écoute du patient. La prescription médicamenteuse ne saurait être la contrepartie d’un manque de disponibilité du praticien, et le renouvellement des ordonnances systématique à chaque consultation.

M. André VACHERON

Dans votre excellente communication, vous avez évoqué le rôle des leaders d’opinion dans la diffusion des nouveaux médicaments. Ne faudrait-il pas y associer les résultats des grands essais multicentriques portant sur des milliers, voire des dizaines de milliers de patients acceptés comme des vérités absolues, mais parfois remises en question lors de l’utilisation du médicament dans la vie réelle avec le retrait du médicament par le concepteur industriel ?

On ne peut que souscrire à votre remarque. Le développement de l’enseignement de la lecture critique d’article, tel qu’il est prévu, dès la formation initiale des médecins, devrait permettre à nos confrères de prendre du recul par rapport à ces publications souvent contradictoires dans le temps et qui peuvent donner parfois à la littérature scientifique des allures de balancier. Il faut prendre conscience de la précarité des « certitudes », en tout cas de leur caractère provisoire. Pour ce qui est de la transposabilité des résultats des essais cliniques dans la vie réelle, nous savons bien qu’elle n’est jamais assurée. C’est pourquoi la bonne thérapeutique n’est pas seulement celle du malade « moyen », elle est surtout celle du malade singulier.

M. Pierre JOLY

On ne peut que vous féliciter pour votre action qui a permis de réduire les délais d’examens des dossiers de médicaments mettant ainsi les médicaments à la disposition des malades dans des délais convenables. En revanche l’ensemble des problèmes entrepreneuriaux ne restent-ils pas entiers si ce n’est accru ?

Le rôle de la CT dans le domaine est modeste : dire si un nouveau médicament vaut la peine d’être pris en charge par la solidarité nationale et à quel taux, essayer de quantifier le progrès thérapeutique apporté par les nouveaux médicaments compte tenu de dossiers qui ne comportent qu’exceptionnellement des comparaisons directes entre produits, et tenter de ne pas retarder de son fait la mise à disposition des nouveaux médicaments.

Faire en sorte de veiller à l’amélioration constante de la prise en charge des patients, sans se préoccuper du coût. C’est aux pouvoirs publics de prendre les décisions et de conduire la politique du médicament et la politique industrielle de notre pays.

 

<p>* Membre du Collège de la Haute Autorité de Santé, Président de la Commission de la Transparence — 93218, Saint-Denis la Plaine, Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine, Rhumatologie, Hôpital Sainte Marguerite — Marseille) ** Laboratoire de Santé publique, Faculté de médecine de Marseille Tirés à part : Professeur Gilles Bouvenot, même adresse Article reçu le 10 février 2009, accepté le 2 mars 2009</p>

Bull. Acad. Natle Méd., 2009, 193, no 3, 649-662, séance du 17 mars 2009