Communiqué
Séance du 21 juin 2001

A propos du risque de légionellose dans les établissements thermaux

MOTS-CLÉS : balnéologie. évaluation risque.. legionella pneumophila. légionnaires, maladie
On risk management of Legionnaires’ disease in hydrothermal areas
KEY-WORDS : legionella pneumophila. legionnaires’ disease. risk assessment.. spa

H. Leclerc, Cl. Boudène

Le risque de légionellose en milieu thermal est lié à la présence de Legionella potentiellement pathogènes dans l’eau soit à la source, ce qui est exceptionnel, soit, ce qui est le cas le plus fréquent, dans le réseau de distribution de l’établissement où leur multiplication peut entraîner une forte contamination aux points d’usage. La gestion de ce risque consiste donc à réduire le taux de Legionella dans l’eau et aux points d’usage de telle sorte qu’il fasse courir un minimum de risques aux curistes.

Du point de vue épidémiologique

Il existe plus de 40 espèces de bactéries du genre

Legionella qui végètent dans l’environnement aquatique naturel, dont quelques-unes seulement sont potentiellement pathogènes. Parmi celles-ci, Legionella pneumophila est de loin la plus fréquemment rencontrée. En 1999, le nombre de cas recensés de légionellose en France a été de 440 (enquête de l’Institut de Veille Sanitaire ;

BEH /2000 no 52) et l’espèce L. pneumophila représentait 98 % des cas diagnostiqués (396/405) pour lesquels l’espèce était précisée. Dans ces conditions les normes à définir pour l’eau devraient concerner uniquement les Legionella potentiellement pathogènes et, dans l’état actuel de l’épidémiologie, l’espèce

L. pneumophila .

Il est communément admis que la transmission de la légionellose s’effectue par inhalation d’aérosols infectieux. La possibilité de contamination par voie digestive reste hypothétique. Il n’y a pas de transmission d’individu à individu.

Il résulte de ces données que certaines pratiques thermales (aérosolisation) augmentent le risque de transmission alors que d’autres (ingestion, soins à l’origine d’un contact avec les autres muqueuses internes) ont une très faible probabilité de transmission, d’où la nécessité de moduler les valeurs normatives selon les usages.

Du point de vue écologique

Les

Legionella sont naturellement présentes dans les eaux de surface. Elles sont communément isolées dans les réseaux de distribution d’eau potable et plus encore dans les circuits sanitaires d’eau chaude, en raison de la température qui favorise leur multiplication. Elles peuvent se transformer en formes viables mais non cultivables, ce qui tend à les pérenniser dans le milieu.

Elles se multiplient abondamment dans les biofilms. De nombreuses études ont mis en lumière le rôle majeur des amibes dans l’épidémiologie des légionelloses : après l’ingestion des bactéries, les amibes produisent des vésicules fortement chargées en Legionella . Toutes ces remarquables propriétés contribuent à la survie et à la croissance de ces bactéries et finalement à la plus ou moins forte contamination du milieu. Il est illusoire de vouloir éliminer définitivement les Legionella des réservoirs ou des circuits de distribution, protégées qu’elles sont sous forme viable mais non cultivable, ou dans les biofilms, ou encore dans les formes enkystées des protozoaires prédateurs. Les traitements thermiques ou d’hyperchloration pourront seulement réduire leur nombre, voire les faire disparaître momentanément. Ces traitements peuvent en outre détruire la flore bactérienne autochtone qui assure le maintien de l’équilibre biotique.

Évaluation et gestion du risque légionellose

L’évaluation d’un risque vise à définir la probabilité d’apparition d’un danger (ici, la légionellose) en fonction de la concentration de l’eau en Legionella . Les modèles mathématiques utilisés dans le cas de certains pathogènes de l’eau sont inapplicables dans le cas de la légionellose. On connaît mal, en effet, les facteurs d’exposition, c’est-à-dire les relations [ Legionella ] eau — [ Legionella ] air — [

Legionella ] poumon. On ne connaît pas davantage les doses minimales infectantes. La gestion du risque peut seulement tenir compte des données épidémiologiques et écologiques rappelées ci-dessus et résumées comme suit :

1. Il importe de privilégier la recherche de Legionella pneumophila , l’espèce, de loin, la plus fréquemment responsable de cas de maladie.

2. Le taux 0 de Legionella (pour 1 litre d’eau) étant impossible à atteindre, il importe de définir des valeurs acceptables.

3. La démarche formalisée d’analyse des risques prévoit trois niveaux de valeur pour pallier cette situation :

une valeur cible correspondant à la qualité de l’eau la meilleure que l’on veut atteindre pour le plus faible risque ;

une valeur d’intervention dite impérative correspondant à une qualité d’eau que l’on juge inacceptable avec un risque probable ;

une valeur d’alerte, correspondant à une qualité d’eau intermédiaire entre les 2 précédentes, permettant au gestionnaire de mettre en œuvre des mesures correctives.

4. Les valeurs choisies devraient être distinctes selon les catégories d’usage.

Les soins pratiqués dans les « piscines thermales » faisant l’objet d’une circulaire d’application spécifique, les valeurs normatives à définir pour l’eau concernent les deux catégories d’usage suivantes :

• voies respiratoires, muqueuses oculaires et ORL ;

• muqueuses des voies digestives et autres muqueuses internes.

5. Les valeurs normatives les plus adaptées pour l’eau et ses usages en milieu thermal pourraient être les suivantes ( L. pneumophila /1 litre) 1 – Voies respiratoires, muqueuses oculaires et ORL.

2 – Muqueuses des voies digestives et autres muqueuses internes.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 26 juin 2001, a adopté le texte de ce communiqué à l’unanimité (deux abstentions).

 

Bull. Acad. Natle Méd., 2001, 185, no 6, 1187-1189, séance du 26 juin 2001