Rapport
Séance du 11 mars 2008

08-03 Sur la demande d’autorisation d’exploiter, en tant qu’eau minérale naturelle, telle qu’elle se présente à l’émergence et après transport à distance, l’eau du captage « Caldane » situé sur la Commune de Poggiolo (Corse du Sud)

MOTS-CLÉS : eau minérale. poggiolo (corse du sud).. source « caldane »

Claude Molina (au nom de la Commission XII — Thermalisme et Eaux minérales)

Claude MOLINA *

Historique

Poggiolo est une commune montagnarde et forestière, de Corse du Sud dépendante d’Ajaccio, d’une altitude de 550 mètres, d’une population de 95 habitants.

La source de Guagno (Commune rattachée en 1880 à Poggiolo) a connu son apogée à la fin du 19° siècle. Les griffons, captés à une date indéterminée, ont été redécouverts en 1972. Depuis l’arrêté ministériel de Mars 1976 jusqu’en 1999, la source Venturino, propriété du Conseil Général de Corse du Sud, a été exploitée dans l’Établissement thermal de Guagno pour des soins en Rhumatologie et traumatismes ostéo-articulaires. Mais la découverte, dès 1993 de la contamination chronique des eaux par Legionella Pneumophila a entraîné la fermeture de l’établissement et la suspension de l’autorisation. Le Conseil Général a fait réaliser en 2002 deux forages F1 : le forage Caldane, profond de 140m objet de la nouvelle demande et F2 qui ne sera pas exploité.

État actuel du dossier

Par courrier en date du 28 Novembre 2006, la Direction Générale de la Santé sollicite l’avis de l’Académie de Médecine sur cette demande.

A noter que, suivant les experts de l’AFSSA, le captage Caldane, alimenté par des eaux profondes et d’une température élevée : 63° (peu propice au développement des Légionelles) et exploité par artésianisme au débit maximum de 5m3/h, bénéficie, d’une conception et d’un équipement réalisés dans les règles de l’art.

Certes il existerait des interconnexions hydrauliques entre F1, F2 et la source Venturino, mais, il ne serait pas souhaitable, pour ces experts, de fermer Venturino dont l’eau, soigneusement captée est maintenue en surface, est évacuée hors du périmètre sanitaire et rejetée dans un petit ruisseau.

Ce périmètre sanitaire d’émergence est défini par un cercle de 100m de diamètre, centré sur le local de captage situé à l’intérieur d’une parcelle partiellement grillagée.

Par ailleurs les installations de transport et de stockage de l’eau sont satisfaisantes.

Analyses règlementaires :

Physico-Chimiques :

L’eau du captage Caldane fait partie du groupe des eaux chaudes, faiblement minéralisées, sulfurées, sulfatées sodiques et riches en silice. Elle contient aussi un taux de Fluor de 6,48 mg/l supérieur aux normes admises. (Rappelons que le décret du 20/12/2001 donnait comme limite supérieure le taux de 1,5mg/l tandis que la directive européenne du 16/5/2003 reprise par l’arrêté du 10/11/2004 l’établissait à 5 mg/l.).

La recherche par l’AFSSA de composés organo-halogénés volatils et BTEX (Benzène, Toluène, Ethylbenzène, Xylène), de pesticides organo-chlorés, azotés, phosphorés, de phénylurées, d’Hydrocarbures aromatiques polycycliques, s’est révélée négative, aussi bien à l’émergence qu’après transport à distance, témoignant d’une grande stabilité de l’eau minérale Bactériologiques :

Les analyses effectuées en 2005 sur les eaux de la source Caldane ont montré un taux de Légionelles inférieur à 250 UFC/ml ce qui est considéré comme acceptable par l’AFSSA tandis que l’arrêté de Juillet 1991 fixait la limite à 102 pour tous usages : boissons et usage externe : bains, douches ; rappelons aussi les valeurs cible < 50 et d’alerte ≥ 100 au point d’usage, pour les muqueuses digestives, selon H. Leclerc et C. Boudène.

Radioactivité :

Aucune analyse n’a été mentionnée dans le rapport de l’AFSSA ni dans le dossier qui nous a été fourni.

Enfin, il faut signaler l’avis favorable à la demande d’exploitation de l’eau du captage Caldane, de la DRIRE de Corse, de la DDAS de Haute-Corse et de Corse du Sud, du Conseil Départemental d’Hygiène de Haute-Corse et de Corse du Sud, et du Préfet du Département de Haute-Corse et de Corse du Sud, Dossier Médical — Il est totalement absent ;

— il n’existe en effet aucune précision quant à l’utilisation de l’eau minérale, ni dans ses modalités d’administration ;

— il n’y a aucune mention de l’équipement de l’établissement thermal fermé depuis plusieurs années (en bains, douches, piscines ?) ;

— la présence d’un ou plusieurs médecins, voire d’auxiliaires médicaux, n’est pas signalée ;

— il n’y a aucun renseignement sur l’efficacité éventuelle de la cure, même si l’on se doute que l’eau chaude sous forme de bains ou douches puisse améliorer les manifestations rhumatismales ou les séquelles de traumatisme ostéo-articulaire.

— Enfin la présence de taux élevé de Fluor contre-indique la consommation publique d’eau thermale, qui, comme le signale le rapport de l’AFSSA ne peut être administrée que sous contrôle médical (encore faut-il qu’il y en ait un !) Bilan des informations recueillies

Au vu des informations et des analyses du dossier, et selon le rapport de l’AFSSA l’eau du captage Caldane répondrait, à l’émergence, aux exigences sanitaires usuelles, aux conditions suivantes :

— l’exploitation doit être réalisée par artésianisme au débit maximum de 5m3/h et la protection des installations doit être assurée (périmètre sanitaire entièrement clôturé et exempt de tous travaux) ;

— la tête du forage F2 doit être protégée pour éviter toute infiltration d’eaux parasites ;

— un contrôle bactériologique doit être effectué, au moins une fois par an, et avant le démarrage de la saison thermale ;

— l’exploitation du forage F2 doit être évitée, étant donné les risques de contamination bactériologique, compte- tenu des interactions hydrauliques entre les forages.

Mais surtout, il paraît indispensable d’étayer le dossier par une série d’éléments d’information médicale sur les modalités et l’intérêt de la cure thermale de Guagno-Poggiolo.

C’est pourquoi, la commission XI réunie, une première fois le 12 Juin 2007, a proposé de surseoir à la demande d’exploitation précitée, en attendant les éclaircissements nécessaires, d’ordre médical et thérapeutique, en application des règles édictées par l’ANM pour toute demande nouvelle d’exploitation d’eau thermale (P. Queneau et B. Graber-Duvernay).Or, en réponse à la demande formulée par le Secrétaire Perpétuel de l’Académie de Médecine et par lettre en date du 11 Octobre, le Président du Conseil Général de Corse du Sud (M. J.P de Rocca Serra) nous informe que « du fait de la fermeture de l’Établissement de Guagno-les-Bains depuis 1999, je ne peux fournir d’élé- ments relatifs à son équipement. Par voie de conséquence il en va de même sur les données relatives à la présence de médecins ou d’auxiliaires médicaux sur la station. »

CONCLUSION

Dans ces conditions, la Commission Thermalisme et Eaux Minérales (commission XII) réunie le 6 Novembre 2007 sous la présidence du Pr. Boudène, propose à l’Académie de rejeter cette demande d’exploitation.

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L’Académie, saisie dans sa séance du mardi 11 mars 2008, a adopté le texte de ce rapport moins cinq abstentions.

* Membre correspondant de l’Académie nationale de médecine

Bull. Acad. Natle Méd., 2008, 192, no 3, 591-594, séance du 11 mars 2008