Publié le 12 avril 2021

Accélérer la vaccination contre la Covid-19

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Accélérer la vaccination contre la Covid-19
Communiqué de l’Académie nationale de médecine
12 avril 2021

L’enjeu majeur de sortie de la crise sanitaire actuelle est l’acquisition d’une immunité collective suffisante pour contrôler la circulation du SARS-CoV-2 et envisager le relâchement des mesures de restriction. Deux facteurs contribuent à cette immunité de groupe : la proportion de personnes ayant été infectées depuis le début de la pandémie, estimée à 20% de la population française, et la couverture vaccinale dont le taux vient de dépasser 18% des adultes pour la première injection.
L’immunité post-infectieuse repose sur les anticorps neutralisants qui persistent plus d’un an après une forme modérée ou sévère de Covid-19 et 6 à 8 mois après une forme asymptomatique [1], mais aussi sur la réponse cellulaire des lymphocytes T. Ce constat a conduit la Haute Autorité de Santé à recommander que la vaccination des personnes immunocompétentes ayant eu une infection confirmée par le SARS-CoV-2 soit différée de 3 à 6 mois après l’épisode infectieux et réduite à une seule dose [2].
Le taux de couverture vaccinale à atteindre pour contrôler l’épidémie a été rehaussé pour tenir compte de la transmissibilité augmentée du variant B.1.1.7, dit « britannique », devenu prédominant dans l’ensemble du territoire métropolitain. Selon les modélisations de l’Institut Pasteur, il faudrait vacciner plus de 90% de la population adulte pour parvenir à cet objectif tant que la vaccination des enfants n’est pas envisagée [3].
Ces estimations renforcent la perspective d’une circulation durable du SARS-CoV-2, qui peut être propice à l’émergence de nouveaux variants, avec ses conséquences délétères sur la santé publique et la vie économique du pays. Elles imposent d’accélérer la campagne de vaccination de masse malgré les difficultés d’approvisionnement et la perte de confiance du public dans certains vaccins.

Deux études très récentes (avril 2021) démontrent qu’une seule dose d’un vaccin à ARN messager confère rapidement une protection très élevée. La première, menée en population cible, par les Centers for Disease Control and prevention (CDC) des USA montre qu’une seule dose (BioNtech/Pfizer ou Moderna) confère une efficacité protectrice de 80% contre l’infection deux semaines après l’injection, la seconde dose élevant ce taux de protection à 90% [4]. La deuxième étude, menée au Royaume Uni chez le personnel hospitalier alors que le virus circulant était le variant B1.1.7, a estimé à 72% l’efficacité protectrice du vaccin BioNtech/Pfizer vingt-et-un jours après la première dose et à 86% sept jours après la seconde dose [5].
Ces données très convaincantes permettent de reconsidérer aujourd’hui la recommandation faite par l’Académie nationale de médecine de ne différer l’injection de la seconde dose de vaccin à ARN messager que chez les personnes âgées de moins de 50 ans et sans excéder un dépassement de 3 semaines [6]. Devant la nécessité de presser la campagne vaccinale malgré les limitations d’approvisionnement en vaccins, en s’appuyant sur les travaux de modélisation de la couverture vaccinale, un délai plus long, de l’ordre de 6 mois, permettrait d’atteindre une immunité collective beaucoup plus rapidement avec le même nombre de doses tout en assurant une protection individuelle satisfaisante.

L’évolution actuelle de l’épidémie en France, sous la pression du variant B1.1.7, et les contraintes d’approvisionnement en vaccins imposent une adaptation urgente de la stratégie vaccinale. Aussi, l’Académie nationale de médecine recommande :
– de reporter la vaccination des personnes ayant été infectées par le SARS-CoV-2, sur la foi d’un test RT-PCR positif, à 6 mois après la date de positivité de ce test ;
– de retarder de 6 mois la date de la seconde injection de vaccin à ARN messager chez les personnes immunocompétentes âgées de moins de 55 ans ;
– d’élargir ainsi la population des personnes pouvant recevoir une première injection de vaccin à ARN messager ce qui permettrait de la proposer au plus tôt aux personnes très exposées, notamment aux professionnels de l’enseignement.

1. Lau EHY et al. Neutralizing antibody titres in SARS-CoV-2 infections. Nat Commun 2021 ; 12(1) : 63.
2. HAS. Stratégie de vaccination contre le SARS-CoV-2 : Vaccination des personnes ayant un antécédent de Covid-19. 11 février 2021
3. Bosetti P et al. A race between SARS-CoV-2 variants and vaccination: The case of the B.1.1.7 variant in France, HAL Pasteur 2021
4. Thompson MG et al. Interim Estimates of Vaccine Effectiveness of BNT162b2 and mRNA-1273 COVID-19 Vaccines in Preventing SARS-CoV-2 Infection Among Health Care Personnel, First Responders, and Other Essential and Frontline Workers — Eight U.S. Locations, Dec 2020–March 2021. MMWR 2021, 70 ; 13 : 495-500.
5. Hall VJ et al. Effectiveness of BNT162b2 mRNA vaccine against infection and COVID-19 vaccine 2 coverage in healthcare workers in England, multicentre prospective cohort study (the 3 SIREN study). Lancet 2021 (preprint).
6. Communiqué de l’Académie nationale de médecine « Élargir le délai entre les deux injections de vaccin contre la Covid-19 : quels risques pour quels avantages ? », 11 janvier 2021